Histoire Passion - Saintonge Aunis Angoumois

Accueil > Grands thèmes d’histoire locale > Cartulaires, chartriers et pouillés > Cartulaire de l’Abbaye de Cellefrouin (16) (Saint-Pierre (...) > 1032 - ? - Cartulaire de l’abbaye Saint-Pierre de Cellefrouin (16) - (...)

1032 - ? - Cartulaire de l’abbaye Saint-Pierre de Cellefrouin (16) - Chartes

lundi 27 août 2007, par Pierre, 4649 visites.

Un cartulaire charentais des XIe et XIIe siècles, dont la présentation par le chanoine J.-Fl. Chevalier, en 1936, est une intéressante introduction à la lecture des documents de ce type.

Ce document commence par un avant-propos.

Source : Cartulaire de l’abbaye Saint-Pierre de Cellefrouin - XIe & XIIe siècles, par le Chanoine J. Fl. Chevalier, ancien président de la Société Archéologique et Historique de la Charente - Ruffec - 1936. Merci à Frédéric Biret, qui a aimablement mis cet ouvrage à ma disposition.

Page en cours de rédaction

Charte Commentaire

Charte I

Guillaume Taillefer, évêque d’Angoulême, mu par la crainte de Dieu et son amour pour son parent, Arnauld, évêque, qui l’avait élevé, et sur les conseils de son frère, Foulques, comte d’Angoulême, ainsi que de plusieurs hauts dignitaires de son clergé, dispense l’abbaye Saint-Pierre de Cellefrouin du droit de synode. (1048-1075).

PLACITUM....... DICTI PONTIFICIS AECCLESIAE ENGOLISMENSIS
Ipsam aecclesiam atque ipsi pastores engolismenses requisierunt ab ea synodum sicut a ceteris suburbanis aecclesiis. Sed canonici ipsius aecclesiae defenderunt se ut potuerunt ; et, cum habere non potuerunt adjutorem nec defensorem, ab ipso consulti cujus sapientiae non est numenis, venerunt ad præsulem Willelmum, Gautfredi, comitis, filium, deprecantes eum misericordiam ut non imponeret eis hoc quod nunquam impositum fuisset. Ipse vero, et timore dei et amore dulcissimi pontificis, sui consanguinei, Arnaldi, qui eum nutriverat, victus, consilio fratris sui, Fulconi, comitis, et principum ejus, necnon et archidiaconi et Ramnufi, cantoris, atque Rainaldi, capellani, videlicet Ucberti, segrestani, cœterorumque canonicorum, constituit ut canonici supradicti monasterii, exceptis duobus cum scola, audire episcopi præcepta omnes venissent ad synodum, et ad dedicationem basilicæ matris aecclesiæ venissent duo abbati, ad serviendum deo et beatissimi petri, apostoli. Ergo, debitum synodi aecclesiæ dimisit, et ab omni alio censu eam absolvit, et firmavit hoc præceplum et ut successores ejus firmiter tenuissent ; et, si quis hoc tenere nequiverit et aecclesiæ censum synodi alium, nisi quod superius scriptum est, requisierit, vox sua a nullo sit audita et requisitio ejus ad nichilum redeat.

1048-1075

Cette charte parait porter, dans le manuscrit, un titre de deux lignes, écrit d’une encre aujourd’hui très pâlie, et qui semble pouvoir se lire ainsi : Placitum.... dicti pontificis aecclesiae engolismensis. Malgré sa lecture incertaine, nous le reproduisons dans notre texte.

Cette première charte a trait à un privilège accordé à l’abbaye, à savoir l’exemption du droit de synode, et voilà pourquoi elle figure en tète du cartulaire, avant des chartes plus anciennes.

Aux Xe et XIe siècles, de nombreuses églises ayant été fondées, il se forma sur divers points du diocèse des collèges de clercs ou couvents, conventus les uns sous le titre d’abbayes, les autres sous le titre de prieurés, qui se chargèrent de desservir ces églises. Les membres de ces communautés obéissaient à leur abbé ou prieur, et tous avaient pour chef unique et père commun l’évêque du diocèse. Une fois l’an, l’évêque réunissait en synode le clergé de son diocèse, afin de lui donner ses instructions.

Les abbayes vivant suivant la règle de Saint Augustin formaient des sujets aptes au ministère paroissial, lesquels desservaient eux-mêmes les églises qui leur étaient confiées ou qu’ils fondaient. Cellefrouin et La Couronne étaient les seules abbayes augustiniennes du diocèse. L’abbé de La Couronne obtint de l’évêque, Guillaume Testaud, le 15 avril 1216, dispense d’assister au synode.

Ce même privilège, ainsi que l’indique la présente charte, fut accordé à l’abbaye de Cellefrouin, peu après 1048, par Guillaume Taillefer, évêque d’Angoulême (1043-70), fils de Geoffroy et de Pétronille. En réalité, il ne s’agissait là que de l’exemption du cens imposé en cas de non assistance.

En la circonstance, l’évêque, Guillaume, fut conseillé par son frère, Foulques, comte d’Angoulême, et par les hauts dignitaires de son clergé, savoir : l’archidiacre, non dénommé, mais qui était alors Pierre Arnauld, lequel donna, en 1031, au chapitre de la cathédrale, son fief de Pâtreville, dans la paroisse de Bonneville [1] ; — Renoul, chanoine, chantre du chapitre, qui parait de 1030 à 1047 et plus ; — Raignauld, chapelain, sans doute de la chapelle Saint-Michel, fondée par Islon, évêque de Saintes, puisqu’elle était la seule qui existait à cette époque ; — Hubert, chanoine, sacriste de la cathédrale, mort en 1089. C’est lui qui répondit un jour, à l’évêque d’Angoulême, Adémar, lequel souhaitait devant ses chanoines que chaque église de son diocèse fût un prieuré : « Et nous, nous voudrions bien que chaque église fût un évèché. » [2]
A noter que ces mêmes personnages, Pierre Arnauld, Renoul, Raignauld et Hubert, figurent ensemble comme témoins dans différents actes de cette même époque. [3]

Charte II

Foucauld, fils d’Adémar, surnommé Amaury, et d’Alaïs, d’accord avec sa femme et son frère, Gérauld, donne à l’abbaye Saint-Pierre de Cellefrouin et à l’évêque, Arnauld, qui y préside, le mas d’Esnord avec eaux, prés, vignes, vergers et tout ce qui en dépend. (Avant 1037),

Ego igitur, in dei nomine, Fulcaldus, qui fuit filius Ademarii Amalrico super nomine, uxor sua Alaaiz, cogitavi de dei timore et aeternæ retributionis, ut mihi pius dominus in die judicii veniam tribuat. Cedo ad locum sancti petri principem apostolorum necnon alia agmina sanctorum, quorum reliquiæ in loco conditæ sunt, necnon domino episcopo, Arnaldo, qui præ esse videtur, sed ut clericorum ibi deo servientium, Cedo, ego et frater meus et uxor mea, mansum unum que vocatur hunortus cum aquis, pratis, vineis, virdegariis, cum omnia quæ ad ipsum mansum aspicitur vel aspicere videtur, nemine contradicente, Tali vero tenore quod nullus homo eum abstrahatur ad hunc supradicta sacrosancta causa dei. Quod si ego aut frater meus vel parentes nostri, necnon episcopus vel clericus sed aut laicus abstrahere voluerit ad supradictum locum nec querere, in primis iram dei omnipotentis incurrat, sed cum Datam et Abyron, quod infernus vivus absorbuit, et cum Juda, traditore, qui deum tradidit, participes permaneat, et quod petit non vindicet. Ista karta, omni tempore stabilis et firma permaneat, manus nostras proprias firmavimus, vel aliis nostris fidelibus firmare rogavimus. Signum Fulcaldo et fratre suo, Geraldo, necnon domino Arnaldo, episcopo ; David ; Airino ; Gurdra ; Galterio, clerico ; Archambaldo ; Constantio ; Geraldo ; Ademaro ; Rainaldo ; Lanberto, vicario ; Girberto ; Bernardo et uxore sua Ricarde ; Amalrico, filio meo ; Iterio ; Fulcario, vicario ; Constantino ; Baseno ; Ainardo.

Remarque. — Aux noms, Arnaldo, Lanberto, Fulcario, sont superposés en interligne les qualificatifs, episcopo, vicario, vicario.

avant 1037

Cette charte contient le don fait à l’abbaye, par Foucauld, du mas appelé Esnord, « qui vocatur Hunortus », situé sur la rive droite de la Bonnieure, en la commune de Saint-Ciers, canton de Mansle [4]. Comme elle porte, entre autres, la signature d’Arnauld, évêque de Périgueux, et que celui-ci mourut en 1037, il s’ensuit qu’elle est antérieure à cette année. Son intérêt consiste, non pas tant dans la donation elle-même, que dans les renseignements généalogiques qu’elle fournit sur la plus illustre famille de l’Angoumois.

