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1797 - Projet de navigation sur la rivière de Boutonne, de Chef-Boutonne à la Charente

mercredi 29 avril 2009, par Pierre, 1712 visites.

Malgré une longue suite de projets, jamais réalisés, les idées ne manquent pas pour rendre la Boutonne navigable. Le lyrisme de l’auteur de celui-ci l’entraîne dans des rêves un peu fous : pour lui, la Boutonne navigable, c’est la clef d’un véritable changement de société. Et si tout cela ne se fait pas, c’est de la faute aux Anglais.

Source : Chroniques saintongeaises et aunisiennes - Hippolyte d’Aussy - Saintes - 1857

1753 - La vallée de la Boutonne
Carte par Robert de Vaugondy (1723-1786) - BNF Gallica

La Boutonne n’est navigable que du port de Saint-Jean-d’Angély à Carillon. On a cherché souvent à imiter les Anglais, et ces tentatives n’ont pas toujours été heureuses ; mais il faut cependant convenir que, si cette rivière traversait le comté de Kent et se jetait dans la Tamise, des bateaux chargés des produits du sol et de l’industrie la sillonneraient avec facilité, depuis plus d’un siècle, de sa source à son embouchure. Ces communications rapides, ces transports à bon marché font la richesse d’un pays, par l’extension qu’ils donnent à son commerce. En effet, si des gabarres pouvaient remonter la rivière jusqu’à Chef-Boutonne, elles se chargeraient de grains provenant du département des Deux-Sèvres, du bois de chauffage et des vins des communes qui bordent la Boutonne. Le bois de construction des forêts de Chizé et d’Aulnay arriverait alors à Rochefort pour le service dle la narine, avec une diminution de frais de transport qui serait très avantageuse au gouvernement.

Ces faits étant incontestables, n’a-t-on pas le droit de s’étonner que des travaux n’aient pas été exécutés pour obtenir un pareil résultat ? Je répondrai à cette observation : qu’un homme entièrement dévoué à son pays, unissant la prudence à l’activité de l’esprit, possédant de vastes connaissances en administration, ayant surtout la longue expérience des dessèchements des marais et des travaux entrepris sur cette rivière, mon père, ancien commissaire provincial des guerres de la généralité de La Rochelle, qui, après les dangers qu’il courut sous le règne de la Terreur, eut le bonheur d’échapper à la tourmente révolutionnaire, par les bienfaits qu’il répandait sans cesse sur les malheureux et les travaux immenses de sa campagne, qui occupaient des légions d’ouvriers ; mon père, dis-je, cherchait à oublier momentanément les malheurs de la France, en se livrant encore à des études qui pouvaient contribuer un jour à sa prospérité, Il avait conçu un plan pour la navigation générale de la Boutonne ; il le fit imprimer et le présenta à l’administration municipale de Saint-Jean d’Angély, le 5 nivôse an VI (25 décembre 1797). J’éprouve une douce jouissance, je l’avoue, à citer un fragment de ce mémoire ; il prouvera à mes concitoyens quelles étaient les vues sages et lumineuses de l’administrateur qui apportait ainsi à l’autorité compétente le fruit de ses profondes réflexions et de ses calculs judicieux :

Projet de navigation sur la rivière de Boutonne.

« Vingt-huit années de service dont dix-huit en qualité de commissaire des guerres, et, les cinq dernières, ordonnateur près les troupes employées au dessèchement des marais des anciennes provinces d’Aunis et Saintonge, m’a fait connaître les avantages qui ont résulté, pour mon pays, par le dessèchement de soixante mille arpents de terre rendus a la culture, par trente-six lieues de canaux de navigation ou de dessèchement, et par la salubrité de l’air qui en a été la suite, et qui a conservé des milliers d’hommes qui périssaient chaque année sur les bords pestiférés de ces marais ; mais ces travaux sont restés imparfaits, parce qu’ils n’ont été ni continués ni entretenus, le gouvernement ayant été obligé d’employer ses forces et ses trésors pour combattre et vaincre les puissances coalisées.

