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1638 - Jacques Boyceau de la Barauderie - Traité du jardinage

jeudi 15 janvier 2009, par Pierre, 1727 visites.

Né à Saint-Jean d’Angély, Jacques Boyceau de la Barauderie était presque oublié. Le site Histoire Passion a contribué à faire redécouvrir celui qui a créé tant de jardins célèbres et appris à Lenôtre son métier. Quelques extraits de son traité du jardinage, illustrés de ses dessins.

Voir diaporama : dessins de parterres créés par Jacques Boyceau pour les jardins du Palais du Luxembourg, et des châteaux des Tuileries, de Saint-Germain-en-Laye et de Versailles.

Voir sa biographie

Source : Traité du jardinage selon les raisons de la nature et de l’art - Par Jacques Boyceau, escuyer, seigneur de la Barauderie, Gentilhomme ordinaire de la Chambre du Roy et Intendant de ses Jardins - Paris - 1638 - BNF Gallica

 De la Lune

IEU séparant la lumière d’avec les ténèbres donna pour l’ornement du iour la merveille du Soleil, & à la nuit le nombre infiny des estoilles , & les autres Planettes, lesquelles il doua chacune de leur influence, afin quelles servissent non seulement à embellir le Ciel, mais aussi qu’elles fussent aydes à la nature , ainsi comme toutes autres choses créées par sa divine providence, sont pleines d’efficace & de vertu, il constitua la Lune plus prochaine de la terre, qui ayant par ce moyen son tour plus court, parfait en un an prés de treize fois un mesme voyage, employant en chacun environ vingt-neuf iours & demy ; pendant lesquels nous la voyons diversement illuminée, selon qu’elle s’approche ou esloigne de l’aspect du Soleil, duquel elle reçoit sa lumière, se trouvant par fois la terre opposée entre eux par leurs divers cours.

Or nous disons la Lune estre nouvelle, quand sa partie illuminée du Soleil commence à nous paroistre, & de iour en iour augmentant ; au septiesme que la moitié de la partie illuminée nous apparoist, nous disons estre en son premier quartier : sept iours après nous l’appellons pleine Lune, quand nous voyons entièrement sa partie illuminée : parachevant son chemin elle vient à défaillir de cette plénitude, n’estant sa partie illuminée veue qu’à demy, sept iours après, qui est son dernier quartier ; & en sept autres iours elle en défaut du tout, & lors nous l’appellons vieille Lune : puis elle recommence encore se faisant nouvelle. Elle a une puissance merveilleuse sur les corps inférieurs, car elle influe en eux force & vertu d’attirer nourriture à proportion de la communication, & monstre qu’elle leur fait de sa lumière, suivant laquelle proportion le sel produisant, qui en est comme esmeu, agit aussi : d’où il advient que la mer qui est remplie d’iceluy, en fait son mouvement & agitation continue de flux & reflux, que nous connoissons lent, ou plus grand, selon le divers estat de la Lune. Mesme aux equinoxes & saisons tempérées, quand le sel produisant agit avec plus de vigueur és arbres & plantes en terre (ainsi que nous appercevons par les féves qui se font plus abondantes au Printemps, & en l’Automne) ce flux & reflux de la mer est aussi plus grand qu’és autres saisons, ausquelles le sel vegetant est empesché & retenu par l’excès du chaud & du froid, ainsi qu’en terre.

Il nous faut donc avoir égard au cours de la Lune, & la suivre en cette manufacture comme bonne guide, si nous voulons nous prevaloir de ses effects : car les arbres & plantes, & leurs fruits estans plus pleins, ou plus vuides de substance & nourriture, selon la plénitude ou défaut de lumière, ne seront si propres en un estat comme en un autre, d’obeyr à nostre artifice, ou suivre nostre intention, ou estre conservez ainsi que nous dirons. Voire le bois qui doit servir à charpenterie estant couppé, lors qu’il est plein d’humeur générante, de cette abondance il s’engendre des vermisseaux qui le rongent & gastent, quand mesme il est sec & en œuvre. Comme au contraire si le bois est despourveu de cette humeur générante, qui est le baume de nature, il est de peu de durée, & perd avec elle sa force, ne luy restant que le terrestre, qui pourrist bien tost apres, ainsi qu’il advient au bois flotté, ayant long temps demeuré dans l’eau, elle dissoud ce baume qui est la conservation des corps, après la perte duquel les cendres mesmes du bois à brusler en sont inutiles pour les lexives.

