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1626 - 1688 - Jean de la Quintinie, né à Chabanais (Charente) - Biographie

jeudi 20 septembre 2012, par Pierre, 1573 visites.

Un belle carrière, pour ce natif de Chabanais, qui devient le jardinier du roi Louis XIV et dessine et réalise des jardins prestigieux, dont celui de Versailles.

Source : Biographie universelle, ancienne et moderne, rédigée par une société de gens de lettres et de savants – Paris – 1823 - Google livres

QUINTINIE ( Jean De La ), célèbre auteur agronomique français, né en 1626, à Chabanais, petite ville de l’Angoumois, où l’on montre encore sa maison paternelle [1], fut appelé par Louis XIV à Versailles, pour soigner ses jardins. Il mérita, par son habileté, de compter parmi les personnes distinguées qui ont illustré ce règne : il mourut à Versailles, en 1688, laissant un ouvrage posthume, qui a été longtemps regardé comme le seul guide des jardiniers. La Quintinie fut envoyé très-jeune à Poitiers, pour son éducation : de là l’erreur qui, jusqu’en ces derniers temps, l’a fait naître dans cette ville ; il y fit de bonnes études, tant pour les belles-lettres sous les Jésuites , que pour la jurisprudence : les ayant terminées, il vint à Paris, où il fut reçu avocat. Il commençait à se distinguer dans cette profession, lorsqu’il l’abandonna pour se consacrer à une éducation particulière, celle du fils de M. Tamboneau, président à la chambre des comptes. Il employa ses moments de loisir à satisfaire la passion qu’il avait eue dès son enfance pour l’agriculture. Ayant entrepris avec son élève, un voyage en Italie, il le tourna au profit de son goût dominant, en observant avec beaucoup de soin tout ce qui se pratiquait dans le jardinage : par-là il y acquit une grande théorie ; mais il fallait l’appliquer à la pratique. M. Tamboneau lui en fournit le moyen, en lui abandonnant le jardin de son hôtel, qui venait d’être bâti (1641), sur un terrain acheté de l’université, et qui commençait la rue de ce nom : il devint, par la suite, l’hôtel de Pons. La Quintinie en profita pour faire des essais, dont les résultats devinrent pour lui des guides certains. C’est ainsi qu’ayant constaté, par des expériences multipliées , que le chevelu ou les nouvelles racines qu’on respectait beaucoup dans la transplantation des arbres, était plus nuisible qu’utile à leur reprise, il apprit à les retrancher absolument. En général, voyant la grande facilité avec laquelle la nature réparait les plaies qu’on faisait aux arbres par la taille et autres opérations auxquelles on les soumettait, il les pratiqua avec plus de sévérité que ses prédécesseurs ; en sorte qu’avant que le succès eût justifié cette hardiesse, on le regardait plutôt comme le destructeur des arbres, que comme leur cultivateur.

