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1723 - L’Abbaye aux Dames de Saintes (Charente-Maritime) + audit fait en 2009
jeudi 23 avril 2009, par , 1542 visites.
En 1723, Jean-Jacques Amelot de Chaillou, intendant de la Généralité de la Rochelle, lance une enquête sur les établissements religieux et hospitaliers de la Généralité, dans le but d’établir une "statistique". Le questionnaire envoyé par courrier comprend 6 questions :
historique de la fondation
nom de l’établissement
ordre de rattachement
effectifs
revenus
charges
Nous avons dépouillé pour vous les réponses à cette enquête. Voir l’introduction de cette rubrique
C’est la crise, on ne cesse de le dire ! A l’Abbaye aux Dames de Saintes, le compte d’exploitation est déficitaire de 8%. Les dettes augmentent de façon inquiétante, et les frais financiers avec. Quel miracle pourra sauver l’abbaye du dépôt de bilan ? Le Roi a demandé un rapport. Histoire Passion fait l’audit des comptes, et propose des solutions.
La hiérarchie des salaires de 1723 est aussi présentée ici.
L’audit des comptes, et la hiérarchie des salaires, par Histoire Passion
Ce document fait un inventaire complet du personnel travaillant pour l’Abbaye. Il est une mine d’informations.
Source : manuscrit original – Bibliothèque Municipale de Saintes (fonds ancien) – MS 664-1 – Transcription : Pierre Collenot
Copie d’un mémoire que l’on a fourni à M. lintandant quil a demandé par ordre de la cour le 26 de Xbre 1723
Fondation de l’abbaye de Xaintes
L’abbaye Notre-Dame hors les murs de la ville de Xaintes a esté fondée par Godefroy et Agnesse, Comte et Comtesse de Saintonge en 1047
Ordre de saint Benoist
Revenu
le revenu consiste aux articles cy-après nommez
Premièrement une maison sur les ponts affermée sous seings privés 45 #
- Les maisons et les moulins du pont de Saintes
St Vivien, une métairie à St Vivien les Saintes, cultivée à moitié fruits, composé de terres labourables, est d’environ 50 journaux de bois taillis qui ne servent qu’à chauffer le four, cette métairie peut valloir de revenu 500 #
il y a encore un moulin sur le ponts et une rente sur les moulins de Lusserat avec quelques domaines à St Palais, estimé le tout 60 pochées de grains qui peuvent valloir 360
Corme Royal est en régie et Madame l’abbesse en prend les fruits depuis 1714. auparavant il estoit affermé au Sr Poitevin 5,500 #, y compris les dixmes de la Clisse, Nanaras, Rensannes, Pizany et Lisloi qui sont affermez depuis en particulier ; il y a aussy environ 30 journaux de bois taillis qui ont toujours été exploitez avec la ferme, de sorte que déductions faites des sousfermes, Corme Royal ne peut valloir que 3,910
Il y a encore une forest d’environ 150 journaux ou les bois sont les 3 quarts fayans et le reste chesnes tant bons que mauvais où Madame l’abbesse fait prendre les bois necessaires pour les réparations de ses églises et maisons
Pont l’abbé est en régie depuis 1722. Il estoit affermé auparavant au Sr Perruchon y compris St Michel, St Sulpice et Ste Radegonde 5,900 #. Il peut valloir encore autant 5,900
Le Gua, affermé au Sr Pierre Granier, le 21 janvier 1722. Reçu Marsay Notaire Royal 4,800.
