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1839 - 1968 - Histoire du petit séminaire de Richemont (Charente)

lundi 25 février 2013, par Jean-Claude, Pierre, 3678 visites.

L’histoire d’un petit séminaire, dans une période qui a connu tant de bouleversements (le second Empire, la guerre de 1870, la IIe république, la séparation de l’Église et de l’État, les 2 guerres mondiales, etc.) est un peu l’histoire d’un univers qui lutte vigoureusement contre la sécularisation de la société.

Le petit séminaire de Richemont, à Cherves-Richemont (Charente), a définitivement fermé ses portes en 1968, après 129 ans de fonctionnement. Ses bâtiments sont actuellement occupés par l’IREO (Institut Rural d’Éducation et d’Orientation) des Charentes.

L’histoire de ce petit séminaire du diocèse d’Angoulême a été reconstituée à partir de plusieurs livres et bulletins paroissiaux.

Le château de Richemont et l’ancien petit séminaire
Dessin de Jean-Claude Chambrelent - 25/01/2010

Sources :
- Histoire de Cognac, Jarnac, Segonzac et d’un grand nombre de localités entre Saintes et Châteauneuf, Archiac et Rouillac, Pons et Saint-Jean d’Angély, dans leurs rapports avec l’histoire générale de la France, depuis les temps celtiques jusqu’à l’an 1882 - Abbé Cousin – Bordeaux – 1882 – BNF Gallica.
- Notice sur les écoles secondaires ecclésiastiques du diocèse d’Angoulême au XIXe siècle – Récits, anecdotes, portraits, etc, - M. l’abbé J.-P.-G. Blanchet, chanoine honoraire, supérieur de l’Ecole Saint-Paul. Angoulême – 1891 – BNF Gallica.
- Bulletin paroissiaux 1909-1911 des paroisses de : Ars – Bréville - Cherves (devenu Cherves-Richemont en 1972) – Châteaubernard – Gîmeux – Louzac - Merpins – Mesnac – Richemont – Saint-André (devenu Louzac -Saint André en 1972) – Saint-Laurent (de Cognac) – Saint-Sulpice

Voir aussi, sur Histoire Passion : Histoire du Château de Richemont à Cherves-Richemont (16) par Paul de Lacroix (1906)

 Histoire de Cognac, Jarnac, Segonzac et d’un grand nombre de localités entre Saintes et Châteauneuf, Archiac et Rouillac, Pons et Saint-Jean d’Angély, dans leurs rapports avec l’histoire générale de la France, depuis les temps celtiques jusqu’à l’an 1882 - Abbé Cousin – Bordeaux – 1882 – BNF Gallica.

Richemont.

Cette petite commune s’étend au nord de Javrezac, sur une suite de coteaux et de vallées ou plutôt de gorges profondes qui s’alternent à chaque pas. Le bourg est peu important ; il ne se compose, à proprement parler, que de l’église romane et du château souvent détruit, souvent reconstruit, qui sert aujourd’hui de séminaire diocésain. Aussi bien, c’est à ce titre surtout que Richemont mérite de fixer l’attention du voyageur. Les productions du pays sont les mêmes qu’à Louzac et à Saint-Laurent. La terre est rougeâtre, et l’on voit çà et là des roches boisées et sauvages. Dans les éclaircies et au fond des ravins, le sol paraît fertile. La jolie rivière de l’Antenne, au cours paisible, s’en va par des détours, tantôt au pied des rochers, tantôt dans une plaine unie, baigner le roc escarpé où s’élèvent l’église et le petit mamelon du château.

Ce mamelon, en partie œuvre de la nature, en partie œuvre de l’art, n’est pas sans analogie avec les camps romains. Là comme à Merpins, on a dû, pour établir la motte du Castrum, creuser le pourtour et amonceler au milieu la terre tirée des excavations.

Le château actuel est du genre moderne. Il n’avait qu’une aile, mais il a été complété par l’adjonction de bâtiments appelés salles de classes et dortoirs, reposant sur des cloîtres ouverts dans la cour à peu près carrée de l’établissement. Ses larges fenêtres, ses pavillons symétriquement disposés aux quatre angles et surtout l’encadrement de verdure d’où il semble émerger, au détour d’une vallée profonde, saisissent l’étranger d’une impression indéfinissable. Loin du tumulte de la ville, on aime cet isolement si favorable aux méditations de l’étude, au calme de l’esprit et aux élévations de l’âme vers les choses de l’éternité. Les brises de la rivière montent aux fenêtres des maîtres de la maison, qui contemplent les flots mobiles de l’Antenne, image des jours de la vie ou des générations se poussant et s’écoulant sans cesse l’une après l’autre.

Il n’est pas douteux que ce vieux donjon avec ses vastes salles, ses caves voûtées, les grottes profondes et les moulins d’alentour, n’ait eu beaucoup de charmes pour les Gallo-Romains, et que le moyen âge ne se soit plu à faire du vieux manoir un séjour favori.

Les plus anciens titres remontent au XIIIe siècle, au temps de la seconde croisade, et nous apprennent que cette seigneurie était un fief dépendant d’Authon, près Saint-Jean-d’Angély. A leur tour, les seigneurs de Chazottes, en Saint-Sulpice, le possédèrent et le comprirent dans leurs aveux ou dénombrements au comte d’Angoulême durant les XVe et XVIe siècles.

Boussac. — Situé sur le bord de l’Antenne, à 2 kilomètres est du château, Boussac fut tantôt réuni, tantôt séparé de la seigneurie de Richemont. Au XVIe siècle, c’était la famille de L’Étang qui possédait l’ensemble. On trouve souvent le nom des L’Étang dans les registres paroissiaux du XVIIIe siècle, et des Jarousseau qui leur succédèrent. Déjà la bourgeoisie de robe ou de propriété territoriale commençait à supplanter la noblesse paragère et à partager avec celle-ci une influence bien des fois séculaire. Tour à tour les Guy-Chabot, les Dexmier, les Du Renclos, les Moucheteau, les Fé de Ségeville, les Guillet de Fontenelles, disposèrent du château de Richemont. Vendu comme bien national, il passa à la famille Prouhet en 1816 et fut définitivement acquis en 1839 par l’évêque d’Angoulême pour l’installation d’un Petit-Séminaire.

Des restaurations ou appropriations importantes ont été faites au château moderne sans lui enlever pourtant son cachet primitif, ni même le nom qu’il porte toujours parmi les descendants des anciens manants. Les supérieurs ou professeurs de l’établissement font ordinairement le service paroissial. Le premier en titre a été M. Tarrère, depuis curé de Châteauneuf, aujourd’hui retiré du ministère ; puis, sont venus MM. Dumas, mort en 1881, chanoine de la cathédrale, et M. Chaumet, actuellement en charge. Durant les trente-deux années de sa gestion et au milieu de circonstances difficiles, M. Dumas fit constamment preuve de ce tact parfait, de ce goût sûr et de cette amabilité distinguée propres à gagner les coeurs et à se concilier les sympathies les plus diverses. Les églises de Javrezac et de Richemont, la chapelle du Petit-Séminaire, restaurées ou édifiées par ses soins, ne laisseront pas périr son souvenir, cher à toute une génération lévitique et aux gens de bien de la contrée, auprès desquels ses dernières épreuves même l’ont singulièrement grandi.

A Boussac se rattache la famille des Perrin, qui a joué un certain rôle dans le pays. Succédant aux Pelluchon et aux Du Vignaud, le premier des Perrin, nommé Jacques-Théodore, cherchant dans son patriotisme un moyen d’être utile à la contrée, avait rêvé d’installer une papeterie à Boussac ; il n’y réussit qu’à moitié, car les nombreuses exigences du fisc et le succès de la concurrence empêchèrent son établissement de prospérer.

D’ailleurs, on approchait des jours de la Révolution française, et les agitations de la politique, alors comme aujourd’hui, nuisaient aux affaires commerciales les mieux combinées. La famille Perrin ne se retrouve plus guère aujourd’hui qu’au logis des Guillet de Saint-Martin, dont elle a recueilli l’héritage en 1872. Elle est représentée par MM. Perrin père et fils. Ce dernier a épousé une demoiselle Poitevin de La Frégonnière, d’une ancienne famille de Saintes. Le logis de Saint-Martin de Cognac est du genre moderne, orienté vers la Charente. C’est un corps de bâtiments simple, sur la façade duquel se voit une tour hexagonale d’un fort bel aspect.

L’ordre de succession des curés de Richemont ne remonte pas dans nos registres au delà de 1760. Nous trouvons, en cette année, la cure de Richemont occupée par un sieur Fouques, membre, sans doute, d’une famille très estimée dans le pays. Chose singulière ! Il signe curé de Richemont conjointement avec un sieur Hillairet. Celui-ci garde seul ce titre l’année suivante. En 1762, le décès d’un sieur Bertrand, écuyer et receveur des tailles à Cognac, amène M. Dabescat, curé de Cognac, son parent, vicaire dans l’île d’Oléron, et son vicaire, M. Chauvin, à la funèbre cérémonie. Enfin, en 1789, c’est Quinemant, curé de Richemont, qui préside aux funérailles de J. Prèvostière, notaire royal à Bourneuf, même paroisse, et beau-frère du célèbre Poirier, maire de Saint-Laurent. En 1791, nous trouvons mentionné un Dusouchet : c’est le dernier qui ait régi l’église de Richemont.

Nous lisons dans l’extrait des Archives nationales (collection Albert) : La paroisse de Richemont appartient à la dame Mouchetaud, épouse du sieur Fé, écuyer, seigneur de Lafont, lieutenant au siège royal de Cognac. Elle consiste en domaines, droits de pêche, etc., situés dans les paroisses de Richemont, Javrezac, Cherves et Cognac.

Ladite dame jouit de la moyenne et basse justice depuis 1514 seulement. Elle prétend la mouvance sur Boussac appartenant au sieur Perrin de Boussac, sur celui de Saint-Mégrin possédé par M. de Cursay, sur celui de l’église et autres possédés par le sieur Profiton de Javrezac, par le sieur Destouches, sur celui de Saint-Laurent possédé par le sieur de Cursay ; ce qui doit être justifié par les dénombrements rendus en 1536, lors de la rénovation du domaine. Le revenu, distraction faite de la partie qui est en Saintonge et qui est tenue à hommage du chapitre de Saintes, est de 1.000 livres, et sa valeur de 30.000 livres ».

