Histoire Passion - Saintonge Aunis Angoumois

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1683 - Factum contre les Prétendus Réformés de Mortagne-sur-Gironde

mardi 25 décembre 2018, par Pierre, 249 visites.

Factum : Récit de l’une des parties, destiné aux juges, exposant sommairement les faits d’un procès. Il s’agit ici d’argumentaires en faveur de la partie catholique (Diocèse de Saintes), contre les Protestants.

Le dé-tricotage de l’Edit de Nantes, pendant les règnes de Louis XIII et de Louis XIV, se fait de différentes manières :
- par l’usage de la justice Royale, ce qui nous donne des dossiers d’argumentaires (factums) pour aider le clergé du diocèse de Saintes à lutter contre les protestants ;
- par l’usage de la force : dragonnades, mises au couvent, envoi aux galères, etc.

L’intérêt de ces "Factums" est la description de la situation locale du protestantisme pendant les règnes de Henri IV, Louis XIII et Louis XIV, avec les noms et les rôles des acteurs locaux, lorsque cela est utile à l’argumentaire..

Source : Factums pour le syndic du clergé du diocèse de Saintes contre les prétendus réformés de Saintonge, sur le sujet des temples et des exercices publics de leur religion qu’ils ont établis dans le diocèse de Saintes, par contravention aux édits. - 1683 - BNF Gallica

Voir ici une page de synthèse sur les 41 factums en cours de publication sur ce site. On y trouve la liste des lieux concernés par un Factum, et les références réglementaires sur lesquelles s’appuie le rédacteur, Monseigneur de Châteauneuf.

MORTAGNE SUR GYRONDE.

FACTUM

Pour le Syndic du Clergé du Diocese de Saintes, demandeur.
Contre les Prétendus Reformez de Mortagne, défendeurs.

Le Syndic du Clergé de Saintes soûtient contre les P. R. de Mortagne, que l’exercice public de leur Religion doit estre interdit dans le Bourg & étendue de la Principauté de Mortagne, & le Temple qu’ils ont construit audit Bourg depuis l’année 1604. démoli jusques aux fondemens.

La cause du Syndic est incontestabie pour deux raisons.

La première est decisive. L’affaire dont il s’agit a esté examinée, discutée, & jugée contradictoirement au Conseil Privé du Roy, par un Arrest rendu le sixiéme Octobre 1634. par lequel la Sentence du sieur de Ville-Montée du 6. Octobre 1633. portant défense aux P. R. de Mortagne de faire le Presche & exercice public dans le Bourg & étendue de la Principauté & haute Justice de Mortagne, à peinede trois mille livres d’amende, de laquelle les P. R. s’étoient rendus appellans, est confirmée, l’appellation mise au neant, & les appellans condamnez aux dépens. Les P. R. de Mortagne n’obeïrent pas à l’Arrest. En 1657. Monsieur le Duc de Richelieu, lors Seigneur de la terre de Mortagne, ne pouvant souffrir leur opiniâtreté, poursuivit au Conseil Privé de Sa Majesté l’execution de l’Arrest de 1634. & sur sa requeste le neuvième Février 1657. il fut donné Arrest audit Conseil, portant que les P. R. de Mortagne seroient assignez aux fins de ladite requeste, pour voir déclarer contre eux les peines de trois milles livres d’amende, encourues, pour n’avoir pas obéi à l’Arrest de 1634. Et cependant defenses faites à eux de faire aucun exercice de la R. P. R. au Bourg de Mortagne. Les défendeurs n’obeïrent point encore, & nonobstant cét Arrest ils ont toujours continué à Mortagne l’exercice de leur Religion, & jusques-icy on n’a pu leur faire exécuter l‘Arrest de 1634. Cet Arrest a esté rendu contradictoirement, le Syndic du Clergé en produit une copie deuëment collationnée. C’est donc une justice qu’il demande à Nosseigneurs du Conseil, qu’il leur plaise de donner un Arrest portant que celuy du 6. Octobre 1634. sera exécuté, & que le Temple des defendeurs sera par eux démoli jusques aux fondemens.

La seconde raison qu’allegue le Syndic, n’est pas moins constante. Il fait voir que les défendeurs ne donnent aucune preuve d’exercice de leur Religion, établi & fait publiquement au Bourg de Mortagne, es années portées par l’Edit ; sçavoir ou en l’année 1577. au mois de Septembre, ou es années 1596. & 97. jusques à la fin du mois d’Aoust. Ce fait paroist par les pièces qu’ils ont remises au procès.

Quant à l’année 1577. il n’y est jamais parlé du mois de Septembre, ni mesme d’aucun exercice public de la R. P. R. pendant toute cette année.

Pour ce qui est de l’année 1596. les défendeurs ont produit sous la cotte D. une deliberation du 23. Octobre par laquelle ils consentent que Chastagnier, Ministre de la parole de Dieu, fera sa demeure à Saint Seurin, & promettent de le reconnoistre pour leur Pasteur, & de se rendre obeissans à la parole de Dieu,

Cette pièce fait contre la prétention des défendeurs ; car elle prouve qu’ils n’avoient point à Mortagne en l’année 1596. d’exercice public de leur Religion établi, puisqu’ils n’y avoient point de Ministre residant. Il est bien vray que le nommé Chastagnier qui residoit à Saint Seurin, & qui estoit en ce lieu Ministre du Chasteau, (comme il appert par les titres produits par ceux de Saint Seurin) rendoit aussi quelque service à ceux de Mortagne, comme estant membres de l’exercice de fief qu’il faisoit audit Saint Seurin.