Il sentit de bonne heure que ce n’était pas encore assez de sa propre expérience pour se perfectionner dans son art, et qu’il fallait y joindre celle des autres : pour cela il entra en communication directe avec tous ceux qui partageaient son goût ; et, à la fin de sa carrière, il se vantait d’entretenir, depuis plus de trente ans, une correspondance avec tous ceux qui s’étaient rendus célèbres dans cet art, tant en France que dans les pays étrangers. Il l’avait commencée d’abord dans son incursion en Italie , ensuite dans deux voyages qu’il fit en Angleterre : il fut parfaitement accueilli dans cette île par les plus grands seigneurs, et par le roi lui-même. Jacques II apprécia tellement ses talents, qu’il lui fit les offres les plus brillantes pour le placer à la tête de ses jardins ; mais l’amour de la patrie, et le pressentiment qu’il avait peut-être des services qu’il rendrait un jour à son propre souverain, l’empêchèrent d’accepter ces offres avantageuses : cependant il resta en relation avec plusieurs lords qui lui avaient accordé leur amitié ; et ses lettres contenaient toujours quelque instruction pour le jardinage : suivant Charles Perrault , elles auraient été imprimées pour la plupart à Londres. On a été jusqu’à dire qu’elles formaient un Recueil en trois volumes ; mais on n’en trouve aucune trace chez les bibliographes : on ne peut constater l’existence que d’une seule lettre insérée (par extrait) dans les Transactions philosophiques, n°. 45 et 46, concernant la culture des melons : elle était adressée au secrétaire même de la société royale, Oldenbourg, qui la traduisit en anglais. Il est certain qu’on ne peut tirer maintenant beaucoup d’instruction de cet écrit ; mais il dut être utile au moment où il parut : on ne peut y recueillir qu’une seule particularité sur La Quintinie, c’est lorsqu’il dit que la graine de melon qui accompagnait sa lettre, provenait d’une espèce qu’il cultivait depuis plus de vingt ans : or comme cette lettre est datée de 1668, cela prouve que, dès l’âge de vingt-deux ans, il s’occupait du jardinage. Les seuls renseignements que l’on ait pu se procurer sur les époques de sa vie, sont puisés dans les services qu’il a rendus ; ce sont les seules médailles qui puissent les constater : c’est ainsi qu’en parlant de la poire de Virgouleuse, il dit que c’est lui qui l’a tirée de l’obscurité où elle croissait au village de Virgoulé près Saint-Léonard, dans les jardins du marquis de Chambret ; mais le nom de cette poire se lit pour la première fois dans le Jardinier français de Bonnefons publié en 1651 : La Quintinie avait alors vingt-six ans. Il semble donc certain que, de bonne heure, il devint un centre où venaient aboutir toutes les découvertes qu’on pouvait faire en jardinage ; on peut croire qu’il dut cet avantage à l’excellence de son caractère : la franchise en faisait le fond, en sorte que, naturellement expansif, il contrastait avec ses contemporains ; car, à cette époque, ceux qui cultivaient les sciences et les arts, tenaient plus ou moins des alchimistes : comme eux , ils se croyaient d’autant plus habiles qu’ils se trouvaient possesseurs exclusifs d’un plus grand nombre de secrets. La Quintinie, au contraire , ne paraissait faire cas d’une découverte, que pour avoir le plaisir de la communiquer. Aussi sa conversation était-elle recherchée. Le grand Condé, qui, à l’exemple de Cyrus le jeune , joignait l’amour paisible de l’agriculture à la vive ardeur de la gloire des armes, prenait beaucoup de plaisir à l’entendre parler de son art. Cependant La Quintinie ne tarda pas d’être appelé sur un plus vaste théâtre, où ses préceptes reçurent une plus grande autorité. Louis XIV venait de déployer toute sa magnificence à Versailles. Lenôtre en avait tracé les jardins : par son art , on avait vu l’architecture fondre ses formes régulières avec le vague de la nature, et composer un tout harmonique de ce vaste local. Le beau s’y montrait partout ; mais cela ne suffisait pas au monarque : il voulait que l’utile s’y trouvât aussi ; et La Quintinie fut appelé pour l’introduire. On avait déjà songé à profiter d’un ancien jardin qui existait depuis Louis XIII ; mais la stérilité du sol semblait repousser la culture : désespérant d’en tirer parti, on avait formé le projet de transporter les potagers à Saint-Cloud ; c’est ce que dit élégamment Santeul, dans un poème, intitulé Pomone, où il célèbre les travaux de La Quintinie : suivant lui cette déesse
Sanclovios pede prœcipiti properabat in hortos,
Cum Quintiniades properantem sistit. .. .

