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La notion de Saintonge au XIIIème siècle

samedi 25 août 2007, par Jacques Duguet, 1969 visites.

Dans un ouvrage publié en 2006 par l’Académie de Saintonge à l’occasion de son cinquantenaire, Marc Seguin s’est interrogé sur l’identité de la Saintonge [1]. Le titre de son article, « La Saintonge province « élastique », les sous-titres « Une province qui n’existe pas ? » et « Une Académie de Saintonge pour quelle Saintonge ? » sont significatifs. On n’a peut-être jamais autant parlé de la Saintonge sans savoir de quoi il s’agit exactement.

Marc Seguin ne remontant pas aux origines, nous avons essayé de saisir la notion de Saintonge à l’aide des plus anciens documents en « langue vulgaire », qui ne sont pas antérieurs au XIIIe siècle. Auparavant, il nous a paru utile de déterminer l’origine du terme Saintonge et de recenser les désignations des circonscriptions territoriales avant le XIIIe siècle, alors que les textes sont en latin.

 L’origine du toponyme Saintonge

On remarque d’emblée que Saintonge est un mot féminin alors que beaucoup de noms correspondants sont au masculin : Angoumois, Anjou, Poitou, Limousin, Périgord… Ces derniers proviennent respectivement des adjectifs Engolismensis, Andecavus, Pictavus, Lemovicinus, Petrocorǐcus, sous-entendu pagus. Saintonge provient d’un adjectif Santonǐca, appliqué à un nom féminin, probablement civitas ou diocesis. Autrement dit, on a dû, à l’origine, parler de civitas Santonǐca ou diocesis Santonǐca. On est alors tenté d’affirmer que cette entité représente le territoire des Santones, mais, ce faisant, on ne dit rien de précis, ce territoire ne pouvant être délimité, pas même sur les voies impériales, car nous ne possédons pas de bornes milliaires, et la toponymie n’est pas d’un plus grand secours..

 Les désignations des circonscriptions dans les textes en latin

Dans le haut Moyen Age, c’est le terme pagus qui est à peu près le seul usité pour désigner des circonscriptions d’une certaine importance, aux limites d’ailleurs indéfinissables [2]. En 1029 ou 1030
, Saint-Denis du Pin est encore dit in pago Alniense, in vicaria sancti Joannis [3], selon une localisation de type carolingien, mais il est situé in pago Santonico peu après [4], qu’on peut interpréter « dans le diocèse de Saintes ». Vers 1040, l’église de Saint-Martial [5], qui était incontestablement en pagus Alienensis au Xe siècle, est dite aussi in pago Sanctonico dans un acte où figurent les souscriptions de l’évêque de Saintes et de l’archiprêtre de Surgères [6]. Ces souscriptions ne laissent aucun doute sur la valeur de pagus ; le terme désigne ici le diocèse. Un troisième exemple est fourni par une liste d’églises possédées par l’abbaye de Saint-Cyprien de Poitiers, qui figure dans un « privilège » du pape Calixte daté de 1119. Cette liste est divisée en deux parties : églises du diocèse de Poitiers, sans mention de circonscription, et églises du diocèse de Saintes, avec le sous-titre in pago Sanctonensi [7]. Ici aussi, pagus désigne le diocèse. Ainsi, tant que les textes sont en latin, on rencontre pagus Sanctonicus et pagus Sanctonensis, le plus souvent sans possibilité de définition, dans quelques cas avec le sens de « diocèse de Saintes ».

 L’emploi du mot Saintonge au XIIIe siècle

Les plus anciens documents régionaux en « langue vulgaire » ne sont pas antérieurs au XIIIe siècle. Nous possédons des dizaines d’actes du XIIIe siècle relatifs à des biens situés dans le diocèse de Saintes, surtout dans la région de la Rochelle, mais c’est seulement en 1259 qu’apparaît le mot Saintonge, dans une liste établie par l’administration du comte de Poitiers Alfonse : « Ceu sunt les baillies de Xaintonge affermees l’an de l’incarnacion Jhesu Christ M CC e cinquante e noef » [8].

Ce n’est pas par hasard. En effet, c’est à l’occasion de la création d’une circonscription du comté de Poitiers appelée sénéchaussée que le mot Saintonge est entré dans l’usage de l’administration comtale. On sait que cette circonscription a été instituée vers 1255 [9]. Les « baillies de Xaintonge » de 1259 sont celles de la sénéchaussée de Saintonge. En mars 1260 (vieux style), un Jean de Sours se dit chevalier, sire de Salles en Aunis et « seneschaus adonques en Saintonge por nostre seignor le conte de Peiters » [10].

Nous ne possédons pas l’ordonnance qui a institué la sénéchaussée, qui définissait peut-être l’aire d’action du sénéchal, mais quelques détails glanés ici et là permettent de supposer qu’il s’agit du diocèse de Saintes. Par l’acte de 1260 signalé ci-dessus, Jean de Sours fait savoir qu’il a reçu le serment de fidélité au comte d’un « homme » de ce dernier, pour une rente acquise dans le Grand Fief d’Aunis, et qu’il a enjoint à celui-ci de faire hommage lige au comte dans les quinze premiers jours après son arrivée « en l’évêché de Saintes ».

