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1794 - Marins de la Tremblade (17) survivants du naufrage du Vengeur, héros oubliés

dimanche 2 décembre 2007, par Pierre, 2589 visites.

Le combat du Vengeur, image d’Epinal

Six marins, de la Tremblade, de Mornac, de l’Aiguille et du Gua ont survécu au naufrage du Vengeur, le 9 Prairial An II (28 mai 1794), dans un combat naval contre les Anglais.

"Aujourd’hui, c’est sur notre plage même que gisent, ensevelis dans la misère et dans l’obscurité, des débris vivans du naufrage héroïque du Vengeur ; la France et le gouvernement de Juillet pourraient-ils n’être point jaloux d’acquitter la dette nationale envers ces dernières reliques du patriotisme inspiré par notre grande révolution ?"

Source : Article du journal "La Chronique Universelle" publié dans Critical and miscellaneous essays, collected and republished by Thomas Carlyle - Londres - 1857

Tandis que la France faisait triompher son indépendance à toutes ses frontières, le sol, inépuisable en défenseurs, suffisait a peine à la nourrir, et c’était de I’ Amérique, à travers les flots de l’Océan, que la France était réduite a recevoir son pain. L’Europe en ruines ne pouvait dompter la révolution, l’Angleterre essaya de la prendre par famine. Grâce à la croisière de l’Amiral Howe sur les côtes de Bretagne et de Normandie, elle espérait intercepter un convoi de deux cents voiles, chargé d’une quantité considérable de grains, précieux ravitaillement impatiemment attendu dans nos ports ; mais pour sauver ce convoi une escadre française était déjà sortie de Brest sous le commandement de Villaret-Joyeuse et la direction du représentant du peuple Jean-Bon Saint-André.

On sait que le combat s’engagea dès le jour même, continua dès le lendemain, fut deux jours interrompu par une brume épaisse, et recommença le 13 (1er Juin) a la lumière d’un soleil éclatant, avec une opiniâtreté inouïe. Notre escadre racheta l’inhabileté de ses manœuvres par un déploiement extraordinaire de courage, la vivacité terrible de ses feux et l’audace de ses abordages. De quel côté resta la victoire ? Les deux flottes, cruellement endommagées, se séparèrent avec une égale lassitude, et désespérèrent d’arracher un succès décisif a la supériorité du nombre ou a l’énergie de la résistance.

Mais cette journée fut un baptême de gloire pour notre jeune marine, et la France recueillit le prix du sang versé. Durant cette même journée, notre convoi de deux cents voiles traversait paisiblement le champ de bataille du 10, encore semé de débris, et abordait nos côtes. Le 9 Prairial de l’an II (28 Mai 1794), les deux armées navales se sont aperçues, et le cri unanime de nos équipages demande le combat avec un enthousiasme irrésistible.

Cependant aux trente-trois vaisseaux de ligne et aux douze frégates de l’ennemi, nous n’avions a opposer que trente batimens, que des matelots enlevés de la veille a la charrue, que des officiers et un amiral encore novices dans leurs grades, et c’était contre les marins expérimentés de la vieille Angleterre qu’il nous fallait soutenir l’honneur du pavillon tricolore, arboré pour la première fois dans un combat sur mer.

Ce fut au milieu de cette action si mémorable qu’il fut donné a un vaisseau français de se faire une gloire particulière et d’immortaliser son nom. Cerné par les bâtimens ennemis, couvert des lambeaux de ses voiles et de sa mâture, criblé de boulets et déjà faisant eau de toutes parts, le Vengeur refuse d’amener son pavillon. L’équipage ne peut plus combattre, il peut encore mourir. Au tumulte de la résistance, aux clameurs du courage désespéré succède un profond silence ; tous montent ou sont portés sur le pont. Ce ne sont plus des combattans, ce sont des martyrs de la religion et de la patrie. Là, tranquillement exposés au feu des Anglais, sentant de moment en moment le vaisseau s’enfoncer dans les flots, l’équipage salue d’un dernier regard les couleurs nationales flottant en pièces au-dessus de sa tête, il pousse un dernier cri de Vive la République ! Vive la Liberté ! Vive la France ! et le Vengeur a disparu dans l’abîme.