La Quintinie vint donc, à la voix de Louis XIV, l’arrêter et la fixer dans ce séjour. D’abord, il fut obligé de se servir de ce terrain si discrédité ; mais il le força, par ses soins, à donner des produits si beaux, que le roi, voulant lui assigner un local plus digne de ses talents, le chargea d’en choisir lui-même l’emplacement, et la Quintinie avait déjà fixé son choix : mais une sorte de hasard en disposa autrement ; car ce fut à un retour de chasse, que les dames de la cour déterminèrent le roi à placer ce potager dans l’endroit même où l’on se trouvait réuni. On sent que, dans une pareille circonstance, on fit plus d’attention à quelques agréments extérieurs de position, qu’à la convenance du sol : aussi n’accorda-t-on à La Quintinie qu’une superficie de trente-six arpens ; et il semblait que, par une sorte de défi, on avait moins voulu le favoriser que lui offrir l’occasion de développer toutes les ressources de son art : c’était la réunion de tout ce que le sol peut présenter de défectueux, sous tous les rapports. Il dut cependant s’en servir pour y tracer un potager qui devint un modèle pour toute l’Europe. On peut consulter son ouvrage pour se faire une idée des difficultés qu’il eut à vaincre : d’abord, c’était un étang qu’il fallait combler ; pour cela, on fut contraint d’employer la terre qui existait dans les environs ; et elle se trouva, suivant l’expression de La Quintinie , « de la nature de celles qu’on ne voudrait rencontrer nulle part : c’était une espèce de terre franche qui se réduisait en bouillie par la pluie, et qui se pétrifiait, pour ainsi-dire, par la sécheresse ; il fallut chercher un remède à un si grand inconvénient, ou autrement ce grand ouvrage du potager, dont la dépense avait fait tant de bruit, et dont la figure donnait tant de plaisir, aurait été inutile : on ne pouvait donc encore que juger deux points de cette entreprise, la dépense et figure. » L’une avait été énorme, puisqu’elle montait à dix-huit cent mille francs, tandis qu’elle eût été à peine de trois cent mille francs si l’on eût adopté le terrain proposé par La Quintinie ; de plus on eût eu l’avantage du sol et de l’exposition : quant à la figure, ce qu’elle avait de remarquable, c’était la manière dont La Quintinie avait distribué le terrain dans le but de multiplier les murs, et par conséquent les espaliers ; elle consistait dans un carré de douze arpents entourés de trente jardins d’un arpent chacun : mais tous ces travaux n’étaient que préparatoires ; le potager n’existait pas encore, puisque l’excès d’humidité ou de sécheresse auquel son sol paraissait condamné, repoussait toute culture, comme les essais l’avaient prouvé. C’est alors que le talent se montra : par un aqueduc ménagé sur toute la longueur, et des branches latérales, on se débarrassa des eaux superflues ; et au lieu de faire rapporter de nouvelles terres, La Quintinie imagina de disposer la superficie de chaque carré en plan incliné, ou comme il le dit, en dos de bahut. « Le succès, dit-il, a été fort bon, et la dépense très-petite. » La fertilité, par ces moyens, se fixa dans cette enceinte. Ce fut donc une sorte de création ; et La Quintinie en reçut immédiatement la récompense qu’il ambitionnait le plus, l’approbation du roi. Il était souvent à même de connaître jusqu’à ses moindres fantaisies ; car, suivant Pluche, « Louis XIV, après avoir entendu Turenne ou Colbert, s’entretenait avec La Quintinie, et se plaisait souvent à façonner un arbre de sa main. » Il mettait donc à profit tout ce qui, dans ces honorables conversations, pouvait servir à dévoiler les désirs du monarque. C’est ainsi que, sachant, par exemple, que les figues étaient son fruit de prédilection, il mit tous ses soins à en perfectionner la culture. Quelque multipliés que fussent les murs, il n’y plaçait en espalier que les seuls fruits dont la beauté égalait la bonté. Aussi les