Abbé Cousin


 Notice sur les écoles secondaires ecclésiastiques du diocèse d’Angoulême au XIXe siècle – Récits, anecdotes, portraits, etc, - M. l’abbé J. P.-G. Blanchet, chanoine honoraire, supérieur de l’Ecole Saint-Paul. Angoulême – 1891 – BNF Gallica

1839

Le 18 août 1839, par devant Me Imbaud, notaire à la résidence de Cognac, instrumentant au lieu de Jarnouzeau, où demeurait le vendeur, paroisse de Saint-Laurent, M. Jean-Etienne Prouhet, et dame Marie-Nancy Preveraud, son épouse, vendirent à M. Léon-Joseph Descordes, prêtre, chanoine honoraire de Poitiers, et curé de Cognac, moyennant le prix de 10,000 francs, payables aux créanciers des vendeurs, aussitôt après la purge des hypothèques, « le château de Richemont avec ses circonstances et dépendances, composé de bâtiments de toute espèce, cour, jardins, terres labourables, vignes, prés, luzernes et sapières, le tout ne formant qu’un corps de forme irrégulière, d’une contenance superficielle de 5 hectares 25 ares 23 centiares » sans excepter le passage par la chaussée dite de Richemont et le droit de pèche dans les eaux de la rivière [1].

Maîtres et écoliers dirent donc adieu à Bassac, après la distribution des prix, et il fut convenu qu’on se réunirait vers la fin d’octobre sur les bords de l’Antenne ; c’était là que le petit séminaire du diocèse d’Angoulême devait enfin trouver un asile plus durable.

Le Petit Séminaire de Richemont.

La première fois que M. Descordes, conduit par M. Léon O’Tard, vint visiter Richcmont, il fut moins frappé de la beauté du paysage que du délabrement du château : en en franchissant le seuil, il s’écria : « Nous sommes ruinés ! » Il faut le reconnaître, le spectacle qui s offrit alors à ses yeux était peu réjouissant. D’énormes roches calcaires s’élevaient à l’entrée et au lieu où a été installée la boulangerie ; la cour d’honneur était une fondrière [2], qui rejoignait, par une pente abrupte vers le midi, un champ assez mal cultivé, où poussaient cependant de belles asperges : le champ est devenu la cour des grands. Cette cour n’avait pas de murs de clôture, sinon au nord-est, où s’allongeait une grange en mauvais état ; mais, en revanche, on voyait de toutes parts des buissons où la ronce s’enlaçait a l’épine.

Les bâtiments consistaient en une grange et une écurie à main gauche de l’entrée (on y a depuis ménagé la porterie) ; en un corps de logis à un étage, flanqué de deux pavillons, du côté de l’Antenne (ce corps de logis subsiste toujours), et en diverses servitudes, construites du côté opposé, renfermant un rez-de-chaussée sur caves et terminées par deux pavillons embryonnaires, qui s’élevaient à quatre ou cinq mètres au-dessus du niveau de la cour. M. Prouhet avait permis à un de ses amis, M. Clément, d’occuper une partie des bâtiments ; ce fut celui-ci qui reçut le nouveau propriétaire et lui en fit les honneurs. En retour de cette politesse, M. Descordes dut l’inviter à évacuer la place. M. Clément se retira en effet au mois de septembre.

M. Descordes s’empressa de faire commencer les travaux les plus indispensables. On arracha les broussailles, on nivela le sol ; on répara les toitures, on restaura les portes et les fenêtres. Au rez-de-chaussée, dans la partie méridionale, et au premier étage dans toute son étendue., une cloison de briques parallèle à la façade sud-ouest du logis forma des corridors, qui rendirent indépendants les uns des autres les divers appartements. Des deux pièces a main gauche en entrant, la première fut le réfectoire, la seconde, la cuisine ; au-dessus étaient les dortoirs. Du côté opposé, à main droite en entrant, était l’étude, puis, à la suite, la chambre du supérieur. Au premier la lingerie, l’infirmerie, l’appartement do la famille Tarrère, furent installés du mieux possible.

Les professeurs logèrent dans les cellules des pavillons, et c’est dans ces cellules que, pour la plupart, ils faisaient leur classe.

1840

Tout d’abord, on n’eut d’autre chapelle que l’église paroissiale ; mais, en 1840-1841, le modeste pavillon du sud-ouest fut surhaussé, en même temps que l’on construisit le dortoir des grands. Le second étage sous le toit servit de grenier et de dortoir pour les domestiques ; au premier on disposa trois chambrettes pour les maîtres, et au rez-de-chaussée on établit la chapelle. La boiserie qui encadrait le rétable de l’autel a été modifiée depuis : on en a fait une armoire pour les instruments de musique [3]. Les réparations et aménagements s élevèrent, pour cette première année à 12.000 francs, en outre du prix d acquisition qui, avec les faux frais, dépassa 14,000 francs.

Cependant les vicaires généraux de Mgr Guigou, MM. Guitton et Gratereau, publiaient le premier prospectus de la maison.

« Depuis longues années, disaient-ils dans ce document date du 30 août 1839, Mgr l’évêque d’Angoulême désirait réparer, par le rétablissement d’un petit séminaire, les pertes douloureuses que son diocèse avait faites et répondre ainsi aux besoins du clergé comme aux vœux d’un grand nombre de familles chrétiennes. La Providence vient enfin de pourvoir à tout. Le château de Richemont, acquis il y a peu de jours, est en pleine voie de restauration. D’importants travaux, dirigés par un architecte d’un talent incontesté, permettront de donner successivement à l’établissement projeté de grands développements et d’ouvrir aux pères de familles un asile où la foi et les mœurs seront l’objet de la plus vive sollicitude. Situé entre deux grandes routes très rapprochées (celles de Saintes et de Saint-Jean-d’Angély), à une demi-lieue (!) de Cognac, sur la croupe d’une colline élevée ; séparé par la rivière d’Antenne des coteaux voisins dont les pentes boisées présentent le plus riant aspect, l’établissement de Richemont réunit toutes les garanties de salubrité aux avantages de la solitude et du recueillement si favorables aux études.

« Offrir à la jeunesse les agréments de la campagne serait peu de chose en soi sans doute, si elle restait privée des secours que réclament l’éducation et l’instruction variée, dont les villes sont ordinairement pourvues ; aussi, au précieux avantage de l’éloigner du tumulte des villes, tous les éléments désirables d’une éducation complète, tous les moyens d’instruction qu’exige notre époque, seront réunis à Richemont. Des professeurs ecclésiastiques, dont les succès dans les collèges de l’Université, à l’Ecole normale et même au grand concours des collèges royaux de Paris [4], attestent l’aptitude et les talents et que l’expérience de plusieurs années de professorat a mûris encore, se voueront à la carrière de l’enseignement et donneront leurs soins aux élèves, sous la direction d’un supérieur aussi éclairé que modeste .

« L’enseignement comprendra le français, le latin, le grec, l’histoire, la géographie, les mathématiques, l’écriture et le dessin. Il sera ouvert un cours préparatoire de grammaire pour les enfants. Un professeur donnera, aux jours de congé, et plus souvent s’il est nécessaire, des leçons d’histoire naturelle et spécialement de botanique. Il y aura dans l’établissement, selon que le comporteront ses développements, un cours facultatif de langues étrangères et un cours spécial d’histoire. On exercera les enfants au chant et à la lecture à haute voix. »

Les autres dispositions concernaient les soins de santé et de propreté. Le prix de la pension (on n’admettait pas d’externes) était fixé, « y compris le blanchissage » l’entretien du linge, les fournitures de papier, plumes, encre, l’abonnement au médecin et à la bibliothèque, à 500 francs payables par tiers et d’avance. »

Le 25 septembre 1839, M. Guitton écrivit au ministre des cultes pour lui annoncer que le diocèse d’Angoulême, privé depuis longtemps de petit séminaire, allait en avoir un, qu’on espérait ouvrir le 30 octobre.

Après avoir rappelé les paroles d’encouragement dont ses prédécesseurs avaient plusieurs fois payé Mgr Guigou, sans qu’aucun acte eût suivi ces paroles, M. Guitton ajoutait : « Il serait plus facile aujourd’hui à Votre Excellence de venir à notre secours,en daignant nous accorder quelques fonds qui seraient utilement employés aux réparations les plus urgentes du local dont j’ai dernièrement fait l’acquisition dans la commune de Richemont. Ce secours produirait un bon effet sur l’esprit de la population. »

Le ministre approuva, le 10 octobre 1839, la fondation de Richemont et fixa le nombre des élèves qui pourraient y être admis à cent [5] ; mais il refusa tout secours. Il fit aussi remarquer à M. Guitton que le choix du supérieur du petit séminaire devait être soumis à l’agrément du roi. Par une lettre du 12 octobre, le vicaire général s’excusa de cette omission (attentatoire aux fameuses ordonnances du 16 juin 1828) et, le 16 novembre suivant, Sa Majesté daigna consentir que M. l’abbé Jean-Louis Tarrère gouvernât, sous l’autorité de l’évêque diocésain, une poignée de jeunes enfants.

L’ouverture du petit séminaire, annoncée d’abord pour le 30 octobre 1839, fut différée jusqu’au 3 novembre, vraisemblablement sur le désir et à la convenance de Mgr Villecourt, évêque de La Rochelle, qui avait été invité à présider cette cérémonie. Le bon évêque vint en effet avec son vicaire général, M. Gaboreau, à Cognac d’abord, où il reçut l’hospitalité chez M. Descordes, et de là à Richemont. Il célébra la messe et prononça un discours analogue à la circonstance dans l’église paroissiale ; puis il se forma une procession des élèves et des maîtres, des amis et des curieux, et l’on se dirigea vers la maison, que le prélat bénit, avec les rites usités,

Les élèves étaient au nombre d’environ quarante, et les maîtres au nombre de sept.

C’est en l’année scolaire 1840-41 qu’a été construite l’aile où est le dortoir des grands : cette aile fut habilement raccordée avec le pavillon du sud-est et avec celui du sud-ouest, qui, à cette occasion, reçut un surhaussement des deux étages. Avant de commercer à bâtir, M. Guitton et M. Descordes avaient eu la sagesse de faire dresser par M. Covillion, leur architecte, un plan d’ensemble, qui devait être exécuté au fur et à mesure des ressources dont on disposerait. Ce plan a été abandonné en ce qui regarde la chapelle. Si on l’eût suivi, elle aurait été jetée, pour ainsi dire, dans l’espace à travers le pré, à distance égale des deux pavillons du couchant, avec lesquels sa façade se fût enlignée. Elle eût été, bien entendu, au niveau de la cour des petits, et on aurait pu établir dans les soubassements une salle immense. À droite et à gauche, d’étroites galeries couvertes auraient offert un abri pour les récréations pluvieuses. Ce plan était plus régulier et plus grandiose que celui auquel on s’est arrêté ; mais il eût été beaucoup plus dispendieux. Les deux pavillons supposés construits, M. Covillion plaçait dans celui du sud-ouest, au rez-de-chaussée, la salle de dessin, et au premier la salle de musique ; dans celui du nord-ouest, au rez-de-chaussée, la salle d’écriture et au premier le cabinet de physique ; au second devaient être des greniers ou des chambres.

