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1580 - La Saintonge : son sel, ses fossiles et ses côtes, par Bernard Palissy

mardi 25 décembre 2007, par Pierre, 1132 visites.

Le Sel blanchit toutes choses
Et donne ton à toutes choses
Et si fortifie toutes choses
Et si est compagnon de toutes natures
Et si entretient l’amitié entre le masle et la femelle...
Bernard Palissy, pour nous en parler ainsi, a visiblement fait un pacte avec le sel de Saintonge ...
Dommage qu’il n’ait pas fait manger de salicorne à 6 de ses nombreux enfants !

Source : 1580 - Discours admirables de la nature des eaux et fontaines, tant naturelles qu’artificielles ; Des Métaux des Sels et Salines ; des Pierres ; des Terres du Feu et des Emaux , avec plusieurs autres excellents secrets des choses naturelles ; plus un traité de la Marne, fort utile et nécessaire pour ceux qui se mellent de l’agriculture, le tout dressé par dialogues, esquels sont introduits la théorique et la practique. Par M. Bernard Palissy, Inventeur des rustiques figulines du Roy et de la Royne sa mère - A très haut et très puissant sieur le sire Anthoine de Ponts, chevalier des ordres du Roy, Capitaine des cents gentilshommes et conseiller très fidèle de Sa Majesté – dans Œuvres complètes de Bernard Palissy – Paris – 1844 - Books Google

1580 – Le sel, les fossiles et les côtes de Saintonge, par Bernard Palissy

 Le sel de Saintonge

Et en continuant encores mon propos pour te monstrer que le sel n’est pas ennemi des natures vegetatives ny sensibles : les vignes du pays de Xaintonge plantées au milieu des marez salans apportent d’un genre de raisins noirs qu’ils appellent chauchetz, desquels on fait du vin qui n’est pas moins à estimer que hyppocras, et y fait on des rosties tout ainsi qu’à l’hyppocras. Et lesdites vignes sont si fertiles qu’une plante de vigne apporte plus de fruit que non pas six de celles de Paris.

Voila pourquoy je dis que tant s’en faut que le sel soit ennemy des natures, qu’au contraire il aide à la bonté, douceur et maturité, génération et conservation desdits vins. Et non seulement le sel aide à ces choses mais aussi l’air duquel les exalations sont salées.

Ausdites isles et parmy les marez sallans on y cueille de l’herbe salée de laquelle on fait les plus beaux verres, laquelle on appelle salicor [1] ; aussi on y cueille de l’absinte appelée Xaintonnique [2] à cause du pays de Xaintonge. Ladite herbe a telle vertu que quand on la fait boullir, et prenant de sa décoction, on en destrempe de la farine pour en faire des bignets fricassez en sein graisse de porc ou en beurre, et que l’on mange desdits bignets, ils chassent et mettent hors tous les vers qui sont dans le corps, tant des hommes que des enfans.

Au paravant que j’eusse la connoissance de ladite herbe, les vers m’ont fait mourir six enfans, comme nous l’avons connu, tant pour les avoir fait ouvrir, que par ce qu’ils en rendaient souvent par la bouche ; et quand il estoyent près de la mort, les vers sortoyent par les nasaux.

Les pays de Xaintonge, Gascogne, Agenès, Quercy et le pays devers Toloze sont fort sujets ausdits vers, et y a peu d’enfans qui en soyent exempts, à cause que les fruits desdits pays sont fort doux. Je le di parce que les médecins de Paris m’ont attesté que c’estoit chose rare de trouver des vers es enfans dudit lieu ; toutesfois es pays des Ardennes ils y sont fort sujets. Je ne sçay si c’est à cause de la bière ou des laitages. Je ne puis rendre tesmoignage sinon des pays que j’ay frequentez.

ceux des Ardennes sçavent très bien que le sel de Xaintonge est meilleur que celuy de Lorraine, et pour ces causes ils sont soigneux d’en avoir ; ils le connaissent à la couleur et grosseur, car les grains du sel qui est congelé au soleil sont plus gros que de celuy qui est fait au feu ; et faut croire que le sel de Xaintonge est aussi blanc que nul autre sçauroit estre.

Mais par ce que la terre des marez est noire, ceux qui font le sel ne le peuvent tirer hors des aires sans racler et entremêler quelque peu de terre, ce qui luy oste une partie de sa blancheur ; toutesfois quand les sauniers commencent à faire du sel, ils en font d’aussi blanc que neige pour servir à table et en font des presens à leurs parents et amis qui sont espars es terres douces.