voyait-on figurer comme décoration, dans ces fêtes splendides où Louis XIV conviait toute l’Europe ; mais ce n’était pas « en formant de brillantes pyramides fort à la mode alors, dont l’honneur était de s’en retourner toujours saines et entières ; elles étaient remplacées par des corbeilles dont l’honneur consistait à s’en retourner toujours vides. » On voit figurer des couches de melons, couvertes de fruits à maturité, dans une des fêtes décrites par Molière. Ainsi donc, ce qui entretenait le zèle de La Quintinie , c’est qu’il voyait qu’aucun des efforts qu’il faisait pour plaire au roi, n’était perdu. Ce prince lui en témoignait sa reconnaissance sur-le-champ ; mais ce n’était pas en créant pour lui la place de directeur-général des jardins fruitiers et potagers de toutes les maisons royales [2], ni par l’augmentation de son traitement, qu’il croyait payer son dévouement, mais par des attentions particulières et une sorte de recherche délicate. C’est ainsi qu’il fît construire expressément pour lui, une maison commode. Il étendit ces sentiments de bienveillance au-delà du tombeau ; car il dit à sa veuve, lorsqu’elle lui fut présentée : Madame, nous venons de faire une perte que nous ne pourrons jamais réparer. Charles Perrault, qui nous a conservé cette expression, ne donne point la date de la mort de La Quintinie ; et jusqu’à présent on l’avait ignorée. Quant à sa doctrine, nous avons vu qu’il l’avait propagée par ses conversations et sa correspondance. De plus, les princes et les grands seigneurs l’invitaient à venir, dans leurs palais et leurs demeures, y tracer des potagers. C’est ainsi qu’il exécuta ceux de Chantilli pour le prince de Condé, de Rambouillet pour le duc de Montausier, de Saint-Ouen pour M. Boisfranc, de Sceaux pour Colbert, enfin de Vaux pour Fouquet.

Ces monuments n’auraient pas suffi pour perpétuer sa mémoire : comme sa correspondance, ils n’auraient pas tardé à disparaître (mais on apprit bientôt qu’il n’était pas mort tout entier, ou plutôt on vit se réaliser l’espérance qu’on en avait conçue ; car on savait qu’il avait travaillé pendant sa vie à un grand ouvrage, dans lequel il comptait reproduire tout ce qu’il avait pu acquérir sur son art. On en a la preuve dans la Dédicace que lui fit Laurent, notaire à Laon, d’un ouvrage intitulé : Abrégé de la Culture des arbres nains, qui parut en 1673. Cet auteur le qualifie d’intendant des jardins à fruit de sa majesté, en sa maison royale de Versailles. Il lui dit entre autres : « Sachant que vous êtes à présent le plus habile homme de France en la connaissance de ces choses. » On voit par-là que, dès 1673, la Quintinie était placé à Versailles, mais pas encore comme directeur-général. Il répondit avec beaucoup de modestie : « Vous avez bien fait, Monsieur, de donner au public des marques de votre habileté ; j’espère, Monsieur, que dans quelque temps vous verrez des marques de mon ignorance en cette même matière : je ne peux plus m’en défendre. » Cet ouvrage, impatiemment attendu, parut enfin en 1690 : il était par conséquent posthume de deux ans. Le privilège est accordé au sieur de La Quintinie, bachelier en théologie, pour l’ouvrage portant ce titre : Instructions pour les Jardins fruitiers et potagers, avec un Traité des Orangers, suivi de quelques réflexions sur l’agriculture, par le feu sieurde La Quintinye, son père ; et ce privilège est cédé à Claude Barbin. L’abbé de La Quinlinie, mort lui-même peu d’années après, ne put surveiller les éditions suivantes. L’ouvrage devint la proie de libraires plus avides qu’instruits ; ils le gâtèrent, en y introduisant des morceaux étrangers et disparates. Cet ouvrage est en deux volumes in 4° bien imprimé, et orné du portrait de La Quintinie, gravé par Vermeulen ; des vignettes élégantes, à la tête de chaque livre, représentent quelques-unes des opérations décrites, outre dix planches, qu’on peut appeler