Chacun sait que la maison de La Rochefoucauld fait remonter son origine à Foucauld, Ier du nom, qui habitait une roche fortifiée, sur les bords de la Tardoire, à quatre lieues d’Angoulême ; de là, la dénomination de La Rochefoucauld, « de Rupe Folcandi » [5].

Foucauld est nommé pour la première fois, avec deux de ses fils, Guy et Adémar, en 1019, dans la charte par laquelle Guy, vicomte de Limoges, et sa femme, Emma, donnent à l’abbaye d’Uzerche l’église de Nieuil. [6].

Qualifié « vir nobilissimus », il est encore mentionné avec Jarsende, son épouse, en 1027-30, au sujet de la donation d’un alleu au Quéroy, faite par Seguin Vigier à l’abbaye de Saint-Cybard d’Angoulême, et qu’il ne voulut pas d’abord confirmer, car Seguin était « son homme » et Le Quéroy de sa suzeraineté. Mais devant les supplications, malédictions, excommunications des moines, il dut céder, manda près de lui l’abbé du monastère, reçut son pardon et fit rédiger l’acte de donation, qu’il ratifia [7].

Il vit encore en 1047 et signe avec Geoffroy, comte d’Angoulême, Hélie de Jarnac et autres, l’acte de fondation de l’abbaye bénédictine de Notre-Dame de Saintes. [8]

D’après certains auteurs, les La Rochefoucauld descendraient des Lusignan, d’après d’autres, des ducs de Guyenne. A ce sujet, voici ce qu’écrivait fort judicieusement François de Corlieu, l’historien de l’Angoumois, en 1575 : « Or, pour revenir à mon propos de ceux qui sont descendus des Lésignan, aucuns veulent ajouster ceux de La Rochefoucault et de Montberon, meus de ce qu’ils portent les armes des Lésignan, scavoir ceux de Montberon plaines et ceux de La Rochefoucault à chevrons de gueules sur le tout pour divise. Mais il y a plus de cept cens ans qu’ils portent le nom qu’ils ont de présent !.. » [9]

Faisant écho aux dires de Corlieu, — sans rejeter cependant l’origine lusignanienne, car les armoiries sont souvent, comme on l’a dit, « la clef de l’histoire », — la présente charte nous apprend que Foucauld était fils d’Adémar, surnommé Amaury, et d’Alaïs, et qu’il avait un frère, Gérauld.

Mais Foucauld, dont il est question ici, est-il bien Foucauld de la Roche ? Il semble qu’il ne peut y avoir le moindre doute à ce sujet, car, sans parler qu’on ne voit pas, après bien des recherches, de quel autre Foucauld il s’agirait en l’occurence, on sait pertinemment que les La Rochefoucauld étaient, au XIe siècle, seigneurs d’Esnord. Aussi, dans ce même siècle, voit-on divers membres de cette famille, notamment Geoffroy et Aimery de La Mothe, ses arrière-petits-enfants, faire des donations à la même abbaye dans ce même lieu [10].

Le cartulaire de l’église d’Angoulême mentionne, lui aussi, une transaction passée en 1109, au château de La Rochefoucauld, entre le chapitre de Saint-Pierre et Aimery de La Mothe, petit-fils de Foucauld, concernant le déplacement de l’écluse du moulin du Châtelard, contiguë à la terre d’Esnord, et qui montre que cette terre, ainsi que les eaux qui la baignent, étaient du domaine des La Rochefoucauld. [11].

Sur Gérauld, frère de Foucauld, et partant fils d’Adémar, nous n’avons aucuns renseignements. Peut-être est-il l’auteur de la donation que voici : Gérauld, fils d’Adémar, donne à l’abbaye de Saint-Amant-de-Boixe, entre les mains d’Auger, abbé (1018-48), toute la part qu’il possède dans l’alleu de Vervant, terres, vignes, forêts, prairies, etc.. le 6 des ides de juin, sous le règne d’Henri Ier, en présence de Geoffroy, comte d’Angoulême, de Guillaume, évêque, de Renoul, chantre, et de Pierre Arnauld, archidiacre [12].

Un des fils de Foucauld est aussi mentionné comme témoin dans la charte de Cellefrouin, « Amalrico, filio meo ». Nous pensons qu’il s’agit d’Adémar, surnommé, comme son grand-père, Amaury, car il était d’usage de donner à l’un des enfants, généralement l’aîné, le nom de l’aïeul, et à un des cadets le nom du père ; ce qui est ici le cas [13].

La charte de Cellefrouin est rédigée en termes si modestes qu’on sera peut-être étonné de voir identifier Foucauld, fils d’Adémar et d’Alaïs, qui n’est même pas qualifié seigneur ou chevalier, avec l’auteur de la puissante maison de La Rochefoucauld. Pourtant, il n’y a là rien qui doive surprendre, car tel était alors l’usage dans la rédaction des chartes de cette époque. En veut-on un exemple frappant ? Quant on lit dans la charte de 1019, citée plus haut et signée de Foucauld et de deux de ses fils, Guy et Adémar, « ... Ego, Guido, et uxor mea, Emma, sed et filii nostri, Geraldus, Ademarus, Petrus,... pro anima patris mei, Geraldi, et Rotildis, matris meæ, tradimus... », quel autre qu’un esprit averti pourrait se douter qu’il s’agit dans ce texte de Guy, vicomte de Limoges, et de sa famille ? On est évidemment loin du temps où le moindre baronnet se fera appeler « haut et puissant seigneur », dans le libellé des actes le concernant, par des scribes à sa dévotion.

Le cartulaire de Cellefrouin fait donc remonter d’un degré la généalogie des La Rochefoucauld donnée par P. Anselme ; chose qui, pour une telle famille et à une époque aussi lointaine, ne manque pas d’intérêt.

Parmi les signataires de la susdite charte, la plupart clercs, vicaires et chanoines, un seul est à retenir, Archambault, époux de Rotberge de Rochechouart, et partant beau-frère d’Aimery et d’Ildegaire, mentionnés tous deux dans les chartes VI, VIII et IX qui suivent.

On remarquera que le chanoine, Adémar, ne porte pas encore le titre d’abbé, sans doute parce que l’évêque, Arnauld, « qui videtur præesse, » resta à la tête de l’abbaye de Cellefrouin jusqu’à sa mort, afin de consolider sa fondation. Il est qualifié abbé pour la première fois dans la charte VI (1031-48).

Charte III

Amaugier, à sa mort, donne à l’abbaye de Cellefrouin, un mas à Hautefont de Saint-Claud, avec terres, vignes, etc., et la moitié de l’église, etc.. (Avant 1048).

In nomine domini Jhesu Xristi, Amalgerius facit condonationem ad obitis sui, de unum mansum ad sancti petri qui vocatur celle, et est ipsum mansum in pago engolismensium, in villa qui vocatur Claudano alta fonte non ina, cum terris, vineis, silvis, pratis, fontis aquarum, virdegariis, cum aecclesia dimedia, cum omnibus ædificiis, cultum et incultum, totum et integrum, et quod ad mansum pertinet, ut, per hodiernum diem, abeant indominicatum, neminem contradicente. Aut si est nullus homo, aut abbas, aut clericus, aut laicus, aut femina, aut ullus heredibus vel proheredibus, qui contra hanc elemosinam istam agere aut inquietare præsumpserit, aut de ipso loco tollere voluerit, in primis iram dei omnipotentis incurrat et santi petri, apostoli, et omnium sanctorum dei usque anathema sit, et vox nichil eis proficiat. Et postea compona III libras auri et quinque pondera argenti, quo actus exsolva.
Et postea in ipsa villa, mansus Johannes faber, VIII denarios ; la borderia Segui, VI denarios et duas gallinas et IIos panes ; la borderia bonelmouri VI denarios et IIas gallinas et IIos panes ; la borderia Bernardi de landes IIIIos denarios et duas gallinas et IIos panes ; et terra Constantius Rocholanus IIIIos denarios ; borderia Stephanus Calvetus VI denarios et IIas gallinas et IIos panes. Audoinus asinus laxabat vineas sancto petro, et postea, que abrabant vineas reddebant quartum de terra et IIIIos denarios. In parochia de diniaco, duas pezas de terra reddebat quartum.

avant 1048

Amaugier, qu’on voit en cette charte donner à l’abbaye de Cellefrouin un mas en propre domaine, indominicatum, était certainement un seigneur d’importance et non un simple arrière-feudataire. A quelle famille appartenait-il ? On l’ignore. Ce mas comprenait des terres, vignes, forêts, prairies, cours d’eau, vergers, la moitié de l’église, des bâtiments et six borderies désignées avec leurs redevances par les noms des tenanciers, le tout situé in villa qui vocatur Claudano alla fonte, non ina, — ina pour ima sans doute, par opposition à alta, — en français, Hautefont de [saint] Claud.

Claud était un ermite qui vécut et mourut, dit-on [14], à l’endroit précis où s’élevait jadis l’église de Saint-Sulpice, sur la rive droite du Son, et où jaillissait une fontaine de dévotion. Plus tard, au XV° siècle, on confondit cet ermite avec le petit-fils de Clovis, Clodoald, et on fit des deux un seul et même personnage.

