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800 (c) - 1150 (c) - Les vigueries du Pays d’Aunis (Pagus Alniensis)

vendredi 19 décembre 2008, par Christian, 2904 visites.

Source : Recherches géographiques sur les vigueries du Pays d’Aunis - Léon Faye - Mémoires de la société des Antiquaires de l’Ouest - 1845 - Poitiers, 1847 - p. 351-429

Outre l’article de La Fontenelle de Vaudoré, auquel Léon Faye fait référence, on peut consulter "L’Aunis au Xe siècle", de Jacques Duguet.

Texte
Notes
1. En publiant ses importantes Recherches sur les Vigueries et sur les origines de la féodalité en Poitou (1), M. de la Fontenelle de Vaudoré ne pouvait, à raison de l’étendue de son travail, aborder les détails géographiques. Aussi, en ce qui concerne les vigueries d’Aunis, dont il s’est occupé (2) parce que cette province était sous plusieurs rapports une dépendance du comté de Poitou, s’est-il contenté d’indiquer les localités principales, laissant à d’autres le soin d’étendre les investigations et « d’éclairer ainsi l’ancienne géographie de leurs contrées » (3). Dans cette partie de son mémoire, M. de la Fontenelle déclare avoir pris pour guide le savant historien de la Rochelle. Il est à regretter qu’Arcère, à qui tous les dépôts étaient ouverts, et qui pouvait dès lors puiser à des sources riches et variées, ait consacré moins de deux pages aux vigueries d’Aunis (4). Dans ces dernières années, M. Lesson de Rochefort, antiquaire aussi zélé que naturaliste habile, en a également parlé dans ses Fastes historiques et dans son Histoire des marches de la Saintonge (5), mais sans en faire l’objet d’un travail spécial, et en se bornant à ajouter quelques conjectures nouvelles aux conjectures déjà émises. Enfant de l’Aunis comme lui, j’ai consacré à mon tour de rares loisirs à des recherches géographiques sur ce pays pendant le temps où il demeura soumis au régime des viguiers, c’est-à-dire depuis le Xe siècle jusque vers la moitié du XIIe. Pour plus d’exactitude, j’ai relu attentivement toutes les chartes de cette époque qui mentionnent nos anciennes vigueries ; et l’inépuisable collection de dom Fonteneau, en me fournissant les moyens de vérifier les textes déjà publiés, m’a procuré, en outre, un nombre assez considérable de renseignements inédits. Je me hâte d’ajouter qu’une bienveillante communication de M. Rédet m’a permis de prendre connaissance de plusieurs chartes qui ne figurent pas dans ce recueil et qui sont déposées aux archives du département de la Vienne. Je dois donc à ces savants modestes tous les éléments d’un travail dans lequel je ne puis revendiquer autre chose que le classement et l’examen des matériaux. [NDLR. Une partie du document de M. de la Fontenelle de Vaudoré est disponible sue ce site.]

(1) Mémoires de la Société des Antiquaires de l’Ouest (1838), t. V, p. 326

(2) Ibid., p. 435 à 459.

(3) Ibid., p. 457.

(4) Histoire de la ville de la Rochelle et du pays d’Aulnis (1756), t. I, p. 57.

(5) Fastes historiques, archéologiques et biographiques du département de la Charente-Inférieure (1842), t. I, p. 75 et passim. – Histoire, archéologie et légendes des marches de Saintonge (1845), passim.

2. L’Aunis, détaché de la Saintonge en 1372, pour former une petite province circonscrite entre l’Océan, la Sèvre et la Charente, avait autrefois un territoire plus étendu. D’un côté, ce territoire était borné par la Boutonne ; de l’autre, il s’avançait jusqu’aux portes de Niort, sur les bords de la Sèvre. Grâce à ces limites naturelles, et bien qu’il fût, sous le rapport administratif et judiciaire, une dépendance du Poitou, et, sous le rapport ecclésiastique, une dépendance de la Saintonge, l’Aunis, dès ce temps-là, était regardé comme une contrée particulière. Il formait en effet un pagus, et il y a cela de remarquable qu’il n’a jamais perdu cette antique dénomination ; de nos jours, comme autrefois, on l’appelle encore Pays d’Aunis (6). (6) Cette observation n’est pas nouvelle, car je lis dans le Dictionnaire de Trévoux : « On ne dit guère Aunis tout seul, mais toujours le pays d’Aunis. »
3. L’étymologie de ce nom d’Aunis a beaucoup embarrassé les érudits. Cinq opinions différentes ont été émises (7), et encore je ne tiens pas compte de celle qui faisait dériver l’Aunis du mot ulna, parce que les Normands n’avaient pénétré que lentement dans cette contrée, et, pour ainsi dire, aune par aune. — Suivant Amos Barbot, Châtelaillon aurait donné son nom au pays environnant, dont il était la capitale. Arcère repousse ce sentiment par le motif que, s’il en était ainsi, on trouverait dans les anciens titres Pagus Alionensis, qu’on n’y rencontre jamais. — L’abbé de Longuerue pense que le mot Aulnis vient des aulnes qui croissent dans les terrains marécageux ; mais Arcère fait observer, avec raison, qu’Alienensis et Alnisium n’ont jamais été employés comme synonymes d’alnidus et d’alnetum, pour désigner un lieu planté d’aulnes. — Valois croit reconnaître le nom d’Aunis dans celui d’Aunedonacum ; mais, à aucune époque, Aunai n’a dépendu de ce pays. — Samson retrouve les Aunisiens chez les Anagnutes ; l’incertitude qui règne sur le lieu où ils résidaient suffit pour faire repousser cette opinion. — Arcère, enfin, propose à son tour une étymologie très-ingénieuse sans doute, mais qui n’est guère mieux établie. Il suppose qu’au commencement du Ve siècle, une partie des Alains, battus près d’Orléans, passèrent la Loire et vinrent chercher un asile dans ce territoire, « où la terre semblait disparaître sous les eaux » ; de là, Pagus Alanensis, et plus tard, Alnensis. Mais Arcère n’avait pas remarqué sans doute qu’on peut retourner contre lui l’objection qu’il fait à Amos Barbot. En effet, on ne trouve pas plus dans les chartes Pagus Alanensis que Pagus Alionensis, et, d’un autre côté, on ne voit pas trop comment on pourrait en faire dériver notre Pagus Alienensis. – Loin de moi la pensée de rechercher une nouvelle étymologie (8). Mais, si j’avais à choisir entre celles que je viens de rappeler, je donnerais sans difficulté la préférence à l’opinion d’Amos Barbot. Il suffit, en effet, d’un changement de lettre ou d’une élision pour arriver de Pagus Alionensis à Pagus Alienensis et à Pagus Alnensis. Il existe d’ailleurs une autre raison, à mon avis, plus décisive. Tous les Pagus voisins de l’Aunis avaient pris leur nom du chef-lieu, Pagus Briocensis (pays de Briou), Thoarcensis (de Thouars), Metulensis (de Melle), Niortensis (de Niort), enfin Pagus Santonicus (la Saintonge). On ne voit pas par quel motif l’Aunis aurait été excepté de cette règle ; il me semble donc plus rationnel d’admettre que ce pays a dû également son nom à sa capitale. Du reste, si l’on trouvait Alonensis, comme l’écrit M. de la Fontenelle (9), il ne resterait plus de doute sur ce point ; mais on rencontre seulement : Alienensis, Alieniacensis, Alniacensis, Alniensis, Alnisiacus, Alnisius, Alnisus et Aunisius (10). (7) Arcère, loc. cit., t. I, p. 27.

(8) Je dois seulement noter, pour ne rien omettre, et sans chercher à en tirer aucune conséquence, que sur une carte marine des Costes de Poitou, d’Aunis et de Saintonge, qui m’a été communiquée par M. de la Fontenelle, on aperçoit, du côté de la Tranche, un rocher appelé le Père-au-nix, et, presque en face de ce village, un autre banc nommé Launis.

(9) Loc. cit. p. 345.

(10) Alnetensis, admis par le géographe Baudrand, n’existe dans aucune charte, et je n’ai pas retrouvé non plus Alnisiensis, Aliesenensis, Aunisus, mentionnés par Arcère, et Alneacensis, noté par M. de la Fontenelle.

4. Peu de mots suffiront pour donner une idée des révolutions physiques qui se sont accomplies jadis sur les rivages de l’Aunis, et qui ont si profondément modifié l’aspect du littoral. Elles commencèrent vraisemblablement par les violentes secousses d’un tremblement de terre ; puis, les vagues furieuses achevant l’oeuvre de destruction, une partie de la côte séparée du continent forma les îles actuelles (l’île de Ré, l’île d’Aix). A la suite de ce premier cataclysme, la mer, franchissant ses limites, envahit au nord et au midi une grande étendue du sol, dont les points les plus élevés échappèrent seuls à l’inondation. Les vastes marécages formés à mesure que les eaux se retiraient ont fait place aujourd’hui à de fertiles prairies ; les anciens îlots, dont plusieurs ont conservé le nom d’îles, sont devenus des collines d’un riche territoire ; mais, au Xe siècle, les terrains qui avoisinent la Sèvre et la Charente étaient encore submergés, et c’est pour ainsi dire entre deux bras de mer que se trouvait resserré le sol calcaire de l’Aunis (11). (11) Voir, pour plus de détails, Arcère, loc. cit., p. 8. – M. Massiou, Hist. de la Saint., t. I, p. 12 et suiv., etc. – La plus ancienne carte d’Aunis que j’aie pu consulter est celle publiée par Pierre Rogier, en 1579, Pictonum vicinorumque regionum fidiss. descriptio. Cette carte, de même que celles que j’ai vues depuis cette époque jusqu’à la carte de Jaillot, publiée en 1707, ne se recommande ni par l’exactitude topographique ni par la correction typographique, ainsi que l’a fait très-bien remarquer M. Nicias Gaillard. (Bull. de la Soc. des Ant. de l’Ouest, année 1840, p. 409.)—Une partie de l’Aunis était jadis couverte de bois ; ainsi l’église de Charron deserta erat in silva ipsius comitis (Pictaviensis). (Dom Font., t. XXV, p. 45.)—Non loin de la Rochelle on voyait un bois, nemus Fleuriacensis, dans lequel on donnait quidquid necessariun fuerit domui de Alodio ( Laleu ), ad constructionem sive ad calefaciendum. (Ibid., t. XXV, p. 149.) En 1157, on donnait encore furnum unum in Rochella cum calefactura Floriaci. (Ibid., t. XIX, p. 243. ) — Une charte de 1133 mentionne Bocillum de la Fochart. (Ibid., t. XV, p. 677.) — Une autre de 988, sylva que nominatur Corneto. (Ibid., t. XXI, p. 505.) La forêt de Benon est désignée sous les noms de foresta de Arriazum, de Argenchum, de Argenconio. (Ibid., t. IX, p. 19 et 23 ; t. I, p. 269.) — Il y avait encore silva quae appellatur Arincioni que est situs in loco Sancti Felicis (St-Félix), inter tres ecclesias, una quae dicitur Sancti Cristofori, alia ecclesia Sanctae Mariae de Datolio (Deuil ), est plus minus in longitudine miliarios duos, in latitudine miliarium unum (ibid., t. XIII, p. 131), etc. — Je parlerai plus loin de la forêt d’Essouvert (n° 70).
5. Longtemps avant cette dernière époque, le pays était habité. On y trouve en effet une série de monuments celtiques qui témoignent de la présence des druides (12). Arcère pense cependant qu’au commencement du Ve siècle, « l’Aulnis étoit une solitude qui n’offroit que l’appareil rude et sauvage des déserts » (13) ; il croit même qu’au IXe on n’y voyait encore ni églises ni monastères, et il en donne pour raison que, s’il en avait été autrement, ces édifices auraient été ravagés par les Normands, et le souvenir de ces dévastations conservé par les annalistes, « puisqu’ils déploraient les mêmes désastres arrivés dans les autres provinces... Si l’Aulnis a échappé à ces ravages, il falloit donc, ajoute notre auteur (14), ou que ce pays fût désert, ou qu’il n’y eût encore que des établissements champêtres. » Sans doute, au IXe siècle, l’Aunis n’avait aucune importance politique ; mais, dès ce temps-là, il possédait des églises et des monastères. En 844, une horde de Normands brûlait le prieuré de l’île d’Aix (15), et, l’année suivante, incendiait le monastère de Ste-Marie-de-Ré (16). Le souvenir des déprédations de ces pirates se trouve encore consacré dans une charte où sont énumérés les dons faits successivement à l’abbaye de St-Jean-d’Angély, par Guillaume Téte-d’Étoupes et Guillaume Fier-à-Bras, son fils, ducs d’Aquitaine et comtes de Poitou (17). On lit, en effet, dans le préambule : « Cum olim Aquitania dissipata essent ab atrocibus barbaris cuncta cenobia, abbatia, a Pipino rege, in honore beatissimi precursoris Christi Johannis, edificata apud Angeliaco (St-Jean-d’Angély), a solo diruta et multis prediis quibus idem rex gloriosus ipsam ditaverat, videlicet Vultrone (Voutron), D’Yves, marisco qui circumquaque adjacet, castro quod vocatur Alionis (Châtelaillon) ecclesiis, terra culta et inculta, Egolins (18), et fere omnibus que sunt a littore maris ubi dudum venerabile caput allatum ab Alexandria super lapidem primum applicuit, usque ad locum ubi nunc requiescit et aliis multis tam in Sanctonico quam in Pictaviensi episcopatu circumquaque diffusis et expoliata... » Cette charte, défigurée dans le Gallia Christiana, suivant l’observation de dom Fonteneau, porte la date de 951 ; mais elle est postérieure à cette époque, et doit être considérée « comme un précis de plusieurs pièces de différentes dates, comme une notice dressée par quelque moine, en vue de conserver à la postérité la mémoire de la destruction de l’abbaye de St-Jean en 867, et de sa restauration. » (12) M. Massiou, loc. cit., t. I, p. 36 et 444.

(13) Loc. cit., t. I, p. 30.

