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1636-1647 - Angoulême (16) : Exagération des impôts. Gêne de la ville. Troubles dans les campagnes. Abondance de mendiants et vagabonds

lundi 31 août 2009, par Pierre, 813 visites.

Onzième volet de l’étude d’Auguste-François Lièvre, en 1886.

Auguste-François LIEVRE, était Bibliothécaire-archiviste de la ville de Poitiers, correspondant du Ministère de l’Instruction publique. Il a été président de la SAHC en 1879-81, et en 1885-86.

Source : Bulletin de la Société Archéologique et Historique de la Charente - Année 1886

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XI. 1636-1647. — Exagération des impôts. Gêne de la ville. Troubles dans les campagnes. Abondance de mendiants et vagabonds.

Depuis le commencement des troubles, la cour avait fait surseoir à là levée de l’un de ces nouveaux droits, beaucoup plus lourds que la taille elle-même ; mais elle ne répondit point à la requête des campagnes. Richelieu, qui, dans sa lutte avec la maison d’Autriche, avait besoin d’argent, en demanda aux communautés, tantôt sous forme d’impôt, tantôt à titre d’emprunt. Angoulême, malgré sa détresse, offrit quelques milliers de livres ; mais l’année suivante on la taxa.

Une épidémie s’était en même temps déclarée dans quelques quartiers et entravait le commerce.

En 1638, le gouvernement renouvela ses demandes d’argent. Deux fois dans la même année il fallut contracter de gros emprunts, qui ne purent être réalisés qu’à la condition qu’un certain nombre d’échevins, de conseillers et de pairs s’en rendissent personnellement garants. On dut surtaxer les produits et les matières premières des industries locales, qu’il eût, au contraire, été prudent de ménager. La ville se vit obligée d’engager ses offices de juge, de procureur, de greffier et de secrétaire ; déjà et depuis longtemps elle vendait ou donnait en paiement ceux de pair ; elle songea même à aliéner pour dix ans la jouissance de sa maison commune, en ne se réservant que la salle des délibérations, pour les jours de maisée seulement, et la prison. Malgré cette extrême pénurie, les commissaires du roi, dans les premiers jours de mars 1639, menacèrent de mettre des soldats chez les habitants si on ne payait pas une nouvelle taxe de dix mille livres imposée depuis quatre mois. Il fallut faire encore un effort, « d’autant, dit la délibération du conseil, que si les gens de guerre étaient reçus ou logés dans les maisons des habitants de cette ville, il y arriverait de grands désordres pour la mauvaise discipline desdits gens de guerre, lesquels ont ruiné le bourg de Champniers et autres bourgs et villages de la présente province ». Il fut décidé qu’on ferait un emprunt, et ceux des membres du corps de ville qui s’étaient déjà portés caution pour une dette de quarante-quatre mille livres sommèrent les autres de s’exécuter à leur tour, « n’étant raisonnable qu’ils jouissent des privilèges de la ville et s’exemptent des charges ».

Ceux-ci en jugèrent autrement, et quinze jours après, lorsqu’un commissaire vint annoncer qu’il allait faire avancer les troupes, le conseil dut trouver un autre moyen de se procurer les dix mille livres, augmentées des frais. Le maire proposa un emprunt forcé de vingt-cinq livres sur chacun des quatre cent dix-huit principaux habitants ; mais ce projet de cote uniforme fut repoussé. On se décida enfin à imposer chacun suivant ses moyens, et, sous le nom de taxe des « bien aises », on établit un véritable impôt sur la fortune. Les privilégiés cependant purent encore cette fois bénéficier de leur immunité ; mais l’année suivante, pour asseoir une nouvelle taxe, le corps de ville, malgré ses répugnances et en faisant les réserves les plus expresses au sujet de ses propres franchises, fut obligé de recourir à la capitation. Les nobles et anoblis furent inscrits au rôle comme les autres ; ils protestèrent, mais payèrent. La nécessité avait du moins fait entrer dans les esprits une notion juste.