Primitivement, ce lieu s’appelait Sivrac, Sivracum, d’après une charte dans laquelle l’évêque d’Angoulême, Girard, arbitre un différend entre le clerc desservant l’église de ce lieu et l’abbé de Charroux [15], Mais le nom de Saint-Claud prévalut dès le XIIe siècle.

Il y eut donc, dans le bourg, l’église placée sous le vocable de Saint-Claud, sancti Clodoaudi (1117), sancti Clodaldi [16], bâtie au XIe siècle, siège d’un prieuré-cure dépendant de l’abbaye de Charroux, et, un peu en dehors du bourg, l’église prieurale de Saint-Sulpice, dépendant de l’abbaye de Cellefrouin, à qui Maurice et Pierre Frouin l’avaient donnée, comme on verra plus loin. Sur les ruines de cette église a été bâtie depuis la chapelle dédiée à Saint-Eutrope.

Peul-on dire que l’une était alta fonte, et l’autre ima fonte ? Cette interprétation semble plausible.

Quant à la querelle qui s’éleva en 1117, au sujet de la perception des dîmes, entre le chapelain desservant le prieuré et l’abbaye de Charroux, qui possédait l’église de Saint-Claud, elle se renouvela encore en 1176, et fut apaisée par l’évêque d’Angoulême [17].

Un conflit analogue existait encore en 1453, comme cela appert d’une enquête faite à la demande de l’abbé de Cellefrouin, pour établir, contre les prétentions du prieur de Saint-Claud, que les dîmes du village de Vieilsenhac appartenaient au prieuré de la chapelle de Saint-Sulpice dépendant de l’abbaye [18].

Charte IV

Un certain Bernard, prêtre, donne à l’abbaye Saint-Pierre de Cellefrouin deux moulins à Sauzeth, avec eaux et bois, et trois quartiers de vignes au même lieu. (1032-1048).

Quidam bernardus, sacerdos, facit condonationem sancto petro que vocatur cella, de duos farinarios Assauzeth et silvis et aquis et tres quarterios de vineis in ipso loco ; ut, post hodiernum diem, habeat indominicatum, neminem contradicente. Aut si est ullus eredibus vel proheredibus, qui istam elemosinam tollere voluerit, in primis iram dei omnipotentis incurrat et vox sua nichil proficiat. Et postea componat centum libras auri, et argentum pondera XXXta quo actus exsolva. Signum, Aenrico, rege ; Gauffredus, comite civitate engolisma ; Willelmus de Montandre ; Bernardus, sacerdos, qui fecit scribere ista kartra ; Rannulfus ; Geraldus ; Rademundus ; Ademarus ; Guarnaldus ; Odolricus.

1032-1048

Il y avait jadis, sur le cours du Son et de son affluent, la Sonnette, nombre de petits moulins à blé, désignés sous les noms de molendina ou farinaria, aujourd’hui en partie détruits.

En plus de ceux mentionnés dans le présent cartulaire, le Censier de Cellefrouin en cite une dizaine, savoir : les moulins du Bois, deu Bosc ;— des Loges, de Lopges ; — du Pommier, de Pomerio ; — du Vergne, de Vernhia ; — de l’Ile, de Insula ; — des Vigier, de Vigeriis ; — de Péruse ou Presec, de Verutia ;— de Masta, deu Tha ;— le moulin neuf, molendinum novum.

Les deux moulins aux Sauzeth, donnés à l’abbaye par Bernard, prêtre, qui fit rédiger la présente charte, qui fecit scribere ista kartra, n’y sont pas nommés. La donation eut lieu sous le règne de Henri Ie1er, Geoffroy étant comte d’Angoulême, soit 1032-48, en présence de Guillaume de Montendre et de plusieurs moines de l’abbaye.

Montendre, aujourd’hui chef-lieu de canton de l’arrondissement de Jonzac, était le siège d’une baronnie qui comprenait, dans sa mouvance vingt-huit paroisses. Le plus ancien seigneur connu était Geoffroy, qui se croisa en 1147, à la suite de Louis VII et d’Aliénor. Mais la publication du cartulaire de Baignes a révélé l’existence de Guillaume de Montendre [19], qui paraît en 1089. Guillaume de Montendre, témoin de cette charte de Cellefrouin, paraissant quarante et quelques années plus tôt, est sans doute le même personnage, ou son père.

Charte V

Fouchier, fils de Richard et de Girberge, donne à l’abbaye Saint-Pierre de Cellefrouin un mas aux Forges, appelé à Auge, avec la moitié d’un vignoble et les vignes elles-mêmes. (1032-1048).

ln nomine domini, Fulcherius, qui filius fuit Riquardi et mater sua girberga, dedit deo et sancto petro, apostolo, de cella froino, unum mansum a las forguas, qui dicitur a algudis, pro redemptionem animarum eorum, et dimedium vinetum de vineas, et mansum et vineas. Alode erat que tenebat indominicatum, et propter hoc fecit ut, post obitum suum, nullus homo vel femina, nemine contradicente. Et, si est ullus eredibus vel proheredibus, aut clericus, aut laicus, qui elemosinam istam denegare vel tollere voluerit, in primis iram dei omnipotentis incurrat et sancti petri, apostoli, et omnium sanctorum dei, usque anathema sit et vox sua nichil proficiat. Signum : Ademarius, abbas ; Rannulfus, sacerdos ; Rotgarius, cantor ; Ademarius, canonicus ; Arnaldus ; Geraldus, capellanus ; Galterius, capellanus ; Lanbertus, vicarius ; Arnaldus, prepositus ; Audoinus ; David curba ; Radulfus de seniac ; Constantinus de aqua plane ; Audoinus menbratus. Regnante rege Aenrico, et Goffredus, comes.

Remarque. — Les qualificatifs, sacerdos, cantor, canonicus, capellanus, vicarius, prepositus, sont interlignés et écrits au-dessus des noms auxquels ils se rapportent.

1032-1048

La plupart des religieux de l’abbaye de Cellefrouin étant originaires de la région, il se pourrait fort bien que Fouchier, l’auteur de la donation rapportée en cette charte, fût l’aïeul de l’abbé du même nom, devenu plus tard patriarche de Jérusalem. Il était possessionné aux Forges, village important situé au nord-est de Cellefrouin, où se trouvait le vignoble d’Auge, donné par lui à l’abbaye. Alode erat que tenebat indominicatum, c’était là un alleu qu’il possédait en propre.

On remarquera la présence à cette donation de deux Adémar, l’un qualifié abbé, qui est Adémar Ier, l’autre qualifié chanoine, qui sera Adémar II.

Charte VI


Maurice, fils de Frouin, d’accord avec son frère, Pierre, confirme les donations faites par son père et sa famille à l’abbaye Saint-Pierre de Cellefrouin, et y ajoute ce qu’il possède dans l’église Sainte-Marie de Goise et toute l’église de Saint-Sulpice, avec la dime et le bourg, plus le pacage dans les bois de Négret de tous les porcs du bourg, ainsi qu’une écluse et une pêcherie. (1059-1075).

Ego, mauricius, qui fuit filius Froino, attesto et afirmo totos illos donos, quos pater meus et tota progenies mea dederunt sancto petro, apostolo, de cella froino. Et ego dono deo et sancto petro totum hoc quod in altare de sancta maria habeo, et totam aecclesiam integram de sancto sulpicio cum decima et burco ; et ibi non habeat nullum vicarium nec prepositum nisi sancti petri et canonicis. El dono sancto petro pasquerio, in bosco de nigreto, de totos illos porcos cuicunque sint et jacuerint in illo burco ; Et, in ipso loco, unam sclusam et piscationem per totam aquam planam. Veruntamen, hoc testifico et promitto ut sine ulla calumnia de meo fratre, petro, et de totos alteros homines atque de totas calumpnias faciam tenere hoc donum canonicis sancti petri indominium. Si autem aliquis de heredibus hac proheredibus meis, aut altera persona emissa, aut ego ipse, mutata voluntate mea, contra hoc donum aliquam querelam mittere voluerit, nichil adquirat, Insuper cum Juda, traditore domini, et Nerone, qui petrum crucifixit, et Datan et Abiron quos terra absorbuit, in poenas inferni permaneat quousque deo et sancto petro rectum faciat. Hii sunt auctores : Ipse Mauritius, Ademarius, abbas ; Berno ; Arnaldus ; Constantinus ; Willelmus de la claustra ; Arnaldus, prepositus et filius ejus equivocus ; Iterius, vicarius. Haec donum, quod donavit Mauricius, Petrus froinus, frater suus, donavit et affirmavit ipsum donum. Isti sunt auctores : Aldegario, Willelmo chaboco, Stepbano de pressac, Berno, Geraldo de poquerano. Régnante Philippo, et Guillelmo, pontifice, et Fulcode, comite civitate Engolisme.