(14) Ibid.,t. I, p. 31.

(15) M. Massiou, Hist. de la Saint., t. I, p. 560

(16) Ibid, t.I, p. 364.

(17) Dom Fonteneau, t. XIII, p. 47.

(18) Il s’agit ici d’Angoulins, appelé Angolismensis dans le récit apocryphe de la translation du chef de St Jean-Baptiste, et ordinairement Ingolinus dans les chartes, « locus qui dicitur Ingolinus super fractam ripam », 1000. (Dom Font, t. I, p. 567.) On trouve aussi villa quae vocatur Engolins, 978(Ibid, t LXII, p.443), Mariscus Golinis, 937, et Higolinis, 948 (Ibid, t. VI, p. 31 et 177). Angoulins figure encore dans plusieurs autres documents.

6. Avant d’arriver aux détails géographiques, je dois présenter un résumé rapide du beau travail de M. de la Fontenelle sur la nature même de l’institution mise en vigueur par Charlemagne. En 778, ce grand prince avait créé le royaume d’Aquitaine ; pour en assurer la stabilité, il voulut l’entourer d’institutions fortes ; un duc fut établi pour toute l’Aquitaine, et chargé principalement du commandement des troupes, ainsi que de l’administration civile et judiciaire de la ville de Toulouse, capitale du nouvel État. Dans chaque cité fut placé, pour le territoire qui en dépendait, un comte qui n’était subordonné au duc que sous le point de vue militaire ; par suite, il y eut un comte en Poitou, et il ne faut pas oublier que le pays d’Aunis relevait de cette province, quoiqu’il n’en fît pas partie intégrante. Ce comte réunissait au degré le plus élevé, après l’autorité souveraine, les pouvoirs judiciaire, administratif et financier ; mais, comme il ne pouvait exercer seul tant de fonctions, il fut autorisé à commettre, dans les différents cantons (Pagi) de son gouvernement, des officiers pour le suppléer. Les divisions de chaque Pagus furent appelées Vigueries (Vicariae), et les fonctionnaires qu’on y plaça, Viguiers (Viguerii, Vicarii), vicaires ou délégués du comte, qui devait choisir pour cet emploi des hommes probes et équitables. — Les vigueries établies à la fin du VIIIe siècle, ou plutôt au commencement du IXe, étaient indépendantes des circonscriptions ecclésiastiques (19), et cessèrent en général d’exister vers la moitié du XIIe siècle. L’anéantissement de cette grande institution provint surtout de l’abus qu’on en fit en créant des viguiers presque sans territoire et sans attributions, simples délégués des grands ou des hommes du clergé, au lieu d’être les représentants du prince. Ces délégations de pouvoir, qu’on décorait du nom de vigueries, et que M. de la Fontenelle appelle vigueries imparfaites, faussèrent le caractère et le principe de l’institution. — L’extension donnée à celle des prévôts concourut aussi à la décadence des vigueries. C’étaient des officiers chargés, dans le principe, de faire valoir les biens et de régir les terres ; plus tard, on leur confia la décision de certaines affaires, et, partout où ils devinrent juges, l’importance des viguiers s’amoindrit et s’effaça. (19) J’aurais été très-désireux de présenter un tableau des divisions ecclésiastiques de l’Aunis du Xe au XIIe siècle, mais les documents manquent. Le plus ancien pouillé du diocèse de Saintes que j’aie rencontré ne remonte qu’au XVe siècle. On trouve, dans le LXVIe volume de la Collection de dom Fonteneau, un extrait de cette pièce intitulé Pancarta beneficiorum curam animarum habentium olim d. X. (diocesis Xantonensis) nunc Rupellensis, extracta ex antiqua pancarta de Rochechouart nuncupata quae erat apud dominum reverendissimum Nicolaum Xantonensem, bene meritum episcopum, anno Domini 1401. Il existe dans la même collection (t. LXII, p. 333) un autre pouillé qui porte pour titre : Tabula collatarum dignitatum prioratuum ecclesiarum parrochialium urbis et diocesis Xanctonensis, secus ordinem alphabeti, et transcriptum est hoc volumen mense septembri anno Domini millesimo quingentesimo sexagesimo septimo (1567).—Collationné le 14 mai 1632, ce pouillé avait été signifié, en 1733, dans un procès intenté à l’occasion de la succession d’un prêtre curé, vicaire perpétuel de la paroisse de St-Denis-du-Pin, pour justifier qu’il n’y avait point, dans le pouillé des bénéfices du diocèse de Saintes, de paroisse nommée Deshouvert (sic).—I1 existe aux archives du département de la Vienne une copie de ces deux pouillés, faite avec beaucoup de soin en 1650. — Cette copie forme un volume in-folio, cartonné, divisé en deux parties. La première se compose du pouillé de 1567 ; la seconde, de la pancarte de Rochechouart, à laquelle on donne la date de 1402, et qui comprend l’énumération des paroisses de tout le diocèse de Saintes. — Lorsqu’en 1648, une bulle du pape Innocent X ordonna la translation à la Rochelle du siège épiscopal de Maillezais, on détacha du diocèse de Saintes toutes les paroisses de l’Ile de Ré et du pays d’Aunis pour les réunir au nouvel évêché. Il résulte de la copie du pouillé de 1401, faite par dom Fonteneau, que les paroisses ainsi réunies étaient celles des archiprêtrés de la Rochelle (55), de Surgères (48), et de Mauzé (32), auxquelles il faut ajouter 5 paroisses de l’archiprêtré de St-Jean-d’Angély, celles de Fourras, de St-Laurent-de-la-Prée, du Breuil-Magné, de Loire et de Rochefort, ainsi que celle de St-Hippolyte-du-Vergerou, qui ne figure pas dans le pouillé de 1401. — Dans l’Histoire de l’église santonne et aunisienne, publiée en 1843, par M. l’abbé Briand, je n’ai trouvé aucun renseignement sur les anciennes circonscriptions ecclésiastiques du pays d’Aunis.
7. L’Aunis, comme je l’ai déjà dit, formait un Pagus. Amos Barbot, induit en erreur par les énonciations contenues dans quelques chartes, a prétendu qu’il avait eu le titre de comté. Arcère a relevé en termes fort durs une assertion qu’il appelle une méprise, une chimère, une bévue, et il ajoute (20) : « Je puis assurer que dans le recueil des chartes de l’abbaye de Saint-Jean-d’Angély, concernant le pays d’Aulnis, collationnées au cartulaire de cette abbaye, il n’en est aucune qui donne au pays d’Aulnis le titre de comté. » — On a lieu d’être surpris d’une pareille affirmation de la part d’un auteur réputé « extrêmement exact et très-consciencieux » (21), lorsqu’il suffit d’ouvrir le cartulaire dont il parle, pour y trouver le titre en litige, dans deux notices des dons que Guillaume Tête-d’Étoupes et Guillaume Fier-à-Bras, ducs d’Aquitaine et comtes de Poitou, firent successivement à cette abbaye. Dans ces notices, auxquelles on a assigné la date de 951 et 968 (22), l’énumération des dons est précédée en effet des mots in Comitatu Alniensi. Je ne veux pas toutefois soutenir que l’Aunis a eu réellement le titre de comté, je suis d’accord avec Arcère pour la négative ; mais, à toute son érudition et à la mauvaise foi de sa discussion, je préfère cette simple note de dom Fonteneau : « Comme cette pièce n’est qu’une notice des dons qui furent faits à l’abbaye de St-Jean-d’Angély par le duc d’Aquitaine, comte de Poitou ; que ce comte étoit alors seigneur de la Saintonge, et que l’Aunis, qui en étoit en quelque sorte démembré, faisoit comme un corps à part, l’auteur de la notice aura donné le titre de comté à tout ce qu’il aura vu être sur le pied de province appartenant au comte de Poitou, et conséquemment à l’Aunis. C’est en ce sens que l’Aunis est appelé comté... Il faut se rappeler que cette charte n’est qu’une notice dressée dans le onzième ou douzième siècle ; que les auteurs des notices tiroient la substance de plusieurs chartes de dons faits aux églises, et l’incorporoient dans une seule, sans s’embarrasser des dates... parce que ce n’étoit pas leur objet. » (20) Loc. cit., t. I, p. 41.

(21) M. de la Fontenelle, loc. cit., p. 439.

(22) Dom Fonteneau, t XIII, p. 47 et 69.

8. Quoi qu’il en soit, de même que le comté de Poitou, le pays d’Aunis fut divisé en vigueries. M. de la Fontenelle (23) fait observer avec raison que l’étude de ces circonscriptions présente aujourd’hui de grandes difficultés : d’abord, parce que quelques-unes furent placées dans des lieux alors considérables et qui ont aujourd’hui perdu toute leur importance ; ensuite, parce que les chartes des monastères de Saint-Cyprien, Nouaillé, Saint-Maixent et Saint-Jean-d’Angély, sont à peu près les seules où elles soient mentionnées. Les recherches auxquelles je me suis livré me permettent d’avancer que le territoire de l’Aunis ne formait, dans le principe, que trois vigueries, celles de Bassé, de Châtelaillon et de Saint-Jean-d’Angély. A la vérité, Arcère et tous ceux qui ont écrit après lui en admettent six ; mais j’espère établir que celles de Charentenay, Muron et Nachamps n’étaient, comme Choupeaux, dont s’est occupé M. de la Fontenelle (24), que des vigueries imparfaites enclavées toutes trois dans celle de Saint-Jean-d’Angély, et ne comprenant que les localités dont elles portent les noms. Cette réduction admise, l’Aunis se trouvait partagé en trois circonscriptions ayant chacune une assez grande étendue et une importance réelle : au nord, la viguerie de Bassé, empiétant pour ainsi dire sur le Poitou, et s’étendant jusqu’aux portes du château de Niort ; à l’ouest, celle de Châtelaillon, possédant tous les points du littoral ; enfin à l’est et au midi, celle de St-Jean-d’Angély, suivant le cours de la Charente et de la Boutonne , et embrassant des terrains qui depuis ont appartenu à la Saintonge. Il est impossible, je le reconnais, de tracer avec une précision mathématique la ligne séparative de chaque circonscription ; mais on reconnaîtra aisément que les indications approximatives que je donnerai plus loin s’écartent peu de la vérité. Je vais donc maintenant m’occuper spécialement de chaque viguerie, ainsi que des localités qui en dépendaient, et dont les chartes que le temps a épargnées nous ont transmis le souvenir. (23) De la Fontenelle, loc. cit., p. 360.
(24) Loc. cit., p. 458.
I. Viguerie de Bassé (p. 363)

II. Viguerie de Châtelaillon (p. 386)

III. Viguerie de Saint-Jean d’Angély (p. 406)

VICARIA SANCTI JOHANNIS DE CASTRO ALLIONIS (Viguerie de Châtelaillon)


La viguerie de Châtellaillon
38. Des trois vigueries de l’Aunis, celle de Châtelaillon, qu’Arcère place (1), je ne sais pourquoi, au côté méridional de l’Aunis, lorsqu’elle occupait le nord et l’ouest de ce pays, était sans contredit la plus intéressante par sa position géographique. A l’ouest, elle comprenait en effet, avec l’île de Ré (2) et l’île d’Aix (3), tous les points du littoral depuis Charron (4) jusqu’à Fouras (5). Au nord, elle était bornée par la Sèvre ; au midi, la Charente la séparait de la Saintonge ; à l’est enfin, elle confrontait aux vigueries de Bassé et de Saint-Jean-d’Angély. La ligne de démarcation partait vraisemblablement de Benon (6), et venait aboutir à Rochefort (7) en passant par Bouhet (8), Virson (9), Forges (10), le Thou (11), Ciré (12), Loire (13) et le Breuil-Magné (14). Ainsi, Surgères et ses environs exceptés, tout ce qui plus tard a formé la petite province d’Aunis se trouvait compris dans la viguerie de Chatelaillon. Une partie de son territoire était inondée par les eaux de la mer et formait de vastes marais couverts de salines qui presque toutes ont disparu, et dont les noms cités dans les chartes sont pour la plupart oubliés depuis longtemps. (1) Histoire de la Rochelle, t. I, p. 37.

(2) Voir Arcère, loc. cit., t. I, p. 55.

(3) Insula Ayiensis, 1107 (dom Font., t. XIII, p 13.)—Ecclesia (Sancti Martini) de Ays, 1149 (ibid., t. IX, p. 27). Insula quae vocatur Ayas, 1167 (ibid., t. XXV, p. 149).

(4) Eccl. (Sancti Nicolai) de Charronne, 1031 (dom Fonteneau, t. XXV, p. 45. — In insula Carronis, 1099 (ibid., t. LXIII, p. 471 ), etc.

(5) Le château de Fouras est désigné dans les chartes sons les noms de Castrum quod vocatur Colrasum, 1074 (dom Font., t. XXI, p. 437), et de castrum ou castellum Currasium, 1080-1096 (ibid., t XV, p. 369 et 469). Son église était appelée ecclesia Beati Gaudentii de Folloraso (ibid., t. XV, p. 443).

(6) Villa que vocatur Beneon, 951 (dom Font., t. XIII, p. 47. — Villa Benedonis, 990. (ibid., t. XIII, p. 107), etc.

(7) Je n’ai trouvé aucune charte relative à Rochefort ; mais le nom des seigneurs qui l’ont possédé figure dans un grand nombre de titres à partir de 1028. (Rocafortis, Rupefortis, Rochafort, etc. )

(8) Villa de Boeto, 1105 (dom Font., t. XIX, p. 115). Bouhet est mentionné dans plusieurs autres chartes.

(9) Ecclesia parochialis Beatae Mariae de Virsonio (pouillé de 1401).

(10) Voir ci-dessus, n° 33.

(11) Eccl. par. Sancti Petri de Tou (pouillé de 1401).

(12) Eccl. par. Beatae Mariae de Cire (ibid.).

(13) Eccl. par. Beatae Mariae de Loyres (ibid.).

(14) Eccl. par. Sancti Petri de Maigné (ibid.).

