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1666 - 1854 - Notice sur l’histoire de Rochefort (Charente-Maritime)

jeudi 20 février 2014, par Pierre, 10136 visites.

De 1668 à 1854, nous parcourons les grandes étapes du développement de la ville de Rochefort, et les épisodes de l’histoire maritime auxquels elle a participé. L’auteur, inspecteur de la Marine, développe avec de nombreux détails ce qui a fait l’essentiel de la célébrité de la ville.

Sommaire

Historique du château de Rochefort. - Première pensée du développement de la marine en France - Louis XIV arrête la fondation d’un nouveau port. - Avantages que présentait l‘emplacement du château de Rochefort. - Fondation de Rochefort en mai 1666. - État du port en 1668. - Constructions navales. - Guerre contre la Hollande (1672). - Tentative de l’amiral Tromp contre Rochefort (1674). - Epidémies. — Construction d‘un hôpital (1673). - Voyage de Vauban (1681). - Origine des écoles navales. - Travaux de défense pour couvrir Rochefort. - Expédition de lord Barcklay. - Fondation de l’hospice des orphelines de la marine (1693). - Guerre de la succession d’Espagne. - Nouvelle tentative contre Rochefort (1703). - Mort de M. Bégon (1710). - Création de l’école de chirurgie. - Hospice civil Saint-Charles. - Voyage de M. de Maurepas (1727). - Guerre de la succession d’Autriche. - Incendie dans l’arsenal (1756). - Nouvelle expédition contre Rochefort par l’amiral Hawke. Prise de l’île d’Aix. - Établissement d’une conduite d’eau potable (1754). - Création du bagne (1765). - Visites successives de l’empereur Joseph II, du comte d’Artois et du marquis de Lafayette. - Fondation de l’hôpital de la marine (1785). - Création d’un abattoir (1782). - Révolution française (1789). - Expédition d’Irlande (an VII) - Expédition de Saint-Domingue (1801). - Visite de l’Empereur (1808). - Affaire des brûlots (avril 1809). - Affaire des péniches (1810). - M. Cochon-Duvivier. - M. Hubert. - Arrivée de Napoléon à Rochefort. - Son embarquement sur le Bellérophon (1815). - Prise d’Alger – Saint-Jean-d’Ulloa (1838). - Mogador et Tanger (1854). - Guerre de Crimée (1854). - Expédition de Chine et prise de Simonosaki. - Puits artésiens.

Source : Rochefort - M. Bouchet, inspecteur adjoint de la Marine - Paris - Google Livres

Rochefort [1]

Nota. La présente notice a été rédigée sur des documents puisés aux archives et aux bibliothèques, dans l’ouvrage du P. Théodore de Blois, un article de H. Lesson, la Statistique de la Charente-Inférieure, par Gauthier, principalement dans l’excellente Histoire de Rochefort, de MM. Viaud et Fleury, et d’après les renseignements qui nous ont été fournis avec une extrême obligeance par les différents services du port et le génie militaire. (Note de l’auteur.)
Les planches qui accompagnent cette notice sont extraites de l’Illustration.

Les villes, non moins que les familles, tiennent à grand honneur de voir leur origine remonter à des époques reculées ; elles aiment, avec le secours de la science des paléographes et des archéologues, à rattacher aux gloires d’un autre âge un présent souvent effacé. Ce sentiment de la solidarité des générations est trop universel et a une trop grande valeur morale pour n’être pas légitime ; mais l’ancienneté d’origine n’est pas la seule mesure de l’illustration, et une participation glorieuse à des événements importants peut inscrire un nom nouveau parmi les noms qu‘a consacrés l‘histoire. A ce titre, Rochefort peut justement prétendre à figurer dans les annales de son pays.
L’ancien château de Rochefort, dont le nom (Rocafortis) s’est transmis à la ville actuelle, avait été construit probablement pour opposer une barrière aux incursions des pirates qui dévastaient les provinces de l‘Aunis et de l’Angoumois ; mais, au lieu de s’élever, comme son nom semble l’indiquer, sur quelque roc abrupt battu par la mer et les vents, il était moins poétiquement assis près des bords marécageux de la Charente. Cependant, s’il n’existe sur ce point aucune roche élevée qui frappe les regards, ainsi que nous en avons souvent entendu faire la remarque, le nom de Rochefort n’en est pas moins justifié par la nature du terrain sur lequel était construit l’ancien château.

En effet, toute cette côte était occupée autrefois par un archipel qu’il est possible de reconstruire par la pensée au moyen des cartes de Peutinger, de Cassini, de l’état-major et de la carte géologique de la Charente-Inférieure, de M. Manès, ingénieur en chef des ponts et chaussées.

Les îlots nombreux et parfois de quelque étendue qui formaient cet archipel, se sont rattachés peu à peu au continent par suite des atterrissements successifs de la mer, atterrissements que l’on croit pouvoir faire remonter au VIe siècle, et c‘est sur un de ces îlots qu’était bâti le château de Rochefort [2].

Cette roche, de la formation des grès verts, est occupée, aujourd’hui par la partie Nord du port et de la ville, et présente une pente qui, de la cote 8 à la porte du Soleil, s’élève à la cote 16 vers l’hôpital de la marine, en se dirigeant vers le Nord.

Quant aux terrains marécageux qui enveloppaient les îlots dont nous venons de parler et qui avaient été produits par les alluvions, ils ont commencé à être desséchés dès les premières années du XVIIe siècle, par suite de l’édit de 1599, qui accordait au sieur Humphray Bradelay de Berg-op-Zoom « la juste moitié de tous les palus et marais qu’il dessécherait. »

Le P. Théodore de Blois, tout en reconnaissant que l’exergue (Rupifortium) de la médaille commémorative de la fondation de la ville est justifié par la base rocheuse sur laquelle elle fut construite, ajoute que les noms de Châtel, Roche, Guy, Mont, etc., étaient attribués autrefois à la résidence de tout seigneur ayant haute et basse justice, et que celui de Rochefort se trouvait dans ce cas.

Les documents les plus anciens qui nous soient parvenus sur ce château portent la date du XIe siècle ; mais l’importance qu’il avait dès lors autorise à en faire remonter la construction à une époque beaucoup plus reculée.

Historique du château de Rochefort.

En 1303, Philippe le Bel l’incorpora à la couronne ; soixante ans plus tard, étant tombé entre les mains des Anglais, il fut repris par Guichard d’Angles, à qui le roi Jean en fit don ; le traité de Brétigny le restitua, il est vrai, au prince de Galles ; mais cette clause ne fut pas exécutée. Son rôle fut très-secondaire jusqu‘au XVIe siècle ; il devint alors une position utilitaire importante dans les guerres de religion dont la Saintonge fut le théâtre. En 1570, il fut défendu avec succès contre les troupes royales par le prince de Soubise qui s’y était renfermé : en 1573, il céda à une nouvelle attaque et retomba dès l’année suivante au pouvoir des réformés. Perdu et reconquis plusieurs fois par les deux partis, il dut être rasé par ordre de Henri III ; mais cet ordre ne fut pas exécuté, et le château joua encore un rôle considérable pendant l’insurrection qui éclata en Aquitaine à l’occasion du mariage de Louis XIII avec Anne d‘Autriche. Occupé en 1616 par les Rochelais, il fut évacué peu après et revint aux mains d’Adrien de Lozeré, à qui il avait été cédé en 1599. Son dernier propriétaire, le sieur de Cheusses, en fut dépossédé en 1660 avec promesse d’indemnité ; mais l’état du trésor n’avait pas encore permis d’effectuer ce payement lorsque la révocation de l’édit de Nantes força le sieur de Cheusses de s’expatrier, et le remboursement n’eut jamais lieu.