 De la forme des Jardins.

es formes carrées sont les plus pratiquées aux Iardins, soit du carré parfait, ou de l’oblong , bien qu’en iceux y aye grande différence : Mais en eux se trouvent les lignes droites, qui rendent les allées longues & belles , & leur donnent une plaisante perspective : car sur leur longueur la force de la veue déclinant, rend les choses plus petites tendantes à un poinct, qui les fait trouver plus agréables. Mais ie ne suis pas d’advis,que s’arrestant du tout à ces lignes droites, quelque beauté qu’elles ayent, nous n’entremeslions aussi des rondes, & courbes ; & parmy les carrées, des obliques, afin de trouver la variété que nature demande, laquelle ont sagement compris les plus sçauans en portraicture, qui ont tousiours varié leurs ouvrages de formes différentes, meslant des rondes avec les carrées, & entrecouppant les lignes qui ennuyent par trop de longueur.

Ie me lasse grandement de voir tous les Iardins partis seulement en lignes droites, les uns mis en quatre carrez, les autres en neuf, les autres en seize, & iamais ne voir autre chose : Les autres formes parfaites trouveront aussi leur lieu & leurs grâces dans les Iardins, si elles sont disposées selon la nature du lieu, qui souvent se trouve contraint par des montaignes, rivieres, ou autres empeschemens, qui faisant des angles pointus ou obtus, sur lesquels seront accommodées les formes parfaites qui auront commencé aux lignes qui contraignent la place. Sans aucune contrainte mesme, il n’y aura danger quelquesfois de changer cette carrée si commune, en une des autres, ou l’entremesler selon qu’elles conviennent. La triangulaire estant doublée fait l’exagone, l’octogone procède de la carrée, & la pentagone seule ou accompagnée d’autre, ne reste d’avoir sa perfection en iardinage, comme aux autres oeuvres, où elle est souvent employée. Mais ces choses dépendantes de l’invention & gentillesse d’esprit du Designateur, nous laisserons à luy de trouver grâce & beauté en toutes les formes, suivant son caprice ; l’advertissant seulement de prendre garde que tous les promenoirs ayent communication de l’un à l’autre, afin de n’estre obligé, si on ne veut, de revenir sur ses pas, qui est une chose tres-ennuyeuse, & à laquelle il faut bien prendre garde.