39. J’ai dit quelques mots de la Sèvre. Quant à la Charente, peu de noms ont été aussi diversement orthographiés que le sien. Sans parler du Kanentelos ou du Canentelus de Ptolémée et de Marcian, qui est incontestablement notre fleuve, et à partir seulement d’Ausone, qui au IVe siècle l’appelait Carantonus, on trouve successivement, vers 817, dans un diplôme de Louis-le-Débonnaire, fluvium Karentonae, en 848, dans un diplôme de Pépin II, le droit accordé à l’abbaye de Saint-Maixent « discurrere quiete atque regredi secure in Carantino fluvio. » Plus tard, en 872, on rencontre Karrantona (15) ; en 951, fluvium Cerantonia ; en 961, Carentaneum flumen ; en 968, fluvium Cherantonia (16) ; en 1017, fluvium Carentonis ; on trouve encore fluvium quod Karanta dicitur (1039) ; in flumine Carante (17) (1048) ; fluvium Quarantonem (1071) ; in alveo Carantonis fluvii et aquam nomine Karantem (1080) (18) ; super Charantam (1100) ; in flumine Caranta apud Sanctonas (1112) ; on rencontre enfin, en 1166, in omnibus aquis nostris de Charanta (19) . — J’ajouterai, après cette longue énumération, que l’auteur de la Vie de St Cybard appelle notre fleuve Caranto (20). On sait que la Charente prend sa source à Chéronnac (Haute-Vienne), dans un lieu sauvage qui servit autrefois de refuge à ce saint anachorète. — Dans son livre sur les Rivières de France (21), Coulon parle ainsi de ce fleuve : « Il ne se peut rien voir de plus clair ni de plus agréable que le cours de la Charente, et Ronsard a grand tort de la dériver de l’Achéron, et de penser que ce soit une branche de ce funeste lac, dont les eaux nous sont représentées si noires et si boueuses ; c’est plutôt une fontaine continuée depuis sa naissance jusqu’à la mer. » — La boutade du poëte Ronsard me conduit à faire connaître l’étymologie du mot Charente : M. Lesson (22) parle d’une Histoire des Celtes, d’après laquelle « la Carente tirerait son nom des cygnes qui couvraient ses eaux » ; suivant M. Gautier (23), il viendrait de la vitesse de son courant, et serait formé des mots celtes car, rapide, et on, eau ; mais, d’après Bullet (24), dont l’opinion me semble préférable, il serait dû précisément à la beauté de ses eaux et à la profondeur de son lit. Car ou caran signifie beau, et ton ou don profond ; d’où Caranton, auquel il suffit d’ajouter la terminaison latine us pour retrouver le nom qu’Ausone donnait à notre fleuve (25). (14) Eccl. par. Sancti Petri de Maigné (ibid.).

(15) Dom Fonteneau, t. IV, p. 25 ; —t. XV, p. 53 ; —t. IV, p. 33.

(16) Ibid., t. XIII, p. 47 ;— t. X, p. 15 ; — t. XIII, p. 69.

(17) Ibid., t. I, p. 205 ; — t. XIII, p. 159 ; — t. XXV, p. 381.

(18) Ibid., t. XIII,p. 175. — t. XXV, p. 393 ; — t. IV , p. 67.

(19) Ibid., t. VII, p. 395 ; — t. XIX, p. 125 ; — t. XVIII, p. 347.

(20) Vales, Not. gall., p. 125.

(21) Voir p. 457.

(22) Hist. des marches, p. 339.

(23) Statist. de la Char.-Inf., p. 140.

(24) Mém. sur la langue celt. , t. I, p. 119.

(25) Voir dom Fonteneau, t. LXXVII, p. 147.

40. Si je voulais m’occuper de tous les points compris dans la circonscription de Chatelaillon sur lesquels on trouve des documents remontant aux Xe et XIe siècles, je m’écarterais du but que je me suis proposé, la recherche des localités expressément indiquées dans les anciens titres, comme dépendant des vigueries du pays d’Aunis. Ici encore je me restreindrai donc à l’examen des lieux accompagnés dans les chartes de cette indication, depuis 968 jusqu’à l’année 1023 ; mais, ainsi que je l’ai annoncé (n° 37), je parlerai en même temps de ceux qui, faisant partie de la viguerie de Chatelaillon, ont été placés à tort dans la viguerie de Bassé.
41. AGERNUS.— Le titre qui indique LA JARNE dans la viguerie de Chatelaillon porte la date du mois de mai 1004, et constate un don fait à l’abbaye de Saint-Cyprien par Achard « in pago Alninse, et sunt areae (26) de terra salsa, in vicaria de Castello Allonis, confrontant de una parte Bessa (27), de duabus terra Sancti Salvatoris et Sancti Stephani, de quarta via publica, est autem in marisco AGERNI. (28) » Mais des chartes antérieures (29) mentionnent également la Jarne, dont le marais confrontait, comme on le voit, à des terrains appartenant à Saint-Sauveur (de Nouaillé) et à St-Étienne (d’Aytré).Ce marais contenait plusieurs salines. L’abbaye de Saint-Jean-d’Angély y possédait « salina que vocatur Sandraldi, et alia Runcia vocata (30). » Un titre qui remonte à 1009, et qui est intitulé Brevis de salinas Sancti Johannis (31), porte que la même abbaye avait encore d’autres salines « in ipso marisco (AGERNA), in alio loco qui appellatur Palude, et in alio loco in Labessa. » Le marais appelé Paludes ou Paluz, qu’on retrouve dans des chartes de 948 ou 949, de 981 et de décembre 991 (32), est celui que M. Lesson « est tenté de retrouver dans les marais de Genouillé. »(33) Les indications qui précèdent prouvent que cette conjecture n’est pas fondée. Je terminerai cet article en rappelant le don fait, vers 1063, par Isembert de Chatelaillon, à l’abbaye de St-Cyprien de l’église de la Jarne, « Ecclesia de AGERNIA » (34), qui était placée sous l’invocation de la Vierge, ainsi que cela résulte du pouillé de 1401. (26) Area est une sous-division ou carreau du marais salant. C’est dans les aires que se forme le sel. (Arcère, t. I, p. 23.)

(27) Bessa, tranchée ou fosse. On appelle encore bessons, en Aunis, les ouvriers qui font les fossés.

(28) Dom Fonteneau, t VI, p. 501 , et archives du département de la Vienne. — Besly (Hist. des comtes du Poitou, p. 277) et Arcère (Hist. de la Roch., t. II, p. 634) écrivent l’un Agerim, l’autre Ager.

(29) En 967, Agarnius, Agarnicus (dom Fonteneau, t. XV, p. 145 et 147 ) ; en 976, Aiernus (ibid., t. LXII , p. 437) ; en 982, Agerna (ibid., t. LXII, p. 469).

(30) Dom Fonteneau, t. LXII, p. 469 et 477, vers 982 et 985.

(31) Ibid., t. LXII, p. 513.

(32) Ibid., t. VI, p. 185 ; — t. LXII, p. 455 , et t. XXI, p. 321.

(33) Fast. hist., t. I, p. 82. —Vers 1096, Aimeri Béchet donne à l’abbaye de St-Jean-d’Angély « ecclesiam Sanctae Mariae de Genuliaco. » (Dom Fonteneau, t. LXIII, p. 253. )

(34) Dom Fonteneau, t. VI, p. 671.

42. AITRIACUS.— J’ai dit (n° 37) que M. de la Fontenelle avait cru à tort que la viguerie de Bassé possédait différents lieux des côtes de l’Aunis (35). Je dois ici commencer la démonstration, puisque cet auteur nomme précisément Aitriacus, dans une note ainsi conçue : « Don d’un marais à Aytré, Aitriacus, in ipso pago (Alniacense) sub vicaria quae vocatur Basiacensis. » (36) A cette citation j’opposerai le texte même de la charte. On y lit qu’en 974, le nommé Letet et sa femme donnent à l’abbaye de Saint-Jean-d’Angély « aliquid de salina nostra que est sita in pago Alninse, in marisco qui vocatur AITRIACUS, hoc sunt areae XXII, — et in alio loco, in ipso pago, sub villa quae vocatur Basiacensis, de vinea juctos II. » (37) On voit que cette charte, déjà citée (n° 12), ne parle point de la viguerie ; qu’elle énonce seulement qu’Aytré et Bassé étaient dans le pays d’Aunis, et que ce dernier village se trouvait dans une direction opposée, in alio loco. L’état des lieux ne permet pas d’admettre qu’Aytré fût dans une autre circonscription que la Rochelle, et il demeure prouvé que l’opinion contraire ne peut s’étayer d’aucun titre. —De nombreux documents relatent le marais d’Aytré. Je me bornerai à citer une charte du mois d’août 996, que dom Fonteneau ne connaissait pas, et qui constate le don fait à l’abbaye de Nouaillé par Boson de Niort, « ex castro Niortense », d’une saline située « in marisco que vocatur AUCTRIACUS, in rem Sancti Stephani (Saint-Etienne d’Aytré), et in loco que nominatur Aderna. » Dans une bulle de Pascal II, qui, le 17 avril 1110, mettait l’abbaye de Saint-Cyprien et ses biens sous la protection du saint-siége, on voit figurer les salines d’Aytré « salinae de AITREC » (38) — Parmi celles que l’abbaye de Saint-Jean-d’Angély possédait dans cet endroit, on peut citer : salina de Aurata, — salina Penitentia, — areas obtimas que vocantur Salina clara, — areas quae vocantur Petrinca, — areas que dicuntur d’Albert, —salina que dicitur Desiderii,—enfin salina in loco qui dicitur Noeita (39). Je m’abstiendrai d’autres citations qui allongeraient inutilement mon travail, et qui ne contiennent d’ailleurs aucun détail digne d’intérêt. (35) M. Lesson reproduit l’opinion que je combats dans ses Fast. hist., t. I, p. 75.

(36) Loc. cit., p. 437, note 1.

(37) Dom Fonteneau, t. LXII, p. 427.

(38) Dom Fonteneau, t. XV, p. 531.

(39) Vers 975 (dom Fonteneau, t. LXII, p. 431). — Décembre 994 (mariscus Actriaca (Ibid., t. XXI, p. 521). Vers 999 (ibid., t. LXII, p. 503) — et dans le bref des salines appartenant à l’abbaye de St-Jean-d’Angély, vers 1009 (ibid., t. LXII, p. 513).

43. CASTRUM ALLIONIS. — CHATELAILLON, autrefois capitale de l’Aunis, chef-lieu de la viguerie dont je m’occupe, et dont les seigneurs brillaient au XIe siècle, « n’est plus qu’un vain nom aujourd’hui », pour me servir des expressions d’Arcère (40). La mer a détruit l’ancienne ville, et ses ruines même ont entièrement disparu. Je n’ai pas le projet de répéter ce qui a été écrit sur Chatelaillon. On est d’accord désormais pour reconnaître que le château n’a pas été fondé par les Romains, et qu’il a pris son nom des premiers seigneurs qui l’ont possédé. Aux chartes de 995 et 1005, citées par Arcère pour établir que le nom d’Alon était assez commun à cette époque, on peut ajouter celle que j’ai notée (n° 47), et qui leur est antérieure de plusieurs années, puisqu’elle remonte à 971 ou 972. Le seul document que je rappellerai est un traité, en date du 18 septembre, vers l’année 1105, par lequel Eble, seigneur de Chatelaillon, excommunié pour avoir ravi des biens aux religieux de Vendôme, leur rendit enfin tout ce qu’il avait usurpé ; pour qu’elle eût plus de solennité, cette restitution fut faite au pied même des autels. « Actum est hoc apud Castrum Allionis, in ecclesia Beati Johannis. » (41) M. Lesson, après avoir dit que l’église de Chatelaillon était placée sous l’invocation de St Jean (42), a écrit plus tard ce qui suit (43) : « La ville de Chatelaillon avait deux églises, l’une consacrée à saint Vivien, l’autre à saint Romain. » Ces dernières indications sont inexactes. — L’église de Saint-Vivien appartenait à la paroisse de Saint-Vivien-du-Vergerou, chef-lieu actuel d’une commune (44) ; Saint-Romain était sans doute le village que Blaeu indique sous le nom de St-Romart, et Cassini sous celui de St-Romuald, à peu de distance de Chatelaillon. Quant à cette ville, elle ne possédait en réalité qu’une paroisse, dont le desservant était présenté par l’abbé de St-Michel-en-Lherm, et qui est désignée dans les pouillés sous le nom de « Ecclesia parrochialis Sancti Johannis de Castro Julii ». (40) Hist. de la Roch., t. I, p. 407 et suiv.

(41) Dom Fonteneau, t. XXVII, p. 753. — Arcère, loc. cit., t. II, p. 659.

(42) Fast. hist, t. I, p. 5.

(43) Hist. des Marches, p. 104.

(44) « Ecclesia parochialis Sancti Viviani de Vergerolio (pouillé de 1401 ). — Dans une transaction de 1377, on lit de Vergolio (Arcère, t. I, p. 609), ce qui doit être une faute d’impression. M. Lesson (Fastes, t. I, p. 35 ) traduit Vergolio par Vergolay ; mais Cassini a eu raison d’écrire Vergerou, puisqu’une charte du 28 février 1292, portant vente d’une rente à l’abbaye de Montierneuf (dom Fonteneau, t. XIX, p. 429), commence par ces mots : « Ge, Symon Maubert Vallet de St-Bebyen dou Vergerou. »

44. Ici, qu’il me soit permis de faire une courte digression. — D’un procès-verbal cité par Amos Barbot, et qui porte la date de 1430 (45), il résulte « qu’il y avoit proche Chatelaillon une cité qui en dépendoit, nommée MONMEILLAN, qui étoit entre Chatelaillon et l’île d’Aix, à laquelle cité et à ladite île on pouvoit aller par terre et à pied sec, de basse mer, en passant sur quelques pierres, selon que rapportent les anciens ouïs au susdit procès-verbal, et avoir veu gens qui de leur temps y avoient passé. » Arcère s’est demandé si cette ville sauvée par hasard de l’oubli n’était pas peut-être le célèbre Mediolanum de Strabon, tout en déclarant cependant que rien ne pouvait appuyer cette conjecture. Je n’entends pas assurément révoquer en doute qu’il y ait eu sur la côte de Chatelaillon un lieu nommé Monmeillan, mais je ne saurais admettre que ce lieu ait jamais été une ville, une cité, comme on l’a redit tant de fois depuis Amos Barbot. S’il en eût été ainsi, le souvenir en serait consacré par d’autres titres que le procès-verbal de 1430. Les chartes, les chroniques en auraient fait mention. Or, on chercherait vainement ces titres (46), ce qui laisse penser que Monmeillan était tout au plus village maritime, dont l’imagination a grossi l’importance depuis que la mer l’a englouti. (45) Arcère, Hist. de la Roch., t. I, p. 12 et 113.