Une particularité relative à ce château, c’est qu’il est impossible de déterminer l’époque où il a disparu : l’importance de sa position militaire l’exposa à tant d’attaques qu’il fut démoli peu à peu sans que ses propriétaires pussent le faire réparer, et il est à croire qu’au moment de la fondation de l’arsenal il était déjà en grande partie ruiné : on n’avait aucun motif pour le rétablir, et le marteau compléta bientôt l’œuvre de destruction commencée par les siècles et par la guerre, sans que cette disparition ait laissé aucun souvenir. Il n’en reste aujourd’hui qu‘un mur du corps de garde de la porte du Soleil et un mur du pavillon occupé par les bureaux du commissaire général.

L’histoire de la marine française pendant les siècles qui ont précédé le règne de Louis XIV, n’avait pas été sans éclat. Au XIVe siècle, Jean de Vienne, qui, le premier, porta le titre d’amiral de France, fit une invasion en Angleterre et y exerça des ravages ; au XVe siècle, les trois grands maîtres de l’ordre de Jérusalem, Foulques de Villaret, Jean de Lastic, Pierre d’Aubusson, le capitaine Polain et le chevalier Pol figurèrent avec honneur dans nos fastes militaires ; sous le règne de Louis XIII, Escoubleau de Sourdis, archevêque de Bordeaux, se plaça au premier rang de nos hommes de mer par sa participation brillante à l’expédition d’Italie et à la reprise des îles de Sainte-Marguerite, ainsi que par la victoire de Guateria ou Gatari, qu’il remporta en 1638 sur les forces navales de l’Espagne.

Cependant, quelques individualités brillantes, quelques épisodes glorieux ne constituaient pas un état maritime permanent, digne de la haute position que la France occupait dès lors, et, selon l‘expression de Mézeray, « les Français estimaient plus un cheval qu‘un vaisseau. »

A l’époque des croisades, la France avait dû emprunter à l’Italie la plus grande partie des bâtiments qui transportèrent ses troupes en Terre-Sainte ; plus tard et jusqu’au règne de Charles VIII, les rois de France avaient eu à combattre sur leur propre territoire, soit pour repousser les invasions des Anglais, soit contre leurs grands feudataires révoltés. A partir de cette époque, les Pays-Bas, l’Allemagne et l’Italie devinrent le théâtre de nos luttes contre l’Espagne et la maison d’Autriche ; la marine n’y joua qu’un rôle très-secondaire et ne parait pas avoir tenu beaucoup de place dans les préoccupations de nos gouvernants.

Première pensée du développement de la marine en France

Henri IV et Richelieu comprirent mieux l’importance de cet élément de notre puissance nationale et lui donnèrent une première impulsion. Les considérations de politique générale qui avaient guidé ces deux grands esprits ne pouvaient pas rester étrangères à Colbert et auraient suffi pour le faire marcher dans cette voie ; en outre, ce ministre avait pour principal objectif, pour préoccupation dominante, le développement du commerce, et il savait, par l’histoire de Gênes, de Venise, de l’Angleterre et de la Hollande, que la protection d’une marine militaire importante peut seule donner à un grand commerce maritime la sécurité qui lui est nécessaire. Il s’occupa, dès les premières années de son laborieux et fécond ministère, de rendre la marine digne du grand roi qu’il servait.

Louis XIV arrête la fondation d’un nouveau port.

Brest étant à cette époque le seul port que la France possédât sur l’Océan et devenant insuffisant pour la réalisation des nouveaux projets, la création d’un second port fut arrêtée en principe et l’on s’occupa d’en déterminer l‘emplacement. Le voisinage de la Charente présentait des ressources de diverse nature, et la pensée paraît s’être portée dès l’abord sur les rives de ce fleuve ; toutefois, des études furent faites sur les bords de la Seudre, où M. le duc de Beaufort avait armé récemment une flotte, et à Brouage, ville fortifiée de quelque importance, située à peu de distance de l’embouchure de cette rivière et à 3 kilomètres du littoral. Les inconvénients que ces études firent reconnaître ramenèrent à l’inspiration première ; mais ce ne fut pas sans bien des tâtonnements que l’on parvint à déterminer le point des rives de la Charente où devait être créé le nouveau port : Soubise, petite ville située à 5 kilomètres et demi en aval de Rochefort, avait d‘abord fixé l’attention ; on dut y renoncer en présence du refus du duc de Rohan de vendre cette terre patrimoniale. Une difficulté analogue ne permit pas de choisir Tonnay-Charente qui appartenait au duc de Mortemart et où des constructions et des armements avaient déjà eu lieu.

Après toutes ces tentatives infructueuses, on s’arrêta à la châtellenie de Rochefort, qui, ayant appartenu jadis à la couronne, était a ce titre rachetable à perpétuité.
Avantages que présentait l‘emplacement du château de Rochefort.

Assis au centre d’un riche bassin, Rochefort pouvait s‘alimenter rapidement de tous les approvisionnements nécessaires à la marine : les blés, les farines, les légumes lui étaient fournis par la Vendée, le Poitou, la Bretagne et la Saintonge. Cette dernière province, ainsi que le Bordelais et l’Angoumois, produisaient en abondance les vins et les eaux-de-vie. Grâce au cours de la Charente et au voisinage de la Loire et de la Garonne, il devait recevoir à peu de frais les chanvres de l’Auvergne, les toiles à voiles de l’Anjou, les fers et les cuivres du Languedoc et de la Nièvre, les bois de construction des bassins forestiers arrosés par ces fleuves ; il trouvait à Marennes et a Brouage le sel nécessaire à la préparation des bœufs et des porcs que lui envoyaient l’Aunis, la Saintonge, le Limousin et le Périgord.

Le fleuve était profond, même à marée basse ; la rade de l’île d’Aix, à laquelle il aboutissait, était accessible par trois passages : le pertuis Breton, le pertuis d’Antioche et le pertuis de Maumusson ; la tenue y était bonne, et les îles d’Aix, de Ré et d’Oléron lui constituaient des défenses naturelles faciles à compléter. Enfin, son éloignement de la mer, en le mettant à l’abri d‘un bombardement, permettait d’y établir en toute sécurité de nombreuses cales de construction et lui assignait ainsi un caractère spécial. Ces importants avantages furent appréciés par Colbert et fixèrent son choix.

Fondation de Rochefort en mai 1666.

Le conseil du roi ayant choisi Rochefort pour y fonder le nouveau port de guerre, Colbert confia cette mission importante à M. Colbert de Terron, son parent, intendant de la province. Cet administrateur appela près de lui des ingénieurs distingués, entre autres Blondel et le chevalier de Clerville, et après avoir élaboré avec eux les bases du travail qu’ils devaient entreprendre, il prit possession de Rochefort au mois de mai 1666. Une médaille qui existe à la municipalité rappelle cette prise de possession [3]. On appela sans retard des ouvriers de diverses professions auxquels on accorda des terrains et qui formèrent le noyau de la nouvelle ville.

Les premières dispositions à prendre étaient le dessèchement des marais, le défrichement de la garenne du château. Ces travaux furent poussés avec une telle activité que l’on put bientôt tracer sur le sol transformé les plans des établissements les plus urgents, et que le duc de Beaufort y vint désarmer une partie de sa flotte le 15 novembre suivant.

État du port en 1668.

Deux années à peine s’étaient écoulées, et Rochefort pouvait déjà prétendre à jouer un rôle utile et à compter parmi nos éléments de force nationale. L’arsenal, établi sur la rive droite de la Charente, dont elle enveloppait un des coudes. se divisait en trois parties bien distinctes : la première comprenait, au Sud, à partir de l’avant-garde, la mâture, la tonnellerie, les forges, divers magasins, le magasin général et s’arrêtait au chenal dit du Parc ou de la Cloche.