Remarque. — Les mots chaboco et de pressac sont interlignés.

1056-1075

Il est à remarquer que les donations précédemment mentionnées sont faites à Saint-Pierre, qui vocatur cella, (ch. III et IV), mais, à partir de la charte VI, cet établissement est appelé la celle de Frouin, cella froino.

C’est que Frouin fut le bienfaiteur insigne de l’abbaye, en donnant le terrain sur lequel église et monastère furent bâtis. On ignore les origines de cette famille féodale. Beauchet-Filleau pense qu’elle était issue des vicomtes de Châtellerault : « Elle a donné son nom, dit-il, à Cellefrouin et à l’hôtel des Frouins, appelé depuis la Feuilletrie, Saint-Saviol, Vienne. » [20]. Cet auteur se base sur « Ung hommage lige à dix solz de debvoir à poïer à muance de seigneur et d’homme, rendu par Olivier de Bessac, escuier, à cause de Marie de Villiers, sa femme, à mon dit seigneur le comte du Maine, à cause de son chastel de Civray, pour son herbergement qui fut aux frouins, assis à Saint-Saviol, avec ses appartenances et deppendances queulxconques, en date du XIXe jour de juillet, l’an mil IIII c XLIV... » [21]

Marié à la sœur d’un certain David, autre bienfaiteur du monastère, Frouin en eut deux fils en qui s’éteignit sa descendance : Maurice, l’aîné, que l’on voit toujours prendre les décisions importantes, et Pierre, puîné, qui y donne son assentiment, comme c’est le cas dans la présente charte.

En effet, Maurice Frouin, après avoir confirmé les dons faits à l’abbaye par son père et sa famille, y ajoute tout ce qu’il possède dans l’église de Sainte-Marie, l’église entière de Saint-Sulpice avec la dime et le bourg, plus le pacage dans le bois de Négret de tous les porcs du lieu, ainsi qu’âne pêcherie sur les eaux de la Sonnette. Et Pierre, son frère, se joint à lui pour consentir celte donation.

L’église de Sainte-Marie, dont il est ici question, était située à Goise, gros village de la paroisse de Valence, sur la route de Cellefrouin. Il ne reste plus rien, aujourd’hui, de cette chapelle.

Il a été parlé plus haut de l’église de Saint-Sulpice, près Saint-Claud, sur la route de Nieuil.
Quant à Négret, aujourd’hui simple hameau, il fut, jusqu’à la Révolution, le siège d’une paroisse. Son église, placée sous le patronage de Saint Jean-Baptiste, existe encore. Située au sommet d’un coteau à haute altitude (221 m) et entièrement voûtée en pierres, elle ne manque pas de cachet. Tout d’abord, elle fut dépendante de l’abbaye de Cellefrouin, mais ne tarda pas à passer au prieuré de Saint-Florent de La Rochefoucauld, comme cela appert d’un accord intervenu entre les moines de Saint-Martial de Limoges et ceux de Saint-Florent près Saumur, en juin 1081. Cet accord fut conclu à Nieuil, en présence d’Aimé, légat du pape, de Guy, évêque de Limoges, d’Eudes, comte de la Marche, et de nombreux autres témoins, parmi lesquels on voit figurer Guy de La Rochefoucauld, IIe du nom, Pierre Frénicard, Maurice de Celle et Pierre, son frère [22]. Les donations de Maurice et Pierre Frouin, ci-dessus rapportées, eurent lieu sous le règne de Philippe Ier et l’épiscopat de Guillaume Taillefer, Foulques étant comte d’Angoulême, donc entre 1059-75. La plupart des témoins, outre l’abbé, Adémar II, sont des moines de l’abbaye ; mais quelques laïcs marquants y sont aussi nommés, tels Ildegaire de Champagnat, Etienne de Pressac et Guillaume Chabot de Mansle.

Ildegaire, seigneur de Champagnat, cadet de la maison de Rochechouart, que nous retrouverons dans une charte suivante, était possessionné dans la région. En 1085, il donne au prieuré de l’Espinassouse, en la paroisse de Nieuil, la forêt de la Faye, de Fagia, située entre Nieuil et Suaux, et fait don à Gérald, abbé d’Uzerche, quand il vient visiter ce prieuré, d’une coupe d’argent et d’une somme de dix sols, en présence de nombreux seigneurs réunis au dit prieuré [23].

Etienne de Pressac, lui, fut un des bienfaiteurs de l’abbaye de Lesterps, à laquelle il céda, moyennant cent sols, le mas près du pont de Confolens où est bâtie l’aumônerie, Foucher étant alors abbé (1076). Il a pour frère Geoffroy de Pressac, marié à Stéphanie, lesquels donnent a l’abbaye tout ce qu’ils possèdent dans l’église de Saint-Quentin, à l’occasion de l’entrée de leur fils, Renoul, au dit monastère [24].

Guillaume Chabot, de Mansle, chevalier, à cette même époque (1087), confirme, avec Guillaume Chauvet et ses frères, la donation de l’église de Saint-Sulpice de Couture à l’abbaye de Charroux, faite par Hélène du château de Champagne, Hulric de Mansle et Pierre Belis, de Verteuil [25].

Charte VII

Maurice et Pierre Frouin font un accord avec leur oncle maternel, David. Les deux frères abandonnent à leur oncle tout ce qu’ils ont dans l’abbaye Saint-Pierre de Cellefrouin, et celui-ci, sur les conseils de ses neveux, en fait don à la dite abbaye. (1059-1075).

Placitum fecerunt mauricius et petrus cum avunculo eorum, David, de honore suo quem habebant in contentione. Dimiserunt ambo fratres et omnia que habebant intra monasterium sancti petri, et omnia que alii habebant de illis dimiserunt David. Hoc autem promiserunt per fides et sacramentis et affirmaverunt super altare sancti petri ipsius monasterii. David autem dedit deo et sancto petro omnia que intra monasterium dimissa fuerant illi, cum consilio nepotum suorum. Videntibus Stephano de pressac ; Bertrant vacho ; Willelmus, vicarius ; Gauffredus, vicarius ; Iterius, vicarius ; Petrus concupiscentia ; Arnaldus, prepositus ; Ademarius de cambas, abbas ; Rannulfus, sacerdos ; Berno ; Constantinus ; Lanbertus ; Arnaldus ; Geraldus, major ; Petrus, minor ; Petrus de porta campania. Hoc autem donum factum est in diebus Philippo, rege francorum, et Guillelmo, episcopo.

Remarque. — Les noms Iterius, Arnaldus, Ademarius, Rannulfus, Geraldus, sont surmontés en interligne respectivement des qualificatifs vicarius, prepositus, de cambas, sacerdos, major.

1059-1075

Peut-être Maurice et Pierre Frouin, dans leurs libéralités, avaient-ils agi un peu trop de leur propre autorité, sans tenir compte des intérêts de David, leur oncle maternel, avunculus ; d’où un certain désaccord entre eux, d’ailleurs vite apaisé. En effet, les deux frères, par déférence pour leur oncle, lui abandonnent les droits qu’ils ont dans le monastère, intra monasterium, ou que d’autres tenaient d’eux, et celui-ci, à son tour, sur les conseils de ses neveux, en fait abandon à l’abbaye.

A signaler, au nombre des témoins, Ademarius de Cambas, Adémar de Chambes, abbé, et Petrus de Concupiscentia, que M. Rousselot traduit par Pierre de Goize.

Charte VIII

Aimery de Rocbechouart, d’accord avec Ildegaire, son frère, et Alpaïs, sa mère, après de longues et pieuses considérations, donne à l’abbaye Saint-Pierre de Cellefrouin l’église de Saint-Martin, située dans le château de Champagne-Mouton, avec tout ce qui en dépend et telle qu’en jouit le chapelain Gérauld. (1059-1086).

