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1649 - Juillac-le-Coq (16) : l’exécution publique du cadavre d’une suicidée

mercredi 2 juin 2010, par Razine, 1638 visites.

Une logique imperturbable : le suicide est un crime grave, et donc celui qui le commet mérite le châtiment suprême, la pendaison. Au nom de ce principe, les juges du ressort de Bouteville nous entraînent dans un scénario ahurissant.

1649 – PROCES-VERBAL TOUCHANT L’EXECUTION DU CADAVRE DE CATHERINE DUBOIS SUICIDEE DANS LES LIMITES DE LA TERRE ET SEIGNEURIE DE JUILHAC LE COQ.

Sources : Fond Albert – Babinet de Rancogne – Procès-verbal faict en 1469, touchant lexecucion du cadapure dune femme trouvee noyee dans les limites de la terre et seigneurie de Juilhac le Coq, en Angumois

Point de sépulture chrétienne, ni de pitié pour la dépouille de Catherine DUBOIS dont le cadavre doit être pendu. C’est la sentence énoncée par les hommes de loi avec l’aval de l’église car se suicider est un crime. La situation se révèle macabre, car plusieurs jours se passent en échanges épistolaires avec force détails pour déterminer la juridiction compétente pour exécuter la sentence.

 Lundi 4 septembre 1649 - Les faits

Ce jour de 1469, Catherine DUBOIS épouse de Colas Martin, laboureur demeurant en l’hôtel de Nodon de Boisson de Verseuin en la paroisse de Juilhac le Coq se suicide en se jetant dans le puits de la maison. Guillaume Laisne, juge de la cour de Juilhac le Coq dépendant des chanoines de l’église cathédrale d’Angoulême prend conseil auprès de Jehan Symon, assesseur du Sénéchal d’Angoumois pour savoir qui devra appliquer la sanction pénale. Le cadavre de Catherine doit-il rendre raison à la justice des chanoines ou à la seigneurie de Bouteville dépendant des Comtes d’Angoulême ? le suicide a eu lieu en limite des terres appartenant au chapitre d’Angoulême et de celles de Marguerite de Rohan, comtesse d’Angoulême, dame de Bouteville. S’ensuit un échange de missives sur la conduite à tenir. Il n’y a point de bourreau pour appliquer la loi. Qui voudra donc se charger de transporter le corps jusqu’aux bois de justice et appliquer la sentence ?
 
Guillaume LAISNE s’adresse à Helie GIRAULT, homme de loi pour demander conseil sur la procedure

« Je Guillaume Laisne, juge de la court ducict Juillac pour messieurs seigneurs doyen et chappitre, incontinant que en fuz assauante (instruit) par Pierre Berteau, sergent audic Juilhac pour mesdicts seigneurs, allay faire linformacion sur le lieu, et icelle faicte la envoyay en Engolesme à honnorable et sage maistre Helies Girault licencie en loix, ; seneschal de mesdicts seigneurs doyen et chappitre, et lui en excriuis mes lettres missibles, et aussi à monsiegneur maistre Jeahan Symon licencie en loix accesseur de monseigneur le lieutenant, de monseigneur le seneschal Dangoumois, pour savoir commant il leur plairoit que sur ce que me eusse à gouverner et proceder oudit cas. Lequel dict maistre Helies Girault mescriuit de sa main en la maniere qui sensuit »

 Mardi 5 septembre – La réponse de Girault

« Monsieugneur le juge je me recommande à vous tant que plus puis. Jay veu ce que escript mauez Monseigneur laccesseur et moy auons uisite linformacion que mauez enuoyee touchant la femme qui sest tuee ; et sommes doppinion que faciez assauoir (informiez) au procureur de Bouteuille (Bouteville) que soy rende la ou on a accoustume rendre les criminels a la justice de Bouteuille quand le cas y aduient (advient) ; et illec le corps qui a present est sur terre soit trayne jusques audict lieu et le bauldrez et liurerez audict procureur et officiers de Bouteuille pour en faire lexecucion, cest assauoir (à savoir) estre trayne et pandu, se bonnement faire se peut ; si non, seroit meilleur que le corps fust trayne hors la terre de Juilhac et mis dedans la terre et chastellenie de Bouteuille, et illec, le enterrer en terre prophane, car peut estre que la solennite de justice ny pourroit estre gardee propter fetorem cadaueris, etc. Et tout ce ferez comme mon accesseur ou je vous commetz par la teneur de ces presentes a y besongner comme se je y estoie en propre personne. ……… »