(46) M. Lesson dit bien (Fast. hist., t. I, p. 6) que Monmeillan « est une ville admise d’après de vieilles chartes », mais il n’en cite aucune et fait sans doute allusion, en parlant ainsi, au procès-verbal de 1450.

45. COPNIA. — FISTELIACUS. — TERRA NOVA. — Ces trois lieux figurent ensemble dans le même passage d’une charte de 968 ou 969, contenant le don de diverses salines fait à l’abbaye de St-Cyprien par Isembert, sa femme et sa fille. Ce passage est ainsi conçu : « Quandam salinam que est in pago Alniso, in vicaria Sancti Johannis de Castello Allonis, in marisco qui dicitur COPNIA, seu FISTELIACO, areas centum in terra qui dicitur Nova » (47). Arcère dit (48) que « le marais de Copnia, aujourd’hui COUGNES, est le marais de Lafond, aux portes de la Rochelle. » On le retrouve, vers 982, dans un don fait à l’abbaye de St-Jean-d’Angély par Raineldis : « Salinam in COMNIA , in rem Sancti Mauricii » (49) ; et vers 1023, dans une charte déjà citée (n° 19 et 27), portant qu’Adalburge donne à l’abbaye de St-Cyprien « centum areas in locum qui dicitur CAMPANIA , in pago Alninse, in vicaria Sancti Johannis » (50). 0n sait que l’église de Notre-Dame de Cougnes, « Sanctae Mariae de Compniis », a été la première paroisse de la Rochelle. – Fisteliacus est FETILLY, au-dessus de Lafond. Arcère ajoute que Terra Nova est « TERRE-NOUVELLE, à trois quarts de lieue de la Rochelle, dans la paroisse Notre-Dame ». J’ai peine à admettre cette dernière indication, car Fétilly est placé au nord de la Rochelle, Terre-Nouvelle à l’est de cette ville, dans une direction tout à fait opposée ; et, dans la charte, il est dit positivement que le marais Copnia ou Fisteliacus se trouve dans l’endroit même appelé Terra Nova. (47) Dom Fonteneau, t. VI, p. 273. — Besly, loc. cit., p. 291 et 292.— Arcère, loc. cit., t. II, p. 634. — Copma (M. de la Fontenelle, loc. cit., p. 457, note 5) est une faute d’impression.

(48) Loc. cit., t. II, p. 654.

(49) Dom Fonteneau, t. LXII, p. 463

(50) Dom Fonteneau, t. VI , p. 557.

46. ESPNENDA.—ESNANDES est encore un des lieux placés par M. de la Fontenelle (51) dans la viguerie de Bassé, et qui appartenaient à celle de Chatelaillon. Il suffit, pour s’en convaincre, de lire attentivement la charte de 1023, citée plusieurs fois. Celte charte indique d’abord les localités maritimes situées dans la viguerie Sancti Johannis. « Campania, Rochela, et item IIII retia in portum ESPNENDA » ; elle énumère ensuite les vignes données dans la viguerie Bachiacense, aux lieux appelés Fornax Calidus et Malum Pertusum. La confusion n’existe pas davantage dans la charte de 990 ou 991, rappelée en note par M. de la Fontenelle, et dont j’ai parlé n° 29. Sienildis cède à l’abbaye de St-Cyprien « piscatoriam suam ad sex reta in mare ad portum NESNEMPDA » ; ce n’est qu’après qu’il est question de la cession d’une vigne, « item, in vicaria Bassiaco, sub villa quae vocatur Petra » ; ce qui exclut l’idée que Nesnempda se trouvât in vicaria Bassiaco. Enfin, s’il pouvait rester quelque doute, il devrait disparaître en présence de la charte de 968 ou 960, citée n° 45, et qui ne parle que de lieux situés in vicaria S. Johannis de Castello Allonis. On y lit en effet : « et in portu SNEMPDA, in loco qui dicitur Mangbert, piscatoria ad sex retia, in mare, in rem Sancti Salvatoris. » (52) Les pêcheries et les salines d’Esnandes sont rappelées dans plusieurs titres où ce nom est écrit Ebsninda, Emnende, Esnanda (53). Vers 1025, Raimond donne à l’abbaye de St-Jean-d’Angély la moitié « de ecclesia in pago Alniense, in honore sancti Martini, constructa supra littore maris, sita ad portum qui vocatur ESNENDA » (54) ; et vers 1041, Alias de Nouaillé (Nulliacensis) (55) et sa femme donnent à la même abbaye une autre partie « ecclesiae quae est in villa ESNENDE » (56). (51) Loc. cit., p. 437 et note 2. — Port d’Ernaudes est une faute d’impression.

(52) Besly et Arcère ( loc. cit. ) écrivent Snempha et Maugibert. Arcère ajoute en note qu’il faut lire Esnenda, et que Snempha est une faute de copiste.

(53) Dom Fonteneau, t.XIII, p. 107 ; — t. XV, p. 609 ;— t.XIII, p.219 ; — t. XV, p. 531.—Dans une charte du mois d’août 996, que dom Fonteneau n’a pas connue, et qui se trouve aux archives du département de la Vienne, Aldetrudis donne à l’abbaye de Nouaillé, « in mare ad portum quae vocatur Aestdempna piscatoria ubi possunt extendere recia tria. »

(54) Ibid., t. LXII, p. 547.

(55) Vers 1041, on trouve un don consenti dans le château de Nouaillé :« Fecimus autem hoc donum in castro Nulliacense. » ( Dom Fonteneau, t. LXII, p. 563.) L’église de Nouaillé était sous l’invocation de Saint-Martin , Sancti Martini de Nobiliaco (pouillé de 1401 ). — Quant à l’église de St-Sauveur, elle se trouvait dans un village nommé Liguriacus ; on voit en effet, en janvier 989, Guillaume, duc d’Aquitaine, donner à l’abbaye de Nouaillé « in villa que vocatur Liguriaco, ecclesia in honore Salvatoris Jesu Christi nostri. » (Dom Fonteneau, t. XXI, p. 305, et archives du département de la Vienne.)

(56) Ibid., t. LXII , p. 563.

47. MAMMA. — Dans la charte de 968 ou 969 (n° 46), on voit qu’après avoir donné à l’abbaye de St-Cyprien cent aires de marais salants situés dans la viguerie de Chatelaillon et dans le marais de Cougnes, Isembert ajoute à sa libéralité « in alio loco qui dicitur MAMMA, areas L. » J’avoue que je ne puis préciser la situation de cette saline ; on doit seulement supposer qu’elle était voisine de celle de Fétilly. Vers 981, Rodulfus donne à l’abbaye de St- Jean-d’Angély, « in marisco qui dicitur MOUMO, XX areas de terra salsa. »(57) Vers 993, Amalricus abandonne à la même abbaye « in marisco qui vocatur MOUM, in salina quae dici tur Ingeluini, L areas desertas »(58) . Je pense que Moumo était le même marais que Mamma ; mais, je le répète, je ne puis fournir sur ce point aucune indication précise. (57) Dom Fonteneau, t. LXII, p. 459.

(58) Ibid., t. LXII, p. 489. — Le bref des salines appartenant à l’abbaye de St-Jean-d’Angély (t. LXII, p. 513) cite en outre la saline in Gibergana in Moun. »

48. ROCHELLA. — C’est en 1023 qu’on voit apparaître pour la première fois le nom de LA ROCHELLE. Adalburge donne à l’abbaye de St-Cyprien plusieurs aires de marais salants situés à Cougnes ou à Fétilly, « et in alio loco, in ipsa vicaria (Sancti Johannis de Castello Allonis), L. areas in ROCHELLA ». Malgré cette indication si positive, Arcère se borne à dire (59) que la viguerie de Chatelaillon comprenait « vraisemblablement le bourg de la Rochelle. » M. de la Fontenelle a raison de reconnaître « qu’on y voit poindre cette localité » qui alors était si peu considérable, qu’un siècle entier s’écoule sans qu’on trouve aucun autre titre qui la concerne. En 1139, Aliénor abandonne aux templiers établis à la Rochelle « molendinos quos apud ROCHELLAM habebat. »(60) Vers 1145, dans une bulle du pape Luce II, sont mentionnées les salines de Olerone et ROCHELA et de Engolins (61). En 1152, la Rochelle, dont la ruine de Chatelaillon avait hâté les progrès, était devenue une ville maritime importante ; son église paroissiale, « Sanctae Mariae de ROCHELLA », ne suffisait plus à l’affluence des fidèles, « hominum multitudem quae inibi ad habitandum noviter venit. » Et le pape Eugène III adressait un bref à l’évêque de Saintes, pour lever les obstacles qui s’opposaient à l’érection de la nouvelle paroisse, qui fut bâtie, sous l’invocation de St Barthélemi, sur un terrain appelé « Campum Guilelmi de Syre (62), qui erat portui et villae contiguus. »(63) (59) Loc. cit., t. I, p. 37.

(60)Dom Fonteneau, t. XXV, p. 287.

(61) Ibid., t. IX , p. 93.

(62) Ce nom a probablement induit en erreur M. Lesson, car il place la paroisse St-Barthélemy à Ciré (Fast. hist., t. I, p. 50, et Lett. hist., p. 10.) —L’église paroissiale de ce bourg était sous l’invocation de la sainte Vierge, « ecclesia parochialis Beatae Mariae de Ciré »(pouillé de 1401).

(63) Voir Arcère, t. II, p. 496, et M. Massiou, t. II, p. 11.

49. On remarquera sans doute que j’ai évité de parler d’une charte de 961, citée par plusieurs historiens (64), dans laquelle il est question d’un fief nommé Xantonum Vigeria, et d’un droit d’ancrage et de lestage exigé des navires qui abordaient en Saintonge, « à Rupella ad Blaviae portum. » Si j’ai gardé le silence sur ce document, c’est parce que son authenticité est plus que douteuse. Dom Fonteneau (65) a établi que tout, jusqu’au style et à l’écriture du titre, en démontrait la fausseté. J’en trouverais au besoin une preuve de plus dans le nom même donné à la Rochelle. Rupella est en effet plus moderne que Rochella, et, jusqu’en 1152, je ne crois pas qu’on trouve cette dénomination employée dans les chartes (66). (64) Arcère, loc. cit., t. I, p. 94.— H. Massiou, loc. cit., t. II, p. 11.— M. Lesson, Hist. des Marches, p. 98.—M. de la Fontenelle (loc. cit., p. 460).

(65) T. X, p. 133.

(66) En 1157, dans une bulle d’Adrien IV, confirmant les biens de l’abbaye de Montierneuf, on voit encore indiqué furnum unum in Rochella (dom Fonteneau, t. XIX, p. 243). Je pourrais ajouter d’autres citations à celles qui précèdent.

50. RUNTIACUS. — M. de la Fontenelle place ce village dans la viguerie de Bassé. « On y trouve, dit-il (67), la villa Runtiaco, qui doit être Rompsay » ; puis il en cite la note : « Villa Runtiaco, in pago Alsinse, in vicaria Bassiacense » (1000, abb. St-Cyp.). En regard de cette citation, je placerai le texte même de la charte. On y lit qu’Isarne donne « — in villa Daolli unum farinarium et dimidium juctum vinceae, — in villa quoque Bassiacense, et in eadem vicaria, quantumcumque ibi habebat et pratum suum ,— item in villa RUNTIACO terram salsam. » (68) Quoque ne veut pas plus dire que Daollius était dans la viguerie Basiacense, qu’item ne signifie que Runtiacus en faisait partie. Il s’agit ici de trois villages placés dans trois circonscriptions différentes. On verra, en effet, que Daollius était dans la viguerie de St-Jean-d’Angély, et il n’est pas douteux que RONSAY, situé pour ainsi dire aux portes de la Rochelle, appartenait comme cette ville à la viguerie de Chatelaillon.— Runtiacus est indiqué dans plusieurs titres que je me dispenserai de citer ; les plus anciens sont de 948 ou 949 et de février 967 (69). (67) Loc. cit., p. 436.

(68) Dom Fonteneau, t. VI, p. 489.

(69) Ibid., t. VI, p. 185 ; t. XV, p. 145 et 147.

51. SAZILIACUS. —Ce lieu est indiqué par M. de la Fontenelle dans la note suivante (70) : « Villae Verdiacus, Saziliaco, etc., in pago Alniense, in vicaria Sancti Johannis de Castello Aloni (968, 988, abb. St-Cypr.) » J’ai vainement cherché dans les chartes de Saint-Cyprien transcrites par dom Fonteneau, et dans celles conservées aux archives du département de la Vienne, le titre relatif à un Saziliacus d’Aunis ; seulement, parmi les pièces relatives à l’abbaye de St-Jean-d’Angély, j’ai rencontré une charte dans laquelle Beletrudis donne à cette abbaye, vers 1021, « In ipsa vicaria (Metulo) (viguerie de Melle), in villa quae vocatur SAZILIACO, quantum ibi visa sum habere, hoc est terram arabilem et junctum de prato qui vocatur Novum » (71). J’ai trouvé aussi, dans le cartulaire de Saint-Maixent, une autre charte contenant un contrat d’arrentement, consenti, vers 1098, par les religieux de cette abbaye, au nommé Girbert Venderius, d’une vigne, « vinea de Saziliaco quae vocatur Clausus, scilicet quinque quarteria. » (72) — M. Lesson traduit Saziliaco par Sarzay (73). Je ne connais pas dans la Charente-Inférieure de localité de ce nom. On pourrait jusqu’à un certain point supposer que le lieu dont parle M. de la Fontenelle est Sarzay ; mais ce hameau, situé près de Saint-Hilaire-la-Pallu, devait se trouver dans la viguerie de Bassé, puisqu’il était au delà du ruisseau le Mignon, qui formait la limite de cette circonscription. (70) Loc. cit., p. 438, note 3.