Sanctae dei aecclesiae utilitatibus tota mentis intentione oportet subvenire xristianis fidelibus ; Nimirum quanto eandem aecclesiam terrenis habundantius hereditaverit homo, tanto post finem hujus vitæ locupletius mercedem receperit a benigno Ihesu, domino nostro, de quo dicit apostolus : Capud aecclesiæ Xristus est ; Etenim, juxta apostoli vocem.[p10] animi nobis avertendum capud esse aecclesiæ Xristum, dominum ; Itaque, qui membro Xristi, hoc est sanctæ aecclesiæ, servit, procul dubio capiti aecclesiæ, id est Xristo, servire non refugit. Sunt vero et filii Xristi hac aecclesiæ omnes regenerati spirituali baptismate baptismum toto nisu recto servantes tramite ; Maxime venerabilis ordo sanctorum apostolorum, martirum, confessorum et virginum ; Ex quibus princeps extat petrus, apostolus, cui in carne posito, dixit ipse dominus : Tu es petrus et super hanc petram aedificado aecclesiam meam. Ergo, quia sancta aecclesia super eum est fundata, et oves Xristi sunt sub ejus cura, clavigerque slatutus cœlesti janua, insuper ligandi et solvendi est ei protestas tributa, multum nobis satagendum illi præbere servitia ; Et tanto honore in terra sublimari, quanto merito atque triumpho Xristo placuit illum in cœlestibus exaltari. Nam, scriptum est : Exaltent eum in aecclesia plebes, et in katedra seniorum laudent eum ; Studeamus et nos, post Xristum ejusque genitricem, sanctum petrum, eum ante omnia, exaltare et in catholicorum aecclesiis sinceriter conlaudare, nostrisque ex possessionibus suas aecclesias hac famulos proposse hereditare ; Quia necesse est unicuique nostrum ei dare temporale servitium, qui nobis potest reserare regni cœlestis introitum. Unde notum sit cunctis fidelibus sanctæ dei aecclesiæ, tam clericis quam laicis, devotisque feminis, quia ego, Aimericus, eum auctoritate fratris mei, Ildegarii, et uxoris meæ, Alpaiz, pro remedium animæ meæ, hac animarum patris mei et matris, cœterorumque parentum meorum, ut nostra delicta piissimus dominus indulgeat et beatus petrus, apostolus, in cœlestem hereditatem introducat, aecclesiam sancti martini, sitam in castello de campania, eum illis causis quæ ad ipsam aecclesiam pertinent, sicut geraldus, capellanus, habebat et homo [deux mots effacés] quod est quesitum et quæ conquirendum monasterio sancti petri, apostoli, que vocatur cella, publice dono atque in perpetuum trado. Verumtamen canonicis et ceteris totam securitatem et totam amicitiam dono, hac clericis et laicis sive feminis et omnibus possessionibus de illo loco, de me et de totis conductis et meis successoribus ut similiter faciant expostulo, hocque eis in exemplum relinquo. De repetitione vero, quod minime credendum est, si ego ipse, mutata voluntate mea, aut ullus heredibus hac proheredibus meis, sive aliqua persona emissa, contra hunc donum, quod pro remedio animæ meæ et patris et matris, cœterorumque parentum meorum, Deo et sancto petro facio, aliquam caluniniam, post hanc horam, mittere volebat, nichil adquirat, sed insuper eum Iuda, qui dominum Ihesum Xristum tradidit, et nerone, qui petrum, apostolum, cui est hoc donum, crucifixit, et datan et habiron, quos terra vivos absorbuit, in poenas inferni sine fine ardeat, quousque canonicis ipsius loci eum emendatione satisfaciat. Isti sunt testes atque firmatores : Hildegarius, frater Aimerici, qui hoc donum fecit et istum prœceptum facere rogavit ; Hysimbertus, episcopus pictavensis ; Amelius, prepositus santi juniani ; Radulfus, capellanus de ista aecclesia ; Landricus de cabanensio ; Aimerictis de monte cugulio ; Giraldus de oratorio ; Jordanus pauta ; Bernardus crassus ; Guido berlandus, qui hoc vidit et audivit. Factum fuit in mense octubris, Regnante Philippo, rege, Hysimberto, episcopo.

1059-1086

Cette charte a pour objet la donation à l’abbaye de Cellefrouin de l’église de Saint-Martin, située dans le château de Champagne-Mouton, in castello de Campania. Le pouillé du diocèse de Poitiers de 1315 la mentionne comme étant en effet dans l’enceinte du château, in Castro, et l’abbé Nanglard dit qu’elle fut supprimée en 1682 et fondue en celle de Saint-Michel du même lieu [26]. « Elle a complètement disparu de nos jours et la tradition populaire, seule, a conservé le souvenir du lieu où elle s’élevait », dit M. du Vignaud [27].

Au moment de la donation, Gérauld, chapelain, la desservait ; il eut pour successeur Hubert, qui figure dans la charte suivante.

Le donateur était Aimery III de Rochechouart, fils aîné d’Aimery II, mort assassiné en 1047, et d’Ermensende de Champagnat. Il avait épousé Alpaïs de Solignac, de noble maison, près de Grand-Bourg en Limousin, de laquelle il eut quatre fils : Aimery IV, qui partit pour la Terre-Sainte en 1096, se distingua au siège de Jérusalem et mourut en 1120 ; — Audebert, qui fit de nombreuses donations à l’église de Bénévent pour le repos de l’âme de sa mère, Alpaïs ; — Boson de Sales, qu’on retrouvera plus loin, — et Maurice.

Il avait un frère cadet, Ildegaire, seigneur de Champagnat, témoin de cette donation, et une sœur, Botberge, mariée à Archambauld de Comborn.

Ils descendaient d’Aimery Ier, surnommé Ostofranc, cinquième fils de Girauld, vicomte de Limoges.

Assistaient à cette donation quelques-personnages de marque :
Isembert II Sénebaut, fils de Manassès et d’Amélie, qui succéda à son oncle, Isembert Ier, en 1047, sur le siège épiscopal de Poitiers, et mourut en 1086 [28].

Amel, frère de Renoul de Brigueil, et son successeur comme prévôt de Saint-Junien, en 1051. Il occupait encore cette charge en juin 1081, époque à laquelle on le trouve comme témoin dans l’accord passé à Nieuil, entre les moines de Saint-Florent et ceux de Saint-Martial [29]. C’était un homme habile, ardent défenseur des droits de son église, « vir providus, jurium Comodoliacensis ecclesia rigidus defensor ». Il le fit bien voir dans la lutte qu’il soutint contre le seigneur de Rochechouart, lequel avait attiré les moines de Charroux dans sa ville, et leur avait permis de bâtir une église et un monastère, au pied du château. Après plus de vingt ans de contestations portées devant les plus hautes juridictions ecclésiastiques, et de nombreux combats à main armée, la victoire resta au seigneur de Rochechouart, puisque, en 1077, le roi, Philippe Ier, confirma les moines de Charroux dans leur fondation. Il est à croire, dès lors, que la charte ci-dessus, où la signature d’Amel figure à côté de celle de son ancien rival, est quelque peu postérieure à cette année [30].

Aimery de Mont-Cocu était moine de Lesterps. On le trouve, en 1093, témoin de la confirmation de la fondation de cette abbaye [31]. Dans l’hommage lige que rend à l’évêque d’Angoulême, en 1242, Guy de La Rochefoucauld, pour sa châtellenie de Cellefrouin, figure le fief, — non dénommé, — que tient de lui Jourdain de Mont-Cocu, chevalier [32]. Cette famille était donc possessionnée en Cellefrouin et environs.

Landry de Chabanais, Gérauld d’Oradour et Jourdain Paute, n’ont pu être identifiés.

Charte IX

Constantin Boilevin donne à l’abbaye Saint-Pierre de Cellefrouin la moitié du breuil de Goise et les taillis qui sont autour, ainsi que !a moitié de la terre de Goise où l’église est bâtie, qu’il tient en fief de Maurice et Pierre Frouin ; et Guy Penne et Arnauld Bouchard donnent l’autre moitié. (1059-1086).

Quia in multis offendimus omnes, cavendum nobis est ut, quandiu in terra morientium vivimus, penitendo in Xristo bonum operemur, ut cum ipso in terra viventium permanere valeamus. Idcirco enim, ego, constantinus bibens vinum, nimium peccator, pro animæ meae remedio, dono, sancti Petri altari de cella froini et ejus canonicis domino servientibus in ibi, medietatem de brolio de cobeezæ et de frostis similiter, quæ in circuitu brolii sunt, quae in dominio habebam. Dono etiam medietatem de terra de cobeezæ, ubi sanctæ mariæ aecclesia fundata est, et burgus. Senioribus meis testibus : Mauricio et petro froino, de quibus eam habebam in fevo. Aliam vero medietatem dederunt sancto petro Guido penna et Arnaldus bucardus [un mot effacé] et preposituram istius terræ dederunt Petrus et [un mot
effacé] ipse iterius, pro animaæ salute suæ aecclesiam predictam fecit. Dono etenim ad istam aecclesiam, quas canonicis est, IIos carterios de vineas. Hoc donum qui infringerit excommunicatus permaneat in æternum, nisi emendetur. Testes hujus doni : Aymericus de rochachoart ; Ildegarius, frater ejus ; Abbas Ademarius, III ; Geraldus de poscheras ; Hucbertus, capellanus de campania ; Salicus de fonlobero ; Constantinus pesetus ; Ainardus, frater ejus ; Iterius de cobeeza.

1059-1086

Maurice et Pierre Frouin tenaient la terre de Celle et autres avoisinantes de l’évêque d’Angoulême, mais avaient eux-mêmes des feudataires, tel Constantin Boilevin, lequel, après avoir donné à l’abbaye la moitié du breuil de Goize, qu’il possédait en propre, in dominium, ajoute à ce don la moitié de la terre de Goise où l’église Sainte-Marie est bâtie, qu’il tient d’eux en fief, de quibus eam habebat in fevo. L’autre moitié de cette terre, donnée en même temps par Guy Penne et Arnauld Bouchard, relevait aussi vraisemblablement des Frouin, mais la charte ne le dit pas, bien qu’elle mentionne l’abandon de la prévôté à l’abbaye.

