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1588 - La mort mystérieuse du prince de Condé à Saint-Jean-d’Angély

lundi 3 septembre 2007, par Pierre, 4115 visites.

Le jeudi 3 mars 1588, Henri de Bourbon, prince de Condé, 36 ans, meurt à Saint-Jean d’Angély dans des circonstances qui font penser à un empoisonnement. Les soupçons se portent sur sa femme, Catherine-Charlotte de la Trémoïlle. L’enquête commence ......

Sources :
- "L’affaire de Saint-Jean-d’Angély ou le mystère de la mort du prince de Condé" - René La Bruyère - Le Croît-Vif - 1995
- Histoire des princes de Condé pendant les XVIe et XVIIe siècles, par le Duc d’Aumale - Paris - 1864

Nous ne racontons pas ici toute cette longue histoire, à découvrir dans le livre, mais présentons seulement des extraits d’archives de l’époque.

Voir : 1596 : Procès de Charlotte de la Trimouille, accusée d’avoir empoisonné le Prince de Condé son mari

Henri de Navarre raconte les circonstances du décès du prince de Condé


-1- Lettre d’Henri de Navarre à sa maîtresse Corisande de Gramont

Ce pauvre prince, jeudi, ayant couru la bague [1], soupant, se portant bien. A minuit le prit un vomissement très violent, qui lui dura jusqu’au matin. Tout le vendredi, il demeura au lit : le soir, il soupa, et, ayant bien dormi, il se leva le samedi matin, dînant, debout, et joua aux échecs. Il se leva de sa chaise, se mit à se promener par la chambre, devisant avec l’un et avec l’autre. Tout à coup, il dit : "Baillez-moi ma chaise, je me sens d’une grande faiblesse." Il ne fut assis qu’il perdit la parole et soudain, il rendit l’âme.

-2- Lettre d’Henri de Navarre à Théodore de Bèze

Mars 1588.

Monsr de Besze, il vous faut que je vous dye que de lontans je n’ay esté tellement contrysté et afflygé en mon âme que je suys de la perte publyque et particulyère que j’ay féte de feu mon cousin Monsr le Prynce. Mais surtout j’ay un extrême déplésyr de la fason de sa mort, laquelle j’ay de tant plus en horreur et exécratyon quelle est domestyque et sans semblable exemple en toutes ses cyrconstances. Je n’oublye rien pour avérer ce fayt. Mais un page de Madame la Princesse, nommé Belcastel, en est pryncipal ynstrument, lequel s’est sauvé dans Poytiers, et pour le recouvrer j’ay dépesché vers le Roy, espérant qu’il n’approuvera telles voyes abomynables, et qu’il le fera amener en ce lieu de Saynt-Jan, pour pouvoyr myeux avérer le fet et ynstruyre le procès que je leur fays fère. Au mesme temps il y avoit vynt-quattre hommes dépeschés en ces cartyers pour espyer l’occasyon de me tuer. Il y en a un quy se déguysoyt en jantylhomme fryson, à quy le cueur fayllyt ainsy qu’il me présentoit une requeste à Nérac, et, le jour mesme ayant esté prys, il a tout confessé, ainsy que vous verrez par la copye de la déposytyon, que j’envoye à M. de la Noue. Il faut bien dire que nous sommes en un mysérable tans et que Dieu est byen courroucé contre nous, puysque ce syècle produyt de tels monstres, lesquels, faysans mestyer d’assassynas et empoysonnemens, et en estans auteurs, veulent estre estimés jans d’honneur et de vertu. Je say qu’yls ne peuvent ryen fère contre moy, sy ce n’est avec la volonté et par la permyssion de Dieu, lequel, malgré tous les efors de Satan et de l’Antechryst, délyvrera son Églyse, quoy qu’yl tarde ; s’yl ne se veult servyr de moy en cela, il a assés d’autres moyens, mays, cependant qu’il me donnera la vye, je l’employray et tous mes moyens pour son servyce. Je me recommande à vos bonnes pryères, comme aussy je vous prye d’avanser nos afères. Sy nous sommes un peu aydés, nous vous assurons de fère quelques bons efets et veyles, non-seulement a ce royaume, mays à toute la crestyenté. Je prye Dyeu vous vouloyr conserver pour le bien de son Églyse. A Dyeu, Monsr de Besze :
c’est

Vostre plus afectyonné amy à jamais,

Henry.
A Mons. de Besze.

