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1459 - A Varaize (17) des gens de guerre tuent un maréchal-ferrant récalcitrant

mardi 6 décembre 2011, par Pierre, 924 visites.

Les gens de guerre ont presque tous les droits, dans les villages où ils passent, dont celui de réquisitionner foin et avoine pour leurs chevaux. Un maréchal-ferrant de Varaize ne s’est pas laissé faire. Il est tué dans la bagarre, malgré l’aide de sa femme. Le roi Charles VII absout ses deux meurtriers "pour honneur & révérence de la benoist passion de Nostre Seigneur Jhesucrist".

Deux documents sont présentés ici : le premier concerne Bertrand de Montesquin, capitaine, et le second concerne Jean de Montesquin, écuyer, son cousin germain.

Source : Jean de Reilhac, secrétaire, maître des comptes, général des finances et ambassadeur des rois Charles VII, Louis XI et Charles VIII : documents pour servir à l’histoire de ces règnes, de 1455 à 1499, par Jean de Reilhac (1430-1505) - BNF Gallica

A Tours. Avril 1459.

Rixe entre gens de guerre et villageois.

Rémission pour Bertrand de Montesquin, capitaine sous la charge de Martin Henriquez. sénéchal de Saintonge.

(Sur parchemin)

Sommaire

Bertrand de Montesquin, étant allé avec d’autres réquisitionner des vivres pour ses chevaux, [NDLR à Varaize (Charente-Maritime)] aux environs de Saint Jean d’Angély, rencontra un maréchal ferrant qui refusa de lui en donner. Une dispute s’ensuivit dans laquelle le maréchal ferrant reçut un coup de dague et en mourut.

Charles, &c. Nous avoir receue lumble supplicacion deBertran de Montesquin [1], escuier, homme de guerre estant soubz la charge de nostre amé & féal chevalier, conseiller & chambellan Martin Henricques seneschal de Xaintonge [2] contenant que ou moy de Décembre dernier passé, environ la feste de Sainte Katherine, ledit suppliant, Jehan de Montesquin, son cousin germain, Jehan Dascon & Jehan Vigneron, tous de ladicte charge dudit seneschal allerent & se transporterent au lieu & village appelé Varese pres de la ville de Saint Jehan d’Angely [3] pour quérir des foings & avoynes pour la provision de leurs chevaulx. Auquel lieu & villaige ledit suppliant & ledit Jehan Dasquin se allerent logiers ensemble en certaine maison & disrent entre eulx qu’ilz yroient en certaines autres maisons ilec circonvoysines pour chasser dudit foing et de l’avoyne et autres choses a eulx necesseres, & ainsi le firent.

Refus d’un maréchal-ferrant de donner de l’avoine et du foin aux soldats

Et s’en ala ledit suppliant en une certaine maison & ledit Dascon en une autre & ce fait, tantost apres vint ledit Dascon devers ledit suppliant & lui dist que ung nommé Jehan Louateau mareschal demourant oudit villaige lui avoit esté & estoit fort rebelle & ne lui vouloit aucune chose donner, mais lui avoit cuidié faire dommage & rebellion. Requérant icellui suppliant qu’il print son espée & s’en vint apres lui, ce que ledit suppliant fist ; & suivy ledit Dascon piez nuz croyant qu’il feust ainsi comme ledit Dascon lui avoit dit, & non croyant que icellui Dascon voulsist faire aucun mauvaiz fait. Et quant ledit suppliant fut pres de ladicte maison du sieur Louateau, vit icellui Louateau qui s’enfuyoit & ledit Dascon qui le suivoit malicieusement & aussi deux femmes qui aloient apres ; lequel Dascon en fuyant, print ledit Louateau & le mena en sa maison & quant il fut pres d’icelle lesdictes femmes commencerent à crier, & audit cry & débat vindrent & seurvindrent plusieurs personnes dudit lieu, & en ce faisant n’estoit ledit suppliant en la compaignie dudit Dascon, mais en estoit bien loing & arrière d’eulx, & vit que ledit Dascon frappa ledit Louateau du poing ou il avoit ung ralhon [4] sur les machoéres dicellui Louateau & comment la fille dudit Louateau, en aidant à son dit père donna ung cop d’une pierre audit Dascon par le front & aussi sa femme tenant ung baston en ses mains le frappa & lui donna aucuns coups.

