Histoire Passion - Saintonge Aunis Angoumois

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1574 - Agrippa d’Aubigné - Nouveaux combats en Saintonge et en Angoumois

Histoire Universelle - Livre VII - Chapitres IV et V

mardi 23 octobre 2007, par Pierre, 1266 visites.

Après le siège avorté de la Rochelle qui s’achève le 6 juillet 1573, les huguenots regroupent leurs forces et lancent de nouvelles attaques contre les citadelles catholiques.

Source : Histoire universelle - Edition publiée par la société pour l’histoire de France par le baron Alphonse de Ruble, Libr. Renouard - 1889.

 1573 - Livre VII - Chapitre IV - Entreprise sur la Rochelle

Sur la crainte que la roine avoit prise que le duc d’Alençon [1], rallié des Bourbons et Mommorencis [2], ménageast en France quelque remuement pour lui oster le maniement des affaires et mesmes qu’il voulust avoir la lieutenance générale an deffaut de son frère, elle feignit d’avoir par advertissements ce qu’elle n’avoit que par soupçon, en emplit les oreilles du roi, lui persuadant de donner ceste lieutenance au duc de Lorraine [3], son gendre, duquel elle espéroit mieux chevir. Comme donc elle hastoit ces choses, le duc d’Alençon, adverti de ses menées et qu’elle travailloit comme tenant la mort du roi pour inévitable, ce prince avoit desjà à Blamont prins la place de son frère au traicté du Pays-Bas par le comte Ludovic. Ce traicté approuvé par les Flamans, comme avec un prince à qui on reprochoit l’amitié des huguenots, et entr’autres de l’amiral, quand il vivoit ; et aussi pour l’apparence qu’il y avoit que le roi seroit bien aise d’eslongner encores cestui-ci pour régner à son aise. Cependant qu’eux et lui traictoyent ainsi, les réformés de France jettèrent les yeux sur lui ; et ce qui les hasta davantage fut une entreprise sur la Rochelle, que la roine mère mit entre les mains de Biron, assisté de Puygaillard [4] et de Landereau [5].

Sur un soupçon assez léger [6], on mit prisonniers quelques soldats, et, en voulant prendre un nommé Grandfief [7], qui avoit servi le comte du Lude au siège, il fut tué [8]. Les prisonniers [9], présentez à la géhenne, confessèrent plus qu’on ne vouloit, et à la mort désavouèrent entièrement, remettans leur confession sur la rigueur de la géhenne. De mesme temps, les Rochelois, avec deux navires, où commandoyent Saugeon et le capitaine Normand, prirent un navire de guerre nommé l’Irondelle, qui piratoit à l’entour du havre en attendant quelque occasion. Dix soldats de l’équipage furent pendus. Lichani, Lucois [10], leur capitaine, se sauva.

Ceste entreprise aida merveilleusement à esmouvoir les Rochelois pour se joindre au souslèvement, qui se practiquoit desjà par toute la France, quoique le roi leur eust escrit de belles lettres, désadvouant les pendarts et voleurs qui avoyent entrepris sur eux. Pour les presser encores arrivèrent à la Rochelle La Noue [11], Mirambeau [12], La Case [13] et Montguion [14]. Le premier de ces quatre très bien venu, et mesmes, après avoir rendu conte de ses déportements au siège avec plus de liberté qu’il n’avoit peu auparavant, se voyant authorisé, il commença à les presser de se joindre à leurs frères, qui estoyent desjà armez, ce que long temps ils refusèrent, alléguans leur convention dernière, leurs maux passez, leur foiblesse et danger pour l’advenir. À cela La Noue leur remonstroit ceste foi publique desjà violée par les meurtres de Sancerre et la dernière entreprise sur eux. Et quant à leurs foiblesses, il leur fit sentir l’asseurance qu’ils devoyent avoir d’un chef plus grand que tous ceux du passé et comment le bien public se joignoit à leur cause.

 1574 – Livre VII, Chap. V – La prise des armes du Mardi Gras

Donc, après avoir pris intelligence avec ceux du Daulphiné, Languedoc, Guienne et autres, La Noue ordonne la prise des armes à la nuict du mardi gras, qu’on estimoit, comme l’effect le prouva, propre à cause des desbauches qui se font le soir. Ceste nuict doncques, Saint-Estienne [15], accompagné de Bessay [16], prend Fontenay [17] par escalade posée à propos, ayant laissé passer la ronde. Celui qui la faisoit s’amusoit par cas fortuit, et, partant, ayant veu entrer les premiers et donné l’alarme, se jetta du couridour en bas et se rompit la jambe. Et, quoi que la douleur lui aidast à crier, mardi gras avoit si bien bersé les habitans que le corps de garde fut deffait sans secours, la ville pillée, l’argent du roi sauvé par les soldats et mis es mains de leur général [18]. Lusignan [19], en mesme nuict, empoigné par Baronnière [20] et Luchai [21], n’y ayant point de garnison, mais bien une intelligence. Le capitaine Bonnet saisit Belle [22]. En Xainctonge, où La Gaze commandoit, assisté de Plassac [23], Montguion, Husson, Bertauville, Pontlevin et Saujon [24], Plassac se saisit de Ponts par les armes des habitans réformez ; Royan [25] par une haute et difficile escalade estant sans garde ; Tonnay-Charante [26] par le moyen du receveur réformé [27] ; Talmont [28] de jour par des soldats desguisez en musniers ; Sainct-Jean d’Angle [29] parle receveur aussi ; Rochefort parla crainte des Rochelois ; Bouteville [30] par escalade ; où il y eut quelques hommes tuez qui commençoyent à y faire garde. Ce succès, troublé par la mort de La Caze [31], tué par des canailles qui parlementoyent en une meschante maison du village et lesquels il vouloit sauver. Il estoit difficile de juger de ce gentilhomme qui valoit plus en lui la probité, le grand sçavoir, la sagesse naturelle, l’expérience ou la valeur. Les autres historiens ont escrit comment on trouva en sa pochette la prédiction de sa mort et son épitaphe escrit de sa main [32] en vers latins [33].