(71) Dom Fonteneau, t. LXII, p. 525.

(72) lbid., t. LXVI.

(73) Hist. des Marches, p. 102.

52. VERDIACUS. —Voici en quels termes ce lieu est désigné, dans une charte de donation consentie, vers 1003, à l’abbaye de Saint-Cyprien, par un vicomte nommé Acfred : il transmet ce qu’il possède « in pago Alniso, in vicaria Sancti Johannis, in villa VERDIACUS. » (74) Dans le sommaire de cette charte et dans une note, dom Fonteneau dit que la viguerie dont il s’agit ici est celle de Châtelaillon, mais sans autre indication en ce qui touche le village. M. Lesson a cru d’abord trouver Vandré dans Verdiacus, comme dans Verduniacus (75) ; plus tard il y a reconnu Vouhé (76) ; mais ni l’une ni l’autre localité n’a pu être la villa Verdiacus. Arcère, en parlant de l’ancienne étendue du bourg de la Rochelle, fait connaître : « qu’il avoit pour limites au midi le Perrot ou Péroc, qui en étoit séparé par la Besse de la reine Éléonor, c’est-à-dire par un terrain bas, humide, couvert d’herbages, et coupé par un fossé plein d’eau qui fut appelé canal de la Verdière. » (77) On pourrait supposer que c’est près de là que se trouvait le hameau ou l’habitation isolée appelée jadis Verdiacus ; toutefois cette conjecture n’est fondée que sur l’analogie du nom. (74) Dom Fonteneau, t. VI, p. 495. —H. de la Fontanelle (loc. cit., p. 438, note 3) donne par erreur à cette charte la date de 968.

(75) Fast. hist., t. I, p. 85.

(76) Hist. des March., p. 102.

(77) Ce mot désigne des terres basses près la mer, couvertes d’herbes salées, et connues sous le nom de verderiae. (Arcère, t. I, p. 25.)

53. VULTRON. — Dans l’article consacré à VOUTRON, M. Lesson dit qu’il dépendait « de la viguerie de Sanctus Johannis de Castello Alloni, in pago Alniso des vieilles chartes » (78). Cela est incontestable ; mais l’exactitude m’oblige d’ajouter que l’indication de la viguerie ne se trouve dans aucun des titres relatifs à cette localité, dont le nom est écrit Vultron, Voltron, Vulthron, Vultrum , Vultronia et même Wultronia, dans le récit de la translation du chef de St Jean-Baptiste. — Quoi qu’il en soit, une charte de l’abbaye de St-Jean désigne Voutron de la manière suivante : VULTRONI castello marino à littore non longe remoto (79). Le castrum Vultronem nomine et la villa Vultrum sont cités dans plusieurs documents à partir de 946 (80). On comptait dans cet endroit de nombreuses salines ; l’abbaye de Saint-Jean-d’Angély possédait celles dites : Salina nova, — Cracia, — Parvula Craccia, — Boselti,— in Ponto, — in secundo Ponte, — in Noalborel — la Longeta, —in Calciato, — Curba, — Vetula Aiteldi, — Libota, — Aloia longa , — Kasnel, —Bursalt, —la Turfre de foris,— la Richer, — Eldols,— Oriol, —Adraldi,— Constancia,—Rotabulo (81). La même abbaye avait aussi « decimam occarum (des ouches) quae apud Vultron sunt. » (82) Enfin il résulte d’une charte qui remonte environ à 1081, qu’Ebles de Châtelaillon « reliquit Deo sanctoque Johanni ecclesiam de VOLTRUM. » (83) Cette église était placée sous le vocable de saint Eutrope. (78) Fast. hist., p. 75.

(79) Dom Fonteneau, vers 1099, t. LXIII, p. 477.

(80) Ibid., 946, t. XXI, p.269 ; vers 966 et 984, t. LXII, p. 411 et 475 ; vers 1063, t. XII, p. 629 ; vers 1076, t. XV, p. 551.

(81) Ibid., vers 984 et 993, t. LXII, p. 473 et 489. Bref des salines de 1009, t. LXII, p. 513. — Les trois derniers noms de salines figurent dans des chartes de l’abbaye de Nouaillé, de décembre 991 et juillet 996, que dom Fonteneau n’a pas connues, et qui se trouvent dans les archives du département de la Vienne. — On y voit également une autre charte de février 941, qui constate le don fait à la même abbaye, par Guillaume Tête-d’Etoupes, comte de Poitou, d’une saline in marisco quae vocatur Vultron. — Cette charte, comme les précédentes, n’était pas dans le cartulaire de l’abbaye de Nouaillé à l’époque où dom Fonteneau en fit le dépouillement. (Voir à ce sujet une note de M. Rédet, Bulletin de la Soc. des antiq. de l’Ouest, 1840, p. 43.

(82) Ibid., vers 1093, t. LXIII, p. 281.

(83) Dom Fonteneau, t. LXIII, p. 65.

54. YVIA. — L’observation que j’ai faite pour Voutron s’applique également à YVES. Aucune charte ne place expressément cette localité dans la viguerie de Châtelaillon, bien qu’elle en fît réellement partie. Autour de la villa quae dicitur YVIA (84), s’étendait un marais salant, et, dans ce marais, l’abbaye de Saint-Jean-d’Angély possédait les salines appelées Salina Latus, - Calceia,—Curba, — Nova, — Vetula-Aiteldi et Girea. Cette dernière était située « inter Hivia et Scada » (85). Ainsi que je l’ai dit (n° 25), jamais Yves n’a été désigné sous le nom d’Iziacus. (84) Ibid., vers 973, t. VI, p. 423.

(85) Besly, Hist. des comtes du Poit., p. 303. Dom Fonteneau, de 975 à 1004, t. LXII, p. 435, 473, 519 et 567. —Scala ou Escala, suivant d’autres titres, dépendait du marais de Voutron, comme le prouve le don fait en décembre 991, par un clerc nommé Gundenus, à l’abbaye de Nouaillé, d’une saline, in pago Alieninse, in rem Sancti Salvatoris, in marisco que vocatur Vulthronno, in loco qui nominatur Scala. (Archives du département de la Vienne.)

55. En parlant des vigueries imparfaites, M. de la Fontenelle s’exprime ainsi : « Ce n’était pas toujours à des lieux importants qu’on concédait le droit de viguerie, à la dégénérescence de l’institution. On peut induire, en effet, du contenu de certains documents, que Choupaux, aujourd’hui simple domaine de la commune de Saint-Jean-de-Liversay, en Aunis, aurait eu aussi, mais tardivement, le titre de viguerie. » (86) Le document dont parle M. de la Fontenelle constate le don fait à l’abbaye de Luçon, par Henri II, roi d’Aquitaine, et Aliénor sa femme, d’un domaine : « prœdium quod dicitur paludense, scilicet mariscum consulare ubi sita est villa CADUPELLIS ; concedo etiam eis vicariam in praedicta villa Cadupellis qui de porcis et ovibus exigitur. » (87) Arcère fait observer avec raison « qu’il faut entendre par vicariam, non la juridiction ou le district du juge ou vicaire, mais l’exemption des droits que ce juge exigeait, ce qui semble être déterminé par les expressions suivantes : Do etiam eis quittanciam et libertatem omnium consuetudinum. » — J’aurai plus loin à citer d’autres exemples de cessions de cette nature, à une époque bien moins rapprochée de la décadence des vigueries. (86) Loc. cit., p. 459.

(87) Dom Fonteneau, t. XIV, p. 251 et 255. Arcère, loc. cit., t. II, p. 635. —Le premier de ces auteurs fait remonter cette charte environ à l’année 1157 ; l’autre la place entre 1154 et 1157.

56. À la suite des détails qu’il donne sur la viguerie de Châtelaillon, M. de la Fontenelle ajoute qu’il existe des indications assez nombreuses de points situés dans cette circonscription, et parmi ceux qu’il cite en note (88) figurent villa Daolli, Siniacus, Bonnais, Saint-Denis et la forêt d’Essouvert. Or, ces dernières localités appartenaient à la viguerie de Saint-Jean-d’Angély, ainsi qu’il me sera facile de l’établir. La confusion commise à cet égard provient de ce que les chartes indiquent souvent la viguerie de Saint-Jean « Sancti Johannis », sans distinguer entre Angély et Châtelaillon. Elle tient aussi à ce que dom Fonteneau, perdant de vue, ce qui est assez extraordinaire, que l’Aunis s’étendait autrefois jusqu’à cette dernière ville, a lui-même considéré comme dépendants de Châtelaillon les lieux qui vont être maintenant l’objet de mon examen. (88) Loc. cit., p. 438, note 3.

VICARIA SANCTI J0HANNIS-BAPTISTAE VEL INGERIACENSIS

(Viguerie de Saint-Jean-d’Angély).


La viguerie de Saint-Jean d’Angély
Texte
Notes
57. Moins intéressante que la viguerie de Châtelaillon sous le rapport géographique, mais presque aussi importante par l’étendue de son territoire, la viguerie de Saint-Jean-d’Angély, vicaria Sancti Johannis-Baptistae, vel Ingeriacensis, était bornée au midi par la Charente et la Boutonne, qui la séparaient de la Saintonge. Le cours de cette dernière rivière la limitait aussi à l’est jusqu’à Saint-Séverin (1). Au nord, elle s’arrêtait au ruisseau le Mignon ; à l’ouest enfin, son territoire était limitrophe de celui de Châtelaillon, et j’ai déjà indiqué approximativement la ligne séparative des deux circonscriptions (n° 37). Si l’on en excepte Surgères et les lieux circonvoisins, cette viguerie tout entière ne tarda pas à être réunie à la Saintonge (2). (1) Vers 965, l’abbaye de St-Jean reçoit en don « Medietatem ecclesiae sancti Severini. » (Dom Fonteneau, t. LXII, p. 403.) Vers 1066, on lui donne monasterium sancti Severi. (Ibid., t. LXII, p. 607.)

(2) Dans son Catalogue des Vigueries du Poitou, dom Fonteneau mentionne celle de St-Jean « Vicaria Sancti Johannis » (t. LXVI, p. 515), qui pour lui était Saint-Jean de Châtelaillon ; mais il ne cite qu’une seule charte, celle de 988, relative à Deuil, qui appartenait précisément à la viguerie de St-Jean-d’Angély.

58. En parlant de la Sèvre et de la Charente (n°s 10 et 39), j’ai fait connaître l’étymologie de ces deux noms ; je dois rechercher aussi celle de la BOUTONNE. Suivant M. Lesson (3), cette rivière serait ainsi appelée du latin botones, qui veut dire « mamelons, ou cônes de terre faits de mains d’homme, sur les confins d’un territoire, pour servir de limites ... La Boutonne prenant sa source au pied d’une élévation poitevine (Chef-Boutonne), et coulant presque à la base du fameux terrier de Tonnay-Boutonne, a dû en recevoir le nom des Romains établis dans le pays. » Quelque ingénieuse que soit cette explication, je crois qu’il faut lui préférer une étymologie celtique. Mais à celle proposée par Bourignon, bou rivière et on eau, qui, ainsi que le fait observer avec raison M. Gauthier (4), présente un pléonasme, il me semble qu’on peut substituer les racines bou rivière, et ton profond. Ici M. Lesson lui-même vient à mon aide, puisqu’il déclare que « les ondes si pures et si riantes de cette rivière se jouent sur des sables superficiels, où se creusent de profondes fosses, embarrassées de longues tiges, qui les rendent pernicieuses pour ceux qui se confient à leur habileté dans l’art de la natation. »—Le nom latin de la Boutonne est écrit dans les chartes Vultona, Vultunna et Wultunna. (3) Lettres hist. et archéol. sur la Saintonge et sur l’Aunis, 1840, p. 152.

(4) Stat. de la Char.-Inf., p. 146.

59. M. de la Fontenelle (5) déclare que peu de documents historiques mentionnent la viguerie de Saint-Jean-d’Angély. J’ai fait connaître (n° 56) par quel motif le nombre lui en a paru si restreint. Il ajoute (6) qu’il n’est pas en position d’assigner une date à cette viguerie ; les chartes que j’ai consultées embrassent un intervalle d’un siècle, de 939 à 1038. J’ai déjà dit (n° 8), que dans cette circonscription se trouvaient Charentenay, Muron et Nachamps, indiquées par Arcère comme chefs-lieux de viguerie, opinion que je me réserve de combattre lorsque j’arriverai à ces localités. (5) Loc. cit., p. 438.

(6) Loc. cit., p. 448.

60. ANTIZIANUS. — En juillet 989, on voit figurer parmi les dons faits à l’abbaye de Saint-Jean-d’Angély par Guillaume Fier-à-Bras, duc d’Aquitaine et comte de Poitou, « Maxnilum (7) unum que vocatur Antizianus. » (8) Six ans après, vers 995, la même abbaye reçoit de Fulcaldus, ses frères et sa mère, « alodum nostrum indominicatum (9), qui situs est, in pago Alieninse, in vicaria Sancti Johannis-Baptistae, in villa quae vocatur Antezannus, super fluvium Vultonna. » (10) Si j’en excepte un titre de 1025, où il est parlé d’un lieu situé « prope via que dicitur (ou plutôt ducitur) Antezans » (11), je n’ai vu figurer ANTEZAN dans aucun autre document de cette époque ; d’où je serais disposé à conclure que le nom de cette localité ne se rencontre pas aussi souvent dans les chartes que le déclare M. Lesson (12). Avant de l’indiquer dans la viguerie de Saint-Jean-d’Angély, cet auteur l’avait placée dans celle de Châtelaillon (13). (7) Maxnilum signifie une portion de champ avec maison ; mansus, un manoir, c’est-à-dire champs et maison donnés à des colons. (Dom Fonteneau.)