Au delà de ce chenal, dont la rive gauche avait été abandonnée au commerce, se trouvait un vaste espace planté, appelé le Parc, et ce qui restait de l’ancien château seigneurial ; à l’extrémité du parc s’élevaient la corderie et le magasin des colonies.

Enfin, des chantiers de construction et de radoub formaient la troisième partie, qui était séparée du parc par un terrain vague dans lequel fut creusé en 1673 le chenal affecté au service des vivres et devenu de nos jours chenal du port marchand.

Une importante fonderie de canons fut construite à la même époque dans l’enceinte de la ville, mais en dehors du périmètre du port.

Tous ces travaux reçurent l’approbation de Colbert, qui , en 1669, vint juger par lui-même de l’état du nouvel établissement maritime qu‘il venait de créer.

Constructions navales.

Les constructions navales marchaient avec une égale activité, et de 1666 à 1678, Rochefort mit à l’eau les vaisseaux le Saint—Louis, l’Invincible, l’Illustre, le Belliqueux, le Foudroyant, le Superbe, l’0rgueilleux, le Fendant, le Victorieux, le Souverain, l’Intrépide, le Fort, le Rubis, le Galant, le Marquis, le Hasardeux, le Faucon, le Lion, le Hardi, l’Emérillon, les Jeux, la Perle, l‘Hirondelle, le Dauphin, des brigantins. des brûlots et un grand nombre de navires de moindre importance.

Guerre contre la Hollande (1672).

Le traité d’Aix-la-Chapelle avait donné à l’Europe quelques années de calme ; la fierté blessée de Louis XIV et certains intérêts commerciaux rallumèrent la guerre avec la Hollande en 1672, et la France se plaça, à partir de ce jour, à la tête des grandes puissances maritimes.

Rochefort joua un rôle important dans cette guerre par le grand nombre de vaisseaux qui y furent construits et des armements qui s’y effectuèrent. Ce port, qui ne comptait que quelques années d’existence, eut l’heureuse et singulière fortune de voir les premiers vaisseaux sortis de ses chantiers recevoir le baptême du feu dans de brillants combats sous les chefs et contre les ennemis les plus illustres. L’Orgueilleux et le Foudroyant prirent part aux luttes de d’Estrées contre Ruyter sur les côtes de Hollande et accompagnèrent plus tard d’Estrées à la Guyane et aux Antilles, où le combat de Tabago ajouta à nos fastes militaires une page glorieuse. D’autres vaisseaux de Rochefort, parmi lesquels on peut citer le Fendant, le Marquis, le Vermandois, l’lntrépide, assistèrent dans la Méditerranée aux combats plus célèbres encore du Stromboli, du mont Gibel, de Palerme, luttes mémorables où Duquesne et Trouville, vainqueurs de l’illustre Ruyter, élevèrent la marine française au plus haut degré de gloire qu’elle ait peut-être jamais atteint.

Tentative de l’amiral Tromp contre Rochefort (1674).

Pendant que notre nouvel arsenal justifiait par ses services la pensée de son fondateur, son existence était gravement menacée ; le rapide développement qu’il avait pris en si peu d’années et l’importance de sa position militaire avaient ému les Hollandais, qui résolurent de le détruire et chargèrent l’amiral Tromp de cette expédition. Le projet avait été fort heureusement divulgué et des dispositions furent prises pour résister à cette attaque. L’arsenal ne possédant aucune force navale qu’on pût opposer à l’ennemi, des travaux défensifs furent entrepris de tous côtés. M. de Gadagne, gouverneur de la Rochelle, fit construire de forts retranchements sur toute la côte de Fouras ; M. de Clerville fortifia divers points de l’île d’Oléron qui était placée sous son commandement ; M. de Carnavalet en fit autant au Chapus dans le pertuis de Maumusson ; Colbert de Terron fit bâtir le fort la Pointe à l’embouchure de la Charente, le fort du Vergeroux un peu plus haut, et l’on plaça à mi-distance entre ces deux points une estacade composée de mâts de vaisseaux et de chaînes, défendue à chaque extrémité par des batteries. Des défenses furent également construites à l’île Madame, et l’on établit en outre au Vergeroux un camp de six cents hommes, commandé par le marquis d‘Almeiras, de Grancey et Chasteau-Renaut. Cette expédition était tellement menaçante pour l’Aunis et la Saintonge, que les populations, les milices bourgeoises et la noblesse accoururent de toutes parts pour offrir leur concours.

La flotte hollandaise, forte de soixante-douze voiles, parut le 4 juillet devant l’île de Ré ; mais l’attitude de la population et les dispositions qui avaient été prises ne permettant pas de tenter une descente, l‘amiral Tromp se retira pour se diriger vers la Charente. Là, il fut accueilli par des forces plus imposantes encore que celles qu’il avait rencontrées à l’île de Ré : pas un point sans défense, partout de l’artillerie, des troupes et les populations en armes ; il fallut renoncer à cette entreprise qui tenait tant à cœur au célèbre amiral hollandais. Humilié et irrité, Tromp se vengea de cet échec en allant ravager l’île de Noirmoutiers qui était sans défense. Telles furent l’origine et l’occasion des premières fortifications un peu sérieuses de l’embouchure de la Charente.

Peu de temps après, le traité de Nimègue mit fin aux hostilités.

Epidémies. — Construction d‘un hôpital (1673).

Au développement si rapide du nouveau port avait correspondu un développement parallèle de la cité, qui comptait déjà plusieurs milliers d’âmes. Cette agglomération, improvisée sur un terrain à peine raffermi, incessamment bouleversé par des constructions nouvelles et entouré de marécages, n‘avait pu échapper aux influences morbides qui l’enveloppaient et qu’aggravaient encore les privations d’une partie de la population ; deux épidémies presque consécutives sévirent contre Rochefort et firent comprendre la nécessité de construire un hôpital, qui fut inauguré en 1673.

Peu de temps après les événements que nous venons de raconter, M. Colbert de Terron, dont la santé était fort altérée,fut remplacé par M. de Muin. En 1666, quand cet administrateur habile et intègre était arrivé à Rochefort, il n’y avait trouvé qu’une plaine marécageuse et quelques cabanes de pêcheurs ; lorsqu’il se retira, huit ans après, il avait doté la France d’une ville nouvelle et d’un arsenal important. Son intelligence, son active sollicitude, sa bonté l’avaient rendu cher aux habitants.

Lorsque M. de Muin entra en fonctions, l‘émotion causée par l‘expédition de Tromp n’était pas encore dissipée, et cet intendant, se préoccupant de la possibilité d’une attaque par terre, entoure la ville de fortifications qui faisaient partie du projet primitif de l’ingénieur de Clerville, mais que Colbert n’avait pas voulu construire, pour éviter un partage d’autorité avec le ministre de la guerre.

Voyage de Vauban (1681).

Le maréchal de Vauban, dans un voyage qu’il fit à Rochefort en 1681, eut la pensée de rectifier les irrégularités de cette enceinte, de creuser sur la rive gauche, dans la prairie de Rhosne, un vaste bassin demi-circulaire et de l‘entourer de murs. Ce projet n’eut pas de suites.

Origine des écoles navales.

Ce fut vers cette époque que fut fondée, à Rochefort, la première école de jeunes gens destinés a la marine et qui se recrutait exclusivement dans la noblesse. Ils s’appelèrent d‘abord les Cajacs, du nom de leur chef, le sire de Cajac, puis les Vermandois, nom d’un amiral, fils légitimé de France.

Licenciés au bout de quelques années pour cause d’indiscipline, ils furent rétablis en 1683 sous le nom de Gardes de la marine et répartis entre Rochefort, Brest et Toulon [4].

Cette institution fut modifiée plusieurs fois : en 1791, en 1795, en 1810, et devint, sous la Restauration, une école unique, située à Angoulême, que le gouvernement de 1830 transporta en rade de Brest, où elle existe aujourd’hui.