La construction de l’aile du dortoir des grands fut l’œuvre de l’entrepreneur Péronneau. Pour assurer plus de force aux murs, trop peu épais eu égard à leur hauteur, M. Descordes exigea que l’on y plaçât de distance en distance des clefs de fer ; mais ces précautions ne suffirent pas à empêcher des lézardes de s’ouvrir, d’abord au coin où est l’étude des grands, puis au coin opposé. Divers travaux de consolidation durent être exécutés et, vers 1861, il fallut suspendre en l’air le mur du dortoir des grands qui regarde le nord-ouest et en reprendre les fondements [6].

Malgré son défaut de solidité, cette bâtisse revint à plus de 37.000 francs. Pour subvenir aux dépenses d’acquisition, d’aménagement, de construction, on employa le prix de vente du petit séminaire d’Angoulême ; on organisa une souscription dans le clergé et parmi quelques riches laïques ; on joignit à cela les quêtes du carême de 1840 et de 1841, et l’on parvint à réunir ainsi près de 70,000 francs ;

La démission de M. Berchon obligeait à lui chercher un remplaçant. Ce ne fut point M. Duret. L’opinion d’un grand nombre de personnes, ecclésiastiques et laïques. désignait M. Déroulède.

1841

A la rentrée de 1841-1842 le personnel était composé de la façon que voici : MM. Dumas, supérieur ; Déroulède, sous-supérieur et préfet des études : Azens, pendant quelques semaines, puis Magrangeas, professeur de rhétorique ; Fontenaud, professeur de seconde ; Magrangeas, pendant quelques semaines, puis Reynier, professeur de troisième ; Hourie, de quatrième ; Hameau, de cinquième ; Gardette. de sixième ; N... puis Rolland, professeur de septième ; Desmiers, professeur de huitième ; de James, pendant quelques semaines, puis Àzens, professeur de mathématiques ; Marchadier, puis Jobit. économe ; le même Jobit, professeur d’anglais ; Duffourc. maître d’étude des grands ; frère Vincent de Paul, maître d’étude des petits ; Charles, musique. C’étaient quinze maîtres pour quatre-vingt-trois élèves.

Dans le cours de cette année mourut Mgr Guigou : le vénérable prélat s’éteignit à Angoulême, après de longues souffrances patiemment supportées, le 21 mai 1842. à l’âge de 74 ans et demi.

1843

La nomination de M, Guitton au siège de Poitiers (nomination dont il reçut l’avis officiel h Richemont même) fut accueillie par des chants de tristesse ; le départ de ce digne prélat, le fondateur du petit séminaire, y causa de vifs regrets à tout le monde et surtout à M. Dumas, qui avait trouvé en lui bienveillance et affection.

...

La protection de la sainte vierge se manitesta aussi par la rapidité relative avec laquelle le nombre des élèves augmenta : il était déjà de plus de 80 en 1841-1842 ; à la fin de 1843-1844, il dépassait de beaucoup la centaine et la maison devenait trop étroite : il fallut songer à l’agrandir. Le 24 août 1844, Mgr Régnier écrivait à M. Covillion : « La construction de l’aile ouest [7] du petit séminaire est définitivement arrêtée, et j’ai l’honneur de vous inviter à vous occuper sans délai de ce travail. » Il fut commencé au printemps de 1845. On avait pensé d’abord à conserver tel quel le réfectoire primitif, à laisser la cuisine où elle était, dans le pavillon, et à faire un second réfectoire dans le nouveau bâtiment ; il eût compris la cuisine actuelle et ses dépendances, l’ancienne classe de huitième et le parloir. On finit par s’arrêter à une idée qui nous semble meilleure : ce fut de couper, en la forme d’une immense arcade, le mur du pavillon qui séparait le réfectoire de la cuisine et de reporter la cuisine plus loin : on obtint de cette manière au rez-de-chaussée un réfectoire unique, de bonne grandeur, et, au premier étage, un assez vaste dortoir qui fut consacré aux moyens. M. Covillion conseillait de surhausser immédiatement, en même temps qu’on construisait le dortoir des petits, le modeste pavillon où habitait le portier et où est installé aujourd’hui l’économat. Mgr Régnier s’étant refusé à ce surcroit de dépense, ce n’est qu’aux vacances de 1863, que ce pavillon fut mis à peu près dans l’état où il est maintenant. Les travaux, du reste, ne marchèrent que lentement ; ils n’étaient pas encore achevés le 18 octobre 1845 ; et Mgr Régnier dut s’en plaindre à l’architecte. Ils coûtèrent plus de 22,000 francs, qu’on paya en divers termes répartis sur trois années ; le solde final fut versé à l’entrepreneur Péronneau, le 24 mai 1848.

1845

Les progrès des élèves dépendant dans une large mesure du zèle, du savoir, et surtout de la piété des maîtres, Mgr Régnier, pour entretenir et accroître parmi les professeurs de Richemont l’estime de ces précieuses qualités, crut devoir leur adresser, à la rentrée de 1845-1846 (24 octobre 1845), de sages conseils, où se révèlent l’esprit apostolique de l’évêque et la longue expérience de 1’ancien proviseur du collège royal d Angers.

« L’avenir du diocèse est, en grande partie, dans le petit séminaire. Aussi cet établissement est-il l’objet de ma sollicitude la plus vive et la plus tendre ; appeler un ecclésiastique à y remplir une fonction quelconque, c’est de ma part une prouve d’estime particulière et de haute confiance. Mais, pour que le petit séminaire rende à l’Eglise les services qu’elle a droit d’en attendre, il faut que chacun de ceux qui sont chargés de concourir à sa direction mette, dans l’accomplissement des fonctions qui lui sont confiées, beaucoup d’abnégation personnelle, de zèle et de dévouement. Il faut qu’il évite avec soin tout ce qui pourrait nuire au succès de l’œuvre commune,

« C’est pour assurer ce succès, autant que possible, que je vous adresse à tous, messieurs, au commencement d’une année qui doit avoir une importance particuliére, les recommandations suivantes ; l’expérience m’en a fait connaître la nécessité.

« Tous les professeurs feront de leurs cours respectifs leur affaire principale, je dirai presque exclusive ; c’est pour eux, ils le comprennent, une obligation de conscience. Qu’ils préparent soigneusement chacune de leurs leçons, même dans les plus basses classes ; ce n’est qu’à cette condition que leur enseignement sera intéressant et utile.

« Qu’ils veillent avec une attention suivie à ce que les enfants parlent et écrivent correctement la langue française.

« Qu’ils suivent, pour l’explication des auteurs grecs et latins, la méthode indiquée par Rollin et Jouvency.

« Leurs récréations ne doivent pas se prolonger plus que celles des élèves. Ils doivent aux enfants l’exemple du bon emploi du temps et ne peuvent espérer leur inspirer de l’ardeur pour le travail qu’autant qu’ils en auront eux-mêmes, Il y aurait de leur part imprudence et désordre a prolonger, pendant les heures de travail, des conversations et des jeux qu’on pût entendre des salles d’étude.

« Dans leurs rapports avec les personnes du dehors, ils doivent éviter tout ce qui pourrait compromettre l’établissement. S’ils ont des observations ou des plaintes à faire, ce n’est pas à des étrangers, qui ne peuvent rien à l’ordre de la maison, mais à leurs supérieurs qu’ils doivent s’adresser.

« Que tout se passe donc en famille, et qu’il n’y ait jamais au dehors de ces confidences indiscrètes, de ces critiques ou de ces murmures que la prudence, la charité et la religion interdisent également.

« Tous les maîtres éviteront les marques de prédilection et de préférence à l’égard de quelque élève que ce soit, excepté celles qui sont de règle comme récompense de la bonne conduite et du travail, On défend aux enfants les amitiés particulières entre eux : que serait-ce, si ceux qui doivent s’opposer à ce qu’ils en forment leur en donnaient l’exemple ? Quelle autorité morale conserverait un maître, si son affection, ses attentions plus empressées, une sorte de déférence que lui interdit sa position, pouvaient être attribuées aux qualités physiques ou à la fortune des enfants qui en seraient l’objet ?

« Je rappelle la défense que le règlement fait aux maîtres de recevoir les enfants dans leurs chambres pour qu’ils y passent le temps des récréations ou des études. Sauf les exceptions qui seront dûment autorisées, chacun d’eux ne s’occupera que des élèves de sa classe, et il s’occupera de tous également.

« Les maîtres éviteront toute familiarité, tout ce qui aurait un air de camaraderie avec les élèves. Ils éviteront avec autant et plus de soin encore tout emportement contre eux. Ils s’interdiront absolument, à leur égard, lors même qu’ils auront de justes et graves sujets de mécontentement, toute parole injurieuse, toute ironie blessante, toute correction corporelle, tout ce qui aurait la moindre apparence de violence ou de défaut de délicatesse. »

La lettre se terminait par des encouragements.

« Je suis heureux d’ajouter que, à part quelques imperfections isolées et sans grande conséquence, le zèle unanime des maîtres, la sage et pieuse direction de la maison, les progrès des élèves, leur excellent esprit, ont été pour moi le sujet d’une grande satisfaction et m’ont fait concevoir de bien consolantes espérances,

« Vous travaillerez avec une nouvelle ardeur à maintenir Richemont à la place honorable qu’il a déjà prise dans l’opinion publique. Vous vous tiendrez étroitement unis ; vous rivaliserez de déférence affectueuse envers l’autorité, de dévouement à votre belle et sainte mission, do charité pour les enfants que la religion vous confie. Ce sont, mes chers messieurs, les vœux que je forme avec le grand Apôtre, en bénissant de tout mon cœur vos personnes et vos travaux. Vos autem Dominus multiplicet et abundare faciat caritatem vestram in invicem et in omnes, quemadmodum et nos in vobis (1),

L’année 1845-1846 fut prospère et le nombre des élèves dépassa 180.

1847

La correspondance de M. Dumas nous fait connaître une épidémie de grippe dont le petit séminaire fut atteint en janvier 1847 ; plus de soixante élèves tombèrent malades à la fois. Cette affection n’eut, grâce à Dieu, rien de grave pour aucun d’entre eux, et avant la mi-février les études avaient repris leur cours régulier. Une autre épreuve succéda à la première, ce fut l’excessive cherté du pain [8] : pour éviter de faire des dettes, l’administration du petit séminaire dut demander un supplément de pension aux familles des élèves, qui s’y prêtèrent presque toutes de bonne grâce.

