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Notice sur la ville de Royan (17) par Eugène Pelletan (1845)

mercredi 20 février 2008, par Pierre, 1779 visites.

Source : Histoire des villes de France - Aristide Guilbert - Paris - 1845 - Books Google

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ROYAN

L’existence de Royan (Ruaunt au moyen âge) nous est révélée dès le commencement du Ve siècle par un passage de Grégoire de Tours. Il s’agissait de l’usurpation commise sur l’église catholique de Royan par les Wisigoths ariens, maîtres de la Saintonge et de l’Aunis. Les réclamations des opprimés furent vives et pressantes, et il s’ensuivit une longue querelle entre les deux cultes. Les annales de la Saintonge ne nous apprennent rien de plus sur Royan, jusqu’au XIIIe siècle. Tout ce que nous savons, c’est que ce port était le plus considérable de toute la côte d’Arvert, après celui de Brouage.

Lorsque l’altière Isabelle, femme de Hugues-le-Brun, eut appelé en Saintonge Richard III, roi d’Angleterre, son fils du premier lit, celui-ci vint débarquer à Royan avec la reine sa femme, le comte Richard, sept comtes et trois cents chevaliers. Il apportait trente tonnes d’argent. Sa mère Isabelle l’attendait sur le rivage ; elle le baisa et lui dit : « Beau cher fils, vous êtes de bonne nature, qui venez secourir votre mère et vos frères, que les fils de Blanche d’Espagne veulent trop méchamment défouler et tenir sous les pieds. » On connaît le résultat de cette invasion. Le roi d’Angleterre, battu à Taillebourg par saint Louis, repoussé, enfermé, dans la ville de Saintes, fut obligé, par la défection de Hugues-le-Brun, de se sauver et d’aller précipitamment se renfermer dans les murs de Blaye (1241). Il paraîtrait que Louis XI attachait une certaine importance à la châtellenie de Royan qui commande l’embouchure de la Gironde, car il donna la possession de Rochefort à Olivier de Coëtivy, seigneur de Taillebourg, en échange des terres de Royan et de Mornac.

Ceux qui passent aujourd’hui devant la maison de ville ne se doutent pas qu’il y avait là autrefois un riche prieuré. Dans le XVIe siècle, le prieur se nommait Pierre Bourdeille. Ce fut l’historien de toutes les galanteries, de toutes les amours de la Renaissance. Sa plume licencieuse nous a laissé le plus curieux monument des mœurs et de la dépravation de l’époque. Le prieur se nommait Pierre Bourdeille, l’écrivain se nomma Pierre Brantôme, et la gloire est restée à ce dernier nom.

Après avoir joué un rôle insignifiant dans les premières guerres de religion, Royan fut assiégé par Louis XIII, en 1622. Le baron de Saint-Seurin s’était emparé du donjon bâti sur la falaise ; il fit entourer d’un fossé la ville, qui n’avait alors d’autre jetée pour abriter son port qu’une rangée de pieux. Vainqueur à Rié, Louis XIII envoya le duc d’Épernon soumettre Royan. Celui-ci tenta d’abord de séduire la garnison ; mais Poyanne, qui venait de l’Ile d’Argentan avec la flotte de Soubise, fit crier dans la ville : Vive Soubise ! et, d’un coup de pistolet, cassa la tête à La Renaudie, lieutenant de Saint-Seurin, pendant qu’il parlementait sur la muraille. Le roi vint bientôt activer, par sa présence, les travaux du siège. Au bout de six jours de tranchée ouverte, l’armée voulut tenter un assaut : elle parvint jusqu’à la pointe du bastion ; mais les assiégés firent sauter une mine et repoussèrent les assaillants. La garnison n’ayant plus que dix livres de poudre, et trop faible d’ailleurs pour se défendre, demanda à capituler et obtint la vie sauve. Favas, commandant de la flotte rochelaise, mouillée devant la place, refusa de recevoir à bord ses coreligionnaires qu’il accusait de lâcheté ; il fallut que Louis XIII leur fournit des navires et des vivres (1622).