[1François de Valois, duc d’Alençon, et plus tard d’Anjou, le dernier des fils de Catherine de Médicis.

[2Allusion à la conspiration dite des Politiques, dont d’Aubi

[3Le duc Charles avait toujours été fidèle au roi et ami du roi de Pologne, et, comme il était exclu par sa naissance de la succession du royaume, il paraissait, aux yeux de la reine, fort éloigné de pouvoir le troubler.

[4Jean de Léomond, s. de Puygaillard. M. Joubert a publié, dans la Revue de l’Anjou, t. X, une série de documents nouveaux sur ce personnage.

[5Charles de Rouault, s. de Landreau.

[6Le maire de la Rochelle découvrit que Grandfief et ses complices comptaient se rendre maîtres de la ville et la remettre ensuite à Biron et à Puygaillard, qui tenaient des troupes toutes prêtes à Noaillé et à Saint-Vivien. Il voulut le faire comparaître, mais, le coupable ayant refusé d’obéir, il le fit tuer dans sa maison.

[7Jacques du Lyon, seigneur du Grandfief, échevin de la ville de la Rochelle (Arcère, Hist. de la Rochelle, t.1, p. 537, note).

[8Mort de Jacques du Lyon, 14 décembre 1573 (Journal de Michel le Riche, p. 150).

[9C’étaient les complices de Grandfief, parmi lesquels on peut citer : Guillaume-David, dit le capitaine La Plante, Amanjon de la Zardonière, Louis Vienne, dit le capitaine La Gorte, et Jean Turgier de Montargis (Arcère, t. I, p. 537).

[10Dominique Lichani, corsaire lucquois, qui faisait des courses continuelles sur les côtes de Saintonge et avait sa retraite à l’embouchure de la Garonne (De Thou, liv. LVII).

[11La Noue arriva à la Rochelle le 3 janvier 1574.

[12Jacques de Pons, baron de Mirambeau, gentilhomme de Brouage.

[13Pons de Pons, s. de la Caze-Mirambeau. Voyez plus loin le récit de sa mort.

[14Le seigneur de Montguyon appartenait à la maison de la Rochefoucault.

[15Le s. de Saint-Etienne, fils de Jean de Machecou, s. de Vieille vigne.

[16Giron de Bessay, s. de Bessay et de la Coutancière, était beau-frère de Saint-Etienne (Chroniques fontenaisiennes, 1841, p. 172).

[17La prise de Fontenay eut lieu dans la nuit du lundi au mardi gras, 24 février 1574 (Journal de Généraux, 1865, p. 113). On lit dans les Chroniques fontenaisiennes un récit du temps de ce fait d’armes (p. 172 et suiv.).

[18D’Aubigné dit ici le contraire de ce qu’il voudrait dire. L’argent du roi fut pris au général des finances, le s. de la Ramée, et remis entre les mains du s. de Bessay (Journal de Généroux, p. 114).

[19Le château de Lusignan fut surpris par les réformés le 24 février 1574, jour du mardi gras. La chronique de Pierre Brisson contient de curieux détails sur ce fait d’armes (Chroniques fontenaisiennes, 1841, p. 215 et suiv.).

[20La Baronnière, gentilhomme huguenot d’auprès de Chenay.

[21Le s. de Luché, gentilhomme huguenot poitevin d’auprès le Lude.

[22Melle (Deux-Sèvres) fut repris par le duc de Montpensier le 21 août 1574 (Journal de Généraux, p. 124).

[23Jean de Plassac, de l’illustre maison de Pons, gentilhomme saintongeois, seigneur du Langon, souvent cité dans les Chroniques fontenaisiennes.

[24Montguyon, de la maison de la Rochefoucauld ; Ussion, Bretoville, Ponlevain ; Saujon, de la maison de Campet (De Thou, liv. LVII).

[25Royan, à l’embouchure de la Garonne, appartenait à la maison de la Trémoille.

[26Tonnay-Charente, près de Rochefort (Charente-Inférieure).

[27Var. de l’édit. de 1618 : « ... receveur refformé. Roian par une haute et difficile escalade estant sans garde : Tonai-Charente par le moien du receveur refformé. Talmont... »

[28Talmont, près des Sables-d’Olonne (Vendée).

[29Saint-Jean-d’Angle,près de Marennes (Charente-Inférieure).

[30Bouteville, près de Cognac (Charente).,

[31La Caze de Mirambeau fut tué d’un coup d’arquebuse à la tête (De Thou, liv. LVII).

[32Var. de l’édit. de 1618 : « ... de sa main, j’ai pensé devoir au plus excellent de mes capitaines la traduction qui est en ces termes :
"Passant ; ne pleure que pour toi ;
Si je passe en meilleure vie
Je n’ai besoin de ma patrie ;
Mais elle aura faute de moi. »

[33Voici les vers latins (De Thou, liv. LVII) :
Desine migrantem lugere, viator et hospes,
Non careo patria, me caret illa magis.

Nous avions déjà mentionné cette épitaphe (t. III).

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