1848

La révolution de février 1848, qui ailleurs échauffa tant de têtes, n’eut aucune fâcheuse conséquence pour le petit séminaire. Toute la contrée demeura parfaitement tranquille. Le chef de la commission provisoire de Cognac, M. Jobit, déclara, dans les premiers jours de mars, à un ecclésiastique qu’il croyait employé à Richemont, sa volonté bien arrêtée de réprimer sévèrement même les injures verbales. Son frère, nommé sous-commissaire du gouvernement, témoigna des mêmes dispositions ; aussi le petit séminaire ne fut-il nullement inquiété. Les maîtres, quand ils se rendirent à Cognac au mois d’avril pour les élections de la Constituante, furent accueillis, comme tous les membres du clergé, avec un respect extraordinaire.

Quelques jours auparavant, le 14 avril, une portion considérable de la petite église paroissiale s’écroula ; la façade, le clocher, presque toute la nef, ne formaient plus qu’un monceau de ruines, Ce n’est qu’au prix de bien des efforts et de bien des sacrifices personnels, que M. Dumas parvint à réparer ce désastre.

Quand la guerre éclata entre la France et l’Allemagne, M. Azens prévit nos désastres et il répétait : a J’ai vécu trop longtemps ! » Il n’avait jamais eu de sympathie pour les Bonaparte, et comme, un jour, on vantait en sa présence, vers 1853 ou 1854. les belles actions de Napoléon III, il dit : « Souvenez-vous du proverbe arabe : Avant de dire que la journée a été belle, attends le coucher du soleil. »

Nous n’avons guère de faits saillants à noter à cette époque dans la vie paisible du petit séminaire.

L’érection de l’archiconfrérie de Notre-Dame des Victoires en 1848 par les soins du pieux abbé Magrangeas ; un séjour de Msr Régnier parmi ses enfants pendant toute la première semaine de mai ; cette même année, la bénédiction d’un chemin de croix, un service funèbre pour le repos de l’âme de Mgr Guitton, ce sont de bien petits détails peu capables d’intéresser l’histoire, La mention de ce chemin de croix, dont les images étaient de papier collé sur toile, nous amène à dire un mot de la pauvreté de la chapelle, où pendant plus de trente ans, ont prié tant de générations d’écoliers. Beaucoup d’entre eux doivent se rappeler encore ces murailles nues ; ce lambris formé simplement par le plancher des appartements supérieurs et que ne dissimulait même pas un plafond de plâtre [9] ; cet autel à un seul degré, qui, avec un modeste tableau, masquait une porte de l’étude des grands ; ces deux armoires dont il était flanqué et qui servaient de sacristie ; des bancs sans dossier et des agenouilloirs ou s’emmagasinait la poussière ; au fond deux banquettes pour les maîtres, quelques prie-Dieu et enfin un grand confessionnal double. Que tout cela était loin de ressembler à la belle chapelle d’aujourd’hui avec son élégante arcature, ses vitraux, sa chaire, ses stalles, ses bancs de chêne, et son gracieux autel, sous lequel reposent les reliques de saint Fauste, l’enfant martyr ! Les jours de fête on enveloppait de quelques lambeaux de calicot blanc les colonnes de fonte et on les entourait de lierres, arrachés du tronc des grands arbres de La Billarderie ; on mettait de vieux rideaux aux fenêtres, dont on dessinait les contours avec des guirlandes de mousse ou de buis ; à l’entrée du sanctuaire, on étalait une tenture de coton rouge ou blanche, sur laquelle se lisait une inscription en papier doré, taillée délicatement on caractères gothiques par les ciseaux obligeants du bon M. Duffourc ou d’un de ses disciples. Puis on plaçait sur l’autel les plus belles fleurs, les plus beaux chandeliers (on n’avait guère à choisir) ; et, enfin, on couvrait le pavé d’un tapis à grandes raies rouges, dont on disposait savamment les plis pour en cacher les trous. Il aurait fallu voir quelle ardeur et quel entrain apportaient a ces préparatifs les heureux élèves que le maître des cérémonies avait daigné y admettre ! Plus d’une fois on y passa la moitié de la nuit ! Et, le lendemain, quelle joie quand le célébrant, entre ses assistants revêtus de vieilles dalmatiques de soie jaune, consacrait, pour ainsi dire, tout ce pompeux appareil en faisant l’aspersion de l’eau bénite !

1849

Mgr Régnier gémissait que le bon Dieu fut si mal logé au petit séminaire et désirait vivement y construire une chapelle moins indigne de sa destination. Il en avait demandé le plan à l’architecte de la maison et, le 13 novembre 1849, M. Dumas lui écrivait à ce sujet : « L’entrepreneur m’a remis il y a déjà quelques jours le plan de la chapelle projetée. Je compte vous 1’envoyer prochainement, mais il y a des modifications assez importantes a y apporter par suite de remarques qui viennent d’être faites. Si Votre Grandeur veut donner suite à ce projet et avoir recours à la générosité des personnes qui comprennent la nécessité de cette construction, le moment actuel serait bien choisi ; car, dans notre contrée particulièrement, les affaires commerciales n’ont jamais été aussi prospères, aussi brillantes. Pour avoir un succès complet, il faudrait qu’un de messieurs les vicaires généraux voulût bien se présenter avec moi dans les maisons qui nous sont le plus dévouées et sur lesquelles nous comptons le plus »

L’évêque d Angoulême se disposait a entrer dans les idées de M, Dumas, quand sa subite translation au siège de Cambrai vint tout suspendre.

1853

Le successeur de Mgr Régnier, Mgr Antoine-Charles Cousseau, s’empressa, presque aussitôt après son installation, de reprendre l’affaire de la chapelle ; il en fixa l’emplacement à main droite dans la cour d’entrée, et il profita de l’occasion du concile de La Rochelle, qui allait s’ouvrir le 24 juillet 1853, pour en faire poser la première pierre avec une grande solennité. Plusieurs des prélats qui se rendaient au concile rehaussèrent de leur présence cette pieuse cérémonie : c’étaient, avec le cardinal Donnet, archevêque de Bordeaux, et l’évêque d’Angoulême, les évêques de Périgueux, de Poitiers, de Fort-de-France, et d’Agen.

Le vendredi, 22 juillet 1853, les prélats, venant d’Angoulême, où ils avaient consacré, la veille, l’église Saint-Martial, arrivèrent a Cognac vers 10 h 1/2 du matin ; ils furent reçus et complimentés à Saint-Léger par l’archiprêtre, M. Berchon, puis ils se rendirent au petit séminaire,. L’archevêque présida avec son aisance habituelle (1).

Cette première pierre posée avec tant d’apparat ne fut pas suivie d’une seconde ; on n’avait pu réunir toute la somme nécessaire pour la construction de l’édifice ; bientôt, de mauvaises années étant survenues, il fallut prendre sur cette modeste réserve pour l’entretien ordinaire de la maison et, comme le disait spirituellement Mgr Cousseau, convertir les pierres en pain.

1854

La proclamation du dogme de l’Immaculée Conception fut pour le petit séminaire, comme pour tout l’univers catholique, la cause d’une immense joie ; maîtres et élèves rivalisèrent pour célébrer Notre Dame de Richemont et exalter par tous les moyens on leur pouvoir son glorieux privilège. Nous nous souvenons que, quand nous entrâmes au petit séminaire en 1857, on parlait encore avec enthousiasme de la belle fête du 8 décembre 1854.

1856

Le 16 mars 1856, il était né à l’empereur Napoléon III un fils, appelé par la constitution d’alors à hériter de son trône. Cet événement fut un sujet de joie pour une partie de la France ; à cette occasion, le ministre de l’instruction publique ayant donné aux institutions universitaires de petites vacances à la fête de Pâques, qui tombait huit jours plus tard (23 mars), Mgr Cousseau voulut associer les élèves de Richemont à l’allégresse commune, et il fut décidé qu’ils auraient congé du lundi de Pâques au lundi de Quasimodo,

1857-1858

L’année suivante, le bon évêque étant venu au petit séminaire pendant le carême, et ayant conféré d’abord avec le supérieur et les professeurs, réunit tous les élevés dans le grand salon et le vestibule qui le précède, et leur adressa ces paroles : « Mes chers enfants, c’était l’usage chez les Romains, dans les circonstances solennelles , d’interroger le peuple après la délibération du Sénat et de faire consacrer, en quelque sorte, le sénatus-consulte par le plébiscite. Aujourd’hui, une question grave se pose : devez-vous avoir, cette année comme, l’an passé, des vacances à Pâques ? Le sénatus-cousulte est favorable et conclut à l’affirmative que sera le plébiscite ? Qu’en semble au peuple ? Est-il expédient d’avoir des vacances ? — Oui, oui, s’écria-t-on de toutes parts avec un ensemble qui ne surprendra personne, — Eh bien, reprit en souriant le vénérable prélat, vous irez en vacances encore cette année. Cependant il est bien entendu que la chose ne tirera pas à conséquence et qu’on ne pourra pas se prévaloir du précédent. » Cette réserve prudente n’empêcha point le précédent de prévaloir : en 1858, les vacances furent accordées de nouveau et passèrent en règle ; elles n’ont été supprimées qu’en 1879, l’année même où est mort, chez les Zoulous (1er juin), le jeune prince avec qui elles étaient nées.

Si la France s’était réjouie en 1856 de la naissance au prince impérial, elle eut à s’attrister bientôt des terribles désastres que causèrent les inondations.

La charité publique chercha tous les moyens propres à conjurer tant de misères : les écoliers de Richemont, comme presque tous les écoliers français, renoncèrent à leurs prix en faveur des inondés, et l’argent destiné à payer des livres dont on pouvait se passer fut converti en aliments et en vêtements pour les malheureuses victimes du sinistre.

Un deuil de famille vint assombrir le commencement de l’année scolaire 1856-1857 : un élève de seconde, le jeune Edouard Heraud, originaire de Bussière-Badil, mourut le 19 novembre 1856, après une maladie relativement assez courte, une dysenterie opiniâtre. Il rendit le dernier soupir dans une chambre contiguë au dortoir des petits, du côté de l’Antenne, chambre qui fut habitée longtemps par M. Lacout, le maître de musique. Cette mort fut une grande perte pour Richemont et pour l’Eglise.

Un service funèbre fut célébré dans la modeste chapelle du séminaire, et le corps du défunt fut transporté dans le cimetière de Bussière-Badil,sa paroisse natale. Cette cérémonie produisit une profonde impression sur les enfants ; c’était la première fois que plusieurs d’entre eux voyaient la mort de si près ; c’était aussi le premier élève qui mourait à Richemont même.

Ajoutons que, la veille de la distribution des prix, éclata l’incendie dont nous avons parlé plus haut, et on conviendra que, malgré le maintien des vacances de Pâques, les années 1856 et 1857 apportèrent plus de tristesses que de joies.

...