techniques. On trouve de plus le Poème de Santeul, intitulé Pomona, dont nous avons parlé, et une Idylle de Charles Perrault ; elle est du petit nombre des poésies de cet auteur auxquelles le sévère Boileau avait accordé quelque éloge. L’ouvrage est divisé en six livres. Le premier, espèce d’introduction, est terminé par un Vocabulaire des termes du jardinage ; c’est un tableau de la langue de cet art, à cette époque. Les quatre livres suivants traitent des arbres fruitiers, de la taille, de la greffe, etc. Dans le sixième, il traite du potager, en indiquant, mois par mois, les opérations qu’on doit y faire. Il termine par un Traité des Orangers ; là, il cherche, entre autres, à prouver que leur culture est beaucoup plus facile qu’on ne le croit communément. Enfin il termine par des réflexions sur l’agriculture : c’est en quelque sorte un traité de physiologie végétale. C’est donc une théorie qu’il présente pour appuyer la pratique qu’il a enseignée dans le cours de son ouvrage. Un très-bon extrait en fut publié dans le Journal des savants du mois de mai de l’année même où l’ouvrage vit le jour. Ensuite Charles Perrault plaça La Quintinie dans sa Galerie des hommes illustres du dix-septième siècle, qui parut en 1696. Mais l’éloge qu’il lui a consacré présente fort peu de détails, et n’est pas exempt d’erreurs. A en croire ce panégyriste, La Quintinie aurait, le premier, découvert, par ses expériences, « la méthode infaillible de bien tailler les arbres, pour les contraindre à donner du fruit, à le donner aux endroits où l’on veut qu’il vienne, et même à le répandre également sur toutes les branches, ce qui n’avait jamais été pensé ni même cru possible ; » en sorte qu’il le présente comme le créateur de l’art des jardins : ce qui a été répété dans toutes les occasions. Le fait est qu’on jugeait plutôt La Quintinie sur ce qu’il avait annoncé que sur ce qu’il avait fait réellement, puisqu’il avait dit expressément que c’était pour suppléer au manque d’un bon ouvrage qu’il avait composé le sien. Quant à l’exécution en général, le style est coulant, mais souvent négligé. Il est quelquefois concis : on en trouve un exemple dans les axiomes ou aphorismes du premier livre, et dans les observations qui se trouvent dans le quatrième ; mais dans tout le reste, il est au contraire très-diffus. L’auteur se perd dans les détails, surtout lorsqu’il entreprend de discuter le mérite de chaque espèce de fruit, pour choisir celle qui doit avoir la place d’honneur d’un espalier. Se souvenant de son ancienne profession d’avocat, il plaide en règle et avec toute la loquacité alors en usage au barreau, pour déterminer ce choix en faveur du Bon-Chrétien. C’est principalement dans les Réflexions sur l’agriculture que cette diffusion se fait sentir. Cela n’empêche pas que l’on n’y remarque des observations neuves ; mais elles sont de pratique plutôt que de théorie. Relativement à celle-ci, elle est tout en raisonnements vagues, fondée sur des hypothèses puériles : par exemple, pour rendre compte des greffes, il les compare à des ajustoirs de jet d’eau. Le Traité sur la taille est moins exagéré dans la pratique que les principes qu’il pose ne semblaient l’annoncer. Le choix des arbres, auquel il s’amuse si long-temps, était utile à cette époque pour guérir la manie des amateurs, qui voulaient renfermer dans leur enclos, quelque borné qu’il fût, toutes les espèces dont les noms parvenaient à leur connaissance. Il rendit surtout un service important à la culture, en attaquant fortement l’opinion dominante qui prescrivait de consulter les phases de la lune, pour faire les moindres opérations du jardinage. Ce n’est pas qu’il niât les influences de cet astre sur notre globe ; mais il en repoussait l’observation pour les pratiques de détail. Non-seulement il admettait l’effet de la lune de mars ou rousse sur l’atmosphère ; mais il disait de plus, que