(8) Dom Fonteneau, t. XIII, p. 95.

(9) Alodum, fonds de terre libre de tout devoir. Alodus indominicatus, de même que mansus indominicatus, voulait dire : « le propre manoir du seigneur, celui qu’il cultivait lui-même et dont il percevait les fruits. C’était une maison de campagne. Le lieu de la résidence de sa famille, en un mot, un fonds environné d’une certaine étendue de terrain. » (Dom Fonteneau.)

(10) Dom Fonteneau, t. LXII, p, 495.

(11) Ibid., t. LXII, p. 553.

(12) Hist. des Marches, p. 270.

(13) Ibid., p. 102.

61. BENESTA. — La Benate ne se trouve indiquée que dans une seule charte, constatant le don fait vers 1091, à l’abbaye de Saint-Jean-d’Angély, d’un morceau de terre « ad BENESTAM et ad PODIUM MORELLUM » (14). Puymoreau n’est qu’à une petite distance de la Benâte. Suivant M. Lesson (15), « ce hameau serait mentionné dans des titres de 992 et 1120 : Benate in pago Alniense in vicaria Sancti-Johannis. » Mais, dans la charte de 992, il s’agit de Bonnais, dont je parlerai tout à l’heure, et dans celle de 1120, de Benet, ou Benais, en bas Poitou. On y lit qu’Aimeri de Rancon donne à l’abbaye de Montierneuf « furnum unum quem habebat in villa Benatii et unum hominem. » (16) (14) Dom Fonteneau, t. LXIII, p. 263.

(15) Hist. des Marches, p. 270.

(16) Dom Fonteneau, t. XIX, p. 161.

62. BONNAIS. — Ce lieu indiqué dans une charte du 14 mars 992, constatant un don fait à l’abbaye de Saint-Maixent par le nommé Lambert, ne saurait être confondu avec la Benâte. « Est autem alodus ipse situs, in pago Alnisio, in vicaria Sancti-Johannis, in loco qui vocatur Bonnais. » La charte contient en effet les confrontations suivantes : « Terminatur autem ex una parte palude Fontis-Ruptae (17), ex alio latere partitur cum Castro Surgères, tertio latere cum villa dividitur Voiec. » Ces confrontations indiquent approximativement la position de Bonnais. Arcère a eu raison de placer cet endroit dans la viguerie de Saint-Jean-d’Angély, et si dom Fonteneau l’a mis dans celle de Châtelaillon, c’est par suite de la préoccupation qui lui faisait oublier que St-Jean-d’Angély avait fait autrefois partie de l’Aunis. Entraîné par l’autorité de cet auteur, M. de la Fontenelle a émis la même opinion, tout en laissant Surgères et Vouhé, auxquels Bonnais confrontait, dans la viguerie de Saint-Jean-d’Angély. (17) Ibid., t. xv, p. 489. — Je ne puis préciser la position du marais Fontis-Ruptae ; mais il est évident qu’il n’était éloigné ni de Surgères ni de Vouhé. M. Lesson (Fast., p. 72, Hist. des Marches, p. 268) traduit Fons rupta par Fontenet ; mais ce village, situé au delà de la Boutonne, en dehors de la viguerie de St-Jean-d’Angély, n’a jamais fait partie de l’Aunis ; dans les chartes assez nombreuses qui s’en occupent, cette localité est toujours désignée sous le nom de Fontanetum ou Fontanicus (dom Fonteneau, t. XIII, p. 69, t. LXII, p. 659, etc.) Dans ce dernier titre, au nombre des conditions imposées à l’une des parties, se trouve l’obligation de payer « unum asinum precii VII solidorum. »
63. CARANTINIACUS. —L’Aunis, dit Arcère (18), contenait encore le vicariat de Charentenay « in pago Alniense, in vicaria Carantiniacus », et il indique en marge que cette citation est tirée de Besly (19). M. de la Fontenelle, en adoptant son opinion, éprouve toutefois quelque hésitation. « Arcère, dit-il, a vu sans doute des chartes qui indiquent l’existence de la viguerie de Charentenay, mais il n’en cite pas. Cependant j’ai dû m’en rapporter au témoignage d’un auteur reconnu pour être exact et très-consciencieux » (20). — On verra pourtant que la citation d’Arcère est tout-à-fait inexacte, et que l’extrait de Besly n’est rien moins que concluant. Vers l’an 1015, Guillaume, duc d’Aquitaine, et Actildis, fille d’Alduin, donnent à l’abbaye de Saint-Jean-d’Angély « alodum nostrum qui est situs, in pago Alniense, in ipsa vicaria, ad locum Beati Johannis-Baptistae,... hoc est monasterium quod nos construximus in honore Beatissimae Mariae quod dicitur Carentiniacus » (21). Dom Fonteneau traduit ce dernier mot par Tonnay-Charente ; mais il a soin de rectifier cette erreur, dans un autre titre dont je parlerai bientôt. Quoi qu’il en soit, il est évident que le mot vicaria ne peut se rapporter qu’au pagus Alniensis ou au lieu Beati Johannis-Baptistae ; le titre de 1015 ne saurait donc servir à ériger en viguerie régulière une localité sans importance et sans territoire.

64. Mais Charentenay est-il devenu plus tard une viguerie imparfaite ? Cela est incontestable. La charte dont je vais parler l’établit d’une manière certaine, et contient à cet égard des détails intéressants. Vers l’an 1038, Guillaume VII, duc d’Aquitaine, confirme le don contenu dans la charte de 1015. Il rappelle d’abord qu’une noble et illustre dame, nommée Atteldis, a fondé dans le village de Charentenay une église en l’honneur de la bienheureuse Vierge Marie, qu’elle a donné ce village et cette église à l’abbaye de Saint-Jean-d’Angély, et que, depuis, cette abbaye en a joui et en jouit encore paisiblement. « Sed hoc tantum contrarii erat, ajoute Guillaume, quod Comiti esset vicaria (22) et consuetudo ei reddebatur a rusticis de ipsa villa. — Ego itaque, Willelmus, filius supra dicti Comitis, interpellatus ab abbate Arnaldo acceptis ab eo CC solidos (23), ipsam vicariam (24) et omnia que accipiebam juste aut injuste, dedi Deo et Sanctae Mariae et vendidi predicto Abbati et monachis. »

65. Les détails qui précèdent me dispensent de discuter l’opinion émise par M. Lesson dans les termes suivants (25) : « Vicaria Carantiniaco in pago Alniense, qu’Arcère soupçonne être Charentenay à l’est de Surgères, est évidemment Tonnay-Charente. » Je me bornerai à faire observer que jamais cette dernière ville n’a reçu dans les chartes le nom de Carantiniacus, mais bien celui de Talniacum, Tauniacum, etc. (26)

(18) Loc. cit., p. 58.

(19) Hist. des comtes du Poit., p. 267.

(20) Loc. cit., p. 439, note 2.

(21) Dom Fonteneau, t. LXII , p. 519.

(22) En marge, dom Fonteneau (t. LXII, p. 557) écrit : « vicaria, vigerie, la justice. »

(23) La livre d’or pur était évaluée douze livres de deniers d’argent, un denier était la vingtième partie de l’once, et douze deniers faisaient un sou. M. Lecointre-Dupont, dans son savant Essai sur les monnaies du Poitou (Mém. de la Soc. des antiquaires de l’Ouest, 1839), fait connaître (p. 312 et 443) que, de 752 à 987, le denier d’argent valait 36 centimes, et que plus tard, de 1120 à 1180, il ne valait plus que 7 centimes 1/2 environ.

(24) Dom Fonteneau (t. LXII, p. 558), écrit en marge que le mot vicaria signifie ici « vendition, donation de la vigerie ».

(25) Fast. Hist., p. 75.

(26) Dans un titre de 1090 (dom Fonteneau, t. XIII, p. 195), on lit : infra Tauniacenses muros. Il serait facile de multiplier les citations.

66. CURCELLAE. — Courcelles, si voisin de St-Jean, offre un nouvel exemple de viguerie imparfaite à une époque antérieure encore à celle que je viens de citer. En effet, vers l’année 975, Guillaume, duc d’Aquitaine, abandonne « omnipotenti Deo nec non et beato Johanni, vicariam et quidquid consuetudinis, sive juste sive injuste habere videbatur, in prœdio precursoris Domini quod vocatur Curcellis, quatinus deinceps sit solidum et quietum illud prœdiolum ad supplendas necessitates infirmorum fratrum. » (27) En présence d’un texte aussi positif, je puis m’abstenir de tout commentaire. (27) Dom Fonteneau, t. LXII, p. 435.
67. DAOLLIUS. — M. de la Fontenelle, induit en erreur par dom Fonteneau, place Deuil dans la viguerie de Châtelaillon (28). Il est positif que cette localité appartenait à la circonscription de Saint-Jean-d’Angély, et il suffit, pour s’en convaincre, de jeter les yeux sur une carte de l’Aunis. Plusieurs chartes concernent Daollius ; la première seule indique la viguerie. Vers 988, Achard le Grand donne un moulin à Bégon, à condition qu’après la mort de ce dernier, il appartiendra à l’abbaye de Saint-Cyprien : « unum farinarium in villa Daolli in vicaria Sancti-Johannis » (29). Vers l’an 1000, Isarne donne à la même abbaye, « in villa Daolli, unum farinarium et dimidium juctum vineae. » (30) Déjà, vers 989, Achard avait donné à la même abbaye « alodium suum Daollio nuncupatum, et est ibi ecclesia in honore sanctae Mariae et sancti Cypriani et sanctorum Gervasii et Prothasii fundata. » (31) Le pouillé de 1401 ne place cette église que sous l’invocation de la Vierge « Beatae Mariae », nom sous lequel on la trouve également citée dans un titre de l’an 1010 (32). Une charte de 1003, dont l’original se trouve aux archives du département de la Vienne, constate le don fait par Guillaume VI à l’abbaye de St-Cyprien. « Totam ad integram silvam que pertinet ad alodium de Daolio a loco qui dicitur la Chaucea (la Chaussée, près Saint-Félix), usque ad stagnum de Faole in longitudine, ab eodem loco qui dicitur la Chancea usque ad locum qui dicitur fossa carbonaria in latitudine, et ab eadem fossa carbonaria usque ad predictum stagnum de Faole, sicut divisiones demonstrant. » Je ne sais sur quel fondement M. Lesson a pu penser que Daollius désignait Saint-Denis-de-Pin, dont je vais m’occuper maintenant, et qu’il place, comme dom Fonteneau, dans la viguerie de Châtelaillon (33). (28) Loc. cit., p. 438, note 3.

(29) Dom Fonteneau, t. VI, p. 373.

(30) Ibid., t. VI, p. 489.

(31) Ibid., t. VI, p. 585 (ou 385 ?).

(32) Ibid., t. XIII, p. 121.

(33) Hist. des March., p. 102 et 273.

68. DIONISIUS (SANCTUS) et PINUS. — Je réunis à dessein ces deux localités, qui forment aujourd’hui la commune de Saint-Denis-du-Pin. M. de la Fontenelle parle (34) « de l’alleu et chapelle de Saint-Denis, in vicaria Sancti Johannis in pago Pictavo, » et je dois citer textuellement le titre où se trouve cette indication ; il en résulte que, vers 1026, les enfants de Kadelon, vicomte d’Aunay, confirment le don fait à l’abbaye de Saint-Jean-d’Angély d’un alleu « in pago Alniense, in vicaria Sancti Johannis Ingeriacensis, una capella in honore Sancti Dionisii constructa. » (35) Cette chapelle était dans le voisinage de la forêt d’Essouvert, dont je parlerai tout à l’heure.

69. Quant au Pin, il est mentionné dans un titre postérieur d’environ neuf ans. Vers 1035, Guillaume, vicomte d’Aunay, donne à la même abbaye quatre journaux de terre « in pago Sanctonico, in loco qui dicitur Pinus. » (36) C’est par erreur que cette charte parle du pagus Sanctonicus, et ce qui prouve que le Pin était bien en Aunis, c’est que le terrain donné confrontait « quarto vero parte ecclesia in honore Sancti Dionisii constructa. » Cet endroit étant donné « liber et a vicaria et ab omni redditu », pourrait être considéré, en quelque sorte, comme une viguerie imparfaite. — Suivant M. Lesson (37), une charte de 986 appellerait Saint-Denis-du-Pin « Sanctus Dyonisus ad Pinum. » Mais cette charte constate seulement le don fait à l’abbaye de St-Cyprien, de quelques héritages « cujus vocabula sunt ad Pinum et Arciacus » (38) et le Pin dont il est ici question n’est pas plus le Pin-St-Denis, qu’Arciacus n’est, comme l’admet le même auteur (39), Archiac, chef-lieu d’un canton de l’arrondissement de Jonzac. En effet, la position de ces deux localités se trouve indiquée aussi clairement que possible dans une seconde donation faite, vers 1007, à la même abbaye, « in pago Pictavo in vicaria Sicval (Civaux), in villa que dicitur ad Pinum, item in villa Arciacus » (40). Civaux est aujourd’hui le chef-lieu d’une commune de l’arrondissement de Montmorillon.

(34) Loc. cit., p. 438, note 3.

(35) Dom Fonteneau, t. LXII, p. 529.

(36) Ibid., t. LXII, p. 551.

(37) Lettres hist., p. 299.

(38) Dom Fonteneau, t. VI, p. 359.

(39) Hist. des March., p. 282.

(40) Dom Fonteneau, t. VI, p. 513, 515, 519.