St Sorlin, affermé au Sr Garresché, le 21 janvier 1722, par mêmes notaires 4,700
Luzac et Mozac, affermé au Sr Briou le 19 juillet 1720, par même notaire 4,400
St Pierre de Salles et Marennes, affermé au Sr Guibert le 24 janvier 1722, par même notaire 4,400
St Denis d’Olleron, affermé au Sr Auger Castes, le 10 janvier 1720, par même notaire 10,000
Vix en Poitou, affermé au Sr Denfer par (blanc) notaire 6,500
La Mongie est affermée au curé du lieu depuis 1712, par Mr Levasseur, porteur de procuration à 120 # par an 120
St Julien de Lescart [1] est affermé au Sr Dumont le 24 juin 1719 par Marsay 1,100
Herpes [2], est affermé à Jean Cholet le 12 Xbre 1722 30
Les coustumes de sel de Marennes sont des revenus casuels et médiocres depuis plusieurs années cependant elles peuvent valloir année commune 4,000
Les marais sallans ne consistent qu’en 12 L 8 aires [3], c’est aussi un revenu casuel qui peut valloir année commune 300
Les dixmes de La Clisse affermées à Nicolas en avril 1722 par Poitevin notaire royal 350
Les dixmes de Nancras affermées au Sr Mimau le 22 avril 1723 par Marsay Notaire Royal 250
Les dixmes de Rensannes affermées à Nicolas en avril 1722 par Poitevin 235
Les dixmes de Pizany, affermées au Sr Philippe Magné en avril 1722 par Poitevin 555
Les dixmes de Lislau affermées au Sr Sonné en avril 1720 par Poitevin 200
Les dixmes de Brou affermées au Sr Videau le 15 avril 1719 par Marsay notaire royal 220
Les dixmes des marais gadieres affermées au Sr Besson le (blanc) par Marechal notaire royal 500
Les dixmes du Bourg la Boirie et Nodes affermées au Sr Guibert le 1er janvier 1722 par Marsay notaire royal 2,450
Les dixmes de Boursefranc affermées au Sr Romanin le 28 Xbre 1722 par Marsay notaire royal 700
Plus un contract de 200 # de rente viagère donné par Mr de la galissonnière pour l’aumone dotale de la dame de la Galissoniere sa fille par Marsay notaire royal en date du (blanc) 200
Plus un autre contract sur l’Hostel de Ville de Paris en date du 21 juillet 1721, de 160 # de rente viagère, et qui a esté réduite pour le principal à 2,666 # et lad. Rente à la somme de 106 # 12 s. 9 d. à Paris par le Sr Grenon le 3 octobre 1722 en faveur de la Demoiselle D’Amouve, et donnée pour son aumône dotale, cy 106 # 12 s. 9 d.
Total des revenus : 56,831 # 12 s. 9 d.
Madame l’abbesse de Xaintes prend très peu de dotes pour les filles qu’elle reçoit dans son Monastère, elle n’en reçoit que pour faire et acheter leurs emmeublemens, ce sont des Demoiselles qui n’ont pas de bien,
Quant aux Bénéfices, il n’y en a aucun qui soit uny à l’abbaye.
Charges de l’abbaye
Il y a actuellement 52 Dames de Chœur et 36 sœurs converses qui font 88 religieuses pour leur nourriture et entretien, à chacun 300 # 26,400 #
Pour la nourriture de quatre chanoines de St Palais qui confessent et administrent les sacremens aux religieuses, ensemble la nourriture de l’aumônier et de l’intendant de Madame, à 250 # chacun 1,500
Pour la pension de 4 chanoines de St Palais pour desservir et administrer les sacremens de la parroisse 800
Pour les gages de l’aumônier pour instruire les domestiques 200
Pour un prédicateur et sa nourriture et autre les gratifications 300
Pour quatre aubits fondez pour chacun desquels on paye annuellement un tonneau de froment, un tonneau de vin qui se prennent sur le revenu de la maison esnoncée des autres parts, n’ayant point d’autres fonds 800
Pour une messe de prime, tous les jours à 6 heures et un grand nombre d’autres avec plusieurs services pendant l’année 500
Pour les aumônes fondées et celles qu’on fait journellement aux communautez mandiantes, prisonniers, personnes honteuses et à la porte, 1,200 # qui se prennent aussy sur les revenus esnoncez des autres parts, n’ayant pas d’autre fonds 1200
Autres charges des décimes et pensions congrües aux vicaires perpetuels
Pour les decimes ordinaires et extra-ordinaires et dons gratuits et subventions 4,200 #
pensions congrües de Mr le vicaire perpetuel de Pont l’abbé, en grains et argent 500
à celuy de Ste Radegonde 300
à celuy de Beurlé 300
à celuy de St Sulpice 400
