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1372 - Charles V accorde des privilèges aux habitants des Iles de Ré et d’Aix
mardi 10 avril 2012, par , 624 visites.
L’année 1372 est très agitée en Aunis. Du Guesclin vient de reconquérir la province sur les Anglais. Charles V confirme par ses édits la situation nouvelle créée par cette reconquête, et, pour se concilier les bonnes grâces des habitants et encourager leur fidélité à la couronne de France, il passe l’éponge sur les années passées sous autorité anglaise et leur accorde de nouveaux privilèges.
On notera qu’à cette époque, l’Ile de Ré se composait de deux îles : l’île de Ré proprement dite, et l’île de Loix (Leys), aujourd’hui attachées l’une à l’autre.
Source : Ordonnances des roys de France de la troisième race - Denis-François Secousse - Paris - 1736 - BNF Gallica
Charles V. à Paris, au Château du Louvre en Décembre 1372.
Privileges accordez aux habitants des Isles de Ré, d’Ays & de Leis.
Trésor des Chartres, Registre 103. Pièce 379.
Sommaires.
1- Le Roy dispense les habitans des Isles de Ré, &c. du serment qu’ils ont fait à leur Seigneur, de demeurer sous l’obeissance du Roy d’Angleterre. 2- Les Seigneurs de ces Isles seront conservez dans les dtoits & revenus de leurs Seigneuries , pourvu qu’ils en rendent au Roy l’hommage et les devoirs qui lui sont dûs. 3- Les habitans de ces Isles seront traitez comme bons sujets du Roy, & il ne leur sera fait aucun tort. 4- Rémission accordée à ces habitans, de tous les délicts & crimes qu’ils ont pu commettre, même de ceux de leze-Majesté ; sauf les droits d’autrui, qui pourront être poursuivis au Civil. 5- Confimation des privileges & droits de ces habitans. 6- lls seront sous la sauvegarde du Roy, de laquelle ils ne pourront se servir les uns contre les autres. |
- 7- L’on ne pourra mettre de garnison dans ces Isles, sans le consentement des habitans ; si ce n’est suivant l’ancien usage, en cas de necessité, pour la defense de ces Isles & des pays voisins.
8- L’on ne pourra contraindre les habitans à aller à la guerre, ni à sortir de leur païs ; si ce n’est conformement a l’ancien usage. 9- Suivant le privilege de ces Isles, on n’y levera point d’autres nouvelles impositions, que celles qui seront levées dans tout le Royaume ou dans la Senechaussée de Saintonge. 10- On ne fera point de Prise dans ces Isles, si ce n’est en payant comme de Marchand à Marchand, & conformement a la Coutume ancienne des Roys de France. 11- Les habitans de ces Isles qui sont absents, pourront y revenir dans un certain temps, & jouiront des privileges accordez par ces Lettres. |
CHARLES par la grace de Dieu Roy de France. Savoir faisons a tous presens & avenir que comme en la prise ou renduë des Yles de Ré, d’Ays et de Leis, du pays de Xantonge, qui nagaires par la grace de Dieu, & l’ayde de noz bien amez Jehan de Rie Seigneur de Balençon, nostre Chevalier & Conseiller, de Morelet de Montmor, & d’autres leurs alliez nos bien weillans, sont revenuz & ramenez à nostre obéissance & subjeccion, certaines promesses aïent esté faictes par les diz nostre dit Conseiller, & Morrelet de Montmor, pour Nous, aus habitans des dictes Yles, ou acuns d’eulx pour touz, par la maniere que plus à plain est contenu en unes Lettres scellées soubz les seaulx dudit nostre Conseiller & dudict Morrelet, desquelles la teneur s’ensuit.
A tous ceulx qui ces presentes Lettres verront & orront Jehan de Rie Seigneur de Balençon, Chevalier & Conseillier du Roy nostre S. & Morrelet de Montmor : Salut. Savoir faisons que en nostre venue es Parties de Xaintonge, pour conquerre au plaisir de Dieu le païs par fait de guerre ou autrement, & ycellui & le peuple illec habitant convertir & mettre a la subjeccion & obeissance du Roy noitre S. ainsi comme par raison estre doivent, nous sommes arrivez & descenduz es Ysles de Ré, d’Ais & de Leis du dit pais de Xaintonge ; & apres ce que nous & les habitans ès dictes Yles, eusmes eu assez debaz par fait de guerre & autrement, les diz habitans requirent avoir parlement a nous, & nous distrent que l’une partie d’iceulx des dictes Ysles estoient subgets de noble homme Mess. de Craon & de Madame de Touars sa femme ; & les autres estoient subgets de l’Abbé & Couvent de Saint Michau en Lers [1], & a eulx ou autres personnes aians povoir souffisant d’eulx, & de chascun d’eulx, selon ce que à lui appartenoit, avoient fait foy & serement de leur estre bons, vraiz & loyaux subgets, sous l’obeissance du Roy d’Engleterre, & du Prince son ainsné Filz, sens eulx en departir en aucune maniere, ne rendre les Forteresces de ladicte Ysle à quelconques personnes, fors a eulx ou a leur certain commandement, selon ce que & un chascun deulx appartenoit, sans leur congié & licence & especial commandement ; & que dure chose leur feroit eulx vertir & tourner en autre obeissance, sans autre provision & dispensacion avoir sur ce des diz Sire & Dame de Craon & dudit Abbé ; & pour ce apres les diz debaz, nous & les diz habitans & bien avans es dictes Ysles, avons fait les convenances & accordances qui s’ensuivent.
