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1580 - Bernard Palissy, déboires et malheurs dans la bonne ville de Xaintes

jeudi 14 février 2008, par Razine, 1264 visites.

Sources – l’Aunis et la Saintonge – Canet – 1934

Dans son traité l’Art de Terre (1580) Bernard Palissy raconte ses débuts laborieux d’artisan, sa « povreté et ses ennuis, ses recherches en ténèbres et ses indicibles labeurs ». Après une fugitive lueur d’espoir alors que l’émail était bon, son four crève et Bernard Palissy se retrouve endetté ne pouvant plus nourrir sa famille. Pourtant cela ne l’empêche pas de se remettre au travail et de découvrir enfin le secret de l’émail qui fera sa réputation. Les plus grands noms de la Renaissance achèteront ses œuvres.

Bernard Palissy après bien des sacrifices trouvera la gloire mais écoutons plutôt le récit de ses vicissitudes.

Aiguière, par Bernard Palissy
En 1863, au Musée Sauvageot

«  Quand j’eus ainsy composé mon émail, je fus contraint d’aller encore acheter des pots afin de l’esprouver, d’autant que j’avois perdu tous les vaisseaux que j’avois faits. Et ayant couvert les dittes pièces du dit esmail, je les mys dans le fourneau, continuant toujours le feu en sa grandeur ; mais sur cela, il me survint un autre malheur, lequel me donna grande fascherie, qui est le bois ayant failli, je fus contraint de brûler les estapes qui soutenoyent les taillis de mon jardin, lesquelles estant brûlées, je fus contraint de brûler les tables et le plancher de la maison, afin de faire fondre la seconde composition. J’estois dans une telle angoisse que je ne saurois dire, car j’estois tout tari et desséché à cause du labeur et de la chaleur du fourneau. Il y avoit plus d’un mois que ma chemise n’avoit séché sur moi. Encore pour me consoler on se moquoit de moy, et mesme ceux qui me devoient secourir alloient crier par la ville que je faisois brusler le plancher, et par tel moyen on me faisoit perdre mon crédit, et m’estimoit-on estre fol.

Les autres disoient que je cherchois à faire de la fausse monnoye, qui estoit un mot qui me faisoit seicher sur les pieds, et m’en allois par les rues tout baissé comme un homme honteux. J’estois endetté en plusieurs lieux et avois ordinairement deux enfants aux nourrices, ne pouvant payer leurs salaires. Personne ne me secouroit ; mais au contraire ils se moquaient de moy me disant : « il lui appartient bien de mourir de faim par ce qu’il délaisse son métier » Toutes ces nouvelles venoient à mes oreilles lorsque je passois par la rue. Toutefois, il me restoit encore quelque espérance qui m’encourageoit et me soutenoit d’autant que les dernières espreuves s’étoient assez bien comportées ; et dès lors en pensay savoir assez pour pouvoir gagner ma vie »…..

Bernard Palissy ainsi décrié tombe malade, souffrant de son honneur décrié. Mais il reprend vite espoir et se remet au travail…

« Quand j’eus demeuré quelque temps au lit et que j’eus considéré qu’un homme qui seroit tombé en un fossé son devoir seroit de tascher de se relever, je me mys à faire quelques peintures et pris peine de recouvrer un peu d’argent. Nonobstant toutes ces pertes, je fis faire un grand nombre de lanternes de terre pour enfermer mes vaisseaux en les mettant au four et l’invention se trouva bonne.

Bref, j’ai ainsi bastelé de quinze ou seize ans. Enfin, je trouvai moyen de faire quelques vaisseaux de divers esmaux entremeslez en matière de jaspe : cela m’a nourri quelques ans. Quand j’eu inventé le moyen de faire des pièces rustiques, je fus en plus grande peine qu’auparavant, car mes esmaux estoient autres mal fondus, autres bruslez, le verd des lézards estoit bruslé avant que la couleur des serpents fust fondue ; la couleur des serpents, escrevisses, tortues et cancres estoit fondue avant que le blanc eust receu aucune beauté…

Toutes ces fautes m’ont causé un labeur et tristesse que j’ay cuidé entrer jusques à la porte du sépulchre. Aussi je me trouvé l’espace de dix ans si escoulé en ma personne qu’il n’y avoit aucune forme aux bras ny aux jambes : mes dittes jambes estoient d’une venue, de sorte que les liens de quoi j’attachois mes bas de chausses estoient soudain que je cheminois, sur les talons avec le résidu de mes chausses.
Je m’allois souvent promener dans la prairie de Xaintes, en considérant mes misères et mes ennuis. J’estois méprisé et moqué de tous. Toutes fois l’espérance que j’avois me faisoit procéder en mon affaire virilement que plusieurs fois pour entretenir les personnes qui me venoient voir, je faisois mes efforts de rire, combien que intérieurement je fusse bien triste ».

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