70. EXOLVERNUS—L’importance de la forêt d’Essouvert m’engage à lui consacrer quelques lignes. Je dirai donc tout d’abord qu’elle dépendait de la viguerie de Saint-Jean-d’Angély. On voit, en effet, que vers 948 ou 949, Ariland et sa femme donnent à l’abbaye de St-Cyprien leur manoir de Siniacus, « in pago Alniense, in vicaria Sancti Johannis, cum silva nomine Exolverno. » (41) A la vérité, dom Fonteneau croit qu’il ne s’agit pas dans cette charte de la forêt dont je m’occupe, parce qu’ayant été donnée à l’abbaye de St-Jean-d’Angély, par Guillaume, duc d’Aquitaine, elle ne pouvait être donnée ensuite, par un simple particulier, à l’abbaye de Saint-Cyprien. Mais il est facile de répondre à cette objection, qu’Ariland ne donnait sans doute que la partie de la forêt contiguë à son manoir ; et ce qui prouve que, dans le principe, le duc Guillaume ne l’avait pas donnée tout entière à l’abbaye de Saint-Jean, c’est que vers 1067, plus d’un siècle après, on voit le nommé Raymond abandonner à la même abbaye « medietatem sylvae Exolvert. » (42) Dom Fonteneau ajoute que la forêt d’Essouvert est appelée dans les chartes de l’abbaye de Saint-Jean, Exolverto et non Exolverno. C’est encore une erreur, car on lit indifféremment dans plusieurs titres du cartulaire, Exolverno, Exolvert, Exulverto et même Esoliverti. La notice des dons faits par les ducs d’Aquitaine et comtes du Poitou, à laquelle dom Fonteneau assigne la date de juillet 951, indique assez exactement l’étendue, alors bien plus considérable qu’aujourd’hui, de la forêt « quae appellatur Exulverto... habet ipsa terra et ipsa silva in circuitu lateraciones, ex una parte quae vocatur Malevallis, alia parte fluvium Vultonnae, tercia parte fluvium qui vulgo nuncupatur Tresentia. » (43) Ces indications se retrouvent dans des notices de juillet 989 et 991 (44). — Plus tard, Kadelon, vicomte d’Aunay, s’empara de la forêt d’Essouvert ; mais, vers 1026, il la restitua à l’abbaye de Saint-Jean, et la charte de restitution s’exprime en ces termes : « Hoc autem volumus vobis innotescere, quod Kadelo, vice comes, unam silvam quod erat Sancti Johannis, quae vocatur Exolverno, per donum Willelmi comitis, injuste invaserat. Ipsa die quo monachus factus est, per hanc scedulam ipse et filius ejus Willelmus ad locum Sancti Johannis reddiderunt. » (45) On trouve, vers1097, un fief du nom d’Essouvert, « fœdium Esoliverti » (46), mais jamais il n’a existé de paroisse de ce nom, comme le prouve la notification du pouillé de 1567, dont j’ai parlé (n° 9 en note). Entraîné par l’autorité de dom Fonteneau, M. de la Fontenelle a placé la forêt d’Essouvert dans la viguerie de Chatelaillon, comme il y avait mis la paroisse Saint-Denis-du-Pin (47). (41) Dom Fonteneau, t. VI, p. 173.

(42) Dom Fonteneau, t. LXII , p. 609.

(43) Ibid., t. XIII, p. 47. — Plus loin, dans le même titre, il est encore question de la Trézence, « aquam vocatam Tresentiam piscibus ferentem juxta fluvium Vultonne, non procul a Talniaco oppido (Tonnay-Boutonne) ». Le marais qui existe dans la commune de Saint-Loup est encore coupé aujourd’hui par un canal nommé la Trézance, qui se dirige vers la Boutonne.

(44) Dom Fonteneau, t. XIII, p. 95 et 111.

(45) Ibid., t. LXII, p. 529.

(46) Dom Fonteneau, LXIII, p. 593.

(47) Loc. cit., p. 438, note 3.

71. FORSCALDIS. — Cette localité est nommée dans une charte qui remonte à peu près à l’année 939, et par laquelle Robert donne à l’abbaye de St-Maixent un morceau de vigne « situs in pago Aunisio, in loco qui vocatur Forscaldis, in vicaria Sancti Johannis. » (48) Forscaldis, qui, de même que Fornax Calidus, dont il a été question (n° 19), désignait, je suppose, un lieu où se trouvait un four à chaux, était peut-être l’endroit appelé le Chau, dans le voisinage de Loulay. A l’appui de cette conjecture, je ferai observer que la vigne donnée confrontait « ex uno latere terra Sancti Salvatoris. » Or, l’église de Loulay était placée précisément sous l’invocation de saint Sauveur, « ecclesia parochialis, Sancti Salvatoris de Lolayo », (pouillé de 140l). (48) Dom Fonteneau, t. LXVI.
72. INGERIACUS. — Je ne me propose pas d’entrer dans de longs détails au sujet de Saint-Jean-d’Angély, chef-lieu de la viguerie de ce nom. Ainsi que le dit dom Fonteneau (49), Angély était jadis un palais royal, converti en monastère quelques années avant 838, par Pépin, roi d’Aquitaine (50). Ce monastère fut ruiné en 867, et j’ai déjà cité (n° 5) le préambule d’une notice, datée de juillet 951, qui rappelle sommairement les déprédations des Normands. De nombreuses chartes mentionnent, vers 966, locus qui vocatur Ingiriacense (51) ; en juillet 989, castrum Sancti Johannis (52) ; vers 991, castrum Ingeriacum (53) ; en janvier 1077, burgum Sancti Johannis (54) ; locus Sancti Johannis Ingeriacensis (55) ; enfin, vers 1060, on relate même son faubourg, « suburbium Sancti Johannis. » (56) Dans une charte plus ancienne que cette dernière de dix ans, c’est-à-dire vers 1050, on voit qu’Agnès, femme de Geoffroy-Martel, comte d’Anjou, confirme les donations faites à l’abbaye de Saint-Jean-d’Angély, et lui abandonne tous les droits de viguerie, justice et coutume qu’elle avait sur le bourg du même nom : « In perpetuum dimittimus burgum quoque Sancti Johannis, cum ecclesiis qui in eo sunt (57), et alodium quod juxta est (58)..., concedimus etiam ut omnes Praepositi eorum et Vicarii et sutores et peletani et molendinarii et ortolani et omnes famuli proprii.... quieti ac liberi sint. » (59) Ainsi, dès le milieu du XIe siècle, le bourg de Saint-Jean lui-même, le chef-lieu de la viguerie, devenait, pour ainsi dire, une viguerie imparfaite, tant était rapide la décadence de l’institution. (49) Ibid., t. XIII, p. 47.

(50) « Rex Pipinnus tunc morabatur in territorio Alninse, super fluvium Vultem, in palatio qui vocatur Engeriacus inter medios fines Pictavorum ac Xanctonicae. » On ne peut contester que l’auteur anonyme du récit relatif à la translation du chef de St-Jean-Baptiste (Tractatus de revelatione capitis Beati Johannis-Baptistae) ne connût parfaitement le pays.

(51) Ibid., t.LXII, p. 405.

(52) Ibid., t. XIII, p. 95.

(53) Ibid., t. LXIII, p. 495.

(54) Ibid., t. XIX, p. 33.

(55) Ibid., t. LXII , p. 495.

(56) Ibid., t. LXII, p. 587.

(57) En marge, dom Fonteneau écrit : « Notre-Dame, St-Pierre et St-Révérend. »

(58) On lit en marge : « la rue Franche. »

(59) Dom Fonteneau, t. LXII, p. 571.

73. LOZIACUS. — Cette localité ne figure que dans un seul titre. Vers 966, Rixende, sa femme et ses enfants, donnent à l’abbaye de Saint-Jean-d’Angély un aleu « qui situs est in pago Alieninse, in vicaria ipsius, in villa quae nuncupatur Loziacus, capelle cum terris, vineis, etc. » (60) Bien que les mots in vicaria ipsius s’appliquent d’après la charte au pagus Alnienensis, il n’est pas douteux que cette localité ne fût située dans la viguerie de Saint-Jean-d’Angély. Dom Fonteneau fait connaître en note qu’il s’agit ici de Lozay, près Loulay (61). (60) Ibid., t. LXII, p. 405.

(61) Loulay apparaît dans plusieurs chartes, mais sans indication de la viguerie : ainsi, vers 1084, on voit Arbert de Talmond donner à l’abbaye de St-Jean « decimam de Loliaco atque Jarrigia. » (La Jarrie-Audoin.)

74. MALEVALLIS. — Ainsi que je l’ai dit plus haut (n° 70), Malvaud limitait au nord la forêt d’Essouvert, « ex una parte quae vocatur Malevallis. » On trouve une autre charte par laquelle Raimond donne, vers 1067, à l’abbaye de Saint-Jean, « portionem cujusdam molendini apud Marevallum. » (62) Enfin dans la translation du chef de saint Jean-Baptiste, on voit que ceux qui le portaient avaient suivi « viam quae ducit ad paludem cognomine Mathevallis. » Je n’ose affirmer que, dans ce dernier document, il s’agissait de Malvaud, mais je crois qu’Arcère a commis erreur quand il a traduit Mathevallis par Marancennes (63). Le seul titre où ce dernier village paraît mentionné d’une manière certaine, est une charte par laquelle Guillaume, duc d’Aquitaine, donne vers 1028, à l’abbaye de St-Jean , « una insulella quae dicitur Masanzenas, confrontant ex uno latere fluvii Maronnae, ex alto latere terra Sancti Johannis, duobus vero frontibus, ad jacet mariscus. »(64) (62) Dom Fonteneau, t. LXII, p. 635. Dans le Gallia Christiana, t. II, p. 1098. Marevallum est traduit par Merval.

(63) Loc. cit., t. I, p. 2. — M. Massiou (Hist. de la Saint., t. I, p. 421 ) cite une charte par laquelle Senegundis, dame du château de Mathevaulx, « castri Matevallis », donne à l’abbaye de St-Jean tout ce qu’elle possédait à Essouvert, « in Essoverto. »

(64) Dom Fonteneau, t. LXII, p. 541. — Besly, loc. cit., p. 358.

75. MURO. — Si l’on en croit Arcère (65), Muron formait au Xe siècle une des vigueries du pays d’Aunis, mais il se borne à énoncer le fait sans citer aucun titre à l’appui. Sur l’autorité de cet auteur, M. de la Fontenelle (66) admet la vicaria Muronensis, ayant pour chef-lieu Muron, dont « la circonscription s’étendait probablement, dit-il, entre les marais que j’appellerai de Rochefort et le cours de la Boutonne. » En note, il ajoute : « Arcère cite des chartes qui mentionnent Muron, mais elles ne l’indiquent pas comme chef-lieu d’une viguerie ; il en est autrement d’une charte pour le monastère de Saint-Jean-d’Angély, sous les années 971 et 1031 (67). » Il convient avant tout de citer textuellement ces deux documents. — Le premier constate la donation faite par Guillaume Fier-à-Bras, duc d’Aquitaine, d’un aleu « qui situs est in pago Alniense, in vicaria ipsius pagi, villa quae nuncupatur Muronis et est vicus cum ecclesis, terris, puteis, pratis, marisco, aqua quae vocatur Maronia, cum Broliis (68), et ecclesiis et cum terris, cultum vel in incultum vel quantum ad ipsum pertinere videtur. » (69) Par le second titre, Raynaud, chevalier, donne un manoir : « Dimitto unum mansum de terre Sancti Johannis, ad ipsius monasterium quod tenebam in beneficium (70), est autem ipse mansus, in pago Alniense, in villa quae dicitur Muronis, in ipsa vicaria. » (71) Le chevalier Raynaud recevait en échange « unum equum cum sella et freno, precio centum solidorum. »

76. Ces deux chartes établissent-elles d’une manière péremptoire l’existence d’une viguerie régulière dont Muron aurait été le chef-lieu ? Je ne saurais l’admettre. Les mots in vicaria ipsius pagi du premier titre s’appliquent au pays d’Aunis, ce qui n’est pas étonnant puisque le don émanait du duc d’Aquitaine, comte de Poitou, dont la juridiction souveraine s’étendait sur cette contrée ; et, quand on considère que, depuis soixante ans, lors de la rédaction de la seconde charte, le bourg de Muron tout entier et ses dépendances appartenaient à l’abbaye de Saint-Jean-d’Angély, et que le chevalier Rainaud tenait de cette abbaye même le manoir dont il faisait l’abandon, il devient évident que les mots in ipsa vicaria du dernier titre ne pouvaient s’appliquer à une viguerie régulière ; enfin, ce qui confirme cette opinion, c’est qu’aucune localité voisine n’est indiquée dans les chartes comme faisant partie de cette prétendue viguerie.

77. Muron est mentionné dans une foule de chartes qu’il serait trop long d’énumérer (72). Dans la notice de juillet 951, que j’ai déjà citée plusieurs fois, figure « villa quae vocatur Muronis, cum ecclesia (Sancti Xisti) cum insulis. » Parmi ces îles figurait l’île d’Able, « insula quae appellatur Abla » (73), confrontant alors de toutes parts au marais, « ex omni parte circumdatur maritima palude. » (74) — Le cours d’eau appelé Maronia allait jusqu’à Ardillières, « in villa quae dicitur Arzilerias, una piscatoria in fluvium Marronae. » (75) L’état des lieux au Xe siècle serait très-intéressant à étudier. « Dividitur Stoarius (76), dit une notice, qui incoatur ad villam quae vocatur Arcilerias usque ultra insulam quae vocatur Flaviacus (Flay) et revolvitur usque ad terram Monramiam (Moragne)(77) post que revertitur ad sinistram partem per villam Portiriacum. » (78) Entre Ardillières et Muron se trouvait « villa vel insula quae taxatur Tresve » (appelée aujourd’hui Trezoeuf), confrontant « ex una parte terra de villa quae nuncupatur Muron », et de l’autre côté à un torrent, « et alia parte torrens. » (79) Au delà étaient les îles « de Alantia (de la Lance), et Lironis (de Liron), enfin Sensmurum, dont on a fait Saint-Mus ou Saint-Mur. » (80) Ici je m’arrête, car ces citations pourraient m’entraîner trop loin.