Le roi laissa à Royan une garnison et un gouverneur nommé Drouet, gentilhomme de Picardie. Favas s’était emparé de la tour de Cordouan, et levait des contributions sur toute la côte. Il avait à Saint-Palais un agent pour s’entretenir avec La Rochelle et pour lui procurer des vivres. Drouet s’empara de cet agent ; et Favas, réduit à se nourrir de coquillages, fut obligé de se rendre. Ainsi finit cette guerre pour la possession d’un point très-important, puisqu’il reliait Bordeaux, Bergerac, le Béarn et le Médoc à La Rochelle, qui était la véritable place forte du protestantisme.

Dès lors, la petite ville de Royan rentra dans l’obscurité d’où elle n’est plus sortie. Au XVIIIe siècle elle avait une importante pêcherie de sardines. La pêche occupait, sur toute la côte, vingt mille personnes. Son produit s’élevait à quatre ou cinq millions. Séquestrée du reste de la France pendant une grande partie de l’année, cette petite ville, où résidait une brigade de douaniers et une corporation de vingt pilotes, n’eut, dans les premières années de la restauration, de rapports avec le royaume que par le passage régulier des forçats qui descendaient la rivière sur des gabares pour se rendre à Rochefort. Mais elle devait grandir bientôt par ses bains de mer établis en 1824. Il est curieux d’examiner les lois qui président à l’accroissement d’une ville moderne. D’abord les rues furent pavées. On n’avait point de places publiques ; on abattit une maison, et l’on eut une place. On n’avait point de promenade ; on planta des tamaris dans un champ, et l’on eut une promenade. Comme on n’avait point de mairie, on acheta une grande maison, on posa sur la porte un drapeau tricolore, et l’on écrivit sur un écusson : Hôtel de Ville. On obtint du préfet quatre gendarmes. Un ancien officier reçut le titre et les attributions de commissaire de police. Un service permanent de bateaux à vapeur s’établit de Bordeaux à Royan. La route de Rochefort fut refaite, et une diligence y roula tous les jours. On bâtit une nouvelle chapelle, et l’on mit une cloche de plus au clocher. Les protestants, par esprit de rivalité, restaurèrent leur temple et y mirent des orgues.

Au midi de Royan se trouve le village de Mêchez ; les habitants se logent dans des grottes creusées sur une falaise tournée au couchant, à quarante pieds au-dessus de la mer. Pour circuler d’un trou à un autre, il n’y a qu’un sentier sans balustrade du côté de l’abîme. On voyait là autrefois plusieurs ménages et même un temple protestant. Mais peu à peu, ces habitations furent abandonnées. Sur les rares esplanades des trous verdissent quelques brins de fenouil et de christe-marine. Les pauvres habitants de ces réduits y ont semé quelques giroflées et planté quelques tamaris ; leur fleur, d’un rose pâle, parfume seule de sa triste odeur ces tristes existences de mendiants et de pécheurs, qui n’ont d’autre industrie que la pêche des crevettes.

C’est sous ces rochers que les Français brûlèrent le vaisseau à trois ponts le Régulus, pour ne pas le rendre à la flottille anglaise qui bloquait l’entrée de la rivière. L’incendie dura trois jours. Les Anglais firent alors une descente sur toute la côte de Royan, s’emparèrent des forts abandonnés, les incendièrent, et jetèrent les canons à la mer.

A l’ouest de Royan s’élève la tour de Cordouan. C’était autrefois une des merveilles du monde ; le soir, à l’heure du crépuscule, on la voit s’allumer à l’horizon, comme un candélabre posé de main d’homme sur l’écume des brisants. A mer haute, la porte est submergée. Depuis bientôt trois siècles, elle tourne aux quatre vents sa face éclairée, et assiste aux naufrages des navires qui viennent se briser à ses pieds. Précieux monument de la renaissance, construit par Louis de Foix, architecte de l’Escurial, la tour de Cordouan n’est plus actuellement qu’un phare de premier ordre. Pendant les longues et sombres nuits de l’hiver, les vols de canards et d’oies sauvages, égarés dans les brumes de la mer, viennent tournoyer et s’abattre sur le phare.

Royan, chef-lieu de canton situé dans l’arrondissement de Marennes, a 2,761 habitants qui font le commerce des grains, des sels blancs, des vins et des eaux-de-vie. [1]

Eugène Pelletan


[1Actes de Rymer. — Maichin, Histoire de Saintonge. — Massiou, Histoire de la Saintonge et de l’Aunis.

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