à celuy de St Michel 300
à celuy de Corme Royal 300
à celuy de la Clisse 300
à celuy de Nencras 300
à celuy de Pizany 300
à celuy de St Sorlin en grains et argent 490
à celuy du Gua 400
à celuy de St Just 500
à celuy de Marennes 600
à celuy de St Denis d’Olleron 200
à celuy de Brou 300
à celuy de St Julien 300
à celuy de Monpoulin 300
à celuy de Vix 300
à celuy de Couture 300
à celuy de La Mongie 300
Autres charges indispensables
Pour l’entretien annuel des deux églises de l’abbaye et pour les luminaires, livres et ornemens 3,000 #
Pour les réparations et entretiens de 20 églises, avec les livres et ornemens 1,500
Pour les réparations et entetiens des bâtimens de l’abbaye, ensemble des maisons, châteaux, chays, granges, halles, parquets, prisons, fours, fuyes et vaisseaux vinaires dependans des terres 3,000
Pour les medicamens de la poticaire 1,000
Pour les ports de lettres et messageries 600
Pour la nourriture des 51 domestiques à 70 # 3,570
Pour les charroys, nourriture, entretien et achat des chevaux 1,500
Gages des Officiers de Justice et ceux de la Maison
Pour les officiers de Justice des terres de Madame l’abbesse 500 #
Au médecin 200
au chirurgien 120
à l’apoticaire 75
à l’intendant 400
au maître d’hostel 250
au Receveur de Corme Royal 200
à l’organiste 100
au tapissier 150
à deux filles pour servir Madame l’abbesse 150
à deux filles pour servir Madame de Biron 150
Gages des domestiques
à trois sacristains chacun 50 # 150
à deux laquais chacun 60 # 120
au Portier 50
aux deux boullangers et chacun 55 # 110
au Mr Jardinier 90
à quatre vallets de jardiniers, chacun 36 # 144
au cordonnier 36
au souffleur d’orgues 30
aux deux bouchers 60
au Mr chartier 75
au garçon chartier 60
au Palfrenier 36
à deux vallets à corme Royal 50
à deux vallets pour tirer l’eau à la maison et charroyer le bois, chacun 45 # 90
au garde de la metairie de St Vivien lez Saintes 36
à un petit garçon pour garder les moutons 18
à un autre pour garder les vaches 18
à un autre pour la volaille 12
à un autre petit garçon arboliste 12
à deux couvreurs, à chacun 60 # 120
au garde forest de Corme Royal, 4 pochées de bled et 75 # en argent 115
au prevost de Corme Royal, 4 pochées de bled 40
à celuy de Pont l’abbé, idem 40
à celuy du Gua, id 40
à celuy de St Sorlin, id 40
à celuy de Marennes, idem, 40
à celuy de Vix en Poitou, id 40
à celuy de St Julien, id 40
à celuy de St Denis en Olleron 40
à une fille cordonnière pour faire les soulliers des Dames de la maison 66
pour quatre servantes de peines au-dedans de la maison 120
pour deux servantes de peines au dehors de la maison 48
une servante à Corme Royal 36
Total des charges 61,387 #
Récapitulation
Le Revenu de l’abbaye est de 56,831 # 12 s. 9 d.
Toutes les Charges sont de 61,387 #
Partant, les charges sont plus fortes que les Revenus de la somme de 4,555 # 7 s. 3 d.
Cet excedent de depense provient de la cherté sur toutes les denrées, ce qui fait que lad. Abbaye se trouve endettée de plus de plus de trente mille livres, pour raison de quoy elle paye interests.
- Compte d’exploitation de l’Abbaye aux Dames de Saintes (année 1723)
Audit fait en 2009 de la situation de l’Abbaye aux Dames en 1723
Effectifs de l’Abbaye :
Dames : 52 Dames de Chœur et 36 sœurs converses soit 88 religieuses
Personnel : 51 domestiques
Autres personnel de l’établissement
Ecclésiastiques : 8 chanoines (dont 4 pour la paroisse St Palais, qui dépend de l’abbaye, mais qui est une prestation extérieure), 1 aumônier, 1 prédicateur
Vicaires des paroisses dépendant de l’abbaye : 20
Autre personnel
Remarques à propos du compte d’exploitation :
Les remboursements d’emprunts et les frais financiers ne sont pas cités dans le compte d’exploitation. Cela signifie que la situation est certainement plus mauvaise qu’indiqué.
Propositions d’actions à engager pour redresser la situation économique de l’abbaye - Discussion
Le contexte économique de 1723
La situation économique est particulièrement morose en cette année. La crise financière consécutive à la débâcle monétaire du système de Law fait sentir à plein ses effets.