Le 16 août 1269, le comte Alfonse demande par lettre au « sénéchal de Saintonge » de lui envoyer un état clair et précis des fiefs tenus de lui dans « le diocèse de Saintes », classés par châtellenies, avec les noms des feudataires et le service ou la redevance de ces derniers [11]. Le « sénéchal de Saintonge » doit connaître, en effet, les fiefs de son ressort qui relèvent de Poitiers, leurs titulaires et les « devoirs » de ceux-ci envers le comte, service militaire ou « rachat » à mutation, selon les cas. Malheureusement, nous ne possédons pas cette liste.

Par ailleurs, les listes des domaines du comte qui figurent dans les comptes de recettes et de dépenses que les sénéchaux présentent périodiquement à Alfonse ne permettent évidemment pas de juger des limites de la sénéchaussée. Toutefois, dans un compte de l’Ascension 1261, Jean de Sours mentionne parmi les recettes « la prévôté de Coulon » et parmi les dépenses les moulins de Sansais [12]. Coulon et Sansais étant des paroisses du diocèse de Saintes limitrophes du diocèse de Poitiers, la compétence du sénéchal au sujet de la gestion du domaine comtal s’exerce donc ici jusqu’en limite du diocèse de Saintes, sur la Sèvre Niortaise. Dans un compte de la Toussaint 1261, le même sénéchal désigne « la terre de Sonneville », parmi les « terres forfaites », qui ont été saisies par le comte après la guerre de 1242. Sonneville est dans l’archiprêtré de Matha [13], au diocèse de Saintes, au contact du diocèse d’Angoulême. C’est tout ce qu’on peut savoir sur les limites.

D’autre part, dans les mêmes comptes, le sénéchal note une dépense de trois sous par jour pour le châtelain de Parcoul et une recette de 9 livres pour le four de Parcoul [14]. Or Parcoul est du diocèse de Périgueux. C’est que, en 1256, il a reçu l’ordre d’occuper le château de Parcoul [15] et il est chargé de gérer Parcoul pour le comte. Si la paroisse de Parcoul est hors du diocèse de Saintes, elle lui est contiguë.

En résumé, les aperçus que nous possédons sur la sénéchaussée de Saintonge permettent de supposer que cette sénéchaussée se confond avec la partie du diocèse de Saintes comprise dans le comté de Poitiers. En effet, une fraction de ce diocèse se trouve dans le comté d’Angoulême.

 Sénéchaucie et non sénéchaussée

Signalons enfin que ce n’est pas « sénéchaussée » mais « sénéchaucie » qui figure dans les instruments de l’administration et dans les transactions, de 1269 à la fin du XIIIe siècle. Ainsi note-t-on en 1269 : « Il est ordené de la finance des juis de Poitou que il ont finé en tele manière que il doivent doner viii mil livres de tornois a monseignor le conte de Piters (sic) et de Tholose soens quites et cil de la seneschaucie de Saintonge ont finé por vi mil livres de tornois quites a mon seigneur le conte devant dit [16].

De plus, à partir de 1276 au moins, il existe à la Rochelle un sceau qui est dit constamment « sceau de la sénéchaucie de Saintonge » :
« … ceste presente chartre, la quau Hardoin de Maillé, clerc, tenanz adonques en la Rochele le saieau de la seneschaucie de Sainctonge por nostre seignor le rey de France… saiela, a noz resquestes, dau dit saieau… » ; 3 février 1276 [17].

« …Johan Gaucher, clerc, tenant adonques en la Rochele le saiau de la senes¬chaucie de Xainctonge pour nostre seignor le roy de France » ; 25 janvier 1300 [18].

Nous arrêtons ici notre enquête, incomplète. En effet, il faudrait étudier aussi la désignation des circonscriptions ecclésiastiques. Or depuis le XIe siècle au moins, il existe, dans le diocèse de Saintes, deux archidiaconés dits plus tard, l’un de Saintonge, l’autre d’Aunis, ce qui suppose une autre notion de la Saintonge. Nous souhaitons bon courage à qui voudra prendre la suite.


[1Pages 169-182.

[2Voir « L’Aunis au Xe siècle », dans Roccafortis, 3e série, n° 9, janvier 1992, p. 5-20.

[3AHSA XXX n° 48 p 76.

[4Ibid. n° 49 p 77.

[5Canton de Loulay.

[6AHP III n° 474 p 291.

[7Ibid. n° 13 p 17-18.

[8AHP LVIII, 1964, p. 368-370 ; J. 1030, pièce 12 ; petit rouleau de parchemin sans aucune trace de sceau.

[9Fournier-Guébin, Enquêtes administratives d’Alfonse de Poitiers, p. LXI.

[10AHP LVIII, 1964, p. 258-259 ; charte autrefois scellée.

[11Auguste Molinier, Correspondance administrative d’Alfonse de Poitiers, tome I, p. 732, n° 1111.

[12Recueil Commission des arts, tome XIV, 1897-1898, p. 110-115.

[13AHSA XLV, 1914, p. 207.

[14Recueil Commission des arts, tome XIV, 1897-1898, p. 116-124.

[15Fournier-Guébin, op. cit., même page.

[16AHP LVIII, 1964, p. 370, d’après J 1030, pièce 72.

[173 février 1276 ; AHP LVIII, 1964, p. 198 ; donation de deux pièces de vigne sises dans le fief de Rochefort.

[1825 janvier 1300 ; AHP LVII, 1960, p. 387.

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