On ne sait presque rien de ces divers donateurs, sinon qu’ils étaient coseigneurs de Biarge, comme on verra plus loin.

Guy Penne parait dans le cartulaire de Saint-Amant-de-Boixe [33].

Constantin Boilevin est évidemment l’ancêtre de Guillaume Constantin, fils de feu Gérauld, qui rend hommage à l’évêque d’Angoulême, le 20 décembre 1282, pour tout ce qu’il tient de lui dans le breuil et le territoire de Goise, dont il était prévôt, au devoir de douze deniers ; et ses descendants continuent de rendre le même hommage à chaque mutation de seigneur [34]. Celte famille possédait aussi le mas de Puy-Moyen et la borderie de la Mourelle en Saint-Mary [35].

Quant à Arnauld Bouchard, mentionné encore dans les deux chartes qui suivent, son nom apparaît pour la première fois dans le cartulaire de Saint-Cybard [36], comme ancêtre, antecessor, d’Umbert Guérille qui, terrassé par la maladie et effrayé par la crainte de la mort, abandonna, en 1107, aux moines de Saint-Cybard, la justice de la terre de la Vicairie, qu’il avait usurpée. C’est ce même Arnauld Bouchard qui donna, en io59-8i, au chapitre de la cathédrale, la terre et les bois de Font-claireau, près Mansle, qu’il tenait en fief de Guy Ier de La Rochefoucauld [37]. Il fut la souche des seigneurs de Tourriers, connus sous des noms divers (Bouchard, Guérille, Baudrand, Blanchard, Tudebœuf), mais dont le nom patronymique de Bouchard finit par prévaloir au XIIIe siècle.

Furent témoins de cette donation :
- Adémar III, abbé de Cellefrouin ;
- Aimery III de Rochechouart et son frère, Ildegaire, déjà connus ;
- Gérauld des Poscheries, le même que Gérauld de Pochérant, de Posquerano, de la charte précédente ;
- Constantin Peset, qui assiste avec Maurice et Pierre Frouin, Guy de La Rochefoucauld et autres, en juin 1081, à l’accord déjà cité, passé à Nieuil, au sujet de Négret. Il était originaire de Saint-Front, où sa famille subsistait encore au XIIIe siècle. On voit, en effet, Aimery Peset, varlet, faire hommage en 1241, à l’évêque d’Angoulême, Raoul, pour tout ce qu’il tient de lui en Saint-Front et Valence, au devoir de trois sols. Et, plus tard, Hugues Peset, son frère, clerc, rend semblable hommage à l’évêque, Guillaume de Blaye [38]. En 1409, cette famille Peset possédait encore le fief de la Boissière en Champagne-Mouton.

Itier de Goise parait dans deux donations faites en 1088, à l’abbaye de Charroux, en Saint-Gourson et Saint-Sulpice [39].

Charte X

Pierre de Goise donne à l’abbaye Saint-Pierre de Cellefrouin la moitié du moulin de Font-Gaudry, et, ailleurs, trois émines de blé, la moitié du froment et de la méture des moulins de l’Epine, le quart d’une borderie à la Groge, ses vignes des Forges, un champ près de la maison Alvis et deux petits champs au-dessus de l’église de Goise. (1059-1086).

Ego, Petrus de cupiditate, dono sancto petro medietatem molendini de fonte Galdric ; In alio loco IIIes eminas annonæ, scilicet medietatem frumenti et medietatem mixturæ de farinariis spinæ. Et quartam partem de una borderia de la grouga et totas suas vineas, quas habebat ad forgas, et unum campum ad domum Alviz, Et alios IIos campusculos supra aecclesiam cupiditatis.

1059-1086

Encore deux moulins : Font-Gaudry, non identifié, et l’Epine, sur la Tiarde, affluent du Son. Pierre de Goise donne à l’abbaye la moitié de l’un et des redevances dans l’autre, plus deux petits champs situés au-dessus de l’église de Goise, supra ecclesiam cupiditatis, car l’abbé Rousselot fait venir Goize, Cobeza, du gentilice cupitia, et on ne peut que suivre une opinion aussi autorisée [40].

Charte XI

Adémar Girauld, Guy Penne, Arnauld Bouchard, Olric de Mansle, la femme et les fils d’Armand de Château-Rainauld, Gérauld Semblant et Arnauld de Biarge et leurs feudataires donnent à l’abbaye et aux chanoines de Saint-Pierre de Cellefrouin la moitié de la terre de Biarge, et dans chaque borderie diverses redevances déterminées, ainsi que tout le bois nécessaire à leurs maisons et jardins. (1059-1086).

Incipit praiceptum, in nomme domini nostri Ihesu Xristi, quem dederunt viri beati petri, apostoli, de terra biargii, Ademarius giraldus, Guidoque penna et Arnaldus bocardus, Olricus de masellis, uxorque N armandi cum filiis suis de castro rainaldi, Giraldus semblant atque Arnaldus biargius. Omnesque istorum fevati quandoque possident et ea que habebant in hac terra istam aecclesiam supra dictam donent ; scilicet medietatem terrae et in unaquaque bordariæ I eminam de civade et III denarios de oblias, Et de expleto I eminam de civade et III minutas, et in unaquaque domo et in orlo IIIIos denarios et I gallinam ; Et de bosco, quantum opus habent omnibus ad domos et ad ortos, et nullus homo non erit vicarius nec prepositus de his nisi beati petri apostoli. Et quicunque hæc donos voluerit tollere atque dissipare iram dei super eos incurrat et excomunicatus permaneat nisi emendaverit. Isti sunt testes : Constantinus iterius ; Aimericus arnaldus ; Willelmus lanbertus ; Arnaldus guillelmus ; Petrus Fulcherius ; Durandus brunet ; Ademarius, abbas ; Geraldus, canonicus ; Lanbertus, canonicus. Régnante Philippo, rege.

Remarque. — Les mots iterius, arnaldus, lanbertus, guillelmus, fulcherius, brunet, canonicus, sont interlignés et écrits au-dessus des noms auxquels ils se rapportent.

1059-1086

Guy Penne et Arnauld Bouchard, déjà nommés, Adémar Giraud, Olric de Mansle, la femme et les fils d’Armant de Château-Renauld, Giraud Semblant, Arnauld de Biarge et tous leurs feudataires, donnent à l’abbaye la moitié de la terre de Biarge et, dans chacune des borderies composant cette terre, une émine d’orge et deux deniers d’oublié, — une émine d’orge et trois minutes d’exploit, — quatre deniers et une géline dans chaque maison et jardin, — plus la quantité de bois nécessaire aux dites maisons et jardins, et enfin la prévôté de la terre.

Le droit d’oublie consistait d’abord en pain, comme le nom l’indique ; il fut dans la suite remplacé par une redevance en nature et deniers. Le droit d’exploit était la reconnaissance du domaine envers le seigneur ; il se payait lui aussi en nature et deniers ou minutes, pièce de monnaie de valeur infime, inférieure au denier.

Les renseignements manquent pour identifier ces différents personnages coseigneurs de Biarge.

Armant de Château-Renauld, habitant la localité de ce nom, à l’occasion de l’entrée de son fils, Eudes, dans le chapitre de la cathédrale d’Angoulême, donna à cette église certains mas de terres qu’il avait reçus de Rengarde, dame de Mansle, sa parente, et la dîme de sa terre de Villorioux en Saint-Groux. Il figure comme témoin dans différents actes de cette époque [41],

Olric de Mansle nous est connu par une charte de Charroux, de 1087 ; il avait épousé la veuve de Froger, frère d’Hélène du château de Champagne, et, d’accord avec celle-ci, donna à l’abbaye de Charroux l’église de Saint-Sulpice de Couture [42]. Biarge, gros village de la commune de Chassiecq, était autrefois paroisse. Son église, placée sous le patronage de Saint Jean, dépendait de l’abbaye de Cellefrouin, qui avait dû la fonder. Elle passa, au xiii6 siècle, à l’abbaye de Saint-Martial de Limoges, qui changea son vocable et lui donna Saint Martial pour patron. De cette église, il ne reste plus aujourd’hui que des ruines et, tout auprès, une pierre tombale assez curieuse : « Les côtés, encadrés de moulures, écrit M. du Vignaud, sont décorés d’arcatures ogivales ; une rosace est sculptée en bosse sur une des extrémités. » Les habitants de cette localité jouirent longtemps, parait-il, des mêmes franchises que Benest, paroisse voisine, exempte de toutes tailles et impôts royaux jusqu’à la Révolution, comme le rappelle une inscription lapidaire qui se voit encore dans l’église [43].

Parmi les témoins, on soulignera seulement le nom de Pierre Fouchier, fils de Fouchier Tronelle, seigneur de Villefaze, près Mansle. Il figure dans une charte du cartulaire de la cathédrale, précisément avec Armant de Château-Renauld, ci-dessus rapporté [44]. Pierre Fouchier, d’accord avec son père et ses frères, Ostende et Aimon de Longes, autorise Raoul de Saint-Ciers, arrière-feudataire, à donner la terre, les prés, eaux et forêts de Villefaze au chapitre de l’église Saint-Pierre d’Angoulême.