Les établissements religieux de la province sont tous durement touchés. Voir à ce sujet :
- 1723 - Etat du prieuré de Lanville (16 Marcillac-Lanville)
- 1723 (c) - Abbaye de Fontdouce - Etat des lieux
- 1723 - Abbaye de Fontdouce : bilan et compte d’exploitation
et, pour un établissement public civil : - 1723 - 1775 - Cognac : la grande misère de l’hôpital Saint-Jacques
Agir sur les charges
L’application de la méthode des 20/80 incite a regarder d’abord les gros postes de dépenses.
- Les frais liés à l’accueil, hébergement des dames viennent en premier rang. Ne pourrait-on pas réduire un peu le train de vie des religieuses. Elles ne sont tout de même pas entrées à l’Abbaye pour avoir une petite vie confortable. Pour les convaincre que c’est possible, leur montrer que 300 livres par an pour leur hébergement et nourriture, c’est près de 8 fois le salaire d’un employé de base.
- La hiérarchie des salaires de l’Abbaye aux Dames de Saintes
- Année 1723 - Histoire Passion
- Frais de personnel : C’est le second poste des charges. Effectif rémunéré 87 personnes (dont 51 domestiques). A noter que l’abbesse n’émarge pas au compte d’exploitation présenté ici, alors qu’elle perçoit certainement le produit de son "bénéfice".
Dans les frais de personnel, la masse la plus importante est constituée par les portions congrues versées aux 20 vicaires des paroisses composant la mense abbatiale.
Ne serait-il pas judicieux de remettre tout ou partie de ces paroisses entre les mains de l’évêque de Saintes, et d’alléger ainsi les frais de personnel des portions congrues versées aux 20 vicaires ?
Agir sur les revenus, créer de nouveaux revenus
- Augmenter la pression fiscale sur les contribuables vivant dans les zones dépendant de l’abbaye : en cette période du XVIIIème siècle, les seigneurs montrent l’exemple dans ce domaine. L’inflation a réduit leurs revenus, exprimés le plus souvent sous la forme de redevances en argent ou en produits, sans clause d’indexation sur les prix. Pour se refaire une santé financière, ils commencent par demander à leurs notaires feudataires d’identifier les niches fiscales dans lesquelles les contribuables ont su, par des moyens divers, échapper aux redevances seigneuriales. Il y a probablement du grain à moudre de ce côté, avec des arrérages de 25 ou 30 années.
- L’abbaye possède de nombreuses vignes : elles produisent du vin "à brûler" comme presque toutes les vignes de Saintonge. Il est contraire aux constitutions monastiques que les Dames, vouées à la prière, entrent dans un processus de fabrication. Ce problème peut se régler avec la création d’une "fabrique" confiée à des laïcs. Cette fabrique se chargerait de produire et de commercialiser un produit nouveau, se démarquant des eaux-de-vie communes de la province par un assemblage original, avec un nom qui tire profit de la belle réputation de l’abbaye. Nous suggérons "Bénédictine", tout à fait en situation ici, mais ce n’est qu’une modeste proposition. Les profits de la fabrique seraient partagés entre l’abbaye et ses promoteurs. Ainsi, les revenus de l’abbaye s’accroîtraient, tout en respectant la vocation monastique de la maison et de ses Dames.
Agir sur les structures
- L’intendant perçoit 400 livres par an ; c’est le salaire le plus important versé au personnel de l’abbaye. Nous ne contestons pas ce niveau de salaire, qui correspond à celui d’un poste-clé dans le fonctionnement de cette maison. Mais cette rémunération élevée exige, en contrepartie, la mise en œuvre d’une bonne compétence en gestion et en administration du temporel. Nous préconisons que l’abbesse vérifie que l’intendant exerce rigoureusement les responsabilités de sa charge. S’il existe des doutes sur sa compétence et/ou sur la pertinence de ses actions, il ne faudra pas hésiter à le remplacer par une personne plus adaptée aux circonstances.
à suivre ...
[1] St Julien de l’Escap, près de Saint-Jean d’Angély (17)
[2] Herpes, commune de Courbillac (16)
[3] Livres et aires, mesures spécifiques aux marais salants. Voir cette page