Le jour est enfin arrivé où la paix, sur le continent, laisse tous les moyens d’exécuter un projet qui fournirait de nouvelles richesses, conserverait des milliers d’hommes et ferait rendre, dans le port de Rochefort et à bas prix, une immense quantité de bois de construction pour les vaisseaux, bois qui ne peuvent sortir de l’ancienne province de Poitou, par l’impossibilité de les transporter avec des voitures ; les fers pour les arsenaux, les chanvres pour les corderies, les farines et minots pour les armements, qui se fabriquent à Salles, à la Motte-Saini-Héraye et lieux circonvoisins, et dans toutes les saisons ; alors le port de Rocheforl deviendrait effectivement le nourricier de celui de Brest et de nos colonies, tandis que, dans la supposition actuelle, il ne peut remplir son indication parce que les farines et minots qui se tirent des lieux ci-dessus désignés, et qui sont destinés pour nos flottes el nos colonies, se transportent par terre jusqu’à Saint-Jean-d’Angély, ce qui en tierce le prix, pour être ensuite embarqués sur la Boutonne, qui présente, pendant l’été, de grands obstacles dans sa navigation jusqu’à Tonnay-Boutonne, et qui, l’hiver, est longue et dangereuse par les crues d’eau ; il est résulté quelquefois, de ces inconvénients, que les flottes sont restées dans les rades et ont peut-être manqué l’objet de leur mission par le défaut de communication, en attendant les subsistances qui leur étaient destinées.

Pour vaincre ces obstacles, il s’agit :
- 1° De faire le dégrèvement de la rivière de Boutonne depuis Saint-Jean d’Angély jusqu’a Tonnay-Boutonne, où il existe encore dix-sept ou djx-huit grèves, de construire une écluse au Pas-du-Pré. La totalité de cette dépense devait s’élever à trente mille livres, d’après les plans et devis qui en avaient été dressés en 1786 ;
- 2° De rendre la rivière navigable, depuis Saint-Jean-d’Angély jusqu’à Chef-Boutonne, distant de sept lieues dans la ligne la plus droite, en indemnisant les propriétaires riverains en raison de la perte de leur propriété compensée avec les avantages opérés par le dessèchement de leurs domaines J’ai un plan par lequel il est démontré que quatre écluses suffiraient pour le canal, et une cinquième à la tête d’un déversoir, qui serait ouvert pour fournir l’eau nécessaire aux moulins, depuis Chef-Boutonne jusqu’à Saint-Jean-d’Angély, en combinant pendant l’été les besoins de la mouture et de la navigation. C’est aux ingénieurs, qui illustrent la France par leurs talents, à dresser les plans et devis pour cet objet. Les avantages que produira ce nouveau canal seraient peut-être incalculables et inappréciables indépendamment de ceux ci-dessus mentionnés : cinquante mille arpents de terre, depuis Tonnay-Boutonne jusqu’à Chef-Boutonne, qui ne produisent que du jonc et des roseaux, et, dans quelques parties, des herbes de médiocre qualité, et qui, desséchés, deviendraient des champs à blé, à chanvre et des prairies fertiles ; les fleurs odorantes, dont elles seraient couvertes, changeraient l’air mortifique en air vital ; les hommes n’y seraient plus accablés par les maladies causées par les miasmes fétides, exhalés chaque année, pendant l’été, dans ces terrains marécageux ; elles fourniraient une ressource de plus pour y élever des chevaux propres au service de la cavalerie, avantage d’autant plus grand, que nous sommes forcés d’en aller acheter en Hollande, en Danemark, en Suède, en Suisse, etc., et que ces ressources, qui épuisent le trésor public, peuvent même devenir impossibles pendant la guerre ; les bêtes à cornes et à laine augmenteraient considérablement par les nouveaux pâturages, et fourniraient abondamment et à meilleur marché celles nécessaires aux armements ; la population doublerait par le bon air et l’accroissement de l’agriculture et du commerce, qui y amènerait de nouvelles richesses.

