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1533 – Jean Calvin à Angoulême, chez Louis du Tillet

vendredi 15 février 2008, par Pierre, 4042 visites.

C’est probablement à Angoulême, où il séjourna de 1533 à 1535, chez son ami Louis du Tillet, curé de Claix, que Jean Calvin formalisa sa doctrine.

« Angoulesme fut la forge où ce nouveau Vulcan bastit sur l’enclume les estranges opinions qu’il a depuis publiées », et devint, dès 1535, un des premiers foyers du développement du protestantisme en France.

Source : Correspondance française de Calvin avec Louis du Tillet, chanoine d’Angoulême et curé de Claix sur les questions de l’église et du ministère évangélique : découverte parmi les manuscrits de la Bibliothèque nationale de France, et publiée pour la première fois par Alexandre César Crottet – Genève - 1850 - Books Google

La cathédrale d'AngoulêmeLes du Tillet, originaires de l’Angoumois [1], jouissaient déjà au quinzième siècle d’une haute considération. Elie du Tillet, fils d’un secrétaire des commandements de Louise de Savoie, comtesse d’Angoulême, mère de François 1er, fut ennobli en avril 1434. Il était en 1514 président des comptes en Angoumois et vice-président de la chambre des comptes de Paris. Pour reconnaître les services qu’il avait rendus, François 1er donna à son fils, Séraphin du Tillet, chevalier et valet de chambre du roi, la charge de greffier en chef du Parlement de Paris, que Nicole Pichon, son beau père, avait occupée avant lui. Les lettres patentes de cette donation sont datées de Claye, le 5 novembre 1518, et il en prêta serment le 4 février 1519. Depuis ce temps là jusque dans le courant du dix huitième siècle, cette charge n’est point sortie de cette famille. Jean, son frère (le greffier dont il est parlé dans la seconde lettre de Louis du Tillet), l’obtint le 7 septembre 1530 ; Jean, son fils, le 24 juillet 1552 ; Jaques, son frère, le 2 janvier 1578 ; Jean, dit le jeune, le 4 mars 1588 ; François en 1638 et Jean-François en 1674. Cette année, le roi ayant séparé cette charge en quatre départements, un nommé Philippe-Jaques en eut un, dont il jouit jusqu en 1689, époque où Jean-François du Tillet y rentra.

Calvin paraît s’être plus particulièrement lié avec Jean du Tillet et Louis du Tillet, tous deux frères du premier Jean, greffier au parlement, et fils d’Elie.

Jean du Tillet s’attacha à l’état ecclésiastique et se distingua dans cette carrière [2]. Il apprit avec soin les langues savantes, l’ancien droit romain et l’archéologie sacrée. Avec l’autorisation de François 1er, il visita les plus célèbres bibliothèques de la France et en tira beaucoup de livres et de manuscrits précieux qu’il livra à la publicité.

Nous ne rapporterons pas ici les titres de ces différents ouvrages ; nous mentionnerons seulement un vieux manuscrit qui porte le nom de Charlemagne et dont l’apparition fit grande sensation. Dans la préface qu’il y joignit, il prit le faux nom d’Eliphilus et s’éleva avec force contre le culte des images. Voici ce que le cardinal du Perron dit au sujet de ce livre qui parut en 1549. « C’est Monsieur du Tillet qui l’a fait imprimer, studio nocendi plutôt qu’autrement, et lui, qui avoit esté escolier de Calvin ne pouvoit pas avoir austre opinion des images que celle-là ». Jean du Tillet fut successivement pourvu de deux évêchés. Les uns disent qu’il fut d’abord nommé évêque de Meaux, puis de St.-Brieuc. D’autres prétendent que ce fut à St Brieuc qu’il commença son épiscopat, et qu’il le termina à Meaux. Il demeura longtemps suspect aux catholiques, et ce fut sans doute pour rétablir son orthodoxie compromise qu’il publia plus tard les ouvrages suivants : Traité de l’antiquité et solennité de la messe. - Réponse d’un évêque aux ministres des églises nouvelles. - Avis à Messieurs les gentilshommes séduits par les piperies des églises nouvelles. Paris 1563.

Louis du Tillet, moins distingué que son frère, se consacra également à l’Église. Il devint plus tard curé de Claix en Poitou, chanoine et archidiacre d’Angoulême.