L’année 1641 ne fut pas moins difficile que les précédentes. Le maire ne trouvait plus à emprunter qu’en son nom privé, et la plupart des échevins, des conseillers et des pairs tâchaient de décliner leur part de charges et de responsabilité en ne se rendant pas aux séances ou même en transportant leur résidence à la campagne. La ville, taxée à trente-cinq mille livres pour la subsistance militaire du quartier d’hiver, marchanda avec l’intendant, qui finit par promettre de la tenir quitte si elle payait sept mille livres, dans le délai d’un mois ; mais le mois s’étant écoulé sans qu’elle eût pu envoyer la somme, les receveurs généraux de Limoges firent, saisir les deniers affectés à l’entretien des remparts. Trois ou quatre mois après, il est vrai, l’intendant fit restituer une partie de cet argent, en même temps que le gouverneur de la province enjoignait à la ville de réparer au plus vite ses murailles : la tranquillité était encore une fois menacée.

Ce n’étaient pas les murs seulement qui avaient besoin de réparations ; les chemins, complètement négligés depuis longtemps, se trouvaient dans un état tel que beaucoup de voituriers et de cultivateurs renonçaient à amener, leurs blés à Angoulême. La ville, au printemps de 1643, se décida à faire réparer ses abords, et le maire convoqua à cet effet les habitants des paroisses voisines, auxquels il fut alloué « pour deux sous de pain et un sou de vin par jour, attendu la disette et nécessité desdits habitants ».

Dans la même séance, « le maire remontra » qu’il y avait dans la ville « grand nombre de pauvres passants et mendiants », presque tous originaires du Limousin, où sévissaient des maladies contagieuses. La municipalité essaya de concilier la prudence et la charité en fermant les portes aux indigents et en recueillant pour eux des aumônes qu’on leur distribuait en dehors des murs.

Partout les paysans, accablés de charges auxquelles ils ne pouvaient suffire, quittaient leurs foyers pour mendier ; çà et là il se formait des attroupements qui se portaient à des actes de violence et obligèrent la cour à envoyer des troupes dans l’Ouest [1].

Malgré les terribles avertissements de la peste, dont le souvenir n’était pas oublié, la ville, épuisée, ne donnait depuis quinze ans aucun soin à la voirie. En 1645, la municipalité crut enfin pouvoir s’en occuper, et dans les huit premiers mois de son administration le maire François Normand fit enlever de la voie publique « plus de deux mille charretées de fient, terre et délivres » ; après quoi son conseil l’autorisa à traiter avec un entrepreneur pour la nettoyer régulièrement.

Dans les campagnes il restait un grand nombre de malheureux que la faim avait fait sortir de chez eux et qui, maintenant sans feu ni lieu, promenaient avec eux le désordre et les maladies contagieuses. Pour en débarrasser le pays, le gouvernement eut l’idée de les enrôler. Le 6 février 1647, il parut une « ordonnance du roi portant commandement à tous déserteurs, vagabonds et gens sans aveu ni vacation de s’enrôler, trois jours après la publication d’icelle, dans les levées que Sa Majesté faisait faire en ses provinces de Normandie, Poitou, Saintonge, Angoumois et pays d’Aunis, pour servir de recrues aux vieux régiments d’infanterie française, et défenses à ceux qui seraient dans les troupes de les quitter pour prendre parti dans lesdites levées, à peine d’être punis comme déserteurs ». Ce simple énoncé nous dit suffisamment ce que pouvait être la discipline dans de pareils ramassis, et nous explique la terreur qui, à la campagne surtout, s’emparait des populations lorsqu’on leur annonçait l’arrivée des troupes.


[1Bulletin de la Société archéologique de la Charente, 1876, p. 117 ; — Mémoires de la Société des antiquaires de l’Ouest, XXXV, p. 145 ; — Archives historiques du Poitou, XV, p. 315.

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