Dans le cours de l’année 1857-1858 la petite église paroissiale de Richemont avait été restaurée par les soins de M. Dumas, et l’on y put faire, avant qu’elle fût rendue au culte, la distribution des prix du 3 août 1858. Une séance littéraire y réunit encore la communauté à l’occasion de la fête de sainte Cécile ; il y fut chanté en l’honneur de la patronne des musiciens, une hymne grecque que le professeur de rhétorique avait imitée de saint Grégoire de Nazianze.

1860

[En mars 1860] ... le mur de clôture de la cour des grands, du côté du sud-ouest, s’écroula d’une manière soudaine, entraînant avec lui les terres qu’il soutenait et l’une des belles rangées de tilleuls qui offraient un abri contre les ardeurs du soleil. Tout fâcheux qu’était cet accident, la bonté vigilante de la sainte Vierge à l’égard de ses enfants s’y manifesta d’une façon éclatante : en effet, quand il se produisit, la cloche avait sonné depuis vingt minutes environ la fin de la récréation de dix heures et la rentrée à l’étude. Or, pendant toute la récréation, nombre d’élèves avaient longé le mur et même y étaient restés accoudés en contemplation devant les bois de Puyrémont et de La Montée, qui commençaient à reverdir. La brèche qui résulta de cet écroulement fut provisoirement et imparfaitement fermée avec des planches ; on ne releva la muraille dans l’état où elle est maintenant que l’année suivante.

1863

Le [6 mai 1863] il y eut deux promenades. Les promenades dans tous les collèges sont chères aux écoliers, mais, à Richemont, elles empruntent de la beauté et de la variété des paysages un charme de plus. Qui ne se rappelle avec délices les grands arbres de La Billarderie, les bois touffus de La Commanderie, de Bourg-Neuf ou de Saint-André, les jolies clairières de La Pommeraie et de Galienrie ; l’Antenne aux ondes limpides, où croissent la sagittaire, le butome, le plantain d’eau, le samole des vieux druides, le nénuphar blanc ou jaune, etc. ; les prairies silencieuses et solitaires, enceintes d’une couronne de verdure, d’Angeliers, de Boisroche et de Monvallon ; les sentiers gracieux de Chez-Joguet, émaillés dé clochettes bleues ou roses, de stellaires, de primevères, de pervenches, de véroniques, etc. ; le petit ruisseau du Ribelot, qu’un enfant franchirait d’un saut et qui n’en roule pas moins avec un orgueilleux fracas ses eaux rapides et chargées de calcaire (les écoliers ne l’appellent que le ruisseau de la pétrification) ; et les chaumes de Richemont, de Chanteloup, de Cherves ou de Saint-Sulpice, dont quelques chênes verts rabougris, quelques genévriers dissimulent mal la nudité ; et le moulin de Bricoine, avec sa chaussée on ruines et ses escaliers raboteux et inégaux, taillés dans le rocher ? Que de souvenirs et de doux souvenirs, pour quiconque a passé quelques années de son enfance ou de sa jeunesse dans ces lieux enchantés ! De combien de parties de balle au camp, de barres ou de vise, de combien d’innocentes et joyeuses causeries ou de poétiques lectures n’ont-ils pas été les témoins [10] !

Aux vacances qui suivirent, eut lieu la construction du bâtiment situé au sud-ouest de la cour des petits, et l’exhaussement du pavillon de l’économat (alors l’office ou la dépense), qui y touche. On posait les charpentes au moment de la rentrée ; le reste des travaux s’exécuta lentement pendant le cours de l’année scolaire. Le rez-de-chaussée de ce bâtiment devint une salle de récréation pour les petits : auxdeux extrémités on établit deux classes, la quatrième et la cinquième, qui n’avaient eu jusque-là d’autre local que les études. On employa pour cet effet des cloisons mobiles, qui se repliaient le long des murailles quand on voulait agrandir la salle dans une circonstance extraordinaire, comme une représentation théâtrale, par exemple. Le premier étage fut affecté au dortoir des moyens, appelé plus tard dortoir Saint-Joseph. L’ancien dortoir des moyens, situé du côté de l’Antenne » fut partagé, au moyen de briquetages, en trois pièces, la bibliothèque et deux chambres de professeurs. Du local primitif de la bibliothèque, entre le salon et l’appartement de Mgr 1’évêque, on fit une salle a manger.

C’est alors que M. Dumas, grâce aux libéralités d’une bienfaitrice insigne du petit séminaire, Mme Toirac, renouvela le parquet et les tapisseries du salon et du vestibule, avec une partie de l’ameublement, plaça un appui de communion à la chapelle, éleva l’autel sur trois marches et fit construire un plafond au-dessus [11].

Peu après, on bâtit dans la cour d’entrée un fournil, au-dessus duquel fut transféré, du second étage du pavillon sud-ouest, le dortoir des domestiques ; et, dans le sous-sol du nouveau corps de logis, où avait été la boulangerie, on installa, grâce au concours de Monseigneur et de son frère, Mr l’abbê Cousseau, grâce aussi au produit d’une collecte faite parmi les membres du corps professoral, un assez joli billard, pour les récréations des maîtres.

Signalons enfin une innovation bien utile, introduite à ce moment par l’économe, M. l’abbé Sarrazin, dans le mobilier des classes : on y mit des tables ! Les écoliers du temps passé n’avaient que des bancs et écrivaient sur leurs genoux. On eut a lutter pour obtenir cette réforme de Mgr Cousseau, qui était très attaché aux anciens usages, et qui s’opposait souvent à l’introduction de meubles devenus aujourd’hui d’un emploi fort commun, non pas tant par économie que par fidélité aux traditions. « Nous n’en avions point à Montmorillon, » disait-il ; c’était à ses yeux une raison décisive, et c’est pour cette raison que les professeurs n’obtinrent d’avoir des chaises au réfectoire qu’en 1873.

1868

Mgr Cousseau et ses interlocuteurs devaient avoir, en 1868, une autre preuve bien éclatante de la sottise humaine et du triste penchant des multitudes à croire les bruits les plus absurdes, surtout quand ils sont dirigés contre la religion et ses ministres. On sait que des émissaires des sociétés maçonniques parcoururent les campagnes en 1868, en disant partout que l’ancien régime allait renaître et que les dîmes et les agriers allaient être rétablis : comme symbole de ce rétablissement, tous les curés avaient reçu de leurs chefs un tableau où étaient représentés des épis et une branche de vigne, et ils devaient incessamment l’inaugurer dans les églises.

Le 5 février 1869, M. Tessier apporta ses plans à Richemont : Mgr Cousseau les fit admirer à M. le supérieur et aux maîtres. Il était tout heureux de se voir à la veille d’accomplir un projet formé depuis le début de son épiscopat et il parlait de poser la première pierre au mois d avril. Par malheur les exigences inacceptables de l’entrepreneur Laurent firent traîner l’affaire en longueur ; à un moment donné on la regarda même comme désespérée, C’est alors que M. Dumas proposa de confier la construction à un habile ouvrier de Cognac, nommé Gougnon. M, Tessier se mit en relation avec lui ; ils tombèrent facilement d’accord, et leurs conventions signées le 19 juin furent ratifiées par Mgr Cousseau : rien ne devait plus arrêter l’œuvre commencée.

...

Cependant on poursuivait activement les travaux préparatoires de la construction de la chapelle. Le lundi 21 juin, on mit la pioche dans le mur nord-est de la cour des grands, qui devait être rebâti sur d’autres dimensions plus solides. Le 29, on releva, pour la retailler, l’ancienne première pierre, qui avait été placée en 1853 dans la cour des petits. M. l’abbé Chambaud, curé-doyen de Saint-Amant-de-Boixe, qui amenait un professeur de musique, se trouva présent lorsqu’on leva cette pierre, comme il avait été présent, en qualité d’économe, quand on l’avait solennellement posée. On ne put se dispenser de rire en trouvant uniquement sous cette pierre, avec le tube de fer-blanc renfermant un parchemin racorni et illisible, une pièce de deux sous et un sou ! Il n’y avait pas de quoi enrichir un numismate.

Le 1er juillet, on creusa les fondations, très peu profondes du côté de la cour et vers l’entrée de la chapelle ; car le roc y était presque à fleur de terre. Enfin, le 6 juillet, Mgr Cousseau arriva vers 8 heures du matin ; M. l’abbé Laprie, professeur à la faculté de théologie de Bordeaux, qui était avec lui, prêcha sur le texte Bonitatem et disciplinam et scientiam doce me, Domine. Monseigneur donna la confirmation et prit ensuite un peu de repos. A 10 heures, on se réunit sur les chantiers pour la bénédiction de la première pierre de la chapelle ; une inscription latine coulée en plomb fut placée dans les fondements. C’était l’œuvre de Mgr Cousseau, très habile épigraphiste, comme chacun sait. Il prononça dans cette circonstance un de ses plus gracieux discours et, avec une délicatesse toute paternelle, il y fit allusion au départ imminent de M. Ulysse Hugon pour les Missions étrangères.

Par une coïncidence singulière, pendant que Monseigneur bénissait la première pierre de la chapelle de Richemont, Jules Favre plaidait à Cognac contre le testament que Mme Toirac avait fait en faveur de M.Jules Dupuy, testament par lequel elle constituait un legs de 10,000 francs pour ladite chapelle. Jules Favre perdit son procès, mais non pas son temps, ni sa peine ; outre les gros honoraires que durent lui payer ses clients infortunés, le parti avancé de Cognac lui donna un plantureux banquet : on y but à l’avènement de la république, que Jules Favre et ses complices devaient proclamer criminellement ; quatorze mois plus tard, en présence de l’ennemi.

1870

La déclaration de guerre à la Prusse fut accueillie au petit séminaire, comme dans tout le pays, avec un fol enthousiasme et d’ardentes espérances. Un ancien professeur de la maison y envoya une chanson railleuse, dans laquelle Bismarck était traité de Cadet Rousselle ; et les couplets de cette pièce, où l’auteur se montrait homme d’esprit plus que prophète, ne cessèrent de retentir pendant une semaine dans les récréations des élèves. L’orateur de la distribution des prix fit vibrer, lui aussi, la corde patriotique et souleva, par ses pronostics heureux pour nos armes et l’avenir de la France » des tonnerres d’applaudissements. C’est dans la nouvelle chapelle, dont la toiture venait d’être posée, qu’eut lieu cette fête, trop joyeuse en vérité pour les événements qui allaient suivre. Ce fut pourtant le jour même de la fête (2 août) que nous eûmes le léger avantage de Saarbruck et que le prince impérial reçut le baptême du feu. Maîtres et élèves étaient dispersés quand arrivèrent les terribles nouvelles de Forbach, de Reischoffen et de Wissembourg. Quelle désillusion ! quel réveil !