Escript Engolesme cetuy mardi cinqyesme jour de septembre.
En la souzscripcion est escript : Le tout vostre Helie GIRAULT et en la supscipcion : A Monsiegneur le juge de Comgnac (Cognac) et de Juilhac le Coq.

 Nuit du mardi 5 septembre - Réponse de Guillaume Laisné

Après concertation avec le chapitre et le procureur de Bouteville, Guillaume Laisne adresse de nouvelles missives à Helies Girault et Jehan Symon.

« Mon tres chier et honnore seigneur, tousjours moy recommande à vostre bonne grace, et vous plaise savoir que moy et Robert Catris procureur à Bouteuille auvons veues les lettres que escriptez mauez faisans menssion que vous et monseigneur laccesseura uez veu les lettres que escriptes vous auoye et aussi à lui auec linformacion de la mort de Katherine Bubois de Juilhac le Coq qui se tua ; et mauez rescript que loppinion de vous et de monseigneur laccesseur estoit que le corps de la dicte femme fust rayne de par la justice de mesdicts signeurs de chappitre jusques au lieu accoustume à livrer les crimineulx, sans ce que declairez le lieu. Touttefois, monseigneur du Frayne (Pierre du Bois, écuyer dont la seigneurie relevait de Juilhac le Coq) ma aujourduy dit que cest a une croix appellee la croix Faulconin, laquelle croix est pres de leglise de Juilhac comme de distance dune versayne (longueur d’un sillon) et demye ou environ ; et est ladicte croix bien auant au-dedans de la seigneurie ducict Juilhac ; et que audict lieu accoustume à liuvrer les crimineulx ledict corps fust liure aux procureur et officiers de la justice de Bouteuille, qui semblablement feroient trayner ledict corps jusques aux justices de Bouteuille ; et que illec le feroient pandre ou autrement le feroient enterrer en la chastellenie de Bouteuille, la ou pour la fetour et puanteur on le pourroit pandre. Si est ainsi que nous ne trouuions (trouvions) homme pour mesdicts seingeurs qui vueillent faire trayner ledict corps pour la justice de mesdicts seingeurs jusques au dict lieu accoustume, disans que cest loffice xde bourreau ; et aussi nous nauons (n’avons) point de bourreau par deca, et nen y a point au pays que nous sachons ; et pour ce, ne sauons commant nous y puissions proceder, car ledict corps est desja infect et puant, tellement que lon nen peut endurer la fleureur, ja soit ce que je lay (bien que je l’ai fait enfouir) fait enfonsser en une pipe ; et est encores ledict corps prez du poys (puits) dont il a este tire. Je le voulloye faire mener aux prisons de messeigneurs a la voulture (basse-fosse) mais le fermier nomme Heliot de Bresme ne si veult consentir tant pour la puanteur que aussi pour ce qui dit quil noseroit demourer de njuyt en ladicte voulture sy le corps y estoit. Et pour ce, plaise vous en parler auec mondict seigneur laccesseur et y aduiser ensemble quil en est a faire, et aussi lui remonstrer que monseigneur de Linieres (Lignières) doit fournir de bourreau pour madame de Bouteuille (Bouteville) et lui fauldroit faire assauoir et quil eust espace competente de le sercher ; et quant il seroit serche, si doubte je que pour la puanteur il ne le pourroit executer ; et nous semble que dors en auant lexecucion ne sen peut faire que par figure ; et que ledict corps soit mis en terre la ou vous et monseigneur laccesseur aduiserez (aviserez) et que vous et lui ensemblement nous en vueillez rescripre ce quil en sera a faire, affin de garder le droit des seigneuries d’une partie et dautre ; ……….
Escript à mardi de nuyt cinqyesme de septembre.