C’est au moment où le gouvernement dirige toutes ses forces contre l’Angleterre, son ennemie naturelle, qu’il doit sentir le besoin d’augmenter et d’entretenir sa marine sans le secours de ses voisins. Qu’il se rappelle l’époque où Louis XIV créa une marine imposante, qui devint l’égale de celle des Anglais et des Hollandais ; mais il n’y parvint qu’en faisant acheter des vaisseaux en Hollande et en Suède. Moyens pernicieux, en ce qu’il épuisa les coffres nationaux et qu’il fit disparaître une partie du numéraire de France. C’est donc dans son sein, c’est donc sur son sol qu’il faut prendre toutes les productions qu’elle vous offre pour sa navigation et son commerce, ce sont ces productions précieuses que la nature a refusées à tant de peuples, dont il faut profiter pour perfectionner ses arts, ajouter à sa puissance el à sa richesse, ce qui ne peut s’effectuer qu’en ouvrant des canaux de communication des rivières à la mer. Et comment, dans le plus beau site du monde, comment la plus grande nation, la plus puissante, la plus policée et la plus savante ne ferait-elle pas, sur une partie de son territoire, ce qu’ont fait les Hollandais sur leur pays entier, qui. dans le principe, était pauvre et peu nombreux, dans un terrain stérile et presque submergé, et qui, en moins de cinquante ans, l’ont rendu, par l’effet du dessécheraient, un Etat aussi florissant par son commerce que puissant par sa marine ? De semblables travaux ont tiré la Russie de son état de barbarie.

Pourquoi, à l’exemple de la République de Rome, n’emploierions-nous pas, pendant la paix, nos soldats victorieux aux travaux publics ? Celte activité journalière les préserverait des dangers de l’oisiveté, améliorerait leur sort, soutiendrait leurs forces el leur santé, et les tiendrait toujours en état de supporter les fatigues de la guerre ; que le gouvernement leur fournisse des vêtements propres au travail, tous les outils nécessaires, de bonnes fournitures, pour les coucher dans des logements salubres ; que le prix des ouvrages donnés à la toise les mette à même de gagner vingt-cinq a trente sous par jour, sur quoi il en serait retenu quatorze pour procurer à chaque travailleur une livre et demie de pain de froment de supplément, une livre et demie de viande, une pinte de vin ; que le gouvernement y ajoute deux onces de riz ou même quantité de légumes secs, du vinaigre pour aciduler leur eau, même de l’eau-de-vie lorsqu’elle serait jugée nécessaire, et du bois de chauffage en quantité suffisante ; qu’ils soient commandés et surveillés par des officiers et administrateurs militaires, probes et expérimentés, et c’est avec de pareils moyens que de grands travaux se feraient avec peu de dépense ; que l’ordre serait observé, qu’il ne pourrait y avoir de dilapidation et de pillage également fatal au gouvernement et aux particuliers ; que le quartier principal soit établi à Saint-Jean-d’Angély, comme point central, qui offre à peu de frais une superbe caserne dans la maison des ci-devant Bénédictins, un hôpital militaire à celle des ci-devant Capucins, établissement également indispensable, dans l’intérêt du gouvernement, soit pour la cavalerie, qui a toujours été entretenue avec économie dans ce département, soit pour un dépôt de remonte, qui ne peut être plus convenablement placé, par sa proximité avec les départements de la Vendée, des Deux-Sèvres, de la Charente et de la Vienne, qui fournissent des chevaux de remonte, et par l’abondance des fourrages, la salubrité de son air, la pureté de ses eaux, et enfin pour l’hôpital militaire, qui, comme hôpital de seconde ligne, est placé militairement, et plus avantageusement, sous tous les rapports, que dans aucune autre place de cette division, ce que je démontrerai dans un mémoire particulier.

J’ose assurer qu’il n’est question, pour le gouvernement, que de faire l’avance de cette dépense, qui rentrerait bientôt dans ses coffres par la seule construction, l’équipement et armement de trois vaisseaux, par la différence des prix des bois de construction, du fer, du chanvre, bois à brûler, charbon, farine, minot, viande fraîche et salée, légumes, fourrages, vins, eaux-de-vie, et enfin ses ressources annuelles augmenteront par la différence des impositions de cinquante mille arpents de terre marécageuse, devenue de première qualité.

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