Le mécontentement de Colbert, en apprenant que M. de Muin avait fait construire les fortifications qu’il avait refusées peu d’années auparavant, compromit un instant l’existence de Rochefort, et il fut question de transporter au Vergeroux le nouvel établissement maritime. M. Arnoul, successeur de M. de Muin, conjura ce danger, qui est constaté par le passage suivant des mémoires de l’ingénieur Masse : « Il s’en fallut de bien peu qu’en 1684 le port de la marine ne fût transporté à la fosse du Vergeroux ; les fonds étaient déjà faits pour y bâtir une forme ou bassin à radouber les vaisseaux, et j’ai aidé à le tracer ; mais M. Arnoul para le coup. Comme il était grand partisan de la maison de Colbert, il fit entendre à M. de Seignelay que ce serait ternir la mémoire de son père et celle de M. Colbert de Terron, ancien intendant à Rochefort, ce qui fit révoquer cet ordre.)

Cet intendant fit construire, en 1688, la première caserne, appelée caserne Martrou. Son administration ne se signala par aucune autre création ni aucun événement important, et il remit, au mois de septembre de cette même année, la direction du nouveau port aux mains de M. Bégon.

La révolution qui avait placé Guillaume d’0range sur le trône de la Grande-Bretagne venait de rallumer la guerre, et notre marine eut bientôt à lutter contre l’Angleterre et la Hollande. Rochefort construisit et arma un grand nombre de bâtiments, dont plusieurs firent partie de la flotte commandée par Chasteau-Renaut, et dont quelques autres contribuèrent à la victoire remportée en mars 1690, par Tourville, sur les forces anglo-bataves.

La forêt de Rochefort, qui s’étendait du point occupé actuellement par l’hôpital de la marine jusqu’au village de Marseille, et d’un autre côté jusqu’au Breuil de Magné, fut mise à contribution pour les constructions navales, et ce qui ne fut pas employé à cet usage fut vendu.

Travaux de défense pour couvrir Rochefort. - Expédition de lord Barcklay.

On travailla activement aux fortifications de la ville ; la Rochelle, l’île de Ré, l’île d’Aix, l’île d’Oléron, le Chapus, Brouage, boulevards naturels de Rochefort, furent mis en état de défense, et le port put braver une seconde fois les menaces de l’escadre anglaise, qui, sous les ordres de lord Barcklay, vint assiéger l’île de Ré et n’osa pas s‘aventurer au delà.

C’est à cette époque que remonte l’échouage du vaisseau le Fougueux, commandé par M. de Sainte-Maure, sur le rocher du Vergeroux, où sa coque est encore coulée.

La guerre continuait : le port de Rochefort fournit son contingent à la flotte de Tourville et participa à ses insuccès et à ses triomphes. Il arma également un grand nombre de bâtiments pour la dernière et infructueuse expédition tentée en faveur de Jacques II et qui précéda le traité de Riswick.

Fondation de l’hospice des orphelines de la marine(1693).

Deux fondations de charité, l’école des mousses et l’hospice des orphelines de la marine, datent de cette époque : la première, qui fut établie dans la rue appelée aujourd’hui encore rue des Mousses, eut une trop courte existence ; le second, dû à l’initiative de Mme Bégon, femme de l’intendant, n’a cessé de se développer ; englobé, en 1842, dans le périmètre de la nouvelle caserne d’infanterie de marine, il a été reconstruit, en 1848, sur d’autres terrains et dans des conditions très-favorables.

Quatre ans plus tard, les lazaristes, fondateurs d’un séminaire destiné à former des aumôniers de la flotte, agrandirent leur chapelle, qui devint église paroissiale [5].

Guerre de la succession d’Espagne.

La guerre de la succession d’Espagne donna une nouvelle importance à Rochefort, qui, après avoir contribué aux triomphes de temps plus heureux, eut sa part des fortunes contraires auxquelles notre marine était alors réservée. Douze vaisseaux de ligne, armés dans ce port, rallièrent, sous le commandement de M. Ducasse, le pavillon de Chasteau-Renaut et firent partie de la flotte qui fut anéantie à Vigo par les amiraux Roocke et d’Ormond ; désastre irréparable qui, un siècle plus tard, devait se reproduire à Trafalgar et frapper de nouveau, sur les côtes de la péninsule, l’alliance franco-espagnole.

Quelques armements eurent lieu pour le service de la compagnie de l’Assiente, qui transportait des nègres dans nos colonies et que le gouvernement favorisait de tout son pouvoir.

Nouvelle tentative contre Rochefort (1703).

En 1703,1’existence du port de Rochefort fut menacée plus sérieusement encore qu’elle ne l’avait été par l’amiral Tromp et par lord Barcklay : les Anglais avaient fait construire deux cents bateaux plats pour opérer une descente en Saintonge, et des flûtes maçonnées qu’ils devaient couler à l’embouchure de la Charente. L’imminence et la gravité du danger imprimèrent une énergie et une activité qui firent échouer cette expédition formidable : on construisit une estacade entre les forts Lapointe et Lupin, en la soutenant par des batteries et des vaisseaux ; deux autres estacades furent établies en amont et en aval du rocher du Fougueux, sous la protection de l’artillerie des remparts de la ville. Des retranchements furent élevés de tous côtés et les milices de la province accoururent de nouveau à la défense du littoral. En même temps, on arma des brûlots, qui eurent mission de « tomber à l’improviste sur les derrières de l’ennemi pour lui faire tout le mal possible, dans le cas où des événements de mer le forceraient à faire côte. » Tant de préparatifs de défense firent évanouir les projets de l‘amiral anglais, qui, après s‘être montré à l‘entrée de la rade de l’île d’Aix, reprit la route de la Manche.

Depuis quelque temps, le matériel de notre marine était devenu insuffisant et les finances de l‘État ne permettaient pas de le renouveler ; on remit une partie des bâtiments à des spéculateurs qui les armèrent en course, et le rôle de la marine royale se réduisit à approvisionner nos colonies ou a y escorter des convois.

Mort de M. Bégon.

Vers cette époque, le 14 mars 1710, la ville de Rochefort eut à déplorer la perte de M. Bégon, intendant de la province ; ce fut un véritable malheur public. M. Bégon, allié à la famille Colbert, était un homme d’une intelligence élevée, d‘une instruction très-étendue et très-variée ; malgré les occupations nombreuses que lui imposaient ses doubles fonctions d’intendant de la province et d’intendant de la marine, il cultivait avec succès les sciences et les lettres ; dès son arrivée à Rochefort, il se consacra à l’œuvre importante que M. Colbert de Terron avait si heureusement commencée, et, lorsqu‘après vingt-deux ans d’une administration intelligente, intègre, dévouée et paternelle, il fut enlevé à la respectueuse affection des habitants de Rochefort, il avait mérité l’inscription qui figure sur sa tombe : Nascentem hanc urbem ligneam invenit, lapideam reliquit.

Le tombeau de cet homme éminent a été profané et détruit en 1794 ; mais ses ossements, qui n’avaient pas été dispersés, furent pieusement recueillis, et lorsqu’en 1835 on reconstruisit l’église paroissiale, ils purent être rendus à leur première sépulture ; une plaque de marbre indique le lieu où ils reposent.

Le traité d’Utrecht, survenu deux ans avant la mort de Louis XIV. vint apporter quelque repos à la France épuisée et ouvrit à Rochefort une perspective nouvelle. Ce port avait été créé port de guerre, et la population qui s’était groupée autour de ce centre militaire avait vécu jusqu’à ce jour des travaux de l’arsenal. La paix, en enlevant aux habitants cette source de revenus, dirigea leur activité vers les spéculations commerciales. et ils songèrent à profiter des avantages que la situation de leur ville pouvait présenter à ce point de vue ; des navires furent construits en amont du port de guerre, au lieu dit la Cabane carrée ; des essais de cabotage furent tentés avec succès et Rochefort acquit bientôt quelque importance comme place de commerce.