Premierement. Les diz habitans & bien avans, pour eschever toute guerre, & le peril qui pour raison de la guerre leur povoit enfuir, se sont mis & renduz en l’obéissance du Roy nostre S. & ont jure & promis aux sains Euvangiles de Dieu, en noz mains, nous prenans & recevant le serement pour & ou nom du Roy noftre S. que ils feront & demourront perpetuelment d’oresenavant bons, vrais & loyaux Francois & subgets du Roy nostre dit Seigneur, & en son obbeissance ; & en nostre presence ont prins la voix [2] du Roy nostre dit Seigneur, & mis ses Penons & Bannieres ès Forteresces des dictes Ysles ; & parmi ce que nous leur avons promis, convenancié & accordé, promettons, convenançons & accordons les choses qui s’ensuivent.
(1) Et premierement, Que ledit serement par eulx fait aus diz Seigneur & Dame de Craon & audit Abbé, comme dessus est dit, nous leur ferons quittier entierement par le Roy nostre dit Seigneur, & leur ferons quittier & remettre toute peine corporele, criminelle & civille, que pour cause dudit serement non gardé, ils pourroient avoir encouruz vers ledit Seigneur & Dame de Craon & vers ledit Abbé, & vers chascun d’eulx, en tant comme il lui touche & puet touchier & appartenir.
(2) Item. Que les prouffis & emolumens, revenues & drois qui appartenoient & appartiennent aus diz Seigneur & Dame de Craon & audit Abbé, & a chascun d’eulx en droit soy, leur demourront enterinement, toutevois en faisant les diz Seigneur & Dame & ledit Abbé, l’omage & le devoir qu’il sont tenuz de faire au Roy nostre S. pour raison des dicles Ysles, chascun en droit soy, de la Seignourie qui lui appartient.
(3) Item. Et que nous ferons les diz habitans & bien avans estre tenus & traictiez par le Roy nostre dit Seigneur, & les tendrons & traicterons comme ses bons, vrais & loyaux subgets, sans ce que pour la rendue que il ont fait au Roy noftre S. des dictes Yles, ou pour ce que ils se sont mis en sa subjeccion & obeissance, ne pour autre cause quelconques, l’en leur prengne leurs corps ne leurs biens, ne Ieur face aucun grief ou prejudice en aucune maniere.
(4) Item. Que se les diz habitans & bien avans ou aucun d’eulx, ont fait, perpetré ou commis ou temps passé, aucuns crismes ou autres deliz, pour occasion desquelz eulx ou aucuns d’eulz eussent encouru aucune peine corporelle, criminelle ou civille, tant pour raison de crime de leze-Majesté, de murtre, de larcin, dencendement & de ravissement, de violence ou de rapine, comme de autres cas quelconques criminelz ou civilz, des quelz il eussent eu remission ou temps passé du Roy nostre S. ou d’autres Seigneurs quelconques aïans povoir a ce, que nous leur ferons les dictes remissions estre confermees par le Roy nostre dit Seigneur ; & se remission n’en avoient eu, nous les leur ferons estre donnees de nouvel plainnieres par nostre dit Seigneur ; sauf le droit dautrui a poursuir civilement tant seulement.
(4) Item. Que eulx & chascun d’eulx demourront & seront gardez en touz les privileges, franchises , possessions, saisines & observances, en quoy eulx & chascun d’eux ont esté ou temps passé ; & que les dictes franchises, possessions, saisines & observences leur seront gardeez entierement sens aucune chose enfraindre, muer ou innover, pour raison de ce que il ont esté en l"obbeissance dudit Prince & contre le Roy nostre S. ne par puissance desordonnée ne autrement, pour quelconques raison que ce soit ; mais se aucune chose a esté faicte, attemptée, muée ou innovée au contraire, nous leur ferons estre ramené au premier estat & deu, sans ce que en aucune maniere il leur puist estre tourné à conséquence.
(6) Item. Que conjointement & diviseement, ils seront en la protection & sauvegarde especial du Roy nostre S. seellés en las de soye & cire vert, sans ce que de ladicte sauvegarde ils se puissent aidier l’un contre l’autre, en aucune maniere.
(7) Item. Que l’en ne pourra mettre aucun Capitaine ou Capitaines ou Gens d’armes ès Forteresses des dictes Ysles, ne en aucunes d’icelles, sans la voulenté & consentement des diz habitans & bien avans ; toutevoies se ce n’estoit pour raison de necessité, pour la garde & deffense des dictes Ysles & du pays d’environ, selon la coustume ancienne.