 Mercredi 6 septembre - Réponse au dos de la lettre de Jehan Symon, assesseur

« Monsieugneur le juge, nous auons veu les lettres que escriptes a monsiegneur de la Mothe et à moy. Puisquil nest possible de y faire ne y garder les sollennitez de justice, je suis doppinion pour le present que le corps soit enterre en quelque lieu que ce soit. Touteffoiz sil estoit possible quil fust mis en la terre de Bouteuille la ou par vous et monseigneur le procureur seroit ordonne, ce seroit e mieulx ; et une autre foiz on y fera ce quil appartient par figure ou aultrement. …….. »

Escript Angolesme, cestuy mercredi. Et en la soubzscripcion : le tut vostre Jehan Symon

 Jeudi 7 septembre – La sentence est exécutée

Avec l’accord de toutes les parties et commis par Helies Girauld, Guy Laisne ordonne au sergent Pierre Bertauc de rassembler les habitants du village où a eu lieu le crime afin d’assister à l’exécution de la sentence.

 « Je ledict Guilaume Laisne, juge audict Juilhac le Coq pour mesdicts seingeurs doyen et chappitre Dengoleme, et commis en ceste partie de par mondict seigneur maistre Helies Girauld licencie en loix leur seneschal, le jeudi matin septyesme ducict mois de septembre, lan susdict, feiz par Pierre Berteau sergent de mesdicts seigneurs doyen et chappitre, faire commandement de par mesdicts seigneurs aux manans et habitans de ladicte terre et seigneurie de Juilhac le Coq de eulx rendre solennellement icellui dict jeudi à heure de dix heures audict mayne Naudun Verseuin embastonnez pour accompagnez ladicte justice. A laquelle heure de dix heures dicellui jus es, presences de honnorable homme et sage Robbert Cattris procureur audict Bouteuille (Bouteville) pour très haulte et puissante princesse madame la contesse Dengolesme, de nobles hommes Pierre du Bois seigneur du Frayne, de Henry du Bois son filz escuiers, de pierre de Bresme fermier de la terre et seigneurie de Juilhac pour mesdicts seigneurs et leur procureur audict lieu, dudict Pierre Berteau sergent, de Guillaume Persay, de Guillaume Moreau, Pacault Foncheteau, Helyot Gaillart, Helyot Ymbart, Mathelin Friquet, Arnault Moreau, Guillaume Pignou, Guillaume Aliet, Pierre Garnier, Guillaume Prepian, et de plusieurs autres habitans dudict Juilhac le Coq, feiz charger ledict corps de ladicte feue Katherine Dubois estant enfonsse en une pipe pour la puanteur euicter (éviter) et le mectre en une charrecte attelee de deux chevaux, et la mener en la compagnie des dessus dicts jusques au quarrefour de la croix du Poyou six en la paroisse de Segonzac, et en la chastellenie terre et seigneurie de Bouteuille (Bouteville). Auquel dict quarrefour je liuray pour et en nom de mesdicts seigneurs doyen et chappitre à cause de leur justice et jurisdiction dudict Juilhac le Coq le dict corps de ladicte Katherine en la presence que dessus, ausdicts procureur sergent et prevost fermier de la prevoste dudict Bouteuille (Bouteville), pour en faire lexecucion ; lesquels le prindrent et accepterent pour receu, protestacion sur ce faicte par ledict procureur de madame la contesse, que ce fust sans preiudice des droiz de madicte dame, et aussi par ledict procureur de mesdicts signeurs doyen et chapittre que ce fust sans priudice des droiz de mesdicts seigneurs. Au quel dict quarrefour du couste et a la part deuers le Bouchet et sans preiudice que dessus, ledict corps estant en ladicte pipe, incontinant fut enterre. Lequel dict quarrefour est fait et est cause du chemin que lon va de Jarnac a Saint-Fort et du chemin que lon va dudict Bouschet a Richarduille (Richarville, village commune de Segonzac).

Et en tesmoing de verite de tout ce que dessus est escript ainsi auoir este fait, jay signe ces presentes de mon seing manuel cy mis. Signé Laisne

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