Création de l’école de chirurgie.

Vers cette époque, furent posées les premières bases des écoles de chirurgie de la marine, institution à laquelle nous devons un grand nombre de médecins distingués et qui honore l’homme éminent qui en fut le fondateur. M. Cochon-Dupuy, médecin à la Rochelle, vint se fixer à Rochefort, en 1704, sur l’invitation de M. Bégon ; il eut bientôt la pensée de créer une école d‘anatomie et de chirurgie pour les jeunes médecins de la marine, et ses efforts furent couronnés d’un tel succès, que le roi décréta la fondation d’écoles semblables dans les ports de Brest et de Toulon. Quelques années plus tard, M. Cochon-Dupuy obtint l‘établissement d’un jardin botanique, dont l’importance n’a cessé de s’accroître.

Cet homme de bien, aimé et estimé de tous, vit couronner, en 1753, par la concession de lettres de noblesse, une longue carrière de travaux utiles et d’infatigable dévouement.

Hospice civil Saint-Charles.

L’hospice civil Saint-Charles, fondé par le curé Jouvenon, ne fait pas partie des établissements de la marine, mais il se rattache néanmoins à l‘histoire du port, en ce que, sauf pendant les premières années de sa création, le service médical y a toujours été fait par les médecins de la marine.

Voyage de M. de Maurepas (1727).

Le port de Rochefort, malgré les grands services qu’il avait rendus pendant les guerres du règne de Louis XIV, était quelquefois battu en brèche et le niveau de sa faveur était très-variable ; un voyage qu’y fit M. de Maurepas en 1727, le réhabilita dans l‘esprit de ce ministre, qui put en apprécier par lui-même l’importance et les ressources.

Peu après ce voyage, une mesure importante vint modifier l’aspect du port : lorsque l’arsenal fut créé, en 1666, on crut ne pas devoir l‘entourer de murailles et il ne fut réellement circonscrit et séparé de la ville que par un fossé bientôt comblé, et par les maisons dont la construction fut autorisée sur différents points de son périmètre. Ces maisons, occupées par des officiers ou des maîtres, avaient une façade du côté de l’arsenal sur lequel empiétait la plupart du temps un petit jardin ; une telle disposition était une incitation permanente au détournement des matières, et M. Bégon avait eu, dès 1694, la pensée d‘arrêter les désordres qui s’étaient produits en faisant construire un mur continu pour enceindre le port ; la dépense considérable que ce travail eût exigée ne permit d’en exécuter qu’une partie et les vols recommencèrent. M. de Maurepas, dont l’attention s’était portée sur cet état de choses, voulut y mettre un terme et fit élever des hangars et des murs pour isoler l’arsenal des maisons particulières qui le mettaient en communication avec la ville.

Guerre de la succession d’Autriche.

La guerre de la succession d’Autriche rendit quelque activité à nos arsenaux, des armements furent ordonnés ; mais le temps n’est plus où les Duquesne , les Tourville, les d’Estrée élevaient si haut la gloire de nos armes ; de simples divisions navales, chargées d’alimenter nos colonies ou d’y escorter des convois, constituent aujourd’hui toute notre marine et n’ont guère d’autre alternative que d’éviter un ennemi trop supérieur en forces ou de succomber héroïquement. C’est ainsi qu’après le désastre subi au cap Finistère par l’escadre que M. de la Jonquière conduisait au Canada, M. de I’Etenduère partit de l’île d’Aix. avec huit vaisseaux pour escorter en Amérique un convoi de 250 voiles. Attaqué à la hauteur de Belle-Ile par les 14 vaisseaux de ligne de l’amiral Hawke, il dut succomber à une supériorité numerique aussi écrasante ; six vaisseaux furent pris ; mais le Tonnant, monté par l’amiral, et l’lntrépide, commandé par M. de Vaudreuil, luttèrent avec une telle énergie que le convoi put échapper à l’ennemi, et qu’ils purent rallier eux-mêmes les côtes de France ; I’Intrépide appartenait au port de Rochefort.

Les hostilités ayant été reprises après un court intervalle de paix, les combats de Madras et de Négapatnam et la victoire de Mahon (20 mai 1756) vinrent bientôt nous consoler de ces désastres et ranimer la foi en l’avenir. Rochefort fut fière de ce dernier triomphe, dont la principale gloire appartenait à un de ses enfants, le marquis de la Galissonnière, et auquel avaient contribué trois vaisseaux de son port, le Téméraire, le Fier et le Foudroyant.

Incendie dans l’arsenal (1756).

Deux mois à peine après cette victoire, un incendie éclatait dans l’arsenal de Rochefort et consumait les ateliers de la sculpture, de la peinture, de la voilerie, les magasins de toiles à voiles, le dépôt des meubles, des approvisionnements de bois, le magasin des pavois et celui des pompes à incendie. On parvint à s’en rendre maître avant qu’il eût atteint le magasin général, pour lequel on eut des craintes sérieuses. La simultanéité avec laquelle le feu se déclara sur plusieurs points à la fois ne permit pas d’attribuer cet incendie à un accident ; quel fut l’auteur ou l’instigateur de ce crime ? nul ne le sait. Les passions du temps ont cru y voir la main de la puissance avec laquelle nous étions en guerre ; mais cette pensée, bien qu’elle puisse s’étayer de l’adage fecit cui prodest, ne doit être accueillie qu’avec beaucoup de réserve.

Nouvelle expédition contre Rochefort par l’amiral Hawke. Prise de l’île d’Aix.

Une tentative plus conforme aux lois de la guerre fut dirigée l’année suivante, contre Rochefort, par l’amiral Hawke : il s’empara de l’île d’Aix, dont il détruisit tous les travaux et fit la garnison prisonnière ; mais les défenses qu’on avait multipliées sur tous les points accessibles de la côte et à l’entrée de la Charente, le firent reculer comme en 1703, et il se retira sans avoir cherché à opérer de débarquement ou à remonter le fleuve.

Bien que le rôle de la marine fût alors un peu secondaire,les armements étaient assez nombreux pour que les petites forges, qui avaient été créées dès l’origine, devinssent insuffisantes ; on en construisit de nouvelles.

Établissement d’une conduite d’eau potable (1754).

L’année 1754 vit se réaliser une des améliorations les plus importantes que pussent réclamer le port et la ville de Rochefort, l’établissement d’une conduite d’eau potable. Jusqu’à ce jour, les habitants avaient été contraints de boire presque exclusivement l’eau des puits. et cette eau séléniteuse et chargée de sulfate de chaux n’était pas une des moindres causes de l’insalubrité trop réelle qui décimait et atrophiait la population. Ce grave inconvénient s’était révélé dès longtemps, et M. Bégon avait tenté d’amener à Rochefort les eaux d’une source située à Tonnay-Charente ; mais l’insuffisance de cette source et l’absence des crédits nécessaires pour faire exécuter les travaux dans des conditions favorables, ne permirent pas d’atteindre le but qu’on se proposait. M. de Givry, l’un de ses successeurs, appela plus tard de Saint-Omer un machiniste flamand qui, « à l’aide des procédés mis en pratique dans l’Artois, faisait jaillir de terre de bonne eau » ; ses tentatives furent infructueuses. Le père Ferry, minime en grande réputation, eut la pensée de prendre l’eau de la Charente ; cette proposition ne fut pas adoptée. Enfin, M. Saccardi, ingénieur du roi, rédigea un projet qui consistait à conduire à Rochefort les sources de Fourangeard et de la Touche, situées à quelques kilomètres. Ce travail fut promptement exécuté, et, en 1754, la ville fut en possession d‘une eau parfaitement potable, dont la moitié fut réservée à la marine.