On sait quel affolement produisirent nos revers. Le peuple des villes et surtout des campagnes était en proie aux soupçons les plus ridicules, et la franc-maçonnerie, fidèle à son rôle, les dirigeait de préférence contre le clergé. On disait que les curés envoyaient de l’argent ou des munitions aux Prussiens, qu’ils recelaient des espions, etc. Cognac et ses environs ne pouvaient échapper à cette contagion de méchanceté et de sottise ; on s’en convaincra par la lecture dû procès-verbal suivant, que nous copions sur l’original sans en changer une syllabe :

« L’an mil huit cent soixante-dix et le onze du mois d’octobre, nous, maire de la commune de Richemont, assisté de Escauthier Philippe, capitaine de la garde nationale, Poussard Jacques, conseiller municipal, Mesnard Jean, conseiller municipal, Savary François, lieutenant de la garde nationale, Savary Pierre, sous-lieutenant de la garde nationale, et de plusieurs autres gardes nationaux,

« Nous sommes présenté au petit séminaire, sur l’invitation réitérée de monsieur le supérieur, qui nous a requis de visiter scrupuleusement toutes les parties de sa maison, où seraient cachés, a-t-on dit, des Prussiens et des armes de guerre.

« Voulant donner un démenti éclatant à ces bruits insensés et ne laisser aux partisans de désordre aucun prétexte contre un établissement qui est l’honneur de notre contrée, nous avons exploré ledit établissement dans ses moindres détails, et nous affirmons hautement qu’il n y existe ni fusils, ni mitrailleuses, ni canons, ni hommes cachés : en un mot, rien de suspect.

« En foi de quoi nous avons signé le présent procès-verbal, les jour et an que dessus.

Signé : Mesnard, maire ; capitaine Escautier ; Poussard, conseillier ; Mesnard, conseilé ; lieutenant Savin ; Savary Pierre ; Moderat (?) ;Rulleau ; Savin ; Lévêque ; Veillon ; Baudry ; Macoin. »

Ce procès-verbal, qui fait honneur à la droiture et au bon sens des gens de Richemont fut publié dans les journaux et mit fin aux bruits stupides qui circulaient depuis quelque temps.

La rentrée, indiquée pour le 11 octobre, fut retardée jusqu’au 18, et, malgré ce délai, plus de la moitié des élèves ne rentrèrent pas : le nombre total dans toute l’année ne dépassa point soixante-dix. Quelques-uns remplissaient auprès de nos blessés les fonctions d’infirmiers ; d’autres, en présence des maux qui menaçaient l’Eglise, doutaient de leur vocation : la plupart étaient retenus au foyer paternel par la volonté de leurs parents.

Quelques cas de variole se produisirent à la même époque, mais, grâce a Dieu, sans aucune gravite.
Des pluies abondantes marquèrent la fin du mois, l’Antenne déborda et couvrit toutes les prairies. Au commencement de décembre, le temps devint très sec et très froid, et bientôt une neige épaisse couvrit la terre. Comme on pensait douloureusement à nos pauvres soldats ! On avait répété avec ferveur, à la Toussamt, la strophe contre les hommes du Nord,

Auferte gentem perfidam
Credentium de finibus l

On chanta avec enthousiasme, à la fête de l’Immaculée-Conception » ce couplet, ajouté par un professeur au beau cantique Rome a parlé :
O Vierge Immaculée, ô Reine de la Fiance,
L’impiété chez nous exerce ses fureurs :
Entendez nos soupirs et nos cris de souffrance ;
O Marie, arrêtez le cours de nos malheurs.
Ah ! n’abandonnez pas un peuple qui vous aime ;
Ce serait des méchants combler l’affreux désir.
Nous vous en supplions, confondez leur blasphème.
La France est tout à vous : pourrait-elle périr !

1871

La signature de l’armistice, les élections du 8 février, l’arrivée du printemps, apportèrent un peu de répit à la France humiliée et un rayon de joie aux habitants de Richemont. Cependant Mgr Cousseau pensa que, en présence du deuil de nos provinces dévastées et envahies et de la dure nécessité de payer à nos insolents vainqueurs l’écrasante contribution de guerre qu’ils exigeaient, les vacances de Pâques ne seraient pas sans inconvénients : il les supprima donc cette année. Par malheur, cette décision fut prise trop tardivement pour qu’on eût le temps de s’y habituer avant son exécution. Il en résulta que quelques élèves des hautes classes ne l’acceptèrent qu’à contre-cœur et se plaignirent de maladies, plus ou moins réelles, pour obtenir des congés particuliers. D autres, plus raisonnables, se soumirent simplement et, pour se consoler de cette privation accidentelle, ils s’employèrent avec entrain, pendant les récréations, aux travaux d’embellissement que MM. Duffourc et Hugon avaient entrepris dans le bosquet. On y traça de nouvelles allées, on y dressa des bancs de gazon, on planta des arbustes, etc., et l’on ne trouva pas le temps de s’ennuyer jusqu’au retour de Pâques [12].

Le 20 mars, un ex-sous-officier de mobiles, manquant de ressources pour retourner à Lyon, son lieu natal, eut recours à la muse. Il était poète et il vint débiter ses poésies devant les maîtres et les rares élèves de Richemont, qui, en lui donnant leur obole, le mirent en mesure do continuer sa route*
Le surlendemain, un ancien élève, de Cognac, qui avait été dans les francs-tireurs de Cathelineau, amena au petit séminaire un des aumôniers de ce corps d’élite, originaire, du diocèse de Laval, homme charmant, spirituel, aimable. Un peu plus tard, un second aumônier (il avait appartenu aux mobiles de la Gironde) arriva à son tour. Grâce à la paix, dont on discutait alors les conditions, ils pouvaient rentrer dans leurs foyers. On leur fit fête et on parla beaucoup de la terrible guerre d’où la France sortait meurtrie et mutilée.

La fin du mois d’avril fut marquée par un douloureux accident. Déjà, en 1869, trois ouvriers étaient tombés d’un échafaudage extérieur dans la cour ; mais ils en avaient été quittes, grâce a Dieu, pour quelques contusions.

Le 29 avril 1871, le contre-maître de M. Gougnon, nommé Dernier, qui avait dirigé toute la construction de la chapelle avec beaucoup d’habileté, était monté sur une échelle et ravalait le sommet d une fenêtre, quand tout à coup il tomba de l’échelle sur un échafaudage, placé à la hauteur de la corniche qui fait le tour de l’édifice, et de là sur le pavé. On accourut au bruit ; on s’empressa autour du malheureux, mais il ne respirait plus. Le patron, frappé de cette circonstance, qu’il ne s’était pas accroché fortement à l’échafaudage placé au-dessous de lui (chose que devait lui inspirer, outre l’instinct de conservation, son expérience consommée), pensa qu’il avait été frappé, sur l’échelle même, d’une apoplexie et que l’apoplexie était la cause de la chute. Cette catastrophe jeta le deuil sur le petit-séminaire , où le pauvre Bernier, qu’on y voyait chaque jour depuis près de deux ans, était connu et aimé de tous.

Une courte visite de Mgr Cousseau avait précédé la mort du contre-maître Bernier. Il avait annoncé d’abord qu’il serait accompagné par l’architecte, mais il vint seul, le mercredi saint. La communauté le vit à peine. Il allait s’affaiblissant de plus en plus. Pour une raison d’économie, il décida que six des fenêtres de la chapelle seraient provisoirement fermées par des briques ; cette décision fut exécutée, malgré les objections de l’architecte et de quelques maîtres. M. Dumas, par une souscription faite chez les amis du petit séminaire, recueillit près de 10,000 francs, qui servirent principalement à payer les quatre grisailles de la nef et les deux vitraux des pans coupés dans le sanctuaire. M. Dufaure donna 1.500 francs pour le vitrail du milieu, où la sainte Vierge, tenant l’Enfant Jésus sur ses bras, est placée entre S. Ausone et S. Hilaire, La commande de ces verrières amena une autre fois Mgr Cousseau à Richemont, le 20 mai : M, Lobin, de Tours, l’habile peintre-verrier, était avec lui.
A cette même date on sculptait les chapiteaux des colonnes.

C’est à ce moment que les vitraux de la chapelle arrivèrent de Tours et qu’un ouvrier de M. Lobin vint les poser ; pour quelques uns, malheureusement, les mesures avaient été mal prises et il fallut les renvoyer aux ateliers. On craignit aussi pour la solidité d’une travée de la voûte inférieure (de celle qui devait porter l’autel), et quelques travaux de consolidation furent nécessaires.

1872

Le 4 février 1872 ,on jouit à Richemont d’un spectacle bien peu fréquent dans nos contrées, celui d’une magnifique aurore boréale, qui dura environ de 6 heures à 10 heures du soir. Tous admirèrent ce phénomène, mais M. Achille Hugon surtout en fut très vivement impressionné : il en suivit attentivement toutes les phases et il voulut y voir un avertissement de Dieu à la France et a lui-même.

Les travaux de cette chapelle tant désirée avaient traîné en longueur depuis la fin de l’année scolaire 1870, où déjà tout le gros œuvre était achevé. Le ravalement, les sculptures et la construction des voûtes avaient pris toute l’année 1871 ; en janvier ou février 1872, on avait posé les vitraux. Le 5 mars, une belle croix de pierre avait couronné le pignon. L’autel, arrivé dès le 20 mars, n’avait été mis en place qu’en juillet. Puis le pavage avait tardé jusqu’aux derniers jours de janvier 1873. Le marchepied de l’autel, fait par un menuisier de Cognac, n’avait été prêt que le 5 juin. Vers la Saint-Jean, on s’était décidé à faire sculpter les croix de consécration et, au commencement de juillet, M. Duffourc les avait peintes. Enfin, tout était prêt et le gracieux édifice se trouvait en état de recevoir l’hôte divin pour lequel il avait été construit. Les rites sacrés du Pontifical s’accomplirent avec une régularité parfaite : chacun des ministres savait exactement son office et on n’eut à regretter, dans cette longue fonction, ni un désordre ni une perte de temps. La grand’messe fut célébrée par M. le supérieur. Monseigneur tint chapelle ; puis, après l’évangile, il exprima, dans une courte et délicate allocution, sa joie de ce que ce beau sanctuaire offrirait désormais au Fils éternel de Dieu une résidence moins indigne de lui et de ce que les enfants y viendraient avec plus de plaisir et de piété lui porter leurs adorations. Il remercia ensuite avec effusion tous ceux qui, par leur zèle et par leurs dons généreux, en avaient hâté l’achèvement, Faisant allusion à ceux que la mort avait moissonnés, il ajouta ces paroles : « Il en est qui ne sont plus ! Combien, dans les conditions de cette vie de la terre si incertaine et si fragile, commencent une œuvre et ne la voient pas finir ! En paraissant devant Dieu ne leur a-t-il pas été bon de pouvoir dire avec le Roi Prophète : « Seigneur, j’ai aimé la beauté de votre Maison ! ne perdez pas mon âme ! » La messe achevée, un banquet réunit au réfectoire, magnifiquement décoré

1873

Octobre. — Le nouveau supérieur, M. l’abbé Chau-met, prêche la première retraite do 1 année.
La chapelle de la congrégation des grands est peinte bleu azur. On l’orne plus tard de statues polychromes et on la meuble de bancs et d’agenouilloirs de chêne.