Il est difficile d’établir d une manière précise la date des premières relations de Calvin avec les du Tillet. Il est probable que ces rapports sont antérieurs à l’année 1530, époque où Jean du Tillet fut nommé greffier du parlement de Paris. Calvin a-t il fait connaissance de ces personnages lors de son premier séjour à Paris (1523-1527) quand il fréquentait les collèges de La Marche et de Montaigu, ou plus tard, (1529-1533), lorsqu’il se trouvait encore dans la capitale ? C’est ce que nous ne pouvons déterminer. On peut affirmer cependant que cette liaison remonte à une époque reculée, car le réformateur, dans sa première lettre à Louis du Tillet, s’exprime en ces termes « soyez asseuré que les premiers légers rapports n’auront pas telle puissance envers moy que de renverser l’expérience que j’ay eu de vous depuis si longues années. »

Aussi, lorsqu’en 1533, Calvin se vit obligé de quitter brusquement la capitale où sa vie était en danger, ce fut auprès de ses anciens condisciples, dont l’un était déjà curé titulaire de Claix qu’il alla chercher un refuge. « II se retira, dit Florimond, à petit bruit, aux derniers bouts du Parlement de Paris, dans la ville d’Angoulesme, pour estre en plus grande seureté, où il fut entretenu l’espace de trois ans, aux despens de Louys du Tillet, curé de Claix et chanoine d’Angoulesme, à qui il enseignait ce peu de grec qu’il scavoit. Il estait frère de l’evesque de Meaux, et de Jean du Tillet, greffier au Parlement de Paris [3].

Il paraît que ce ne fut pas seulement Louis du Tillet qui profita des connaissances dans la langue grecque que Calvin avait puisées à l’université de Bourges auprès du savant Melchior Wolmar. Jean du Tillet prit sa part des instructions de l’illustre réfugié qui trouva ainsi le moyen de reconnaître l’hospitalité qui lui était accordée. C’est ce qu’on peut conclure des paroles du cardinal du Perron, que nous avons rapportées plus haut. Florimond de Raemond nous apprend encore qu’on appelait Calvin le Grec de Claix, et que ce fut chez les du Tillet qu’il commença à travailler à son institution.

« Angoulesme fut la forge où ce nouveau Vulcan bastit sur l’enclume les estranges opinions qu’il a depuis publiées ; c’est là où il ourdit premièrement, pour surprendre la chrestienté, la toile de son institution, qu’on peut appeler l’Alcoran, ou plustôt le Talmud de l’Hérésie, estant un ramas de toutes les erreurs quasi du passé, et qui seroit, ce croy-je à l’advenir [4], si assidu après ce travail qu’il passait les nuits entières sans dormir, et les jours sans manger. Estant dans Angoulesme, dit-il ailleurs [5], il s’entretenoit souvent tout seul dans une longue galerie qu’il y avoit en la maison de du Tillet, meublée lors de trois à quatre mil volumes de livres, tant de manuscrits qu’autres. J’ay apris de ceux qui l’ont veu et pratiqué de ce temps là, que ses plus privez amis avaient assez à faire à parler à luy, tant il faisait le renchéri. »

Calvin répandit ses doctrines aux environs d’Angoulême et fut secondé dans cette œuvre par Louis du Tillet. Mais l’opposition que le jeune réformateur rencontra, la contrainte morale qu’il éprouva en pratiquant les cérémonies d’un culte qu’il condamnait [6], l’insistance avec la quelle on le pressa d accepter un poste dans l’Église romaine dans l’espoir qu’une fois convenablement placé, il cesserait ses redoutables attaques, le désir de contribuer en paix au succès de la réforme par des travaux scientifiques et de se mettre en rapport avec les théologiens étrangers qui étaient à la tête du mouvement religieux, toutes ces circonstances l’engagèrent à quitter volontairement la France. Il résolut de diriger ses pas vers la ville de Bâle où déjà deux de ses amis, Nicolas Cop, recteur de l’Université de Paris, et un moine de l’ordre des Augustins nommé Courault, s’étaient retirés pour fuir la persécution.


[1Engolismensi agro oriundus (Thuanus Libr. XLVIII, circa finem p 974). Sainte Marthe (Elogior. L. Il) s’exprime ainsi : Ducebant Tilii genus suum ab Engolisma

[2Thuan. Libr. XLVII, p 974.

[3Livre septiesme, Chap. IX p 883 et 884.

[4Livre septiesme, Chap IX, p. 883 et 884

[5Livre septiesme, Chap. X, p. 885

[6Calvin séjourna quelques années dans la ville d’Angoulême, portant toujours à l’extérieur le masque d’un catholique, se trouvant à l’Eglise, mais le plus rarement qu’il pouvait. Il fut employé par le Chapitre pour prononcer les oraisons latines, selon la coutume lorsque le synode s’assemble, qu’on appelle la Cène : ce qu’il fit deux ou trois fois dans l’église St Pierre. Pendant le temps qu’il séjourna dans Angoulesme, il ne fit aucun exercice

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