Charte XII

Maurice et Pierre Frouin, Adémar Broench, Itier, vicaire, Etienne Gros, Arnauld, prévôt, Pierre Lambert, Constantin Boilevin, Guy Penne, Arnauld Bouchard, Aimery Tudeboeuf, Arnauld Airin, Aymon d’Aunac, Geoffroy Piedebœuf, Pierre Tizon, Constantin Bâton, Alard et Aimery, son fils, donnent à l’abbaye Saint-Pierre de Cellefrouin la terre de Saint-Jean-Baptiste de La Tâche. (1075-1101).

In nomine domini, incipit prœceptum de terra sancti Johannis baptistæ de la tascba. Ego Mauricius, Petrus froinus, Ademarius broench, Iterius, vicarius, Stepbanus crassus, et uxor sua, Arnaldus, prepositus, Petrus lanbertus cum fratribus suis, Constantinus bibens vinum, Guido penna, Arnaldus bocart, Aimericus tudabove et uxor sua cum filiis suis, Arnaldus airinus et uxor sua, Aymone de onaco cum filiis suis, Gauffredus pede bove, Petrus lizonus cum fratribus suis, Constantinus bastonus, Alaardus et Aimericus, filius ejus. Isti homines dederunt deo et sancto petro, aposlolo, terram que dicitur taseba, pro redemptione animarum suarum et patres et matres vel parentum illorum, ut det illis deus requiem sempiternam. Et si nos ipsi aut ullus ex heredibus nostris, nec ulla persona emissa surrexerit contra hanc libertatem inquirere voluerit, In primis iram dei omnipotentis atque beati petri et omnium sanctorum dei incurrat, et cum Iudas scarioth par-ticeps fiât, et excommunicatus permaneat. Testes : Ademarius, abbas ; Rannulfus ; Stephanus ; Lanbertus ; Fulconio ; Berno ; Guido de la rocha, et Arnaldus, frater suus. Hoc autem factum est in diebus Philippo, rege, et Ademario, episcopo engolismae.

[Ad seniaco, Aldebertus rex dedit sancto petro IIos carterios de terra, pro anima sua, de alodo suo.]

Remarque. — Les mots froinus, broench, vicarius, crassus, prepositus, lanbertus, bibens vinum, bocart, tizonus, du début de la charte, sont interlignés et écrits au-dessus des noms auxquels ils se rapportent.

1075-1101

Maurice et Pierre Frouin, Constantin Boilevin, Guy Penne et Arnauld Bouchard, déjà connus, d’accord avec Adémar Broench [45], Itier, vicaire, Etienne Gros, Arnauld, prévôt, Pierre Lambert, Aimery Tudebœuf, sa femme et ses fils, Arnauld Airins et sa femme, Aymon d’Aunac et ses fils, Geoffroy Piedebœuf, Pierre Tison et ses frères, Constantin Bâton, Alard et son fils, tous coseigneurs de La Tâche, donnent cette terre à l’abbaye.

L’appellation de Saint-Jean-Baptiste de La Tache est donnée à cette terre dans le titre seulement de la charte, Prœceptum de terra sancti Johannis bap-tistœ de la tascha, et non dans le corps de celle-ci, ce qui semble indiquer que son église, placée sous ce vocable, fut fondée par les moines après la donation. De fait, elle fut dès cette époque le siège d’un prieuré dépendant de l’abbaye. Le plus ancien prieur connu est Rainauld, nommé dans le Censier, Raynaldus, prior de Tachia.

Pierre Lambert, l’un des donateurs, est qualifié chevalier dans une charte de 1087, par laquelle il donne la moitié de la terre du Fouilloux-Normand en Saint-Sulpice à l’abbaye de Charroux, terre qu’il tenait d’Olric de Mansle [46].

Arnauld Airins, autre donateur, avait pour femme Sazie, et pour enfants, Airins, Gardrade et Pétronille, d’après la charte XXI. En 1112 on trouve un Arnauld Airins, moine de Nanteuil [47] ; et au siècle suivant, le Censier fait mention d’Arnauld Airens, de la Clide.

Pierre Tizon, encore un donateur, est le plus ancien membre connu de cette famille, laquelle adopta de bonne heure un nom patronymique, ce qui permet de suivre sa descendance plus facilement que celle d’autres familles, pourtant aussi importantes.

Les de Chambes et Paulte, — cités dans les chartes VII et VIII, — avaient agi de même, et c’est peut-être cette raison, jointe au plaisir de faire un jeu de mots, qui a donné lieu au dicton que l’on sait :
Paute, de Chambes et Tizon,
En Angoumois vieilles maisons.

Pierre Tizon fut le père de Robert, prévôt, qui mourut à La Rochefoucauld et fut inhumé à l’abbaye de Saint-Cybard d’Angoulême, laissant trois fils : Gardrade, Foucauld et Guichard, majeurs en 1151 [48] Nous pensons qu’il fut aussi le père d’Hugues Tizon, d’abord chanoine de la cathédrale, puis évêque d’Angoulême de 1149 à 1159. Originaire de La Rochefoucauld, « oppidanus Rupis Focaldi », il était en effet fils de Pierre et d’Edoarde, et mourut en 1159, âgé de 60 ans.

Deux témoins insignes figurent, parmi beaucoup d’autres, dans cette charte : Guy II de La Rochefoucauld et Arnauld, son frère. Ils étaient fils de Guy Ier et de Mayence. En 1060, ils fondèrent, d’accord avec leur père et leur oncle, Adémar, le prieuré de Saint-Florent de La Rochefoucauld et firent de nombreuses œuvres pies, pour obtenir du ciel la cessation du fléau, connu sous le nom de mal des ardents, qui ravageait alors le pays [49]. Guy II vivait encore en 1081, assistant cette année là à l’accord déjà cité, passé à Nieuil, au sujet du bois de Négret.

Charte XIII

Frotier donne à l’abbaye Saint-Pierre de Cellefrouin le mas de Goutibert ; Raoul de Séniac et son fils, Pierre, confirment cette donation et donnent en plus la moitié de Séniac du Gué et tout leur alleu de Séniac et de Romanac, etc.. recevant de l’abbaye cette moitié en fief... (1075-1087).

Incipit præceptum de seniach. Froterius dedit, in nomine domini, lo mas Johannes guitbertus deo et sancto petro, apostolo, cella froino, pro anima sua. Et postea, Radulfus de seniach et Petrus, filius suus, adfirmaverunt istum donum ; Et dederunt sancto petro totam medietatem de seniach de la gha, et donaverunt totum alodum de seniach et de romanach, et totas las cosdumpnas de totae alodum, et dei bosc de foler, et de alodum istum extra mansum quod froterius dedit pro anima sua ; accipiebant medietatem a fevo de sancto petro el de abbate et canonicis, et dei bosc de foler similiter. Et postea, Petrus radulfus dedit deo et sancto petro lo maisnament radulfus de la gha et los vinals de seniach. Post mortem suam, si filios hac filias non habebat de muliere, quae totum sit sancto petro. Testes : Bernardus, sacerdos ; Stephanns, canonicus ; Petrus, qui hoc scripsit. Regnante Philippo, rege francorum. Giraudus maunegrez.

Remarque. — Les mots sacerdos, canonicus, maunegrez, sont interlignés et écrits au-dessus des noms auxquels ils se rapportent.

1075-1087

Les deux dernières lignes de la précédente charte, d’une écriture plus fine mais de la même époque, ont été ajoutées à cet endroit dans le cartulaire, parce qu’elles ont trait à la terre de Séniac, qui fait l’objet des deux chartes XIII et XIV. Aussi convient-il d’analyser le tout ensemble.

D’abord Aubert, surnommé Roi, donne à l’abbaye deux quartiers de terre de son alleu de Séniac.

Puis, Frotier, — autre nom de chez nous, qui a traversé dix siècles et est porté aujourd’hui encore par les Frotier de La Messelière, — donna le mas Guitbertus, que nous traduisons par Goutibert, village situé au nord de Cellefrouin, sur la route de Beaulieu. Et Raoul de Séniac, ainsi que son fils, Pierre, confirmèrent ce don.

Eux-mêmes donnèrent la moitié de Séniac du Gué, tout l’alleu de Séniac et de Romanac et tous les codomaines de l’alleu et du bois de Foler, consentant à en tenir la moitié en fief de l’abbé et des chanoines. Ensuite, Pierre ajouta à cette donation le maine du Gué et les vignes de Séniac. Il est marié, mais n’a pas d’enfants ; s’il meurt sans laisser de postérité, il veut que le tout reste à l’abbaye.