1874

Janvier, — Un théâtre a été dressé dans la salle située au-dessous de la nouvelle chapelle : le bon M. Duffourc en a peint les décors.

1876

25 mars, — Une belle statue de la sainte Vierge, avec son socle de pierre, a remplacé, dans la cour des petits, la modeste statuette du 8 décembre l873. M. le supérieur du grand séminaire en fait la bénédiction.

Octobre ou novembre, — On installe la belle collection d’oiseaux empaillés, léguée par lo vénérable M.Gassend, ancien curé de Mérignac,

1877

7 février, — Translation solennelle des reliques de S. Fauste, enfant martyr (proprio nomine), tirées de la catacombe de Saint-Calliste en 1770, et reconnues par le cardinal Patrizi, vicaire do Sa Sainteté Pie IX. le 7 juillet 1876. Fête magnifique, pleine d’enthousiasme, favorisée par un temps d’une douceur exceptionnelle et par le soleil dans l’après-midi [13]

31 mai. — Inauguration du nouveau chemin qui monte de la grotte de Lourdes à la grande allée et bénédiction d’une statue plus belle offerte par le donateur de la première [14]

20 juillet, — Bénédiction du monument funèbre de M. l’abbé Duffourc dans le cimetière de Richemont,

1878

5 août. Circulaire de Mgr 1’évêque qui supprime les vacances de Pâques au petit séminaire.

1879

20 février 1879. — Une violente tempête renverse le mur méridional de la cour des grands et découvre les pavillons.

1880

20 mars. —- Bénédiction du tabernacle do l’autel nouveau, établi dans la chapelle restaurée de la congrégation dos petits.

1882

Janvier. — La mère de M. l’abbé Louis Merceron fournit à la dépense des verrières de deux fenêtres de la chapelle, jusque-là fermées par des briques. Ces verrières représentent S. Joseph, S.Pierre, S. Paul, S. Louis.

On commence, cette année, à agrandir la cour des grands du côté du midi) le travail s’achève en 1883.

1883

8 janvier 1883. — Érection d’un gracieux chemin do croix : les tableaux sont distribués avec goût dans les arcades de la colonnade qui décore la chapelle. La bénédiction en est fuite par M. Wénès, supérieur du grand séminaire.

19 avril. — Bénédiction du beau monument élevé à la mémoire de M. le chanoine Dumas dans le cimetière de Richemont par les anciens élèves.

22 avril. — Erection dans la chapelle du petit séminaire d un grand Crucifix, en réparation des outrages faits à la croix dans les écoles prétendues neutres.

1886

26 octobre. — Consécration solennelle du petit séminaire au Sacré-Cœur de Jésus, à la clôture de la retraite prêchée par le P. Renaud, missionnaire de l’Immaculée-Conception de Nantes. Tous les ans, depuis cette époque, la consécration se renouvelle, à la clôture de la première retraite. A l’occasion de cette consécration, un autel est érigé au Sacré-Cœur, dans la chapelle, du côté de l’épitre, en avant de la table de communion.

1888

Février. — M. Marsious fait vénérer à Richemont le Christ de Charles-Quint.

1890

5 août — Célébration des noces d’or de Richemont. Temps splendide. Fête magnifique. Les anciens élèves, au nombre de 250, offrent une horloge au petit séminaire en témoignage de leur amour et de leur reconnaissance.

8 décembre — Dès la fête des noces d’or, une longue marquise avait été placée au sud-ouest de la cour des petits, pour former un passage couvert de l’une à l’autre aile du cloître. « C’est une joyeuse galerie de trèfles et une suite de festons gracieux qui encadrent l’Ave Maria tout entier, buriné et percé à jour en belles lettres gothiques. Une rose dorée sépare chacun des mots et les détache a l’œil. » A l’occasion de la fête de l’Immaculée-Conception, M. le supérieur bénit cette galerie, le cèdre planté a côté de la statue de la sainte vierge en souvenir des Noces d’or et 1’horloge offerte par les anciens élèves.


 Bulletins paroissiaux

1906

Des décrets de 1906 et 1907 ordonnent la fermeture et la mise sous séquestre des séminaires et de nombreux autres établissements religieux.

Le 13 décembre 1906, le Petit Séminaire de Richemont et ses dépendances sont mis sous séquestre. Quelques jours après on procéda à l’expulsion des maîtres et des élèves et, depuis lors, l’établissement est demeuré désert.

Bulletin paroissial [15]

1910

L’ancien vol au Petit Séminaire. — Les voleurs qui s’étaient introduits au Petit Séminaire viennent de comparaître en cours d’assises. Ils faisaient partie d’une bande organisée qui opérait dans la région, et ont été condamnés, pour leurs divers méfaits : Jean Fénéteau, à quinze ans de travaux forcés et à la relégation ; Emile Lambert, à douze ans de travaux forcés et à la relégation ; Meynard, à six ans de réclusion et six ans d’interdiction de séjour ; François Roby, à cinq ans de prison et dix ans d’interdiction de séjour ; Jean Duquerroy, à deux années d’emprisonnement ; un des accusés, Louis Triollet, a été acquitté.
Situé dans un site isolé, le Petit Séminaire offrait une proie facile. La bande ne risquait point d’y trouver les propriétaires puisqu’ils avaient été chassés, et ils pouvaient répondre aux maîtres actuels : Pourquoi nous accusez-vous ? Vous avez tout pris : meubles et immeubles ; nous n’avons pris, nous, que quelques chandeliers.

Juillet 1910 - Petit Séminaire. — Le Petit Séminaire est toujours désert ce qui n’empêche pas ses
propriétaires de vivre et de prospérer ailleurs et aussi de se souvenir de Richemont : le berceau de famille injustement arraché.
Le mercredi 1 juin se tenait à La Providence, la réunion des Anciens Élèves, formés entre ces murs maintenant abandonnés. C’est Richemont, ses bois et son Antenne, sa paix et sa fraîcheur que fit revivre le président de l’Association, M. l’abbé TRIJASSE ; c’est Richemont que chantèrent les jeunes élèves, exilés loin de lui, et c’est de Richemont que parlaient aussi tous les vieux souvenirs évoqués par les Anciens. La messe fut dite par M. Chaumet, le vénéré supérieur qui forma toute la génération réunie en ce jour. Le soir, une séance récréative, à laquelle il manquait la vaste salle qui s’étend ici sous la chapelle, réunissait tous les invités. Ce fut l’œuvre d’un membre de l’Association, présent à la fêle, qui fut jouée : Le Proscrit, de M. l’abbé BRUNAUD. (?) Curé d’Aussac. A la suite, l’Avare, la vieille comédie classique de Molière fut enlevée avec un véritable brio par les jeunes acteurs.
Souhaitons qu’un jour l’Association puisse tenir sa fête annuelle dans les vieux murs de Richemont enfin recouvrés.

1911

Juillet - Le Petit Séminaire est mis en vente par la préfecture pour le mercredi 28 juin. La vente aura lieu à la préfecture d’Angoulême.
Nous rappelons à tous les catholiques que le seul propriétaire de cet immeuble est le diocèse d’Angoulême ; qu’ils feraient tort à l’Église catholique, dont ils font partie, en se rendant acquéreurs de cet immeuble pour leur propre compte ; que cette Eglise a porté contre ceux de ses membres qui n’auraient pas peur de lui faire tort, la peine de l’excommunication. Ils sont exclus de son sein et n’ont plus droit aux Sacrements, ni à la sépulture chrétienne.

Août

Le 13 décembre 1906, le Petit Séminaire de Richemont et ses dépendances avaient été mis sous séquestre. Quelques jours après on avait procédé à l’expulsion des maîtres et des élèves et, depuis lors, l’établissement était demeuré désert.
Richemont ayant été « attribué » au département, le Conseil général vient de le mettre en vente. L’intention de l’acquéreur est de le rendre à sa destination primitive puisque l’on annonce pour octobre la réinstallation du Petit Séminaire dans les anciens locaux dont on l’avait dépossédé.
Beaucoup sans doute ne verront là qu’une chose très ordinaire, car ils ne se rendent pas compte du vol flagrant qui a été commis. En réalité, les catholiques ont dû racheter ce qui leur appartenait déjà et ce qu’ils avaient déjà payé une fois .
D’un acte notarié dont la minute se trouve à l’étude de Me Callandreau, à Cognac, acte enregistré en date du 20 août 1839, il résulte que : M. Jean Etienne Roubet, propriétaire, et Mme Anne-Marie Préveraud, son épouse, demeurant à Jarnouzeau, commune de Saint-Laurent, ont vendu à M. l’abbé
Descordes, curé de Cognac, le château de Richemont avec jardin et terres en dépendant, pour la somme de dix mille francs. Une quittance enregistrée le 17 janvier 1840 fait foi que M. l’abbé Descordes s’est entièrement libéré de son prix d’acquisition.
M. l’abbé Descordes n’avait pas acheté Richemont pour en jouir personnellement. Aussi prit-il les moyens qu’il jugea les meilleurs pour que l’immeuble, qu’il avait payé de ses deniers, gardât, après sa mort à lui-même, la destination qu’il lui avait donnée et continuât à servir de séminaire. Par un acte enregistré en date du 20 mai 1868 et passé par devant Me François Deforge, notaire à Angoulême, il fit don de Richemont au Grand Séminaire d’Angoulême, établissement public, et, comme tel, pouvant posséder.
En vérité la chose est extrêmement claire. M. Descordes avait acheté le château de Richemont pour qu’il serve de séminaire aux catholiques de la Charente. Depuis, les catholiques y avaient dépensé des sommes considérables pour le meubler, l’aménager, l’agrandir.
A l’Etat, au département, il n’avait jamais coûté un sou.
Ce qui n’a pas empêché l’Etat d’en prendre possession et d’en faire cadeau au département. Le département, ne trouvant pas à l’utiliser, l’a mis en vente.

