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1652 - Brouage dans la lutte pour le contrôle des ports pendant la Fronde

Deux récits du même évènement, bien différents.

lundi 12 juin 2023, par Pierre, 97 visites.

La Fronde (1648-1653) est une période de troubles graves qui frappent le royaume de France, alors en pleine guerre contre l’Espagne (1635-1659), pendant la minorité du roi Louis XIV (1643-1651).
En 1652, la Saintonge et l’Angoumois sont le théâtre d’une lutte armée qui oppose les partisans de Mazarin à ceux du prince de Condé.
Les ports de La Rochelle et Brouage sont concernés par cette lutte.

Deux récits imprimés en 1652 livrent des versions bien différentes d’une bataille navale (août 1652) autour du port de Brouage.
Le premier décrit une brillante victoire du Comte du Dognon, gouverneur de Brouage. Le second raconte l’échec du duc de Vendôme lors de ce siège, passe rapidement sur l’aspect militaire de l’évènement et se pert en vagues considérations géopolitiques.

Sources
- Récit 1
- Récit 2

Voir les autres évènements de l’année 1652 en Saintonge

Le Cardinal Mazarin
Le Grand Condé
Personnages cités

Du parti de Mazarin : Le Baron d’Estissac gouverneur de La Rochelle, le Duc de Vendôme,
Du parti adverse : le Comte du Dognon gouverneur de Brouage, le Baron de S. Germain Beaupré

Récit N° 1 : Relation véritable de la deffaite de l’Armée Navalle Mazarine, prés Brouage, par le Comte du Dognon.
Ensemble : Liste des morts & prisonniers : Avec la prise du butin & de dix vaisseaux & six galliottes coulez à fonds.

A PARIS, Chez Louys Hardouin, rue S. Victor
M. DC. LII. avec Permission

RELATION VERITABLE de la Défaite de l’Armée Navalle Mazarine prés Broüage, par le Comte du Dognon : Ensemble la liste des morts & prisonniers ; Avec la prise du butin, de dix vaisseaux & six galliottes coulez à fonds.

Le Comte du Dognon Gouverneur de Broüage, ayant en cette guerre de Guienne pris le party de Monsieur le Prince de Condé, & pour cet effet encouru la haine du Cardinal Mazarin, qui a grande envie de le perdre, afin d’avoir ce port de Broüage, l’un des meilleurs qui soient en France, & que ce Comte a grandement fortifié & muny de quantité de vaisseaux, de galliotes & canons pour le conserver, ce qui lui couste plus de deux millions de livres.

Ce commun ennemi pour exécuter sa mauvaise intention, a envoyé ordre au Baron d’Estissac Gouverneur de la Rochelle, qui lui est très affidé, de faire la guerre au Comte du Dognon, & d’armer tout ce qu’il pourra de vaisseaux pour blocquer le port de Broüage.

Auquel dessein, le Duc de Vendosme à fait équiper quantité de navires & de galliotes en Bretagne pour envoyer audit Baron d’Estissac avec quelques soldats, selon que ce.Cardinal lui avoit ordonné, afin d’assaillir plus puissamment ledit Comte du Dognon.

Lequel Comte pour se deffendre a fait venir douze cens hommes de l’isle d’Oleron, en laquelle il commande, qu’il a mis partie dans ses vaisseaux, & partie dans les Forts qui deffendent ce port de Broüage.

Le Baron de S. Germain Beaupré, ci-devant Gouverneur de la Marche s’est rendu à Broüage avec cent cinquante Cavaliers, pour assister le Comte du Dognon, contre les Mazarins.

Lequel a fait armer douze navires de guerre & six galliottes de quantité de canons, de munitions & de soldats, bien resolus de se battre.

Le Baron d’Estissac ayant receu cette flotte de vaisseaux au nombre de huict, & cinq galliottes que le Duc de Vendosme lui a envoyez, il a fait une armée navalle de seize vaisseaux de guerre, de neuf galliottes & quantité de chalouppes, traversiers [1] & hilibets [2], & mis quinze cens hommes dessus, lequel s’estant embarqué le 6. luillet dernier au port de la Rochelle, fit voile vers Broüage en intention de blocquer le port, & de battre les Forts.

Mais le Comte du Dognon ayant fait munir ces forts de quantité de canons & de soldats, sortit du port avec sa flotte armée, accompagné dudit Baron de S. Germain Beaupré, de quarante Gentils-hommes & d’environ mille bons soldats outre les Matelots, se met en estat de recevoir cette flotte Mazarine & de combattre le Baron d’Estissac, lequel ayant envoyé quatre galliottes contre la flotte du Comte pour commencer le combat, elles furent canonnées de tous costez, de sorte que deux ayans esté coulez à fond par celles du Comte du Dognon. Ce Baron dépité fît avancer sa flotte vers la plage du port. Le Comte les laissa approcher au dessous des Forts qui la canonnerent avec tant de furie, qu’ayant rompu par les boullets deux vaisseaux, le Baron d’Estissac fut contraint de prendre le large & se retirer.

