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1724 - Saintes (17) - Projet de création d’une prison pour mendiants

mardi 18 octobre 2011, par Pierre, 414 visites.

Le rédacteur anonyme de ce projet fournit des indications intéressantes sur ce qui ressemble à une méthode de réinsertion des mendiants. Mais s’agit-il d’une réinsertion ou du moyen de rentabiliser l’institution ? Ce document révèle également les activités manufacturières de la capitale de la Saintonge au début du 18ème siècle.

Source : Archives Départementales de Charente-Maritime - C 226 - Transcription par Pierre Collenot.

Monsieur Amelot de Chaillou [1], le 31 janvier 1724

Il y a dans la ville de Saintes un vieux Château de l’ancienne Citadelle, avec cinq arpens de terre autour, où est basty l’hopital général et celui des dames hospitalières, en conséquence des lettres patentes du feû Roy Louis 14 de l’année 1687 ; lequel emplacement peut servir à renfermer les mendians valides et invalides de la province et les passants, en y faisant bastir un ou deux corps de logis de quelle grandeur l’on voudra pour y faire travailler les mendians à differents ouvrages proportionnés à leurs forces et industrie : On ne connoit point aucune autre maison apartenant au domaine qui soit plus commode que celle là, à l’usage qu’on se propose.

L’emplacement dudit Château est assés spacieux pour y bastir tel nombre de chambre, salles et hasteliers qu’on jugera à propos, pour y loger et faire travailler tous les pauvres passans et mandians, soit en continuant les bastiments de l’hopital général, ou qu’on veuille en faire un indépendant d’icelluy.

La ville de Saintes étant capitale de la province et la plus peuplée, les subsistances y sont ordinairement plus abondantes qu’ailleurs, à cause de la grande consommation qui engage les gens de la campagne d’y porter vendre leurs denrées ; les vivres y sont à peu près au même prix que dans les autres villes de la province, tantôt chères, tantôt à bon compte, suivant la bonne ou mauvaise récolte de chaque année.

En établissant cet hôpital dans la ville de Saintes, l’on tirera plus d’utilité du travail de ceux qui y seront renfermez, à cause de la situation auprès de la rivière de Charante et de la facilité qu’il y aura à trouver des ouvriers dans la même ville, pour leur apprendre les ouvrages des meilleures fabriques qui ont le plus de consommation et de débit, et par là on évitera de grosses dépenses, qu’on seroit obligé de faire ailleurs, où les mêmes commodités ne se rencontrent pas.

L’excédent des dépenses pour l’établissement et l’entretien de cet hopital sera très considérable dans les commencements parce que dans les deux premières années, on ne pourra presque rien tirer de profit du travail de ceux qui y seront renfermez, ce tems se passera, pour ainsi dire, à leur apprendre à travailler ; d’ailleurs il faudra faire bastir des chambres pour les loger, qu’il faudra garnir de couchettes, paillasses, matelats, draps de lit, couvertes, leur fournir du linge, bois, chandelle, eustanciles de cuisine, leur nourriture et entretien, il faudra encore y faire bastir des salles pour leur travail, y dresser et construire les mestiers nécessaires et autres apareils convenables aux ouvrages qu’on les destinera..