les melons commençaient à nouer dans le premier quartier de la lune de mai, ou la pleine lune, etc. Il a sans doute profité des travaux de ses devanciers, quoiqu’il ne les cite pas en détail. Il convient, dans sa préface, que « nous avons beaucoup d’obligations non-seulement à d’anciens auteurs qui ont si solidement parlé d’agriculture générale, mais encore à quelques modernes qui ont fait part au public de leurs connaissances particulières ; nous sommes surtout redevables à quelques personnes de qualité éminente, qui, sous le nom et sur les Mémoires du fameux curé d’Enonville, ont si a poliment écrit sur la culture des arbres fruitiers [3]. » Il nous reste maintenant à examiner l’influence qu’a eue La Quintinie sur ses successeurs. Les uns, sans le citer, tels que l’abbé de La Châtaigneraie (Connaissance des Arbres fruitiers, 1691) ; le frère François Le Gentil, chartreux ( le Jardinier solitaire, 1704 ) ; d’autres, en ne prononçant son nom qu’avec les plus grands éloges, tels que Dahuron, qui fut jardinier du duc de Lunebourg (Nouveau Traité de la taille des Arbres fruitiers), Pluche (tome II du Spectacle de la Nature), Decombe (Traité du pêcher, publié en 1745), n’ont guère fait que reproduire sa doctrine. Le père d’Ardennes, dans son Année champêtre, qui parut en 1769, est encore celui qui paraît faire le plus de cas de ce père des jardins, suivant son expression ; c’est toujours pour lui ce savant ou cet habile jardiniste : il avait imaginé ce mot pour distinguer les écrivains ou célèbres amateurs de jardinage, des simples jardiniers. Duhamel, dans son Traité des arbres fruitiers, de 1768, parle peu de La Quintinie ; mais le Berryais, ayant repris ce travail en son nom, lui rendit une sorte d’hommage par le titre de Nouveau La Quintinie, qu’il donna en 1775, à son Traité des Jardins, dont l’abrégé fut par lui intitulé : le Petit La Quintinie, en 1791. L’abbé Roger Schibol, au contraire, tout en parlant avec une sorte de respect de la Quintinie, cherche à discréditer toute sa doctrine. Ce n’était pas pour se mettre lui-même à sa place, mais pour y établir les habitants de Montreuil : l’enthousiasme que le bon abbé avait conçu pour ces cultivateurs, l’aveuglait quelquefois sur le mérite des autres. La Bretonnerie et Butré montrent aussi beaucoup de prévention contre l’auteur de l’Instruction pour les jardins fruitiers et potagers. Les différentes éditions et contrefaçons de ce livre , qui se succédèrent assez rapidement, témoignent le cas qu’on en faisait. En 1692, Mortier en fit paraître une contrefaçon à Amsterdam ; elle est conforme à l’original, excepté qu’étant en plus petit caractère, elle a pu être bornée à un seul volume. La seconde édition, de Barbin, parut en 1695 ; elle est déjà augmentée d’une Instruction pour la culture des fleurs. L’éditeur crut par-là remplir un vide laissé par La Quintinie : pour cela il fondit assez maladroitement trois traités qui avaient paru chez Sercy. Le principal avait été donné comme ouvrage nouveau, en 1679 : c’était une simple traduction de l’ouvrage italien de Mandirola, qui avait paru en 1652. La seconde contrefaçon parut à Amsterdam, avec un Traité anonyme des melons ; il est de peu d’importance : il eût été, ce semble, plus convenable de reprendre, dans les Transactions, l’extrait de la lettre de La Quintinie sur ce sujet. La compagnie des libraires, s’étant emparée de l’ouvrage, en fit paraître , en 1715, une troisième édition, qui a été reproduite en 1730. Les éditions que l’on cite sous la date de 1746 et 1756, pourraient bien n’en différer que par un changement de frontispice. Nous ne pouvons répondre que de celle de 1730 ; on y a encore ajouté un Traité des Arbres fruitiers, qui avait paru anonyme, en 1683 ; on disait seulement qu’il était d’un médecin de la Rochelle (c’est Venette , auteur du Tableau de l’Amour conjugal). Ce Traité n’est pas sans mérite ; mais