1912

Février - Lugubre découverte. — Le séminaire, en creusant des fondations pour un mur de clôture, le long du chemin d’arrivée, a mis au jour toute une série de squelettes entassés. De pareilles découvertes sont paraît-il fréquentes dans tout ce terrain qui est occupé par le jardin et jusqu’aux maisons du bourg, chez les voisins.
Les corps se trouvaient à peu de distance de la surface du sol, dans la position horizontale,
mais entassés sans ordre. L’un d’eux paraît avoir été d’une taille assez élevée : 1m 80 environ. Un petit vase parfaitement conservé a été trouvé au milieu des têtes. Son intérêt serait considérable s’il pouvait fixer sur l’époque de ces sépultures.
Il n’est pas probable que ce fut un cimetière : les cimetières chrétiens se trouvaient toujours près des églises ; il faudrait que ce fut un cimetière antérieur au christianisme ; ce qui le ferait remonter très haut.
D’autre part la présence d’un vase funéraire ne s’explique guère, s’il s’agit de cadavres ensevelis après un combat, dans des temps plus récents.
Avis aux lecteurs du Bulletin qui se croiraient compétents en fait de poteries anciennes. C’est par là qu’on pourrait décider. Celle-là fait environ 10 centimètres et ressemble à une petite cruche en miniature, sans bec, ni anse. Elle est composée d’une terre vernie avec des lignes ondulées formant dessin, à sa surface.

1968

Le petit séminaire de Richemont ferma définitivement ses portes en 1968.


[1L’objet vendu faisait partie de ceux que M. Prouhet avait acquis, le 15 décembre 1815, par acte reçu Imbaud, notaire, de M. Jean-Léon Beaurivier, aussi notaire, demeurant à Pons, agissant au nom de Marie-Marguerite Guillet, son épouse, de Jean-Augustin Guillet-Defontenelle, son beau-frère, demeurant à Merpins, et d’autre Marie-Marguerite Guillet, également sa belle-sœur, veuve de M. Lacroix du Repaire, remariée avec M. Paul-Théodore Robin, demeurant à Cognac. Les susdits Guillet avaient hérité ces biens de dame Marie-Ursule-Louise-Madeleine Moucheteau, veuve Fé, leur grand-mère, décédée à Cognac, vers 1809.

[2Au milieu était un puits large et profond, protégé par une toiture quasi monumentale, qui occupait une partie notable de la cour. On adapta une pompe à ce puits. Fort peu d’élèves du temps de M. Dumas qui ne se souviennent d’avoir mis en mouvement le volant de cette pompe. M. l’abbé Chaumet fit remplacer, vers 1877, tout le mécanisme saillant au-dessus du sol, lequel contrariait les jeux, par un manège auquel, à certaines heures, on attelait un âne. Depuis quelque temps, le manège a été transporté sur le bord de l’Antenne et l’ancien puits ne sert plus.

[3M. l’abbé Chaumet nous a dit que cette armoire avait été supprimée tout dernièrement.

[4C’est à M. Déroulède qu’il est ici fait allusion.

[5Par ordonnance du 19 avril 1841, ce nombre fut porté à 150. Le 10 février 1845, Mgr Régnier demanda qu’il fût fixé à 200, le chiffre de 150 devant être bientôt atteint.

[6Ce travail fut fait, sous la direction de M. Covillion, par M. Gougnon, habile entrepreneur de Cognac, qui a, construit aussi l’aile du dortoir Saint« Joseph et la chapelle.

[7Plus exactement nord-ouest.

[8Pendant les années précédentes, la prospérité matérielle du pays avait procuré au petit séminaire une demi-aisance : les vivres alors n’étaient pas chers et l’économe de ces temps heureux, M. l’abbé Moreau, aujourd’hui chanoine, faisait servir si souvent des dindes rôties sur la table des élèves, que quelques uns avaient le front de s’en plaindre. Il n’est pas toujours facile de contenter les écoliers.

[9Vers 1864, M. Dumas, grâce aux aumônes d une pieuse bienfaitrice, éleva l’autel sur trois degrés, marqua le sanctuaire par une balustrade et fit faire un plafond au-dessus.

[10Ce qui ajoutait encore un agrément de plus aux promenades de cette époque et de l’époque précédente, c’était la rencontre du père Réveillon : ici nous cédons la parole à notre ami, M. l’abbé Tricoire, qui a bien voulu, sur notre demande, nous tracer un fidèle portrait du vénérable marchand de bonbons. « Le père Réveillon était un ancien maître d’hôtel de Châteauneuf, renommé dans la contrée comme traiteur et, ce qui valait mieux encore, universellement estimé comme honnête homme ; c’était la probité personnifiée. On conte que les riches marchands de mules du Midi de l’Espagne même, qui faisaient le commerce de ces animaux avec le Poitou, au lieu de suivre la route nationale par Angoulême et Mansle, passaient alors à Châteauneuf pour prendre l’ancien chemin par Mérignac et Rouillac ; Châteauneuf était pour eux une halte préférée, et l’hôtel Réveillon, une maison do confiance où ils laissaient en dépôt sacs et valises, contenant souvent des sommes importantes ; c’était pour leur argent un asile assuré. Le maître d’hôtel, lui, ne s’enrichit point a son métier. Les gens avisés trouvèrent qu’il n’avait pas su faire, ce qui veut dire qu’il avait été trop honnête ; et nous devons ajouter aussi que sa facile bonté, connue de tous, fut indignement exploitée par des débiteurs sans conscience. Tombé dans un état voisin de la misère, il se retira à Cognac, où il passa les dernières années de sa vie.

« C’est à cette époque que nous l’avons connu, alors qu’il venait à Richemont chaque semaine, chargé de bonbons, de sucre d’orge, de pâte de guimauve et de jujube, tenter, pour gagner quelques sous, notre penchant à la lichonnerie. On ne lui permettait pas, non plus qu’aux autres marchands, d’entrer dans les cours, afin de protéger notre bourse contre notre étourderie ; mais nous nous rattrapions les jours de promenade.

« Nous voyons encore d’ici ce bon vieux, déjà courbé par l’âge, vêtu d’une blouse de coton avec ceinturon de même étoffe et coiffé d’un chapeau de feutre noir à larges bords. Il portait au bras un de ces grands paniers fermés, appelés dans le pays boutillons dans lequel était une boîte en fer-blanc. Le panier contenait la pâtisserie, et la boîte les sucreries. Arrivé sur les chaumes de Chanteloup à l’heure ordinaire de notre promenade, il s’arrêtait, le nez au vent, pour savoir de quel côté on nous dirigerait. S’il nous voyait apparaître sur la chaussée du moulin, aussitôt il s’installait ; si, au contraire, nous allions vers Boussac ou Javrezac, alors nécessairement il nous perdait de vue, mais nos cris lointains lui indiquaient notre direction. Une ou deux heures après, nous le voyions apparaître subitement devant nous.

« C’était alors un spectacle inoubliable et digne de tenter un peintre. Le pauvre homme n’avait pas le temps de poser son monumental panier, d’ouvrir un des couvercles et d’étaler sur l’autre la fameuse boîte, que déjà il était envahi, pris d’assaut. Vingt, trente paires de mains se tendaient, par devant, par derrière, sur ses épaules, sous ses bras. « Père Réveillon, un suçon : voilà un sou !... Père Réveillon, une tartelette, deux tartelettes : voilà deux sous ... Moi, père Réveillon !... Moi, père Réveillon !... Moi... Moi... Moi !. Moi !, tenez, quatre sous ! cinq sous ! dix sous ! — Eh mes bons messieurs, disait le brave homme abasourdi, doucement, doucement : vous en aurez tous !. Allons, allons, doucement, donc !... - Moi, père Réveillon !... Moi, père Réveillon !... » Et les sous tombaient dans ses mains, dans ses poches, dans son panier, sur le sol ; et les tartelettes, les suçons, les pâtes de ceci ou de cela, étaient enlevés sans qu’il pût presque y toucher lui-même. C’était une danse à faire tourner la tète. En peu d’instants le panier ne contenait plus rien, la boîte de fer-blanc reluisait vide au soleil. Le bon vieux n’y avait vu que du feu. Il s’en allait chiffonné, bousculé et... content, supputant les sous dans sa bourse de toile : son compte y était toujours, plutôt en plus qu’en moins. Il savait bien, le digne homme, que jamais nous n’aurions voulu le tromper, nous ! Si notre pétulance troublait un peu son arithmétique, la candide franchise de notre âge le rassurait. Aussi nous aimait-il ; et nous, nous lui étions attachés au point que jamais, de son vivant, aucun autre marchand n’eut faveur auprès de nous.

« Pauvre père Réveillon ! Il y a quelque trente ans qu’il est mort. Le bon Dieu, juste appréciateur de tout mérite, lui aura certainement tenu compte de cotte droiture qui peut-être a été la cause de la gêne de sa vieillesse et de cette probité scrupuleuse dont tant de gens se targuent, mais qui n est pas aussi commune qu’on le dit. »

[11Vers la même époque, furent faites, grâce aux ressources fournies principalement par le petit séminaire, d’importantes réparations au chemin qui va de Richemont à Boussac. Seule, la chaussée resta longtemps encore dons un triste état ; elle n’a été refaite comme elle est maintenant qu’en 1878

[12Il y eut, le jeudi de Pâques, pour inaugurer les travaux, un dîner champêtre qui fut pris dans le haut du bosquet. Le temps, froid et pluvieux nu commencement de la semaine, fut splendide ce jour-là

[13La belle statue de cire du jeune martyr, servant de chasse aux reliques, fut placée sous l’autel. Pour la rendre visible aux regards, on dut évider les deux arcades latérales et les cinq arcades de la façade de l’autel. Ces cinq arcades étaient auparavant ornées de statuettes en plein relief : savoir, au milieu, Notre-Seigneur portant sa croix et couronne d’épines ; de chaque côté, des justes symbolisant les vertus nécessaires au prêtre dans le sacrifice ; Abel, pietas ; Abraham, fides ; Melchisédech, dignitas ; Aaron, humilitas. Les anges qui surmontent les arcades tiennent une banderole sur laquelle on lit : Hostiam immaculatam ; Panem sanctum vitae aeternae ; Calicem salutis perpetuae ; Sanctum sacrificium ; Frumentum electorum ; Vinum germinans virgines. Le plan de cet autel est dû à Mgr Cousseau.

[14Dès 1874, une petite statue de la sainte Vierge, donnée par M. 1’économe, fut placée dans une anfractuosité du rocher, et on commerça à élargir un peu le terrain devant la grotte. En 1876, maîtres et élèves travaillèrent à y construire une esplanade ; mais, comme en 1880 elle menaçait de s’écrouler, on fit bâtir par les maçons une solide demi-lune en pierre pour la soutenir ; le tout s’acheva en 1883.

[15C’est en décembre 1909 que fut publié le premier numéro du bulletin paroissial regroupant les villages-paroisses de : Ars – Bréville - Cherves (devenu Cherves-Richemont en 1972) – Châteaubernard – Gîmeux – Louzac - Merpins – Mesnac – Richemont – Saint-André (devenu Louzac -Saint André en 1972) – Saint-Laurent (de Cognac) – Saint-Sulpice

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