Pendant les guerres maritimes qui s’étaient succédé depuis près d’un siècle, le port de Rochefort avait construit et armé un grand nombre de navires pour nos escadres ; mais sa position le rendait surtout éminemment propre au ravitaillement de nos colonies. Cette affectation, dont la convenance fut reconnue, en 1763, par M. de Choiseul, lui assura encore une certaine activité pendant la paix, et l‘on y fit beaucoup d’armements pour nos possessions d’outre-mer.

Création du bagne (1765).

La création du bagne, demandée depuis longtemps par M. de Givry, remonte à 1766 ; il ne fut pas construit ad hoc, et se composa de hangars et de magasins, que l’on appropria successivement à cette destination et auxquels une salle neuve fut ajoutée en 1801. De 1778 à 1813, le bagne reçut seize mille huit cent quarante-huit forçats ; il a été évacué en 1852, et les locaux devenus disponibles ont été transformés en magasins.

Sous le ministère de M. de Boynes, l’abandon du port de Rochefort parut décidé et reçut même un commencement d’exécution ; mais l’arrivée de M. de Sartines au pouvoir lui rendit toute l’activité que les circonstances comportaient, et lorsqu’en 1778 les hostilités furent reprises, on y effectua un grand nombre d’armements. C’est de la rade des Basques que partit l’escadre de Lamotte-Piquet pour aller rejoindre d’Estaing à l’île Saint-Vincent ; cette escadre prit part à la victoire remportée sur l‘amiral anglais lord Byron, et deux des vaisseaux armés à Rochefort, l’Annibal, monté par Lamotte-Piquet, et l’Amphion y jouèrent le rôle le plus brillant.

Visites successives de l’empereur Joseph II, du comte d’Artois et du marquis de Lafayette.

Rochefort avait reçu, en 1777, la visite du comte d’Artois et celle de l’empereur Joseph, frère de la reine Marie-Antoinette ; un personnage déjà connu par sa participation aux premiers événements de la révolution américaine, le marquis de Lafayette, y arriva peu après. Le gouvernement français qui, trois ans auparavant, avait cherché à empêcher son premier départ pour l’Amérique, venait de reconnaître l’indépendance des Etats-Unis et désirait contribuer à assurer le triomphe de la jeune république ; il fit armer une escadre destinée à transporter en Amérique six mille hommes de débarquement sous les ordres de Lafayette. Cet homme célèbre, dont le nom est associé aux noms de Washington et de Francklin, s’embarqua a Rochefort, le 11 mars 1780, sur l‘Hermione, commandée par l’amiral Latouche de Tréville.

Fondation de l’hôpital de la marine (1785).

La guerre allait aggraver l’insuffisance déjà reconnue de l’hôpital de la marine ; on songea à transporter les convalescents à Saint-Jean d’Angély, puis à Saint-Savinien ; mais l’intendant, M. Prévost de l’Angristin, ayant vivement insisté pour la création d’un nouvel hôpital à Rochefort, ce dernier projet finit par triompher et fut réalisé après cinq années de travaux. Cet hôpital, un des plus beaux qui existent, est un véritable titre de gloire pour l’ingénieur Touffaire, qui en conçut le plan et en dirigea la construction.

La pensée de créer à quelque distance un dépôt de convalescents n’avait pas toutefois été abandonnée, et, lorsque l’Assemblée constituante s’empara du séminaire de Saintes, ce bâtiment reçut cette affectation, qu’il a conservée jusqu’à nos jours.

Création d’un abattoir (1782).

Pendant un siècle, une des salles du magasin des vivres avait servi d‘abattoir, et il pouvait y avoir là une cause d’insalubrité pour l’hôpital qui faisait face à ce bâtiment et pour le quartier ; on se décida, en 1782, à construire un abattoir spécial, à quelque distance des habitations.

Révolution française (1789).

La révolution venait de soulever contre nous une partie de l’Europe ; la France armait pour sauvegarder l’intégrité de son territoire. Pendant que les quatorze armées de la République défendaient nos frontières, la marine se mettait en mesure de faire face à l’Angleterre, sa formidable rivale ; Rochefort recevait l’ordre de construire trois vaisseaux, deux frégates et un grand nombre de petits navires ; onze vaisseaux et autant de frégates y étaient armés, deux cales de construction nouvelles étaient créées, le personnel des ouvriers était porté à plus de trois mille. L’activité qui y fut déployée à cette époque rappelait les périodes brillantes de la guerre de succession et de celle de l’indépendance de l’Amérique. Le conventionnel Niou, ingénieur et constructeur, stimulait cette activité par sa présence et par la terreur des pouvoirs discrétionnaires dont il était armé. Après lui, ses deux collègues Laignelot et Lequinio y régnèrent quelque temps et firent de nombreuses victimes, au nombre desquelles figure le vice-amiral Grimouard.

Pendant les longues guerres de la République et de l’Empire, le port de Rochefort conserva l’importance qu’il avait acquise depuis plus d’un siècle. Les côtes de l’île d’Oléron furent témoins, dès le commencement de la guerre, de la capture de deux frégates anglaises par la Cléopâtre et l’Uranie ; ce dernier bâtiment s’appela, à partir de ce jour, la Tartu, du nom de son commandant, mort de ses blessures au moment de son triomphe.

Ce fut la Tartu qui, après l’affaire de Quiberon. s’empara du navire anglais le Swann, à bord duquel se trouvaient de nombreux passagers que l’on supposait être des émigrés de distinction. Ces prisonniers furent conduits à Rochefort et déférés à une commission militaire qui se déclara deux fois incompétente ; l’un d’entre eux, auquel ses compagnons de captivité paraissaient témoigner un grand respect, et que l’état-major de la Taritu crut être le comte d’Artois, parvint à s’échapper de la prison de Saint-Maurice.

Expédition d’Irlande.

En l’an VII, les frégates la Concorde, la Franchise et la Médée partirent de Rochefort pour la malheureuse expédition d‘Irlande, placée sous les ordres du général Humbert.
C’est aux attérrages de la rade, à quelques lieues du pertuis d‘Antioche, qu’eut lieu le combat célèbre de la Bayonnaise contre la frégate anglaise l’Embuscade.

Expédition de Saint-Domingue.

En 1801, une escadre de six vaisseaux, quatre frégates et plusieurs bâtiments légers, sous les ordres de l‘amiral Latouche de Tréville, partit de Rochefort, à l’effet de transporter des troupes à Saint-Domingue, tombé au pouvoir de Toussaint Louverture.
En 1805, le port de Rochefort eut sa triste part dans le désastre de Trafalgar, où figuraient trois de ses vaisseaux.

En 1806, une division de cinq vaisseaux, quatre frégates et quatre corvettes sortit de la Charente, sous le commandement de l’amiral Allemand, et alla ravitailler les Antilles ; elle captura un grand nombre de navires de commerce anglais et le vaisseau le Calcutta qu’elle fit entrer à Rochefort ; puis elle franchit le détroit de Gibraltar sans avoir été aperçue par les Anglais et alla mouiller à Toulon. Le succès avec lequel elle échappa à toutes les croisières ennemies lui valut le nom d‘escadre invisible.

Visite de l’Empereur.

L‘année 1808 fut signalée par un événement qui pouvait avoir les conséquences les plus heureuses pour l’avenir de Rochefort, le voyage de l’Empereur. En effet, Napoléon apprécia toute l’importance militaire de ce port, ses facilités d’approvisionnement, les défenses de sa rade ; il descendit la rivière, visita Boyard et indiqua lui-même, à l’île d’Aix, le plan du fort Liédot. Peu de mois après, le génie militaire s’occupa en outre de projets relatifs à une nouvelle enceinte qui devait mettre l’arsenal à l’abri d’une attaque. Les événements, qui se précipitaient alors et qui concentraient tous les efforts sur d’autres points, ne permirent pas d‘exécuter ces travaux.