Intervention des femmes dans la rixe.

Et adonc ledit Dascon par force osta ledit baston des mains de ladicte femme & d’icellui la baty & aussi ladicte fille. Et apres ce icellui Dascon tenant son arbaleste en donna ung coup sur les machoeres de ladicte femme, & ce fait vit pareillement icellui suppliant comment d’icelle arbaleste icellui Dascon donna ung grant coup audit Louateau sur la teste & tellement que d’icellui il cheut à terre comme mort.

Les coupables se réfugient dans l’église de St-Jean-d’Angely pour ne pas être poursuivis
par la justice.

Et aprez ce vit oultre, ledit suppliant que ledit Vigneron dessus nommé tira sa dague & en frappa ledit Louateau ung cop ; & ces choses ainsi faictes ledit suppliant courroucié & desplaisant dudit cas ainsi advenu lui & ses dis autres compatgnons se absenterent pour doubte qu’ilz ne feussent pour ce prins & s’en alerent en franchise en l’eglise dudit Saint Jehan d’Angely [5], en laquelle ledit suppliant a esté par aucun temps, & aprez, pour ce qu’il a sceu que ledit Louateau est mort à cause de ladicte bateure

Crainte que le coupable ne quitte l’armée et n’émigre a l’étranger.

sest absenté & rendu fuytif par le pays & n’oseroit retourner ne soy tourner en son ordonnance pour doubte de rigueur de justice, combien qu’il n’en soit aucunement consentent ne coulpable, mais lui convendra délaisser sa dicte ordonnance & soy aler hors du Royaume, noz grace & miséricorde ne lui sont sur ce imparties, ainsi qu’il nous a fait remonstrer. Requérant humblement que attendu ce que dit est mesmement qu’il n’a aucunement frappé ledit deffunct ne esté consentent ne coulpable de la mort d’icellui, mais de tout son povoir a deffendu ledit cas, et que en autres cas il a tousiours esté homme de bonne vie renommée & honneste conversacion, sans jamaiz avoir esté actaint d’aucun villain cas, blasme ou reprouche, il nous plaise nos dictes grace & misericorde lui impartir.

Grâce accordée en l’honneur de la passion de Notre-Seigneur.

Pourquoy nous, ces choses considérées voulans grace & miséricorde préferer à rigueur de justice, audit suppliant ou cas dessusdit & pour honneur & révérence de la benoist passion de Nostre Seigneur Jhesucrist, avons quitté, remis & pardonné, & par la teneur de ces présentes, de nostre grace especial, plaine puissance & auctorité royal, remettons & pardonnons le fait & cas dessusdit avec toute peine, amende & offence corporelle, criminelle & civille, en quoy à l’occasion de ce il pourroit estre encouru envers nous & justice, & l’avons restitué & restituons à ses bonne fame & renommée au pais & à ses biens non confisquez. en mettant au néant tous proces, bans, appeaulx, proclamacions & évocacions quelzconques, s’aucuns estoient sur ce enfuiz, satisfacion faicte à partie civillement tant seulement, se faicte n’est & elle y chiet, & sur ce imposons silence perpétuel à nostre procureur.

Si donnons en mandement par ces mesmes presentes à … [6] & à tous noz autres justiciers ou à leurs lieuxtenans présens & avenir, & à chacun d’eulx si comme à lui appartendra que de nos présentes grace, quittance, rémission & pardon, facent, seuffrent & laissent ledit suppliant joyr & user plainement & paisiblement, sans lui faire ou donner, ne souffrir estre fait ou donné ores ne pour le temps avenir en corps ne en biens aucun arrest ou empeschement au contraire plainement & paisiblement, mais se lui ou aucuns de ses dis biens sont ou estoient pour ce prins, saisiz. arrestez, ou aucunement empeschez, les lui mettent ou facent mettre tantost & sans délay à plaine délivrance, & afin que ce soit chose ferme & estable à tousiours, nous avons fait mettre nostre scel à ces présentes sauf en autres choses nostre droit & l’autruy en toutes.