Ceci se passe sous Philippe Ier, dont la date extrême de règne est 1108. Mais, comme cette charte est le commencement des accords concernant la terre de Séniac, Incipit prœceptum de Seniach, et que la suivante en est la continuation, Et iterum..., il s’ensuit que la première est antérieure de quelques années à la seconde, laquelle est datée par les synchronismes 1075-87.

Derechef donc, Et iterum, Raoul, ainsi que ses fils, Pierre et Guillaume, moine, et ses neveux, donnent à l’abbaye toutes leurs terres de Séniac et en reçoivent la moitié en fief de l’abbé, à l’exception des Vestizons qui sont déjà du domaine de Saint-Pierre. Le vicaire ou prévôt en aura une partie pour sa peine et l’autre partie sera commune à tous. A sa mort, Guillaume, moine, donne sa part du Gué de Séniac et de son verger.

Enfin, Constantin de Villars, sa femme et ses fils donnent un moulin, une église et une pêcherie ; le prévôt devra leur rendre le tiers de la mouture et la moitié du revenu de la terre des Fosses en Cellefrouin.

On a vu plus haut (ch. III), que Saint-Claud, avant d’avoir pris le nom du patron sous le vocable duquel son église fut placée, s’appelait Sivrac, Sevriacum. Faut-il voir dans cette appellation l’origine du mot Seniac, comme d’aucuns le pensent ? C’est peu croyable. Aussi nous identifions Seniac avec Signac, hameau situé sur le Son, à quelques cents mètres du bourg de Saint-Claud, où se voit un logis du XV° siècle, appartenant aujourd’hui à la famille des Roches de Chassay.

La dénomination Senhac persista jusqu’au XVe siècle, car on trouve, en 1396, Jean de Senhac, et en 1453, « le village de Vieilsenhac » [50] . L’appellation, Signac, apparaît seulement aux xvi° et xvii0 siècles. En i693, Jean Barbier, écuyer, seigneur de Signac, fait le partage de ses biens entre ses enfants, devant Rivet, notaire à Ambernac [51].
Romanac est-il le village de ce nom situé dans l’arrondissement de Ribérac, en la commune de Saint-Vivien, et cité dans le cartulaire de la cathédrale ? [52]. C’est peu probable.

Et Vestizons ne serait-il pas le village appelé aujourd’hui Vieux-Tizon, au sud-est d’Hiesse, qui, comme prieuré, appartint longtemps à l’abbaye de Charroux ? [53] Quant au lieu dit Les Fosses, il est trop fréquent dans la région pour qu’on puisse espérer l’identifier sûrement.

Parmi les personnages témoins des susdites donations, on soulignera seulement la présence de Maurice et Pierre Frouin et de Pierre Decouz, qu’on retrouve ensemble, en 1081, à l’accord passé à Nieuil.

Vers la même époque, le môme Pierre Raoul de Sénae donnait en propre à l’abbaye de Charroux, entre les mains de Fulcrade, alors abbé (io6i-96), sa terre de Vieux-Chalais, villa, hébergement, prairie, ainsi qu’un moulin dans lequel ses feudataires possédaient trois sétiers. En outre, il donnait dès maintenant la moitié des autres terres situées en dehors de Vieux-Chalais, et l’autre moitié après sa mort, avec l’assentiment de Guy de La Rochefoucauld et de Pierre Fouchier de Verteuil. lit Adémar de Chalais cédait de même la moitié de sa prévôté, et l’autre moitié après son décès. Guy de La Roche, Pierre Fouchier et Pierre Frouin sont témoins de la dite donation [54].

A noter que Pierre Fouchier de Verteuil parait avec Emma, sa femme, en 1108, dans le cartulaire de Saint-Gybard. [55].

Charte XIV

Raoul et ses fils et Guillaume, moine, donnent à l’abbaye Saint-Pierre de Cellefrouin toutes leurs terres de Séniac... A sa mort, Guillaume donne sa part du Gué de Séniac... Constantin de Villars donne un moulin, une écluse et une pêcherie. (1075-1087).

Et iterum fecerunt placitum Radulfus et filii ejus, et Guillelmus, monachus, cum nepotibus suis, cum sancto petro, apostolo, et dederunt totas las terras

1075-1087

...

A suivre ...


[1Cart, de l’église d’Angoulême, p. 25, 50.

[2Hist. comitum et pontificum ; édition Castaigne, p. 39.

[3Cart. de Saint-Amant, art. 6, 7, 94, 120.

[4Mansus désigne généralement la maison avec les terrains d’exploitation qui l’entourent, et quelquefois l’un ou l’autre seulement. On traduit ce terme en français par le manse, qu’il ne faut pas confondre avec la mense. Mais, dans notre région, l’expression le mas a prévalu et s’y retrouve encore, après bien des siècles, avec la même signification. Les exemples abondent,

[5P. Anselme : Histoire généalogique et chronologique de la maison de France et des grands officiers de la Couronne. vol. iv, p. 419.

[6Gallia, t. 11, Instrumenta, p. 386.

[7Cart. de Saint-Cybard. p. 20 ;.

[8Gallia, t. 11, Instrumenta, p. 481.

[9Discours sur la ruine et démolition du château de Lésignan, par F. de Corlieu. Opuscule inédit, publié par Ed. Sénemaud, extrait du fonds S. Magl., t. 183 de la BibI, nat. — (Voir Bul. Soc. Charente, 1860, p. 31).

[10Voir plus loin, ch. XVIII, XIX, XXX, XXXI.

[11Cart. égl. d’Angoulême, p. 93, 94.

[12Cart. de Saint-Amant, art. 189. — A noter qu’Adémar de La Roche figure dans ce cartulaire en 1040 (art. 9), ainsi que Guy Ier de La Roche, son frère, qui donne à l’abbaye quelques quartiers de terre (art. 242).

[13Remarque faite par M. de La Martinière, archiviste, dans son introduction au Cartulaire du prieuré de N.-D. de Barbezieux. p. LXX.

[14Martin-Buchey : Géographie historique et communale de la Charente, t. III, p. 168.

[15Cart. de Charroux, p. 134

[16Censier de Cellefrouin, in fine, 1274.

[17Cart. de Charroux, p. 156.

[18Arch. dép. de la Charente, G, 151.

[19Cart. de Baignes, ch. CCCCXXIV.

[20Beauchet-Filleau, t. III, p. 624

[21Arch. nat., P. 1134.

[22Cart. de Saint-Florent, f° 91 et 114.

[23Pouillé, t. 1, p. 644.

[24Cart. de Lesterps, Fragments, p. 50.

[25Cart. de Charroux, p. 107.

[26Pouillé, t. III, p. 181.

[27Bul. Soc. Charente, 1883, p. 79.

[28Gallia, t. II, p. 1164.

[29Cart. de Saint-Florent, loc. cit.

[30Abbé Arbellot : Histoire de la ville de Saint-Junien, 1848, p. 23.

[31Gallia, II, Instrumenta, 198. C

[32Livre des fiefs, p. 142.

[33Cart. de Saint-Amant, p. 97.

[34Livre des fiefs, p. 143, et G 151.

[35Livre des fiefs, p. 140, et G 64.

[36Cart. de Saint-Cybard, n° 67, p. 42.

[37Cart. de l’église d’Angoulême, p. 85.

[38Livre des fiefs, p. 144.

[39Cart. de Charroux, p. 107 et 109.

[40Les modifications phonétiques du langage... p. 214.

[41Cart. de l’église d’Angoulême, p. 81, 82, 83, 84.

[42Cart. de Charroux, p. 10

[43Bul. Soc. Charente, 1883, p. 64.

[44Cart. égl. d’Angoulême, p. 83

[45Il existait une terre de ce nom en Saint-Gourson. Broinche de Sergonco ; Guillaume Bouchard et Guillaume Tudebœuf en donnèrent la moitié à l’abbaye de Charroux, et Ulric de Mansle l’autre moitié, en 1087. (Cart. de Charroux, p. 109).

[47D. Fonteneau, t XX, p. 15.

[48Cart. de Saint-Cybard, ch. 68, 192, 244 et table,

[49Cart. de Saint-Florent, Livre noir, f° 48, et Livre blanc, f° 110,

[50Arch. dép. de la Charente, G 105 et 151.

[51Ibid. E 854.

[52Cart. êgl. Saint-Pierre, p. 101.

[53Pouillé, t. III. p. 191.

[54Cart. de Charroux. p. 96.

[55Cart. de Saint-Cybard. ch. 144 et 145.

Messages

Un message, un commentaire ?

modération a priori

Ce forum est modéré a priori : votre contribution n’apparaîtra qu’après avoir été validée par un administrateur du site.

Qui êtes-vous ?
Se connecter
Votre message

Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.

Lien hypertexte

(Si votre message se réfère à un article publié sur le Web, ou à une page fournissant plus d’informations, vous pouvez indiquer ci-après le titre de la page et son adresse.)

Ajouter un document

Rechercher dans le site

Un conseil : Pour obtenir le meilleur résultat, mettez le mot ou les mots entre guillemets [exemple : "mot"]. Cette méthode vaut également pour tous les moteurs de recherche sur internet.