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1461 - 1480 - Lettres du roi Louis XI à Monsieur de Taillebourg

dimanche 30 mars 2008, par Pierre, 1747 visites.

Paul Marchegay présente plusieurs lettres découvertes vers 1855 dans le chartrier du duché de Thouars. Elles concernent la famille de Taillebourg, et ont été écrites entre 1450 et 1480. Leurs auteurs sont : Marie de Valois et son mari, Olivier de Coëtivy, seigneur de Taillebourg, et le roi Louis XI, etc.

Nous présentons ici quelques unes de ces lettres qui concernent plus directement la Saintonge.

Source : Bibliothèque de l’Ecole des Chartes - 1855 - Books Google

Dix-sept lettres missives antérieures à l’année 1480, toutes inédites et récemment découvertes au château de Serrant, en Anjou, dans le chartrier du duché de Thouars, sont imprimées ci-après : une de Marie de Valois, dame de Taillebourg, n° I ; une de son mari, n° VIII ; une de M. de Maigné, n° XIV ; deux de Jean Chambon, lieutenant de Poitou, nos XIII et XV ; la dix-septième d’une dame inconnue [1] et les onze autres de Louis XI Parmi ces dernières, trois sont des copies contemporaines, n° X, XI et XVI, et les cinq autres des pièces originales, portant la signature du roi de France. Celle de madame de Taillebourg est olographe. M. de Maigné et Jean Chambon ont non-seulement signé les leurs, mais encore écrit la formule de salutation. La lettre de M. de Taillebourg est une minute. On peut aussi considérer comme telle la réponse de la dame inconnue à la missive de Louis XI datée d’Arras, le 28 juillet, n° XVII, réponse adressée par elle, sous forme de lettre close scellée en cire rouge, A MONS° DE TAILLEBOUBG , pour lui faire connaître les ordres qu’elle a reçus du roi, au sujet des filles de ce seigneur. Comme la plupart des documents de cette nature et de cette époque, nos lettres n’indiquent pas l’année à laquelle elles appartiennent. Il a été très-difficile de déterminer cette date. Nous croyons avoir à peu près réussi pour celles qui portent les n° V à XVII ; du reste, le lecteur en jugera lui-même.

Les onze dernières missives se rapportent toutes à un même objet y l’intervention du roi de France dans les affaires privées de M. de Taillebourg, sur lesquelles nous donnons quelques éclaircissements.

Les quatre premières ne constatent aucun fait remarquable ; mais, quand même elles n’auraient pas l’incontestable mérite qui résulte de leur caractère confidentiel et du nom de leurs auteurs, nous n’aurions pas eu le courage de séparer ces vénérables textes, qui, après avoir été protégés par la même poussière, en sont sortis le même jour, réclamant, pour ainsi dire, à la lumière comme dans l’obscurité, la communauté de sort qui existe entre eux depuis près de quatre siècles.

Marie de Valois nous montre dans la première lettre, non-seulement une écriture belle et hardie, mais encore un style qui fait honneur à la fille de Charles VII et d’Agnès Sorel, ainsi qu’aux maîtres dont elle a reçu les leçons dans le château de Taillebourg [2].

Madame de Taillebourg à son mari.


A Monseigneur.

Monseigneur, je me recommande à vostre bonne grâce tant et si très-humblement comme je puis. Et vous plaise savoir que mon hoste, messire Pierre Daicon, porteur de cestes, est venu devers moy, lequel m’a dit qu’il vouloit aller à Tours, pour certaines affaires de l’église de Nostre-Dame de Coignes de la Rochelle , dont il est chanoyne ; et m’a prié qu’il me pleust vous escripre que l’eussiez pour recommandé envers monseigneur le cardinal [3], touschant certaine prébende que messire Falco a et tient en l’église de Saint-Pierre de Xainctes et dont autres fois escripvy à mondit seigneur le cardinal et dont aussi parlay au clavayre [4] d’Avignon. Si vous prie, Monseigneur, que il vous plaise luy estre aydant à luy faire avoir lad. prebende, si possible est, car, comme vous savez, nous luy sommes fort atenuz, et principalement moy.

Monseigneur, je prie à Dieu qu’il vous doint bonne vie et longue, et brief revenir de par deçà.

Escript à Taillebourg, cestui samedi après disner, XIIIIe jour de janvier.

La toute vostre MARIE DE VALOYS.

Aujourduy avons mis Julienne en son mesnage, comme dire vous pourra ledit porteur, qui y estoit.

Les cinquième et sixième lettres, aussi de Louis XI, intéressent particulièrement les archéologues.

Les personnes qui visitent Saintes n’y admirent pas seulement les édifices qui remontent à la domination romaine ; de belles églises attirent aussi leur attention, celle de Saint-Eutrope surtout. A l’entrée de la magnifique crypte dans laquelle a été découvert, en 1843, le tombeau de l’apôtre de la Saintonge, patron de cette basilique, on remarque sur chacun des gros piliers de droite et de gauche deux inscriptions gothiques, l’une en relief, l’autre en creux [5]. Elles portent qu’à deux reprises différentes, la crypte et l’église ont été restaurées et complétées, grâce à la munificence de Louis XI, la première fois lorsqu’il n’était que dauphin de Viennois, la seconde en 1477. Nos deux lettres concernent la dernière et la plus importante de ces restaurations. Il est probable qu’elle fut décidée pendant le séjour du roi à Saintes, au mois de mai et dans les premiers jours de juin 1472 ; mais, avant de faire commencer les travaux, Louis XI avait voulu qu’un devis en précisât l’étendue et la dépense. Odon de la Baume, prieur de Saint-Eutrope, sous l’administration duquel la première restauration a été exécutée, remplit incontinent les volontés du roi, qui reçoit le devis à Thouars, où il s’était arrêté au retour d’une excursion en bas Poitou.