Au récit de ce fait, dont l’Angleterre elle-même rendit témoignage avec admiration, la France entière fut émue et applaudit, dans ce dévouement sublime, son esprit nouveau flottant sur les eaux comme il marchait sur la terre, indomptable et résolu à vaincre ou mourir. D’après un décret de la Convention, le Vengeur légua son nom à un vaisseau en construction dans les bassins de Brest, son image à la voute du Panthéon, le rôle de l’équipage à la colonne de ce temple, et tous les arts furent appelés à concourir à la célébration de tant d’héroïsme, tandis que la reconnaissance publique s’empressait de secourir les veuves et les orphelins des héros.

Voilà ce que fit alors la France ; mais ce qu’elle ignore peut-être, c’est que du Vengeur les flots n’ont pas tout englouti, et que six marins, recueillis par l’ennemi et long-temps retenus dans les prisons de l’Angleterre, ont survécu jusqu’à cette heure même, réduits à une condition misérable sur le sol de la patrie qui les honora morts et les oublie vivans !

Six, avons-nous dit, et voici leurs noms, leur âge, leur position, leur résidence :
- Prévaudeau (Jacques), âgé de 60 ans, demeurant à Mornac ; vivant, bien que vieux, du peu de travail qu’il peut faire.
- Cerclé (Jean-Pierre), âgé de 69 ans, demeurant à La Tremblade ; vivant médiocrement de son travail.
- David (Jacques), invalide, âgé de 56 ans, demeurant à La Tremblade ; misérable.
- Favier (Jacques), âgé de 64 ans, demeurant à La Tremblade ; n’ayant pour vivre que le travail de ses bras.
- Torchut (André-Pierre), âgé de 70 ans, demeurant à l’Aiguille ; comme ses compagnons, il n’a d’autre ressource que son travail.
- Manequin (François), âgé de 70 ans, demeurant au Gua ; mendiant son pain et presque aveugle.

Certes, il nous conviendrait peu d’implorer la reconnaissance publique pour ces six marins ; nous croyons suffisant de les nommer.

Qu’on nous permette seulement un mot : Sous la restauration, un navire fut expédié jusque dans l’Océan-Pacifique pour découvrir sur les lointains récifs les traces du naufrage de la Peyrouse, et ce fut à grands frais que l’on en réunit quelques débris en bois, en fer, en cuivre et en plomb, religieusement conservés dans nos musées.

Aujourd’hui, c’est sur notre plage même que gisent, ensevelis dans la misère et dans l’obscurité, des débris vivans du naufrage héroïque du Vengeur ; la France et le gouvernement de Juillet pourraient-ils n’être point jaloux d’acquitter la dette nationale envers ces dernières reliques du patriotisme inspiré par notre grande révolution ?

Chronique Universelle.

Le Vengeur, vaisseau de 74 canons, capitaine Renaudin

Le conventionnel Barrère fit voter en 1794 par la Convention le décret suivant :

- Art. 1er. Une forme du vaisseau de ligne le Vengeur sera suspendue à la voûte du Panthéon, et les noms des braves républicains composant l’équipage de ce vaisseau, seront inscrits sur la colonne du Panthéon.

- 2. A cet effet les agens maritimes des ports de Brest et Rochefort enverront sans délai le rôle d’équipage du vaisseau le Vengeur.

- 3. Le vaisseau à trois ponts, qui est en construction dans le bassin couvert de Brest, portera le nom de Vengeur. Le commissaire de la marine donnera les ordres les plus prompts pour accélérer la construction de ce vaisseau.

- 4. La convention nationale appelle les artistes, peintres, sculpteurs, et
poètes, à concourir pour transmettre à la postérité le trait sublime du dévoûment républicain des citoyens formant l’équipage de Vengeur. Il sera décerné dans une fête nationale, des récompenses aux peintres, et aux poètes, qui auront le plus dignement célébré la gloire de ces républicains.

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