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1573 - Comment Agrippa d’Aubigné devint un familier d’Henri de Navarre

dimanche 7 mars 2010, par Pierre, 1153 visites.

Le hasard, comme il se doit, est à l’origine de la première rencontre. Petite histoire et bons mots, avec cet humour typique du XVIème siècle, d’un goût qui nous étonne aujourd’hui. La Reine-Mère Catherine de Médicis lance ses Renseignements Généraux sur la piste du nouveau venu à la Cour.

Source : Sa vie à ses enfants - Agrippa d’Aubigné - Œuvres complètes, accompagnées de notices par E. Réaume & F. de Caussade - Paris - 1873 - archives.org

Nota : Pour comprendre les liens familiaux entre Catherine de Médicis, éminence grise de la seconde moitié du 16ème siècle, les rois de France de la période, et Henri de Navarre, son gendre, qui deviendra Henri IV, roi de France en 1589, voir ci-dessous le tableau de sa descendance.

 Vous avez apprécié le père ... vous apprécierez le fils

[1573- 1575] La paix de la Rochelle [6 juillet 1573] estant faicte, & les menées de Monsieur & du Roy de Navarre ayants commencement, le Maistre d’hostel du dernier, nommé Estounau fit souvenir son Maistre des services de deffund d’Aubigné, & lui conseilla de se servir du fils comme d’un homme qui ne trouvoit rien de trop chaud ; ce marché se fit en secret ...

 Agrippa participe à un voyage avec le duc de Guise, et devient familier

Ce voyage donna une grande familiarité à Aubigné avec Monsieur de Guise, ce qui ne nuisit point à le maintenir en la Cour, & en acroistre une plus grande entre son Maistre & le Duc. Ces deux Princes couchoyent, mangeoyent, & faisoyent ensemble leurs mascarades, balets & carousels, desquels Aubigné seul estoit inventeur ...

 L’humour douteux des trois filles de Catherine de Médicis

Il se rendit cognu parmi les Dames par ses bons mots : comme un jour estant seul assis sur un banc, Boudeilles, Beaulieu & Tenie, trois filles de la Royne, qui toutes trois faisoyent cent quarante ans, le sentens assez nouveau, controloyent ses habillements, et une des trois luy ayant effrontement demandé, Que contemplé vous là, Monsieur ? cela en parlant nazard, luy, respond de mesme, Les antiquités de Cour, Mesdames. Ces filles plus honteuses luy allèrent demander son amitié & ligue offensive & defensive. Ce mauvais mot, suivi d’autres, le mit en la familliarité des Dames.

 Encore un "bon mot" : as-tu fait tes Pâques ?

La Royne mère ayant reproché à son gendre que Falesche, son premier Maistre d’hostel, & ses esquiers n’alloyent point à la Messe : pour remédier à cela, un Mardi d’après Pacques, comme les Princes jouoyent à la paume, le Roy de Navarre demanda à Aubigné arrivé à la gallerie, s’il avoit faict ses Pasques ; luy surpris respondit, Eh quoy donc, Sire ? mais quand on redoubla, & à quel jour ? La response fut, Vendredi, pour avoir ignoré qu’il n’y avoit que ce pauvre jour en toute l’année sans messe [1]. Monsieur de Guise disant tout haut que pour ce coup il n’estoit pas bien catechisé, les Princes se mirent à rire, mais non pas la Royne, qui le fit espier de plus près.

 Agrippa d’Aubigné sauve Henri de Navarre d’une mort pas vraiment glorieuse

Les choses trop particulières, qui n’estoyent pas dignes de l’Histoire, sont celles ci : le Roy de Navarre fit une petite repeuë en un village prés Montfort l’Amorré, où luy estant arrivé de faire ses affaires dans une mait, une vieille qui l’y surprit luy fendoit la teste par derrière d’un coup de serpe, sans Aubigné qui dit à son Maistre pour le faire rire, Si vous eussiez eu cette honorable fin, je vous eusse donné un tombeau [2] en stile de Sainct-Innocent ; c’estoit :

Cy gist un Roy par grand merveille,
Qui mourut, comme Dieu permet,
D’un coup de serpe, et d’une vieille,
Comme il chioit dans une met [3].

 La descendance de Catherine de Médicis


[1Dans l’année liturgique catholique, le Vendredi Saint est le seul jour de l’année où il n’y a pas de messe.

[2Tombeau : poème écrit en l’honneur d’un défunt. Un style littéraire à la mode au XVIème siècle

[3Met ou mait : une maie, meuble en forme d’auge à fond plat, dans lequel on met la pâte à lever.

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