Les deux lettres qu’il écrivit de cette ville à M. de Taillebourg, la dernière principalement, prouvent que les projets et les chiffres du prieur ne le satisfirent pas, à beaucoup près : il croit que le devis n’a pas été loyalement dressé, et il accuse la Baume ou de vouloir le tromper, ou de s’être laissé tromper lui-même. Le défiant monarque ne veut pas qu’on abuse de sa confiance et de son argent, soit en faveur des églises soit en l’honneur des saints, même lorsque, par leur intercession, il espère obtenir la guérison de quelque maladie ou infirmité [6]. Il sait que les maîtres maçons ont des habitudes dont la tradition n’est pas perdue de nos jours, « espéciallement quant ilz ont à faire à gens qu’ilz cuident qui ayent bonne bourse ; » et il ajoute (ce que devraient se dire tous les jours les personnes qui président aux innombrables restaurations de nos monuments historiques) : « et ne s’en fault pas fier en eulx. » C’est pourquoi Louis XI charge M. de Taillebourg de faire vérifier, par un homme compétent et honnête, quelle somme il faudra « pour garder que l’église ne tumbe, et reffaire ce qui est mauvais et en dangier de cheoir. »

V. Le roi à M. de Taillebourg.


A mon frère monsieur de Taillebourg.

Mon frère, je vous envoye le double des repparacions de l’église monsr Saint Eutroppe de Xaintes, que le prieur m’a envoyées. Je vous prie que vous y envoiez homme bien entendu et en ce connoissant. qui m’en saiche rapporter au vray la vérité desdictes repparacions nécessaires, et se on me trompe point ; et le m’envoyez incontinant. Et adieu.

Escript de Touars, le xxvje jour de décembre.

LOYS.

Choisy.

VI. Le roi à M. de Taillebourg.


A mon frère monsr de Taillebourg.

Mon frère, je vous ay envoyé ce que le prieur de monsr Saint Eutrope de Xaintes m’a dit qu’il faut, pour garder que l’église ne tumbe et reffaire ce qui est pourry et mauvais et en dangier de cheoir. Et pour ce que je ne sçay s’il l’a mis loyaument et s’il me veult tromper, ou s’il y est trompé lui mesmes ; car il l’a fait diviser par les maistres maçons qui sont aud. lieu et, comme vous savez, les ouvriers le devisent à leur avantaige pour y gaigner le plus qu’ilz peuent, espécialement quant ilz ont à faire à gens qu’ilz cuident qui ayent bonne bourse, comme moy, et ne s’en fault pas fier en eulx ; je vous pry, sur tout le plaisir que me voulez jamais faire, que vous envoiez ung des vostres qui se y congnoisse, et qu’il ne me trompe point et qu’il me mande combien il me fault d’argent pour ce que je vous ay dessus dit. Et ne prenez point garde aux autres lettres que vous ay escriptes, car je ne les ay point divisées, mais cestes ycy je les ay divisées de mot à mot. Je vous envoyé à ceste cause monsr de Millandres, pour y estre avec voz gens. Et adieu, mon frère.

Escript à Touars, le premier jour de janvier.

LOYS.

Choisy.


[1Nous disons plus loin que cette dame est probablement l’aïeule paternelle de François 1er, Marguerite de Rohan

[2Il parait probable que Pierre Daicon, en faveur duquel sa lettre est écrite, était l’un de ses maîtres.

[3Alain de Coetivy, cardinal-évêque d’Avignon, auquel se rapporte le billet suivant, adressé par Louis XI à Jean Bourré : « Monsr Du Plexis, faictes des lettres à nostre Saint Pere pour le cardinal d’Avignon, en enssuivant plusieurs autres que je ly en ay escriptes et selon que maistre Pierre Doriolle, qui les a faictes, vous dira, tant pour legacion da France que pour gages de voiage qu’il a fait ; aussi d’avoir sa personne et estat pour recommandé ès premières evesché et abbaye vaquans en ce reaume. — LOYS. » Bibl. imp., supp. fr., n° 445, f. 17.

[4Receveur des deniers.

[5M. Jules Marion les a publiées en même temps qu’il a décrit les monuments de Saintes. Voy. Notes a un voyage archéologique, pag. 12 ; et Bibl. de l’École des chartes, 2e série, vol. III, pag. 186.

[6Nous avons trouvé la pièce suivante, minute écrite sur papier, dans un des principaux recueils de Mémoires du règne du roy Louis XI (Bibl. Imp., Mss., coll. Béthune, vol. 8445, fol. 13) :
Martir Christi Eutropi, tua Deo placita prece, sana me semper et ubique ab ydropica infirmitate.
Ora pro me, beate martir Eutropi, ut ab Eutropisi valeam per te sanari.
Oracio.
Deus qui fidelibus tuis, per oracionem beati Eutropii, martiris tui atque pontifias, cunctis ejusdem memoriam facientibus, de quacumque infirmitate vel adversitat

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