(Original autographe. Bibliothèque de Gotha, Mss., vol. 403, p. 502. inédit

Henri de Bourbon, prince de Condé
Source : base Joconde

Rapport d’autopsie des médecins et chirurgiens sur la mort de monseigneur le prince de Condé


Nous soussignés, médecins et chirurgiens (ayant prêté le serment) certifions ce qui s’ensuit :

Le dimanche matin, sixième dudit mois, par le commandement du conseil de Son Excellence.

Nous, médecins et chirurgiens, avons appelé d’abondant avec nous M. Pierre Mesnard, maître-chirurgien à Saint-Jean-d’Angély, et Foucault Chotard, aussi maître-chirurgien, pour faire la dissection, et rechercher tous ensemble les causes d’une mort si soudaine.

Et premièrement nous avons trouvé tout le corps livide et plombé. Le ventre étrangement enflé, dur et tendu. A l’ouverture du corps, nous avons vu au ventre inférieur toutes les parties d’icelui, et les intestins livides et entrenoirs, et sa capacité toute pleine d’eaux roussâtres. Puis cherchant diligemment l’estomac, nous l’avons aussi trouvé livide et en la partie droite et supérieure d’icelui, un pouce ou environ au-dessous de son orifice, percé, tout au travers en rond, tellement qu ’on y pouvoit passer le petit doigt, et par ce pertuis étoient coulées les eaux et liqueurs que nous avions trouvées en la capacité du ventre inférieur. Ayant donc soigneusement lavé, visité, coupé et vidé ledit estomac, nous avons vu manifestement tout le corps d’icelui, tant au dedans qu’au dehors, principalement vers la partie droite, noir, brûlé, gangrené et ulcéré en divers lieu, signamment autour du pertuis, que nous ne pouvons juger avoir été fait autrement, que par quantité indigne de poison brûlant, ulcérant, caustique, même le poison ayant laissé évidemment les traces de son passage en l’œsophage : le foie, au lieu joignant le pertuis susdit fait en l’estomac, étant altéré et brûlé, et tout le reste de la substance livide, comme aussi étoient les poumons. Il n’y avoit une seule partie de tout le corps de Son Excellence qui ne fût de très-bonne conformation et très-saine, si le poison violent n’eût gâté et corrompu les parties sus-mentionnées. Tout ce que dessus contient entièrement vérité. En foi de quoi nous avons signé ce rapport de nos seings manuels.

Fait à Saint-Jean-d’Angély, ce sixième de mars 1588.

Ainsi signé de Médicis, Bontemps, Pallet, Poget, Mesnard et Chotard.

Une mort si prompte, fit soupçonner qu’il avait été empoisonné. On en fut convaincu par l’écume qui sortit de sa bouche aussitôt après sa mort, et l’ouverture que les médecins firent de son corps le lendemain ne laissa aucun lieu d’en douter. Non seulement toute sa peau devint d’une couleur livide et plombée, mais les parties même intérieures et les intestins se trouvèrent gâtés et enflés d’une humeur acre et noirâtre. Outre cela, le ventricule était pareillement livide et dans sa partie supérieure un peu au-dessous de l’œsophage, à droite, il y avait une ouverture de la largeur d’un doigt. En sorte qu’il y avait beaucoup d’apparence que c’était par là que s’étaient infiltrées ces humeurs corrompues qui tenaient bandée toute la capacité des parties intérieures... Tous signes d’un poison violent, très violent et corrosif, dirent les médecins et les chirurgiens qui avaient assisté à l’opération et qu’ils attestèrent par l’acte qu’on dressa de leur déposition et qu’ils signèrent.

(Jacques-Auguste De Thou (1553-1617), Histoire universelle depuis 1543 jusqu’en 1607)

La suite de cette étonnante histoire, à découvrir dans un livre qui se lit comme un roman policier ...


[1Encyclopédie : BAGUE, s. f. (Manége) c’est un anneau de cuivre qui pend au bout d’une espece de potence, & qui s’en détache assez facilement quand on est assez adroit pour l’enfiler avec une lance en courant à cheval de toute sa vîtesse ; c’est un exercice d’académie. Courir la bague, voyez COURIR.

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