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1664 - 1790 - La traite de Charente - Impôts sur le sel, le vin, les eaux-de-vie
dimanche 30 décembre 2007, par , 2576 visites.
L’abolition de la Traite de Charente, un revendication quasi unanime des cahiers de doléances de 1789.
En quoi consistait cet impôt honni ?
La Saintonge et une partie de l’Angoumois, "provinces étrangères", parce qu’elles avaient été séparées du Royaume au temps de la domination anglaise.
La traite de Charente dans l’Encyclopédie
Ou appelait traites dans les anciennes ordonnances les droits que l’on prélevait sur les marchandises à l’entrée et à la sortie d’une province ou d’un royaume ; elles se nommaient dans le latin du moyen âge tributum transitorium ou tributum transiturae ou simplement transitura (impôt payé pour le passage). Quelquefois on ajoutait au mot traites celui de foraines pour indiquer que les marchandises venaient du dehors.
Les principales traites étaient, au XVIIIème siècle, les douanes de Valence et de Lyon, le convoi et comptablie de Bordeaux, la coutume de Bayonne, la traite d’Arzac, la traite de Charente, la patente de Languedoc, la foraine et bouille de Roussillon, la prévôté de Nantes, la romaine de Rouen, le trépas de Loire, l’entrée de Calais, le péage de Péronne, les droits de fret, les droits des sorties sur les vins par les provinces de Champagne et de Picardie, le contrôle des toiles à Paris.
Il y avait une ligne de bureaux sur la frontière de toutes ces provinces ; on y percevait les droits d’entrée et de sortie fixés par le tarif des cinq grosses fermes rédigé en 1664.
Ces traites n’ont été abolies que par la révolution.
Droit de la TRAITE DE CHARENTE |
EXTRAIT du règlement du 14 juin 1723 pour la régie & perception des droits de la traite de Charente, sur les vins & eaux-de-vie.
Le roi ayant été informé, que contre la disposition des arrêts, réglemens & ordonnances donnés ci-devant pour la perception des droits de la traíte de Charente sur les vins & eaux-de-vie, il s’étoit cependant établi dans les bureaux d’Aunis & de Poitou, différens usages également préjudiciables au commerce de ces provinces & aux droits de sa majesté :
sadite majesté, pour y pourvoir & en prévenir les mauvais effets, a ordonné que les articles des baux de Fauconnet & de Domergue & l’arrêt du 29 novembre 1687, seroient exécutés selon leur forme & teneur, & en conséquence que les vins & eaux-de-vie sortant par terre de la province de Xaintonge, pour être transportés à Aunis ou en Poitou ; & de même les vins & eaux-de-vie qui traverseroient les enclaves de Xaintonge dans lesdites provinces d’Aunis & de Poitou, acquitteroient dans les bureaux des fermes de sa majesté les droits de ladite traite de Charente, sur le pied de onze livres par tonneau de vin, & en outre des deux sols pour livre dudit droit, & de douze deniers pour livre du tout ; & sur le pied de douze livres par barique d’eau-de-vie, le tout sans préjudice aux droits d’entrée ordinaires des cinq grosses fermes, suivant le tarif de 1664 pour les vins & eaux-de-vie de Xaintonge, qui seront transportés dans lesdites provinces d’Aunis & de Poitou.
Sa majesté abrogeant tous usages contraires, & ordonnant que les contestations qui pourroient survenir dans l’exécution du premier arrêt, seroient portées pardevant les sieurs intendans de Poitiers & de la Rochelle, chacun dans ce qui regarde son département, à la charge de l’appel au conseil, des jugemens & ordonnances desdits sieurs intendans.
Tentatives de réforme des traites par Colbert et Necker
Les Traites, au moyen-âge, s’appelaient transiturae ou droits du transit. Le royaume était couvert de barrières qu’aucun objet de commerce ne pouvait franchir sans payer l’impôt. Les grands vassaux, les seigneurs, les villes, le roi, avaient leurs traites.
Colbert voulut en 1664 établir un tarif uniforme pour les droits de traite, et les reporter tous aux frontières. Les résistances l’arrêtèrent.
Il resta :
1- LES PROVINCES DES CINQ GROSSES FERMES, assujetties au tarif de 1664 : Normandie, Picardie, Boulonais, Champagne, Bresse, Bugey, Dombe, Beaujolais, Berry, Poitou, Aunis, Anjou, Maine, Bourbonnais
2- LES PROVINCES RÉPUTÉES ÉTRANGÈRES, à la législation du tarif de 1664 : Lyonnais et Forez, Dauphiné, Provence sauf Marseille et son territoire, Languedoc, Foix, Roussillon, Guyenne, Gascogne, Saintonge, îles de Rhé et d’Oleron, Auvergne, Limousin, Périgord, Angoumois, Flandre, Hainaut, Artois et Cambresis, Bretagne et Franche Comté.
3- L’ÉTRANGER EFFECTIF, partie acquise depuis ou privilégiée : les Trois Évêchés, Lorraine, Alsace, le comtat Venaissin, le territoire de Marseille, le Labour, Gex, Dunkerque.