Ce fut alors que le Comte du Dognon fit avancer sa flotte où il estoit, & fit singler contre celle des Mazarins : Aux approches les canonnades de part & d’autre tirèrent avec tant de chaleur que la perte des soldats fut grandes mais trois grand vaisseaux du Comte du Dognon ayant abordé l’Admirai Mazarin, l’accrocherent.& tuèrent les soldats qui y estoient, ceux du Comte entrent dedans, se saisissent du Gouvernail, & font prisonniers l’Admiral & une vingtaine d’Officiers.

En suite les deux flottes s’avancerent, le combat fut fort rude, on ne voyoit que feux & fumée, la mer retentissoit du bruit des canonnades qui se tiroient de part & d’autre, dont aucuns mirent le feu en trois vaisseaux du Baron d’Estissac, qui furent entièrement bruslez, quatre autres apres avoir esté longtemps canonnez furent coulez à fonds : de sorte que de cette flotte Mazarine, de seize vaisseaux de guerre & de neuf galliottes, dix vaisseaux & six galliottes furent coulez à fonds, & partie pris & emmenez à Broüage, le reste se retira vers la Rochelle tres-mal menez avec la perte de plus de huict cens hommes tant tuez que prisonniers, entre Iesquels de ceux qui furent tuez, il y avoit,
- Dix Capitaines de Marine,
- Quatorze Lieutenants,
- Sept Ingénieurs,
- Quatre Patrons,

Et entre les prisonniers
- Un Lieutenant du Baron d’Estissac.
- Trois Capitaines de Marine.
- Vingt-six Gentils-hommes, & autres Officiers.

Le Combat dura trois heures entières. Les soldats du Comte du Dognon ont fait butin de plus de deux cens mille livres, tant en argent monnoyé qu’en habits, vaisselle d’argent, armes & autres dépouilles de grand prix, sans y avoir perdu que trois Capitaines, huict Gentil-hommes, & environ quatre-vingts soldats, deux vaisseaux coulez a fonds, les autres retournèrent riches sains & sauves à Broüage victorieux de leurs ennemis, qui ne sont plus en estat d’aller assaillir le port, a moins que d‘y acquérir de la honte & y laisser les meilleurs hommes qu’ils y meneroient.

Cette victoire a rendu le Comte du Dognon glorieux & estimé, n’ayant voulu profiter du butin des ennemis, qu’il abandonna aux soldats, afin de les encourager à bien faire, & bien servir en d’autres occasions lors qu’elles s presenteront.

FIN.


Récit N° 2 : Relation véritable de ce qui s’est passé à la levée du Siege de Broüage, que le Duc de Vendosme y avoit mis.
Envoyée à Monsieur le Prince, par le Comte du Dognon.
Ensemble la prise d’un vaisseau & de trois Galliottes, par le sieur de S. Germain Beau­pré, & d’un autre coulé à fonds.

A Paris chez Samuel de Larry, prés S. Estienne. M. DC. LII
Avec Permission

RELATION DE CE Qui s’est passé à la levée du Siège de Brouage que le Duc de Vendosme y avoit mis : Envoyée à Monsieur le Prince de Conty par le Comte du Dognon. Ensemble la prise d‘un Vaisseau & de trois Galliottes, par le Sieur de S. Germain Beau­pré & d’un autre coulé à fonds.

Monseigneur

Ayant sceu par le Gentil-homme envoyé de la part de vostre Altesse : le désir qu’aviez d’apprendre l’estat du Siege de Broüage : Je me suis trouvé obligé, pour vostre contentement, de satisfaire aux Commandemens, dont il vous a pleu m’honnorer : De vous faire entendre que depuis le combat fait devant Oleron, le 22. Aoust dernier, à l’arrivée de la flotte du Duc de Vendosme, où j’eus un de mes vaisseaux percé de canonnades, puis coulé à fonds, qui est la perte que j’y ay faite mais en revanche Monsieur de S. Germain Beaupré mon frère, Gouverneur de la Marche, mit le feu dans trois de leurs Galliottes, & prit un vaisseau armé de trente canons de fonte verte, & de soixante soldats qu’il amena au Port de Broüage, le Duc de Vendosme s’estoit avancé entre la Rochelle & Broüage, à dessein de l’assieger, ou du moins de gaigner quelques Forts que i’ay faits construire dans une isle prés d’icy, où il a perdu, quantité d’hommes, qui ont esté tuez par ceux que j’avois laissez à la garde de ces Forts, ce qui le fit retirer.