 Des Fontaines

uant aux Fontaines, si l’eau sourd en bouillonnant , au lieu mesme que la voulez approprier, c’est un grand advantage & espargne ; cette sorte de Fontaine n’estant sans grande beauté, qui principalement est deue à la nature, car il n’y convient tant d’artifice qu’aux autres, & cette eau que vous regardez la veue baissée, n’a peu de grâce, comme chose naturelle. Neantmoins on fait grand cas des Fontaines iallissantes, lesquelles on peut embellir de grands enrichissemens d’architecture polie ou rustique, de figures de marbre ou bronze, par diverses inventions & ordonnances, qui tiendront grand lieu en l’embellissement des Iardins, quand elles sortiront de l’invention & dessein d’un bon Architecte & Sculpteur, desquels il se faut servir pour cette particularité d’ornement. Or dautant que rarement les Fontaines se trouvent naturellement iallissantes, & moins encores es lieux où l’on les desire, il est besoin les chercher autre part, choisissant les eaux bonnes, abondantes, & les sources plus haut situées que le lieu où l’on veut qu’elles iallissent ou versent. Il y a divers moyens de les conduire, & diverses matières sont employées à faire les canaux propres à y servir : mais plus souvent on les fait de pierre, terre cuitte, plomb, ou bois, lesquels il faut enfoncer en terre, pour conserver la fraischeur à l’eau durant l’esté, & la garder durant l’hyver d’estre glacée. Si on trouve commodité de conduire les eaux partie du chemin à niveau , avec suffisante pante, c’est le plus asseuré moyen de les conserver bonnes, & les canaux n’endurent si grand effort, que quand l’eau tombe ou coule avec plus de pante. Il faut aussi considerer la quantité d’eau qui peut estre fournie par la source, afin de faire les canaux du diamètre convenant à la faire couler, & ne donner à l’ornement de la Fontaine, lieu d’en escouler davantage, ny moins aussi que si la source estoit trop abondante, il en faut laisser partie,ou l’employer autrepart, car les canaux pâtissent du trop , & en sont esclattez & dessoudez : De façon que le moins de distance qui se trouverra entre le lieu où vous laissez le niveau de la source, & la Fontaine ornée, sera le meilleur, pour avoir moins de tuyau qui souffre ou endure grand’ peine. Quand il y a beaucoup de pante, l’eau coule dautant plus facilement ; s’il y a peu de pante il faut le canal plus spacieux, afin que l’eau ne le remplissant du tout, l’air ayde à couler. Il y a des eaux qui coulant sous terre, seroient prestes de surgir , mais trouvant celle de la surface facile à pénétrer, s’écoulent par dedans iusques és lieux plus bas. Pour les trouver plus hautes il faut trancher aux lieux d’où il y a apparence qu’elles descendent , & cette apparence se fait des plantes aquatiques , qui croissent naturellement dans tels costaux , ou par les vapeurs qui s’eslevent de terre le matin, plus espaisses qu’ailleurs.

Ordinairement on trouve ces sources en terre, coulantes sur un lict de glaise, ou terre grasse qui l’empesche de pénétrer plus bas : La source estant trouvée, ou plusieurs, vous les assemblez, & les environnez d’un rempart de terre grasse, pour sçauoir la quantité d’eau, la faisant couler par un seul tuyau : Et pour connoistre si elle pourroit monter plus haut ; car quelquesfois par tel remparement on gaigne de la hauteur ; laquelle estant trouvée il faut niveler, pour trouver combien vous avez de pante iusquau lieu où la voulez conduire , suffisant un poulce de pante pour sept ou huict toises de longueur, ou moins.

 Des Grotes

es Grotes sont faites pour representer les Antres sauvages, bien qu’elles soient taillées dans les rochers naturels, ou basties expressément autre part : aussi sont elles ordinairement tenues sombres, & aucunement obscures. Elles sont ornées d’ouvrages rustiques, & d’étoffes convenantes à cette manière, comme pierres spongieuses & concaves, espèces de rochers, & cailloux bigearres, congélations, & pétrifications estranges, & de diverses sortes de coquillages, qui par leurs formes & couleurs bien ordonnées font de beaux enrichissemens : les goutieres & reiallissemens d’eau, y sont propres & bien seants, rendant les choses plus naturelles.

Avec les eaux encor on peut faire mouvoir des engins & machines, par l’ayde desquels marchent des figures, iouent des instrumens de musique, sifflent & chantent des oyseaux, & d’autres animaux contrefaits, des arbres & plantes y sont moullés, formez & peints, comme s’ils estoient naturels. Mais les figures de sculpture, de marbre, ou bronze, faites de la main d’excellents ouvriers, apportent une grande grâce & magnifique ornement à ces lieux sousterrains : voire toute la structure estant disposée par bon ordre d’architecture rustique, ou meslée de la polie, augmenteroit davantage la beauté de l’oeuvre, comme si la nature & l’art à l’envy embellissoient le lieu. On peut mesme y poser des tableaux de peinture, ou peindre à fresc contre les murailles, telle histoire, & en tel lieu qui y conviendront bien, & augmenteront d’autant la beauté, que sera excellente la main & suffisance de l’ouvrier. Les peintures que nous appelons grotesques, ont esté inventées par les Anciens pour ce sujet, desquelles il se voit encor auiourd’huy dans quelques antiquitez sousterraines, où son contrefaits des animaux & autres representations de formes & gestes extravagants, aucuns naturels, & d’autres contre nature, pour rendre ces lieux d’autant plus bigearres.

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