Affaire des brûlots (avril 1809).

L’année 1809 est arrivée ! - date néfaste qui vit s’accomplir le désastre maritime connu sous le nom d’affaire des brûlots. - Un récit détaillé de cette triste affaire est du domaine de l’histoire, et il ne nous appartient pas de l’entreprendre ; nous nous bornerons à en rappeler les circonstances principales. Le vice-amiral Allemand commandait, sur rade de l’île d’Aix, une escadre de onze vaisseaux et quatre frégates ; la rade des Basques était occupée par l’escadre anglaise de l’amiral Gambier, composée de douze vaisseaux, sept frégates, sept corvettes, quatre cutters et quarante-six brûlots. Le 11 avril 1809, à la chute du jour, les Anglais, commandés par lord Cochrane, abandonnèrent au courant de flot, dont ils avaient étudié la direction, un grand nombre de brûlots. L’amiral Allemand avait cherché, il est vrai, à se prémunir contre cette attaque en faisant établir une estacade devant la principale passe ; mais cette estacade unique fut brisée, et les brûlots furent entraînés par le courant et poussés par le vent au milieu de nos vaisseaux ; ceux-ci eurent le bonheur d’échapper à cette avalanche de feu, mais le désordre le plus complet régna bientôt dans toute l’escadre, qui fut dispersée et dont une partie toucha sur divers points [6]. Le lendemain et les trois jours suivants, les Anglais vinrent attaquer nos bâtiments disséminés et généralement échoués. Nous perdîmes quatre vaisseaux et une frégate ; les autres parvinrent à regagner le port.

Le malheur fut grand, et cependant il est difficile de comprendre qu’il ne l’ait pas été bien plus encore et que les ennemis n‘aient pas tiré plus de fruit de leur victoire. Tel fut, sans doute, le sentiment de l‘Angleterre, car, tandis que l’amiral Allemand recevait le commandement de l’escadre de Toulon, son vainqueur, l’amiral Gambier, était mis en disgrâce comme s’il eût été vaincu. Les capitaines de vaisseau Lacaille et Lafon furent les deux victimes de notre défaite : le premier fut dégradé, le second condamné à mort et fusillé.

Les appréciations ont été diverses sur la part de responsabilité à attribuer aux principaux acteurs de ces funestes journées ; nous croyons inutile d’évoquer ce douloureux souvenir.

Affaire des péniches.

Le 13 février 1810, eut lieu aux abords de la Rochelle, entre treize péniches anglaises et sept embarcations françaises, un combat dans lequel M. Potestas, aspirant âgé de dix-sept ans, déploya la plus brillante intrépidité ; grièvement blessé, il avait été fait prisonnier par les Anglais, qui, pour honorer ce jeune courage. lui rendirent immédiatement la liberté. L’Empereur, instruit de la noble conduite de M. Potestas, lui accorda la croix de la Légion d’honneur.

Un autre combat entre les péniches anglaises et trois canonnières françaises, fut soutenu avec succès dans les mêmes parages, le 27 décembre 1811, par MM. Duré et Constantin ; cette affaire fut un des derniers épisodes de l’histoire militaire du port de Rochefort sous le premier Empire.

De nouveaux travaux de défense furent établis à cette époque sur tous les points qui pouvaient contribuer à garantir le port d’une attaque par la Charente ou par terre ; tout alors présageait en effet quelque nouvelle tentative de cette nature, mais les événements de 1814 les rendirent inutiles et éloignèrent de nos côtes les escadres anglaises.

A l’histoire du port de Rochefort de 1796 a 1810, se rattache le nom de l’homme éminent qui fut placé à sa tête pendant ces treize années si remplies, l’amiral Martin.
Pierre Martin, né à Louisbourg, quitta son pays tombé au pouvoir des Anglais et débarqua fort jeune à Rochefort, où il passa ses premières années et qui devint sa patrie d’adoption. Il fit ses premières armes sous les yeux de d’Estaing. L’intelligence et le courage qu’il déploya dans diverses circonstances, le conduisirent rapidement au grade de contre-amiral ; il commanda, en 1794, les forces navales de la Méditerranée et eut de brillantes affaires, entre autres celle du golfe Juan, à la suite de laquelle il fut élevé au grade de vice-amiral.

En 1796, il fut nommé commandant des armes à Rochefort, devint préfet maritime, lors de la création des préfectures et conserva jusqu’en 1810 ces hautes fonctions qu’il exerça avec toute l‘activité, l’intelligence et l’énergie qu‘exigeaient les graves conjonctures au milieu desquelles il se trouva placé pendant ces treize années de luttes. Rentré en 1810 dans la vie privée, il se fixa à Rochefort, où il mourut, dix années plus tard, estimé de tous, en raison des services qu’il avait rendus et de la loyauté de son caractère.

Parmi les autres hommes qui ont honoré l’administration du port de Rochefort sous la République et sous l‘Empire, il en est deux qui, à divers titres, ont laissé des traces durables de leur passage, M. Cochon-Duvivier et M. Hubert.

M. Cochon-Duvivier.

M. Cochon-Duvivier, chef du service de santé de la marine, membre du Corps législatif, poursuivit pendant toute sa vie la réalisation des travaux de sanification que l’état insalubre de Rochefort réclamait si impérieusement ; il eut bien des résistances à vaincre, bien des obstacles à surmonter, et c‘est à sa patiente et ferme persévérance que l’on dut en 1817 le système d’irrigation des rues qui existe aujourd‘hui ; d’autres améliorations importantes, telles que l’abandon du cimetière intra-muros, la création de l’abattoir, la fondation du collège, appartiennent en grande partie à l’initiative de cet homme de bien, et le font considérer à juste titre comme un des bienfaiteurs de la ville.

M. Hubert.

M. Hubert, ingénieur de la marine à Rochefort de 1805 à 1845, a fixé l’attention sur ce port par les inventions et les travaux qu’il y a multipliés. D’un esprit essentiellement porté vers les applications mécaniques, M. Hubert devança de vingt ans les autres ports par la création d’un atelier d’ajustage ; sa machine à tourner les gournables s‘est généralisée partout ; ses travaux sur la corderie ont fait une révolution dans la fabrication des cordages de la marine militaire et de la marine marchande.

Dès l’année 1816, l’Académie des sciences, sur le rapport de MM. Prony, Molard et Sané, consacrait par ses éloges le mérite des nombreuses inventions de cet ingénieur, notamment son moulin à draguer, dont les frais de construction n’ont pas excédé la dépense occasionnée autrefois par une seule opération de curage ; en 1818 et en 1820, les travaux de M. Hubert obtenaient de nouveau les suffrages de cette illustre compagnie, dont il devint membre correspondant.

Dix ans plus tard, M. Hubert conçut et exécuta le projet du premier bateau à vapeur qui ait joué un rôle important, le Sphinx. Sept bateaux à vapeur étaient attachés à l’armée navale qui fit l’expédition d’Alger ; l’amiral Duperré dut en renvoyer deux comme hors de service, en prit deux à la remorque dans l’espoir d’en tirer quelque utilité le jour du débarquement, et la grand supériorité du Sphinx sur les deux autres valut à ce bâtiment l’honneur de porter en France les dépêches qui annonçaient la prise d’Alger. M. Sarlat, qui le commandait, racontait que, chargé d’une exploration sur les côtes d’Afrique, il put, malgré des circonstances peu favorables, s’acquitter de cette mission en si peu de temps, que l’amiral Duperré hésitait à croire qu’il eût eu le temps de l’accomplir. M. Hubert ne s’en tint pas à ce progrès : la première corvette de 220 chevaux, le Véloce, la première frégate de 1150 chevaux, le Gomer, construites sur ses plans, sortirent également des chantiers de Rochefort. Aujourd’hui de nouveaux progrès ont été faits, mais on ne saurait oublier les immenses services que ces trois types de bâtiment ont rendus, particulièrement sur les côtes de l’Algérie, pour le transport des troupes , des vivres et de tout le matériel de guerre.