Quant à l’année 1597. ils produisent sous cotte D. une convention qu’ils firent avec Chastagnier ; sçavoir qu’ils luy donneroient par an cent soixante livres, payables par chaque quartier & par avance ; & aussi qu’ils payeroient la tierce partie de la location de sa maison, qu’il avoit louée à Saint Seurin.

Cela prouve, à la vérité, que ce Ministre qui servoit au Chasteau de Saint Seurin, rendoit aussi quelque service aux P. R. de Mortagne : on ne conteste point ce fait. Mais cela ne prouve point qu’il y eust à Mortagne d’exercice publiquement fait de la R. P. R. au contraire, cela fait voir qu’on ne l’y faisoit point, ceux de Mortagne allant à l’exercice personnel de Saint Seurin, lorsque le Seigneur dudit lieu le faisoit faire dans son Chasteau.

Ils produisent de plus, sous la mesme cotte D. un extrait d’un Synode Provincial, tenu à la Rochelle le 7. May 1597. où il est dit, que l’Eglise de Mortagne, de saint Fort & de saint Seurin sont marquées comme absentes.

Les défendeurs ne peuvent point se prévaloir du nom d’Eglise que l’on donne dans ce Synode au lieu de Mortagne. Car 1° les P. R. donnent le nom d’Eglise indifféremment à tous les lieux où il y a des gens qui font profession de leur Religion, & ce nom ne marque pas pour cela aucun exercice établi, te d’Eglise formée. 2° L’absence d’une Eglise à un Synode, est-ce une preuve qu’il y eust dans cette Eglise un exercice publiquement fait de la R. P. R. Au contraire, l’on auroit raison d’en conclure qu’il n’y avoit pour lors dans cette Eglise Prétendue Reformée, ni Ministre residant pour y faire l’exercice, ni Consistoire dressé pour députer au Synode, au moins quelque Ancien,

Enfin sous la mesme cotte D. ils produisent un testament d’un nommé François Vivien, daté du cinquième Juin 1597. dans lequel il déclare qu’il veut estre inhumé & ensepulturé au Cimetiere acquis par ceux de la R. P, R.

Cela fait voir véritablement qu’il y avoit pour lors à Mortagne des personnes qui faisoient profession de la R. P. R. Mais cela ne prouve point qu’il y eust en ce lieu en 1597. un Consistoire formé, un Ministre residant, & un exercice publiquement fait de ladite Religion.

Ceux de Saint Seurin produisent un acte sous cotte F. qui fait voir visïblement qu’en cette année 1597. il n’y avoit point à Mortagne d’exercice établi & publiquement fait de la R. P. R. Cét acte est un contract de mariage daté du 11. Avril 97. & accordé entre le nommé Micheau Vrignaud & Esther Goyeau, demeurans en la Paroisse de Mortagne, lesquels déclarent dans leur concract, que leur mariage se fera selon les solemnitez de l’Eglise Reformée à Mortagne & à Saint Seurin, selon l’ordre qui est établi par ceux de la Religion, & maintenant prêchée audit lieu de Saint Seurin par Monsieur Chastagnier, Ministre de la parole de Dieu. De là le Syndic infère : On ne préchoit donc point pour lors à Mortagne, mais seulement à Saint Seurin ; & par consequent en 97.au mois d’Avril, il n’y avoit point à Mortagne d’exercice établi & publiquement fait de la R. P. R. Ceux qui faisoient profession de cette Religion, alloient au Presche à Saint Seurin, lorsqu’il s’y faisoit au Chasteau, par la permission du Seigneur. Aussi ne voit-on point dans tous les titres que les défendeurs ont produit, qu’il soit fait aucune mention, ni de Presche fait à Mortagne, ni de Cene administrée, ni de Censures faites, & autres choses qui regardent la discipline d’une Eglise formée : ce qui prouve évidemment qu’il n’y avoit point audit lieu de Mortagne d’exercice établi & publiquement fait de la R. P. R.

Les défendeurs en donnent encore une preuve bien claire, par l’acte du testament dudit Chastagnier, Ministre, qui est la derniere pièce qu’ils ont produite sous cotte D. Ce testament est daté du neuvième Avril 1599. Chastagnier s’y qualifie Ministre du saint Evangile en l’Eglise de saint Seurin & de Mortagne ; & il y est dit qu’il demeuroit à saint Seurin. Par cét acte, & par le Livre des Baptêmes produit par ceux de Saint Seurin, sous la cotte A. il confie que depuis l’année 1567. jusques en l’année 1599. ce Ministre a fait sa demeure ordinaire à Saint Seurin, y estant Ministre de l’exercice personnel que le Seigneur du lieu a fait faire pendant plusieurs années dans son Chasteau ; & ceux de Mortagne estoient membres de cet exercice, & estoient unis avec ceux de Saint Seurin, De sorte qu’il est évident que non seulement dans les années 96. & 97. requises par l’Edit de Nantes, mais mesme dans les precedentes & les suivantes, ceux de Mortagne n’ont point eu de Ministre qui ait fait chez eux de residence fixe ; & par consequent pendant tout ce temps il ne s’est point fait dans leur Bourg d’exercice public de leur Religion. Et ainsi il est clair qu’ils ne sont point aux termes de l’Edit de Nantes, qui demande article 9. un exercice établi & publiquement fait par plusieurs & diverses fois en l’année 1596. & en l’année 1597. jusques à la fin du mois d’Aoust.

Pour ces causes le Syndic espere de la justice de Sa Majesté, & de celle de Nosseigneurs de son Conseil, que l’exercice public de la R. P. R. sera interdit à Mortagne, & le Temple où il se fait, condamné à estre démoli, conformément à l’Arrest de 1634. aux frais & dépens des défendeurs.

Mr le Marquis DE CHASTEAU-NEUF, Rapporteur,

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