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1788 - 1789 - Un hiver pré-révolutionnaire

jeudi 13 décembre 2007, par Pierre, 5787 visites.

On pense que la rigueur de cet hiver a probablement eu une influence sur le réchauffement du climat social quelques mois plus tard.

Sources diverses

L’hiver, qui commença en 1788, fut si rigoureux, qu’on n’en avait pas vu de pareil, depuis quatre-vingts ans. [1]. Dans la Saintonge et dans l’Aunis, le cours des rivières fut enchaîné par la glace et la navigation intérieure partout interrompue. La Charente même, après avoir, pendant tout le mois de décembre, charrié des glaçons si prodigieux qu’on craignit qu’ils n’entraînassent les vaisseaux à l’ancre, finit par se solidifier jusque dans le voisinage de son embouchure, où elle présentait, au commencement de janvier, une croûte de glace de vingt-deux pouces (0m60) d’épaisseur.|

Ce grand froid, qui avait commencé à la fin de novembre de l’année 1788 avait été si rigoureux que la mer elle-même avait gelé. Le 8 janvier 1789, devant le bourg de la Flotte (île de Ré), elle était prise jusqu’au-delà du mouillage des plus forts navires. Dans la soirée de ce jour, une brise du sud s’étant élevée au moment où la mer baissait, un banc de glace d’environ trois lieues d’étendue s’ébranla avec fracas et entraîna quarante bâtiments qui perdirent leurs ancres et furent jetés à la côte. Cet événement, dont en n’avait pas d’exemple, répandit l’épouvante sur tout le littoral. Le dégel ne se prononça complètement que le 13 janvier. [2]

Jamais la misère du peuple ne s’était montrée sous un aspect aussi lamentable que dans cet hiver. La charité publique ne suffisait plus aux aumônes, et, malgré la bienfaisance des âmes compatissantes, un grand nombre de pauvres familles languissaient dans la plus affreuse nécessité. Des associations philanthropiques se formèrent à La Rochelle, à Saintes, à Rochefort et ailleurs [3].

La charité individuelle se manifesta par des actes de désintéressement les plus honorables. De Reaune, procureur du roi au siège de Saintes, offrit à la corporation des boulangers de cette ville cent cinquante livres par semaine, à condition qu’ils réduiraient à trente deniers le prix du pain noir, nourriture ordinaire du pauvre. Caminade-Chatenet, citoyen de Cognac, touché de la misère du peuple, acheta une grande quantité de blé et le fit porter au minage, où il le vendit aux pauvres beaucoup au-dessous du prix d’achat. [4]

Mais l’exemple le plus remarquable de charité fut donné par le régiment d’Agénois, en garnison à l’île d’Oleron. Dès les premiers jours de décembre, Lustac, colonel de ce corps, se présenta, à la tête de son état-major, au comité de bienfaisance du Château-d’Oleron, et autorisa les administrateurs à faire délivrer, au compte du régiment, les quantités de pain et de bois nécessaires pour la nourriture et le chauffage des pauvres de la paroisse. Des distributions furent faites chaque dimanche pour la semaine et continuèrent ainsi jusqu’à la fin de l’hiver. [5]

Le dimanche, 26 juillet 1789, à Tonnay-Charente, les officiers du régiment d’Agénois, en détachement dans cette ville, arborèrent la cocarde rouge, blanche et bleue, et la firent prendre à leurs soldats. Dans l’après-midi, une distribution de pain et de vin fut faite aux pauvres de la paroisse, après quoi une commission de citoyens notables, alla porter une cocarde à Mme Augier, femme du député. Une pluie abondante étant survenue, à l’approche de la nuit, fit renvoyer au jeudi suivant la continuation de la fête.

A La Jard, le froid dura du 30 novembre 1788 au 10 février suivant ; le vin gelait dans les barriques. Il fut, disait-on, plus vif même que celui de 1709, mais il ne causa pas tant de dégâts aux arbres et aux récoltes, parce qu’il ne s’accompagna pas de glaçons. (Bull. de la Commission des Arts et MH, XIV, 34)

A Chérac (Bull. XV, 28), la rigueur de l’hiver détruisit les premiers grains et une grande partie des vignes ; le peu de vin ramassé ne valait rien pour le boire, ni pour la chaudière ; la neige dura un mois entier. La Charente fut glacée d’une rive à l’autre.

A La Rochelle (Archives de Saintonge, III, 315), l’hiver, très rigoureux, commença fin novembre ; il tomba le 5 décembre un demi-pied de neige qui dura jusqu’au 13 janvier. Le thermomètre marqua 15 degrés, et 18 à Paris.

A Montlieu-Montguyon, dont je possède les forleaux ou mercuriales de 1686 à 1790, on voit que les prix des blés s’élevaient progressivement depuis un quart de siècle, notamment en 1772, 1778, 1782, 1786, où le boisseau à 32 livres 1\2 de froment se vendait près de 6 livres, au lieu de 4 à 5 en moyenne. Mais en 1789, il monte de 5 livres 10 sols à 7 livres 7 sols, diminuant de 20 sous l’année suivante. C’est à peu près le chiffre moyen des dernières années du XIXe siècle. Le seigle suivait ce cours à distance, mais l’avoine ne changeait guère, aux environs de 40 sous le boisseau.

A Cognac, d’après M. de Jarnac (Bull. Arch., IX, 179), la ville dût acheter 2.000 boisseaux de froment, sur les avances et la responsabilité personnelle des officiers municipaux ; ils le payèrent de 8 à 13 livres.

A Bordeaux (Ed. Féret, 200), le plus grand froid eut lieu du 28 décembre au 20 janvier ; le thermomètre se maintint entre 6° et 10° en ville. La Garonne demeura prise pendant 16 jours.
Comme les autres fois, il s’ensuivit une forte disette.


[1Le thermomètre Réaumur descendit à dix-huit degrés trois quarts dans cet hiver, tandis que dans le grand hiver de 1709, il ne descendit qu’à quinze degrés et demi.

[2Ce froid excessif fut d’autant plus sensible qu’il succédait, sans transition, à un automne extraordinaire par la douceur de sa température.
_ Telle avait été la douceur de l’atmosphère pendant les derniers mois de l’année qui venait d’expirer, que, le 13 novembre on voyait, encore des haies garnies, non seulement de feuillage, mais de bouquets d’aubépine, de lilas, de chèvrefeuille. Un seul jour suffit pour faire évanouir ce fantôme de printemps. (Journal de Saintonge et d’Angoumois, 1788-1789).

[3Affiches de La Rochelle, 1789.

[4Journal de Saintonge et d’Angoumois, 1789, p. 142, 163 et 200.

[5Journal de Saintonge et d’Angoumois, p. 22. Affiches de la Rochelle,1789, p. 27.

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