(8) Item. Que l’en ne contraindra les diz habitans ne aucun deulz, a faire Ost ne Chevauchée, ne à issir hors du pais, par mer ne par terre, sinon selon la coustume encienne des dictes Ysles.
(9) Item. Que l’en ne mettra ès dictes Ysles aucunes Imposicion ou subvencion sans le consentement des diz habitans & bien avans, se ladicte Imposicion n’estoit accordee par tout le Royaume de France, ou en la Seneschaucie de Xaintonge ; tenuz & gardez sur ce les privileges, usaiges & anciennes coustumes des Ysles.
(10) Item. Que I’en ne fera aucune provision estre faicte ès dictes Ysles, par nulz Capitaines, Seneschaux ou autres Officiers ou Commissaires du Roy nostre S. ne par autres personnes quelconques, par Mer ne par Terre ; senon en paiant comrne de Marchant a Marchant, & selon la Coustume ancienne des Roys de France.
(11) Item. Que se aucuns des diz habitans & bien avans, de quelconques estat ou condicion que ils soient, estoient ou sont absens des dictes Ysles, & ne aïans esté presens à ces presentes covenances, que pour ce II ne leur tournera a aucun préjudice ; mais seront compris ès dictes convenances, & auront licence de retourner ès dictes Ysles, jusques au terme de Noël prouchain venant ; & que durant ledit temps, ils & chascun d’eulx, pourront aler seurement par Ies dictes Ysles & par touz Ies autres lieux du Royaume de France, sans ce que pour ce l’en leur puist arrester leurs corps ne leurs biens en aucune manière, ne que pour l’absence d’eulz ès dictes Ysles, leurs biens puissent estre confisquez & acquis au Roy nostre S. ne a autres quelconques.
Toutes Iesquelles choses dessus escriptes, & chascunes d’icelles, Nous leur avons promis & juré, promettons & jurons de leur estre tenuës & faire estre gardées a nostre povoir, sens enfraindre, par le Roy nostre dit Seigneur, & de leur en faire estre gardées a nostre povoir, Lettres seellées en las de soye & en cire vert, si bonnes & prouffitables comme faire se pourront a leur prouffit. Et ainsi nous & chascun de nous en tant comment à lui appartient ou puet touchier & appartenir, toutes les choses dessus dictes & chascunes d’icelies, tendrons & garderons bien & loyaument, & ferons estre gardées par ceux des dictes [3] Flotes, & par chascun d’eulx inviolablement sans enfraindre. En tesmoing de ce, nous avons fait mettre noz seaulx a ces Lettres.
Donné en l’Isle de Ré, le XXVIe jour d’Aoust, l’an de grace mil CCC. soixante & douze.
Nous pour consideracion des promesses que yceulx nostre Conseillier & Morlet ont faites pour Nous aus diz habitans, & la vraye obeissance que yceulx habitans Nous 0nt demontrée, en ce que si begninement sont retournés pardevers Nous, voulans pour ce les dictes promesses estre gardees & tenues, afin que les habitans des diz Ysles soient plus estrains & enclins de demourer touzjours en nostre subjeccion & obeissance, icelles voulons, leons, approvons, accordons, greons & ratifions, & par ces presentes, de nostre certaine science & grace especial confirmons : Donnans en Mandement au Seneschal de Xantonge,& a touz noz autres Justiciers, Officiers & Commissaires qui ad present sont & pour le temps avenir seront, & a leurs Lieux-tenans,& a chascun pour tant comme à lui appartientra, que les diz habitans des dicles Ysles ou aucun d’eulx, ne contraignent ou seuffrent estre contrains en aucune maniere contre la teneur dudit Traittie & promesses, ores ne ou temps avenir ; mais de ce les facent & seuffrent joir & user paisibiement sens empeschemens aucuns, en remettent au premier estat & deu, tout ce qui fait seroit ou auroit esté au contraire. Et que ce soit chose ferme & estable a touzjours, Nous avons fait mettre nostre seel a ces presentes : Sauf en autres choses nostre droit, & l’autrui en toutes.
Donné à Paris, en nostre Chastel du Louvre, l’an de grace mil CCCLXXII. & de nostre Regne le IXe on moys de Decembre.
Par le Roy, en ses Requestes. Hannequin.
[1] Saint Michau en Lers. Sanctus Michael in Eremo, Saint Michel en Lerm , de L’Ordre de Saint Benoist. Voy. Gal. Christ. secundae Editonis , tom. 2. p. 418.
[2] Voix. Vox suivant du Cange, signifie quelquefois le droit que l’on a sur une chose. Ainsi prendre la voix pourroit signifier, reconnoître le droit. Ces mots signifient peut-être aussi, suivre les ordres.
[3] Flotes. : II n’est point parlé de ces Flotes dans ce qui precede. Peut-être le Roy avoit-il des Vaisseaux auprès de ces Isles.