(65) Loc. cit., t. I, p. 58.

(66) Loc. cit., p. 439 et note 1.

(67) La date 1071 de la note de M. de la Fontenelle est une faute d’impression.

(68) Il s’agit ici de St-Jean-du-Breuil, terra de Brolio, 1092 (Dom Font., t. LXIII , p. 285 ) ; terra Brolii de Murone, 1094 (ibid., t. LXIII , p. 307).

(69) Dom Fonteneau, t. XIII, p. 89.

(70) Beneficium, c’était un fonds accordé à un homme noble pour en user pendant sa vie. On lui donnait ce nom parce que le don était une pure libéralité ; bénéfice ne signifiait pas autre chose qu’un usufruit. (Dom Fonteneau.)

(71) Dom Fonteneau, t. XI, p. 137.

(72) Le 10 octobre 1063, Gombaud donnait à l’abbaye de St-Jean « quendam molendinum nomine Buzenes juxta parrochiam Muronis. »

(73) Dom Fonteneau, t. XIII, p. 95.

(74) Ibid., t. LXII , p. 449. Dans une notice très-curieuse, dressée au XIIe siècle, et intitulée : « Consuetudines de Murone » (Dom Fonteneau, t. LXIII, p. 497), on voit que tous les cultivateurs du bourg et lieux circonvoisins qui devaient des rentes à l’abbaye de St-Jean, étaient tenus de porter leurs gerbes sur l’aire de l’île-d’Able : « habebit duo boves et carretam ad gerbas portandas de Ablo, in area preparata in eadem Ablo (pour Abla.) ».

(75) Vers 1004, dom Fonteneau, t. LXII, p. 519.

(76) Stoarius, « c’étoit la mer qui remplissoit les grandes sinuosités du rivage, et dont les eaux devenoient stagnantes au milieu des terres. » (Arcère, t. I, p. 3.)

(77) Vers 1092, don par Ramnulfe, « ecclesiae de Munrangiam » (Dom Fonteneau, t. LXIII, p. 273) ; vers 1098, échange « de capella Sanctae Mariae quae est infra muros Mauritaniae. » (Ibid., t. LXIII, p. 407), etc.

(78) Dom Fonteneau, t. XIII, p. 47 et 69.

(79) Ibid., vers 966, t. LXII, p. 407.

(80) Ibid., t. XV, p. 369.

78. NAPSENCIA . — Suivant Arcère, l’Aunis comprenait encore « le vicariat de Nachens » (81). M. de la Fontenelle admet aussi cette viguerie, mais il déclare franchement qu’il n’a pas rencontré de chartes qui l’indiquent (82). Seulement il rappelle les deux titres cités par l’historien de la Rochelle (83). Le premier de ces documents constate le don fait par Constantin, vers 997, à l’abbaye de St-Jean, d’un aleu « qui situs est in pago Alniense sub villa quae vocatur Napchiaco » (84). Le second titre contient la déclaration faite, vers 1004, par Maingodus et sa femme, qu’ils abandonnent à la même abbaye « villam quae dicitur Napsencia media parte de omni re quae ad ipsam villam pertinet nisi de sola ecclesia (Beatae Mariae) » (85). Je puis ajouter à ces deux chartes celle par laquelle, vers 1035, la même abbaye reçoit de Constantin « haereditatem quae est in villa Nachiennis. » (86) Aucun de ces titres, on le voit, ne parle de la viguerie de Nachamps ; mais, au-dessous des signatures apposées au pied de la charte de 997, on lit la phrase suivante : « Donum quod fecerunt Aimericus atque Albuinus de vicaria Napchens. » N’est-il pas évident que ces mots écrits après coup, à la suite de la charte de Constantin, n’étaient que le sommaire d’une charte qui n’a pas été transcrite, et qui prouverait seulement la cession d’un droit de viguerie, cession qui aurait eu tout au plus pour résultat de faire de Nachamps une viguerie imparfaite ? Dans une charte du Xe siècle, conservée aux archives du département de la Vienne, on voit qu’une dame nommée Arsendis avait donné à l’abbaye de Saint-Cyprien son aleu : « qui est situs in villa quae dicitur Rabsentius, in vicaria Sancti Johannis, id est ecclesiam, farinarios tres, vineas, terras, pratos, etc. » Si, comme je n’en doute pas, Rabsentius désigne Nachamps, il demeure établi que cette localité n’a jamais formé une viguerie particulière. — En 1003, Guillaume, duc d’Aquitaine, donnait à la même abbaye ce qu’il possédait « in villa quae dicitur Rapsentia. » Ici encore, je crois qu’il s’agissait de Nachamps. Au surplus l’incertitude sur l’initiale de ce nom se révèle jusque dans la copie du pouillé de 1402 déposée aux archives départementales, car l’église de Nachamps y est désignée sous le nom d’« ecclesia parochialis Beatae Mariae de Machemps ou Nachemps. » (81) Loc. cit., t. I, p. 38.

(82) Loc. cit., p. 439, note 3.

(83) Loc. cit., t. I, p. 575.

(84) Dom Fonteneau, t. LXII, p. 467. — Napchio (M. de la Fontenelle, loc. cit., p. 439) est une faute d’impression, répétée par M. Lesson (Hist. des March., p. 184).

(85) Dom Fonteneau, t. LXII, p. 507.

(86) Ibid., t. LVII, p. 554.

79. ODRIACUS. — Vers 943, Frotier donnait à l’abbaye de Saint-Maixent un aleu qu’il possédait « in pago Alnisio, in villa Odriaco, in vicaria Sancti-Johannis. » (87) Cette localité n’a été indiquée par aucun des auteurs qui ont parlé des vigueries de l’Aunis. Seulement, en marge des mots « in vicaria Sancti-Johannis », dom Fonteneau a écrit : « apparemment Saint-Jean-d’Angély. » Ce qui est d’autant moins douteux, que cet aleu confrontait « de uno fronte Villa Comitissa. » Je pense qu’Odriacus est la Viauderie, placée entre Villeneuve-la-Comtesse, Ville-Nouvelle, et la Croix-Comtesse. — Le pouillé de 1401 mentionne les églises paroissiales Beatae-Mariae de Villa nova, — Sanctae-Catharinae de Villa novella — et Sancti Reverentii de Cruce-Comitissa. (87) Dom Fonteneau, t. LXVI.
80. SINIACUS. — Le titre qui mentionne cette localité est de l’année 948 ou 949 (88) ; Ariland et sa femme donnent à l’abbaye de Saint-Cyprien un manoir « in pago Alninse, in vicaria Sancti-Johannis, in villa Siniacus cum sylva nomine Exolverno. » Je me suis déjà expliqué (n° 70) sur la forêt d’Essouvert. J’ajouterai que dom Fonteneau place Siniacus dans la viguerie de Chatelaillon, parce que, suivant lui, « s’il s’agissait de Saint-Jean-d’Angély, il faudrait en conclure que cette ville faisait autrefois partie de l’Aunis. » C’est toujours la même préoccupation, la même erreur, que réfutent victorieusement les chartes que j’ai citées. M. de la Fontenelle, entraîné par l’autorité du savant bénédictin, a répété cette erreur, et M. Lesson est allé même jusqu’à dire que Siniacus était situé non loin de Chatelaillon (89). Mais ce dernier auteur s’est demandé depuis si la villa Siniacus ne serait pas Surgères (90) ; c’est une opinion que je ne saurais admettre. A mon avis, Siniacus pourrait être placé à Chénier, qui se trouve à peu de distance de Lozay. (88) Ibid., t. VI, p. 173.

(89) Fast. hist., t. I, p. 5.

(90) Hist. des March., p. 102.

81. SURGERIAS. — Surgères faisait partie de la viguerie de Saint-Jean-d’Angély. Il ne saurait y avoir aucune difficulté à cet égard, puisque la charte du 14 mars 992 (n° 62) fait confronter Bonnais « ex alio latere cum terra castro Surgeres. » Je m’abstiendrai de citer, pour cette localité parfaitement connue, les nombreux documents qui s’y rapportent ; et si je rappelle que, vers 1028, un prêtre, nommé Aigulfus, donnait à l’abbaye de Saint-Jean-d’Angély des terrains « in pago Alniense prope castellum qui vocatur Surgerias » (91), c’est pour établir, par un exemple pris au hasard, que la conjecture de M. Lesson, au sujet de Siniacus, n’est pas fondée. (91) Dom Fonteneau, t. VI. p. 545.
82. TALNIACUM. — Le même auteur éprouve quelque embarras pour déterminer la viguerie à laquelle devait appartenir Tonnay-Boutonne. « Il dépendait, dit-il (92), soit de celle de Saint-Jean (vicaria Angeriacensis), soit de la vicaria Carantiniaco, soit plutôt de celle appelée vicaria Muronis. » Si l’on admet, avec moi, que Muron et Charentenay n’étaient que des vigueries imparfaites, il restera évident que Tonnay-Boutonne, Talniacum oppidum, se trouvait dans la viguerie Sancti-Johannis Ingeriacensis. Quant aux titres nombreux qui se rapportent à cette localité, je crois pouvoir me dispenser de les analyser. (92) Hist. des March., p. 185.
83. TECLIACUS— Dans la charte du Xe siècle, que j’ai déjà citée (n° 78), on voit qu’Arsendis donnait à l’abbaye de Saint-Cyprien « in alio loco, in villa quae dicitur Tecliacus alodum... in supra dicta vicaria (Sancti-Johannis) » (93). J’avoue que je ne puis indiquer d’une manière concluante la situation de cette villa, et que je suis réduit à conjecturer que ce pouvait être le Tail qu’on trouve dans le voisinage de Tonnay-Charente. La donatrice ajoutait à ses libéralités la moitié d’un aleu « in alio loco, in villa quae dicitur Paliacus », mais ici on ne disait plus que ce lieu se trouvait dans la même viguerie. En effet, Paillé est situé au delà de la Boutonne, ce qui prouve bien que cette rivière formait jadis la limite de l’ancien Aunis. Aussi Arsendis, en donnant, immédiatement après le village de Paillé, des salines « in marisco quae dicitur Atgerniacus (la Jarne) », avait-elle soin de faire établir dans l’acte que ces salines se trouvaient « in pago Alninse ». (93) Cette charte n’a pas été connue de dom Fonteneau.
84. VOYACUS. — Les confrontations établies dans le titre du 14 mars 992, dont j’ai déjà parlé (n° 62 et 81), prouvent que Vouhé se trouvait placé dans la circonscription dont je m’occupe : « tertio latere cum villa dividitur Voiec. » Dans une charte de janvier 988, Guillaume Fier-à-Bras, duc d’Aquitaine et comte de Poitou, donnait deux moulins à l’abbaye de Nouaillé, « in villa Voyaco farinarios duos » (94). Le pouillé de 1401 mentionne l’église paroissiale Beatae Mariae de Vouhayo. (94) Dom Fonteneau , t. XXI, p. 305.
85. Si je n’ai pas parlé des villa ORBINIACUS et BROLZ, que MM. de la Fontenelle et Lesson indiquent dans la viguerie de Saint-Jean-d’Angély (95), c’est parce que ces deux localités se trouvaient évidemment hors de cette circonscription. Il suffit, en effet, pour l’établir, de citer la charte qui les concerne. Vers 990, Emma, veuve de Gombaud, après avoir donné à l’abbaye de Saint-Jean des terres situées in pago Alienensi, sub castro Ingeriaco, ajoute à ses libéralités « trans flumen quod est prope maxnilum unum que vocatur Orbiniacus ; item in alio loco villa cum capella que vocatur Brolz. » Placés au delà du fleuve voisin, c’est-à-dire de la Boutonne, Orbiniacus et Brolz appartenaient à la Saintonge, et je n’avais plus à m’en occuper (95) M. de la Fontenelle (loc. cit., p. 438, note 5) et M. Lesson (Fast. hist., t. I, p. 75).—Dans son Histoire des Marches de la Saintonge, ce dernier auteur place Brolz au Breuil-Marmaux, commune de St-Martin-de-Juillers ; c’est un point que je n’ai pas cherché à vérifier, n’ayant pas à m’occuper de la Saintonge ; mais il ajoute « qu’il croit que cet endroit est l’ancien Ebreuil, ferme rurale fortifiée des empereurs Pépin, Karl et Louis. » Ici je ne puis être de l’avis de M. Lesson. — Ebreuil, qui dépendait de l’Aunis, fut plus tard le siège d’une abbaye, et on trouve dans le Recueil de dom Fonteneau ( t. XIII, p. 219) un traité conclu entre les religieux de cette abbaye et ceux de l’abbaye de St-Jean-d’Angély, au sujet du moulin d’Esnandes, traité qui fut signé « apud Ebroliam obedientiam Sancti Leodegarii, in pago Alniensi ».— Dans le pouillé de 1401, St-Léger d’Ebreuil est appelé « Sanctus Leodegarius de Brolio », et dans celui de 1567 « Sanctus Leodegarius de Berollia. »
86. J’arrive au terme de la tâche que j’avais entreprise. Je voulais étendre les recherches commencées avant moi sur les anciennes vigueries d’Aunis (96), et j’ai fait tous mes efforts pour atteindre le but que je m’étais proposé. J’avais songé d’abord à entreprendre un travail général sur la géographie de ce pays au Xe siècle, mais un pareil travail aurait nécessairement dépassé, par son étendue, les proportions d’un simple mémoire ; je laisse donc à d’autres le soin de l’exécuter, comme aussi je leur laisse celui de rectifier les erreurs qui ont pu m’échapper. Si j’ai signalé consciencieusement toutes celles que j’ai cru découvrir, j’ai trop le sentiment de mon insuffisance pour oser croire que je ne me suis jamais trompé. (96) Sur la petite carte jointe à ce mémoire, et destinée seulement à donner une idée de l’étendue de chaque circonscription, je me suis borné à faire figurer les localités accompagnées dans les anciens titres de la mention de la viguerie à laquelle elles appartenaient.

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