Du depuis avant esté renforcé de trois vaisseaux de la Rochelle, que le Baron d’Estissac luy envoya ; il fit avancer sa flotte plus près de Broüage, prétendant s’emparer d’un terrain à demy quart de lieue du Port, afin d’empescher l’entrée & la sortie de mes vaisseaux : mais il en fut repoussé par ceux de la garnison d’une Tour bastie sur ce terrain, qui tirerent plusieurs coups de fauconneaux [3] sur ses vaisseaux, & le forcèrent de quitter cette entreprise.

Finalement le Duc de Vendosme à receu ordre de la Cour, par lequel luy est commandé de lever le siège qu’il avoit mis en deux endroits du Port de Broüage, & d’aller avec sa flotte, secourir la ville de Dunquerque, pressée par l’armée de l’Archi Duc Léopold, la garnison estant réduite à huict onces de pain par iour, pour leur avoir esté retranché par le sieur de l’Estrade qui commande en la Place.

Et comme nous eusmes advis de cet ordre envoyé au Duc de Vendosme, & qu’il estoit résolu de quitter ce siege, ou plutost forme de blocus d’un seul costé ; je fis avancer le sieur de S. Germain Beaupré mon frère, avec les six vaisseaux qui estoient aux costes d’Oleron, vers la Rade dc l’isle de Ré où devoit passer la flotte du Duc de Vendosme, pour aller à Dunquerque, ce qu’il fit. Cette flotte approchant cette Rade de l’isle de Ré, ledit sieur de S. Germain Beaupré envoya trois brûlots, qui firent feu, & brùlèrent un grand vaisseaux de trois chalouppes qui y estoient attachées, où il y eut plus de cinquante hommes partie bruslez & noyez, perte estimee à plus de cinquante mille livres, & ainsi le Duc de Vendosme, n’a pas eu beaucoup d’honneur à cette entreprise du siege de Broüage, & est croyable que le mauvais traittement qu’il a receu, & les pertes qu’il a faites, ne feront point envie à d’autres, de venir assieger ce Port, que j’ay mis en très-bon estat.

J’ay appris par le Gentil-homme que vostre Altesse m’a envoyé, l’estat auquel se trouve à present la Guyenne depuis le partement du Comte d’Harcourt pour son voyage de Brissac après estre venu complimenter Monsieur le Prince de Conty à la Reole, demeura avec luy prés de deux heures : il laissa l’armée qu’il commandoit, d’environ six mille hommes, au Marquis de S. Luc, jusques à l’arrivée du Marquis de la Force, mandé en Cour, auquel le Roy a donné la Charge de General de cette Armée, avec un Brevet de Mareschal de France.

Pour l’armée de son Altesse, qui est d’environ sept mille hommes en Périgord & en Armagnac, depuis le partement du Comte d’Harcourt, à pris trois Villes, & défait quelques cent cinquante soldats au Marquis de S. Luc, près SarIat, qui alloient au fourage. Son Altesse est à présent à Libourne, attendant ce que feront le Marquis de Marfin & le Colonel Balthazar, qui sont allez aux trousses du Marquis de S. Luc.

Dans Bordeaux, le Parlement est fort bien avec le peuple & les Jurats : ceux de Lormiere ayans sceu que les Espagnols, qui sont à Bourg sur la Mer, à cinq lieues de Bordeaux, y faisoient construire des Forts, pour se maintenir sur l’emboucheure de la Dordogne, & que ces Forts empescheroient l’embarquement de leurs vaisseaux de marchandises, qui viennent par mer sur cette riviere à Bordeaux, avoient pris resolution d’armer & de sortir pour rompre ce dessein des Espagnols en la construction de ces Forts : mais ayans sceu que ces Forts estoient parachevez, en deffense & bien gardez, ils n’ont pas poursuivy leur resolution : joint la parole que Monsieur le Prince de Conty leur a donnée, qu’il feroit en sorte que ces Forts n’empescheroient point le passage de leurs vaisseaux ny leur commerce.

Neantmoins, on juge bien du dessein des Espagnols, qui est de se maintenir dans Bourg, en s’y fortifiant comme ils font : en sorte qu’il seroit difficile de les faire desemparer de cette place maritime que par une paix generale, qui leur donne entrée libre dans la Guyenne, & le moyen de recevoir par mer leurs commoditez d’Espagne.

FIN


[1Traversier : bateau pêcheur, ordinairement d’une bonne marche, fort en usage sur les côtes d’ouest de la France.
Des bois propres au service des arsenaux de la marine et de ... Pierre Étienne Herbin de Halle · 1813

[2Définition inconnue

[3Le fauconneau ou bombarde allongée est une pièce d’artillerie légère de 6 à 7 pieds (environ 2 m), qui a deux pouces de diamètre (calibre 5,08 cm) et dont le boulet pèse 1 livre à 1,5 livre (de 453 g à 700 g).
Il fut utilisé du xvie au xixe siècle, notamment par les Français et les Espagnols, aussi bien sur terre que sur mer.
Leurs noms se rapportent au faucon et à son petit.

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