il fait disparate ainsi que les autres additions dont nous avons parlé, puisque leurs auteurs , surtout Venette, paraissent fort attachés à l’observation des phases de la lune que La Quintinie proscrivait : la seule addition utile qu’on ait faite à celle-ci, c’est une Table des matières assez complète. Quant aux traductions, Séguier en cite une anglaise sous le titre de The compleat Gardiner of La Quintinie, 1693, in fol., et il l’attribue au célèbre John Evelyn : Haller en fait mention sous le titre français du Parfait Jardinier ; mais, à ce qu’il paraît, c’est sous la seule autorité de Séguier : c’est de là que sont partis les auteurs du dernier Dictionnaire historique, pour dire, article Evelyn : « Sa nation lui doit la Traduction de quelques bons ouvrages français, tels que le Parfait Jardinier de La Quintinie : » mais nous avons cherché inutilement des traces d’un ouvrage aussi majeur, notamment dans l’article Evelyn des deux bibliographes que nous venons de citer : on lui attribue seulement The french Gardener, et c’est la traduction du Jardinier français de N. Bonnefons , de 1651 ; il n’en est point parlé non plus dans la Bibliothèque de Banks. Tout porte à croire que c’est une méprise : on aura confondu cette production avec un Abrégé anglais de La Quintinie, publié par Loudon et Wise , à la suite d’une Traduction du Jardinier solitaire, qui parut en 1717. Haller parle vaguement d’une Traduction belge, qui aurait paru à trois reprises, en commençant par le Traité des Orangers ; mais il ne cite ni l’année, ni le format. Il annonce plus positivement, ainsi que Séguier, comme traduction italienne, le Trattato de gli Arbori fruttiferi del la Quintinie, Bassano, 1697, 1 vol in-8°. ; mais ce format semblerait encore annoncer un Abrégé : il est vrai qu’il reparut à Venise , in-fol., en 1704. Quoique la réputation de La Quintinie soit fort déchue, comme on a pu le voir, il fait honneur à la nation, et doit compter parmi ses auteurs classiques : aussi mériterait-il qu’on en donnât une nouvelle édition faite exactement sur la première, en supprimant tout ce dont on l’avait surchargée ; et on le remplacerait par l’Éloge de Perrault, et la Traduction de la Lettre sur les melons. M. Briquet a inséré un Eloge de la Quintinie, dans les Mémoires de la Société d’agriculture de Niort, 1807, in-8°., pag. 253. D—P—s.


[1C’est par erreur qu’on l’a dit natif de Saint-Loup, près de Poitiers : sa famille subsiste encore à Chabanais ; et l’on y lisait, il y a peu d’années, l’acte d’une donation qu’il avait faite à l’église de Saint-Sébastien, sa paroisse (Quénot, Statistique du Département de la Charente, Paris 1818, in 4°, p. 369.)

[2Quand il en reçut le brevet des mains de Colbert, le 25 août 1687, il vit la particule de précéder son nom : depuis lors il signa De la Quintinye.

[3On voit qu’il désigne ici Le Gendre, sous le nom duquel parut, en 1652 , un ouvrage sous ce titre : la Manière de cultiver les arbres fruitiers, petit volume in-16. plusieurs fois réimprimé (Voy, la Bibliogr. agronom., n°. 978 ). Quel qu’en soit l’auteur, cet ouvrage est très-remarquable quant à la rédaction et au fond des idées ; mais dès l’année précédente, 1651, le Jardinier français de Nicolas Bonnefons avait pris l’initiative ; et il fut suivi, en 1653 , de l’Instruction pour les arbres fruitiers, de Triquet. Ces trois ouvrages, qui parurent comme ou voit coup sur coup, et qui sont isolés comme celui de La Quintinie, c’est-à-dire ne se citant pas mutuellement, sont également recommandables sous tons les rapports ; mais ils se recommandent surtout par la précision avec laquelle ils fondent les principes de la culture des arbres, tirés de l’observation de la nature : aussi ont-ils devancé La Quintinie sur presque tons les points ; et ils ont laissé peu de chose à dire aux auteurs les plus récents.

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