Donné à Tours, ou moys de Avril l’an de grace mil CCCC cinquante neuf avant Pasques & de nostre regne le XXXVIIIe.

Ainsi signé.

Par le Roy en ses requestes,

Esquelles Maistres Jehan Tudart, Jehan de la Réaute & autres estoient.

De Reilhac.

Visa contentor,

Chaligant.

(Arch. Reg. JJ. 190 fol 56 v°)


A Tours. Avril 1459.

Rixe entre gens de guerre & villageois

Remission pour Jean de Montesquin, ecuyer. (Sur parchemin)

Sommaire

Jean de Montesquin, cousin germain de Bertrand, a été compromis dans la même affaire (V. pièce précédente).

Remissio pro Jehanne de Montesquin. Charles,&c. Nous avoir receue lumble supplicacion de Jehan de Montesquin, escuier, homme de guerre estant soubz la charge de nostre amé & féal cheualier, conseiller & chambellan Martin Henriques, Seneschal de Xaintonge, contenant que

Réquisition de foin et d’avoine par les gens de guerre.

ou moys de décembre derrenier passé environ la feste de sainte Katherine ledit suppliant, Bertran de Montesquin, son cousin germain, Jehan Dascon & Jehan Vignaron, tous de la dicte charge dudit seneschal alerent & se transporterent ou lieu & villaige appellé Varefe pres de la ville de Saint Jehan Dangely quérir des foings & avoines pour la provision de leurs chevaulx auquel lieu & villaige ledit suppliant & sesdis compaignons arrivez pour ce que le temps estoit lors pluvieux se destendirent [7] pour repaistre eulx & leurs cheuaulx

Logement des soldats chez les habitants.

& se logea ledit suppliant en certaine maison & se fait, s’en alla en une autre maison près de la, quérir du foing pour son dit cheval & après retourna en ladicte maison ou il s’estoit logé, en laquelle apres ce qu’il eust pencé son dit cheval. dist à certaine femme de ladicte maison quelle mist ung fagot de boys ou feu pour chauffer son ostour [8], ce que ladide femme fist, & apres ce dist ledit suppliant & ung sien compaignon nommé Vigneron qu’il alast en certaine maison quérir de l’avoine que lui avoient promise ceulx d’icelle maison lequel Vigneron incontinent y ala & tantost apres ce oyt ledit suppliant grant noise & debat audit lieu.

Combat entre paysans et gens d’armes

Pour laquelle cause & savoir que c’estoit, issy hors de ladicte maison & incontinent vit ledit Vigneron lequel lui dist que on crioyt en certain hostel ou maison pres de la « à la mort, à la mort. » Oyes lesquelles choses, ledit suppliant & Vigneron entrerent dedans la dicte maison ou ilz estoient logez & print icellui suppliant ung baston en sa main & s’en ala au lieu ou il avoit oy ladicte noise & quant il y fut vit de loing que ledit Jehan Dasquon donna a tout son arbaleste d’acier qu’il portoit avecques lui ung grant cop sur ou derrière la teste de ung nommé Jehan Louateau, mareschal demourant audit villaige, tellement qu’il cheut à terre comme mort. Et apres ce vit aussi comment le dit Vigneron tira sa dague subitement & en frappa ung cop ledit Louateau, dont icellui suppliant fut moult desplaisant & voulu icellui Vigneron, non content de ce frapper ledit Louateau mais ledit suppliant len garda tellement qu’il ne le peut frapper.

Droit d’asile dans l’église de St-Jean d’Angely.

Et ces choses ainsi faictes ledit suppliant avec ses autres compaignons, doubtans que pour occasion dudit cas ilz fussent prins & appréhendez se misdrent & vindrent rendre en franchise en l’église dudit Saint-Jean d’Angely en laquelle ledit suppliant a esté par aucun temps & apres pour ce qu’il a entendu que ledit Louateau estoit mort à l’occasion de ladicte bateure, combien qu’il n’en feust aucunement coulpable ou consentant, pour doubte de rigueur de justice s’est absenté & rendu fuitif par ledit pais & n’oseroit restourner ne soy tenir en son ordonnance, mais lui conviendra icelle délaisser & soy en aler hors de nostre royaume, se noz grace & miséricorde ne lui sont sur ce imparties, ainsi qu’il nous a fait remonstrer.