Les meilleures fabriques consistent en étamines de laines et en bas à la broche, connues dans tout le Royaume, sous le nom d’Estamines et bas de Saintes, dont il se fait une grande consommation, tant pour l’Espagne, le Canada, que pour différentes provinces de France ; on pourroit encore faire fabriquer des toilles de chanvre rousses, connues sous le nom de toilles de Barbesieux, qui sont très propres à faire des draps de lit, chemises pour les troupes, linges pour les hopitaux, desquelles toilles il se fait encore une très grande consommation, dans toutes les colonies de l’Amérique. C’est à ces ouvrages qu’on estime qu’il faudroit employer tous ces pauvres et mandians, parce que la facture est aizée à apprendre, et que la province et les circonvoisines produisent les laines et chanvre propres pour ces manufactures ; que d’ailleurs tous les pauvres valides qui seront renfermez auront tous de l’occupation, les enfans de 7 à 8 ans jusqu’à 15 ou 16 ans seront employez à filer, brocher, carder ; ceux au dessus à facturer les étamines, toiles rousses, fouler, degraisser, tondre et apréter les bas et autres ouvrages, et et rendre le tout prêt pour la vente ; les bastiments qui sont construits dans l’emplacement de la Citadelle, est un corps de logis occupé par les dames hospitalières, et un autre par les pauvres de l’hopital général, faisant face, et à l’opozite de celui desd. Dames, une cour entredeux d’environ 25 toises en carré et le corps de logis de 18 toises de long sur 22 pieds de large et 15 pieds de haut, séparé par un mur au milieu, accompagné d’une boulangerie d’un côté et d’un bastiment de l’autre, où logent les enfans trouvez, de 5 toises deux pieds de longueur sur trois toises 4 pieds de large, à double étage et joignant le corps du logis occupé par les dames hospitalières, et le bastiment de l’hôpital général ; il y a une aile commencée et un espace de 21 toises, dans lequel on peut continuer de bastir ; par ce moyen la cour se trouveroit renfermée de trois côtés, par trois corps de logis, et de l’autre côté par une muraille qui sépare lad. cour de l’esplanade, et derrière lesdits bastiments il y a suffisamment du terrain pour bastir un ou deux corps de logis, de laquelle grandeur l’on voudra, avec une cour fort spacieuse ; voilà à peu près le plan de la situation des lieux.

Quant à présent on pourroit s’en tenir à continuer la batisse de l’aile joignant les bastiments dudit hôpital, qu’on pourroit faire à deux étages, laquelle avec une salle de 56 pieds pieds de long sur 21 pieds de large, qui est déjà bâtie et occupée par partie des pauvres de l’hopital général seront suffisants pour y loger plus de cent pauvres, et y établir tous les mestiers et chozes necessaires, pour les fabriques propozées ; et on estime que pour commencer cet établissement il faudroit un fonds de 40 ou 50 mille livres, tant pour la batisse, materiaux, bois, achapt de lainnes, chanvres, outils necessaires, que pour leur nourriture et entretien, pendant deux ans, après quoy on pourroit esperer de les nourrir et entretenir de leur travail.

Pour l’administration et service de cette maison, il faudroit d’abord deux bons directeurs, qui seroient chargés de toute l’oeconomie, tant du dedans que du dehors de cette maison, qui seroient nourris et logés dans ledit hopital, et auxquels on donneroit des apointements convenables, lesquels rendroient leurs comptes aux administrateurs de l’hopital général, qui auroient l’entière administration de lad. maison.

Secondement il faudroit trois habiles maistres, l’un changeur pour la fabrique des estamines, l’autre bonnetier pour celle des bas, et l’autre tixeran pour celle des toilles, qui seroient aussi logés et nourris, dans ledit hopital avec gages ou apointements convenables, lesquels maistres recevroient des directeurs au poids les marchandises et matières propres pour les fabriques et tintures, et les rendroient de même auxdits directeurs, fors le dechet ; ces trois maistres pourroient aussi avoir sous eux chacun un garçon ou compagnon de leur même profession qui seroient aussi logés et nourris dans ledit hopital, qui enseigneroient également comme les maistres le mestier aux pauvres qui y seroient renfermez, et qui travailleroient de leur côté à l’aprêt des estamines, bas et les rendre prêts pour la vente, jusqu’à ce qu’il y eût des pauvres assés forts et habiles pour remplir leurs places, après quoy on pourroit les congédier.

Il faudroit encore un maître teinturier habille avec deux garçons pour faire les teintures des laines necessaires, qui seroient aussi logés et nourris dans ledit hopital, et qui prendroient même des pauvres pour leur apprendre leur mestier, auquel maistre et garçon il faudroit aussi donner des apointements convenables.

Il faudroit aussi beaucoup d’autres personnes, tant pour le service du dedans de lad. maison que pour le dehors ; et comme la nourriture et entretien des uns et des autres ira du moins à 150# l’un dans l’autre pour chaque année, sans compter les apointements des ouvriers ; on ne voit pas qu’on puisse commencer cette entreprise qu’avec un fonds de quarante à cinquante mille livres et ainsi qu’on l’a observé cy dessus.


[1Jean-Jacques Amelot de Chaillou (1689 – 1749), intendant de la généralité La Rochelle de 1720 à 1726

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