M. Hubert est mort en 1845, directeur des constructions navales du port de Rochefort, dont ses importants travaux avaient contribué à accroître l’importance.

Arrivée de Napoléon à Rochefort. - Son embarquement sur le Bellérophon (1815).

Le 4 août 1808, la ville de Rochefort avait reçu dans ses murs le vainqueur de l’Europe dans tout l’éclat de ses triomphes ; le 3 juillet 18I5, elle ouvrait ses portes au souverain que les efforts des puissances coalisées, l’ingratitude des uns, la trahison de quelques autres, conduisaient vers l’exil. A l’accueil chaleureux qu’il y reçut, aux manifestations enthousiastes dont il fut l’objet, Napoléon aurait pu se croire aux jours de sa toute-puissance, et c’est un honneur pour la population de Rochefort d’avoir entouré de marques de respect et de dévouement les dernières heures que l’illustre proscrit a passées sur le sol de la France.

Plusieurs combinaisons furent présentées à l’Empereur pour assurer son départ en dépit des croisières anglaises : l’amiral Martin proposait de remonter par la Charente et la Seudre jusqu’au point le plus rapproché de Royan que l’on gagnerait par terre et où l‘on trouverait la corvette du commandant Baudin, officier dévoué et intrépide.

M. Besson, Français, commandant un navire de commerce danois, s’engageait à soustraire Napoléon aux croisières anglaises, en le cachant à son bord, et à le conduire en Amérique. M. Ponée, capitaine de la frégate la Méduse, offrit de s’attacher au vaisseau anglais le Bellérophon qui était en rade des Basques, et de combattre jusqu’à couler bas pour donner à la frégate le Saale le temps de gagner la haute mer. Cette combinaison avait l‘assentiment de l’amiral Martin, qui projetait d’accompagner l‘Empereur. Enfin, plusieurs officiers proposèrent d’armer deux chasse-marée avec lesquels il serait facile de sortir sans être vu, de s’emparer du premier navire de commerce qu’ils rencontreraient et de faire voile pour les Etats-Unis. A la tête de ces officiers figurait M. Doret, second du commandant Baudin ; M. Doret, devenu depuis capitaine de vaisseau, gouverneur de la Réunion, sénateur, semble avoir attaché son nom à cette proposition collective de plusieurs de ses camarades.

Diverses considérations détournèrent l’Empereur de donner suite à aucun de ces projets, et il quitta Rochefort le 8 juillet pour se rendre de l’île d’Aix à bord de la frégate la Saale ; puis, le 15 juillet, il donna l’ordre au brik l’Epervier de le conduire à bord du Bellérophon, où, selon la noble expression de sa lettre au prince régent d‘Angleterre, « il venait s’asseoir au foyer britannique. »

Prise d’Alger

Pendant les quinze années qui s’écoulèrent de 1815 à 1830, le port de Rochefort eut peu d’armements et de constructions ; il fournit cependant à l’armée navale de l’amiral Duperré devant Alger, le vapeur le Sphinx qui, comme nous l’avons dit plus haut, rendit de signalés services.

Saint-Jean-d’Ulloa.

En 1838, le port de Rochefort arma la frégate la Gloire, qui prit une part importante au combat de Saint-Jean-d’Ulloa, et porta l‘année suivante à la Plata le pavillon de l’amiral de Makau.

Mogador et Tanger.

En 1854, l’Asmodée faisait partie de la division placée sous les ordres du prince de Joinville, et coopérait aux affaires de Mogador et Tanger.

Guerre de Crimée.

En 1854, l’escadre de la mer Noire comptait plusieurs navires armés à Rochefort : le Louis XVI, le Turenne, la Ville-de-Paris, le Mogador, le Coligny, 1’Euménide, la Gorgone ; dans celle de la Baltique figuraient la Virginie et le Laborieux.

Expédition de Chine et prise de Simonosaki.

Une frégate du même port, la Renommée, porta successivement en Chine le pavillon des amiraux Charner, Protet et Page ; enfin, à la prise de Simonosaki, dernier combat soutenu par notre marine, la Sémiramis était montée par l’amiral Jaurès, et le Tancrède, capitaine Pallu, provoquait par sa brillante conduite les acclamations de nos alliés.

Puits artésiens.

Une entreprise considérable et d’un grand intérêt, le forage d’un puits artésien, se poursuit depuis plus de cinq ans dans l‘enceinte de l‘hôpital de la Marine. Ces travaux, dus à l’initiative de M. Angiboust, ingénieur des travaux hydrauliques, ne sont pas encore arrivés à leur terme, bien qu‘on ait atteint l’énorme profondeur de 850 mètres ; mais la rencontre que l‘on a faite d’une nappe ascendante fait espérer que tant d’efforts persévérants seront couronnés de succès, et l’on va prochainement s’occuper du tubage.

Le port de Rochefort a vu passer un grand nombre d’hommes distingués. Indépendamment de ceux que nous avons cités plus haut, il s’honore de noms tels que Latouche de Tréville, La Clochetterie, Chasteau-Renaut, de l’Etenduère, Gabart, Lamotte-Piquet, Renaudin, commandant du Vengeur, Jurien de la Gravière, de Freycinet, les intendants Pouyer et de Lareinty, le célèbre chirurgien Clémot, le naturaliste Bompland, ami et compagnon d‘Alexandre de Humboldt, enfin S. Exc. l’amiral Rigault de Genouilly, actuellement ministre de la marine et des colonies.


[1Extrait de la Revue maritime et coloniale.

[2Pendant que de nombreux îlots formant l‘ancien archipel se rattachaient à la terre ferme, quelques parties du continent paraissent en avoir été détachées. et l’existence d’une forêt sous-marine pétrifiée, qui se dirige de l’île d’Aix vers la côte de Fouras, confirme cette opinion.

[3La médaille commémorative de la fondation de Rochefort porte le buste de Louis XIV, avec la légende : Ludovicus XIV, rex christianissimus ; au revers, le plan de la ville et du port, et Neptune, assis sur son char, au milieu de la Charente.

[4Il existe une médaille frappée à cette occasion et portant le millésime de 1683, avec l’exergue : Lecti juvenes in navalem militium conscripti octingenti.

[5La tour actuelle des signaux, qui fait en quelque sorte partie du port, était le clocher de cette église.

[6Lord Cochrane. à son arrivée en Angleterre, racontait à un officier français, prisonnier a Plymouth, de qui nous le tenons, divers incidents de cette affaire. Il exprimait la pensée que si, au lieu d’une estacade à peu près droite, que ses bâtiments heurtaient normalement et à coups répétés, on en eût établi une formant un angle sortant, les brûlots eussent été impuissants a la rompre et fussent tombés à la dérive des deux côtés.

Le lendemain de l’attaque des brûlots, lord Cochrane, s’étant transporté lui-même à bord de la Ville-de-Varsovie, qui avait amené ses couleurs, prit à son bord le commandant Maingant et le ramena quelques instants après à bord de ce vaisseau pour prendre des papiers importants que cet officier y avait oubliés. Le canot anglais venait de quitter pour la seconde fois la Ville-de- Varsovie,lorsque M. Maingant, assis à la place d’honneur, près de lord Cochrane, eut la tête emportée par un boulet du vaisseau le Tonnerre, qui avait été abandonné par son équipage et dont l’incendie faisait partir successivement les canons.

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