Défense de sa personne.

Requérant humblement que attendu ce que dit est, mesmement qu’il n’a aucunement frappé ledit deffunct ne esté consentant ne coulpable de la mort & bateure d’icellui, mais de tout son pouvoir a deffendu que ledit Vigneron ne le frappait comme dit est dessus, & en autres cas il a tousiours esté homme de bonne vie, renommée & honneste conversacion, sans jamais avoir esté attaint d’aucun villain cas, blasme ou reprouche, il nous plaise nos dictes grâce & miséricorde lui impartir.

Pardon accordé par le roi en faveur des bons antécédents du meurtrier

Pourquoy nous ce que dit est considéré, voulans grace & miséricorde préférer à rigueur de justice, audit suppliant ou cas dessus dit & pour révérence de la benoie passion de Nostre Seigneur Jhesucrist avons remis & pardonné & par la teneur de ces présentes, de nostre grace espécial, pleine puissance & autorité royal quittons, remectons & pardonnons toute l’offense, peine & amende corporelle, criminelle & civile en quoy à l’occasion dessus dicte il pourroit estre encouru envers nous & justice, & l’avons restitué & restituons à ses bonne fame & renommée, au pais & à ses biens non confisquez, en mectant au néant tous bans, appeaulx, deffaulx, proclamacions & évocacions quelxconques, s’aucuns en estoient ensuyz, satisfacion faicte à partie civilement tant seulement, se faicte n’est & elle y chiet. Et sur ce imposons silence perpétuel à nostre procureur présens & avenir.

Sy donnons en mandement par ces mesmes présentes a ... et à tous nos autres justiciers ou a leurs lieuxtenans, présens & avenir, & a chacun d’eulx si comme à lui appartendra, que de noz presenz grace, pardon & remission facent, seuffrent & laissent ledit suppliant joir & user plainement & paisiblement sans lui faire ou donner, ne souffrir estre fait ou donné aucun trouble ou empeschement en corps ne en biens, en aucune manière. & se son corps ou aucuns de ses dis biens estoient pour ce print, saisiz, arrestez ou empeschez, les lui mettent ou facent mettre tantost & sans délay à plaine délivrance. Et afin &c. Sauf &c.

Donné à … ou moys d’avril l’an de grace mil CCCC cinquante neuf & de nostre règne le XXXVIIIe.

Ainsi signé.

Par le Roy, en ses Requestes,

Esquelles maistres Jehan Tudart [9], Jehan de la Reaute & autres estoient,

J. de Reilhac.

Visa contentor,

Chaligant.

(Arch. JJ. 190, fol 89 v°)


[1On trouve une famille de ce nom établie dans la généralité de Bordeaux au XVIe et XVIIe siècle.

[2C’était un des capitaines espagnols venus en France sous Charles VII. Il fut créé sénéchal de Saintonge après Guillaume Gouffier.

[3St-Jean-d’Angely (Charente-Inférieure)

[4Coup de flèche sur la mâchoire.

[5Sans doute l’église abbatiale démolie en 1568 par les calvinistes et qui jouissait de beaucoup d’immunités accordées par les rois de France à toutes les époques, depuis sa fondation qui datait de Pépin.

[6Le nom du bailli ou du Sénéchal a été laissé en blanc. Comme le coupable appartenait à la compagnie des ordonnances du Senéchal même de Saintonge, le rédacteur de la lettre de rémission n’a pas indiqué où le meurtrier était justiciable.

[7S’arrêtèrent.

[8Ostour, pour se chauffer autour.

[9Jean Tudart avait été créé conseiller lay au Parlement de Paris le 13 novembre 1437, puis maître des requêtes de l’hôtel le 10 décembre 1438, envoyé auprès du duc de Savoie en 1453 et enfin nommé premier président au Parlement de Bordeaux le 12 juin 1462. Il mourut le 7 septembre 1473.

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