« Les trois subdivisions qu’on vient de désigner, dit Necker, ne sont pas les seules disparités qui existent dans le royaume, relativement aux droits de traite, car les provinces réputées étrangères, séparées en commun de celles des cinq grosses fermes, sont soumises à des droits locaux absolument différents. Enfin, même dans les provinces d’étranger effectif il ya des droits particuliers appelés de péage, de traverse, et de traite foraine, qui gênent et embarrassent la circulation [1].
Toute cette constitution est monstrueuse aux yeux de la raison. On est vraiment effrayé en s’enfonçant dans l’étude de ces droits lorsqu’on découvre leur nombre et leur diversité. »
Necker en 1784 estime le produit des traites à 22,000,000 de livres dont
1- 5,000 000 livres de droits sans inconvénients (ceux sur le sel, ceux sur les vins, dits de subvention, ceux de consommation, à l intérieur, sur les denrées des colonies, ceux du fret des navires étrangers.
2- (A supprimer) les droits sur les marchandises qui se transportent d’une province à l’autre (5.000 000 livres de produit).
3- (A modifier) les droits qui portent sur le commerce avec l’étranger (12,000,000 livres de produit).
520 bureaux de douanes occupaient le royaume.
Les droits à la sortie du royaume ne rapportaient que 4 millions [2]
Source : État de la France en 1789 - Paul Boiteau d’Ambly - Paris - 1861 - Books Google.
30 octobre 1790 - L’Assemblée Nationale abolit la Traite de Charente, et de nombreux autres droits
Art III - A compter du même jour, 1er décembre prochain, les tarifs particuliers de 1661, de 1667 et 1671, de douane de Lyon, de douane de Valence, de 4 pour 100 sur les drogueries et épiceries de foraine, de table de mer, de 2 pour 100 d’Arles, du denier Saint André et liard du baron, ceux de la patente du Languedoc, foraine et traite d Alsace, de la gabelle et foraine du Béarn, ceux de la Comptablie, du droit de convoi, de la traite de Charente, de la prévôté de La Rochelle, de courtage à Bordeaux, de la prévôté de Nantes, de Brieux, et des ports et havres en Bretagne, d’issue foraine, traverse et haut conduit dans la Lorraine et les évêchés, le tarif des péages d’Alsace qui tiennent lieu des droits de traites dans cette province, les péages du Rhône, celui du Paty et de Péronne, et généralement, tous les péages royaux, ceux pour les droits d’abord et de consommation, et tous autres tarifs servant à la perception des droits sur les relations du royaume avec l’étranger,
cesseront d’avoir leur exécution et demeureront annulés, ainsi que les droits de courtage et mesurage à La Rochelle, de premier tonneau, de fret de branche de cyprès, de quillage, de tiers retranché, de parisis, de coutumes des ci-devant seigneurs, de traite domaniale à la sortie, et ceux d’acquits et d’attributions attachés aux offices des maîtrises des ports et autres juridictions.
Ces tarifs & droits seront remplacés par un tarif unique et uniforme qui sera annexé au présent décret, et dont les droits seront perceptibles à compter dudit jour 1 décembre à toutes les entrées et sorties du royaume, sauf les exceptions, entrepôts et transits reconnus nécessaires, et qui seront incessamment jugés sur les rapports qui en seront faits à l’Assemblée nationale.
Ces articles sont adoptés sans discussion
La séance est levée à quatre heures et demie.
Source : La Gazette Nationale ou le Moniteur Universel du Lundi 1er novembre 1790. - Books Google
[1] NOMS D’IMPÔTS LEVÉS DANS LES PROVINCES DES CINQ FERMES RÉPUTÉES ÉTRANGÈRES OU D’ÉTRANGER EFFECTIF
BRETAGNE : Prévôté de Nantes, ports et havres, brieux, rivage, celerage, etc.
SAINTONGE : Traite de Charente et quelques autres
MARCHE, PÉRIGORD, QUERCY, AUVERGNE : pas de droit d’entrée ni de sortie
GUIENNE : Comptable et convoi, guillage, branche de cyprès. Foraine en quelques cas, et traite d’Arzac (4 pour 100)
PROVENCE ET LANGUEDOC : Douane de Lyon, foraine et domaniale, 4 pour 100 (sur les drogues et épiceries)
LANGUEDOC : Denier de Saint-André, Patente du Languedoc (de Foix et d’Armagnac, en Béarn, Navarre et Espagne)
PROVENCE : Table de mer à Marseille, 2 pour 100 à Arles, Liard du baron à Arles
BAYONNE : Coutume de Bayonne et du pays de Labour
ROUSSILLON : Tarif catalan
DAUPHINÉ : Droit de la douane de Valence
LYONNAIS ET FOREZ : Douane de Lyon et en quelques parties du Forez. Douane de Valence
FLANDRE, ARTOIS, HAINAUT : Droit de transit et droit de 5 pour 100. (Tarif du 13 juin 1671)
FRANCHE-COMTÉ : Point de tarif Etc
[2] Les boissons payaient à la sortie ; le sel aussi, mais peu de chose. L’exportation des denrées coloniales était franche. La plus grande partie des produits industriels ne payait rien non plus. On n’avait excepté que quelques articles de mode : les galons, les broderies et les parures que l’étranger, dès lors, eût achetés à tout prix.