Ils prennent ledit sel blanc tout dessus avant que de racler iusques au fond et sans esmouvoir rien de laditte terre. Ce n’est donc pas la faute de l’eau que le sel de Xaintonge ne soit aussi blanc que celuy des autres pays.

Et ne faut plus avoir opinion qu’il s’en face de l’escume de la mer ainsi que l’on l’a creu jusques aujourd’huy.

Le Sel blanchit toutes choses
Et donne ton à toutes choses
Et si fortifie toutes choses
Et si est compagnon de toutes natures
Et si entretient l’amitié entre le masle et la femelle
Et si aide à la génération de toutes choses animées et vegetatives
Il empesche la putréfaction et endurcist toutes choses
II aide à la veue et aux lunettes
Sans le sel il seroit impossible de faire aucune espèce de verre
Toutes choses se peuvent vitrifier par sa vertu
Il donne goust à toutes choses
Il aide à la voix de toutes choses animées voire à toutes espèces de métaux et instruments de musique.

 Les fossiles de Saintonge – L’évolution des côtes de Saintonge

Et voila pourquoy l’on trouve communément es rochers de la mer de toutes espèces de poissons portans coquilles. Il s’ensuit donc que après que l’eau a deffailly ausdits poissons et que la terre et vase où ils habitoyent s’est pétrifiée par la mesme vertu generative des poissons, il se trouve autant de coquilles pétrifiées dedans la pierre qui a esté congelée desdits vases, comme il y avoit de poissons en icelle et la vase et les coquilles ont changé de nature par une mesme vertu et par une mesme cause efficiente.

J’ay prouvé ce poinct devant mes auditeurs en leur faisant monstre d’une grande pierre que j’avois fait couper à un rocher près de Soubize, ville limitrophe de la mer. Lequel rocher avoit esté autrefois couvert de l’eau de la mer ; et au paravant qu’il fut réduit en pierre, il y avoit un grand nombre de plusieurs espèces de poissons armez, lesquels estants morts dedans la vase après que la mer a esté retirée de ceste partie là, la vase et les poissons se sont pétrifiez.

La chose est certaine que la mer s’est retirée de ceste partie-là, comme j’ay vérifié du temps qu’il y avoit sédition au pays de Xaintonge, lorsqu’on y vouloit ériger la gabelle. Car, en ces jours-là, je fus commis pour figurer le pays des marez sallans ; et estant en l’isle de Broue, laquelle fait une pointe vers le costé de la mer où il ya encore une tour ruinée, les habitans du pays m’ont attesté que autrefois ils avoient veu le canal du havre de Brouage venir jusques au pied de ladite tour, et que l’on avoit édifié ladite tour pour garder d’entrer les pirattes et brigands de mer, qui en temps de guerre venoyent bien souvent rafraîchir leurs eaux à une fontaine qui estoit près de ladite tour ; et ladite tour s’appelle la tour de Broue à cause de l’isle où elle est assise, laquelle se nomme Broue, dont le havre de Brouage a pris son nom. Et pour autant qu’il est auiourd’huy impossible d’aller le long du canal pour aprocher de ladite tour, l’on connoist par là que la mer s’est retirée de celle contrée ni qu’elle peut avoir autant gaigné en un autre endroit : comme ainsi soit que près la coste d Alvert gueres loing du passage de Maumusson qui est si fort dangereux ; les habitans du pays disent avoir passé autrefois de liesse d Alvert en l’isle d’Oleron, en ayant mis seulement une teste de cheval ou de bœuf à un petit fossé, ou autrement petit bras de mer qui se ioignoit des deux bouts à la grand mer.

Et au jourd’huy, les navires de quelque grandeur qu’elles soyent passent par là pour le plus court chemin de Bordeaux à la Rochelle ou en Bretaigne en Flandres et en Angleterre ; et au paravant il falloit tourner alentour de l’isle d’Oleron.

Voila un tesmoignage comment la mer se diminuant d’une part accroist d’autre part. Dont j’ay pris tesmoignage que le rocher qui est tout plein de diverses espèces de coquilles a esté autrefois vases marins produisans poissons. Si aucuns ne le veulent croire je leur monstreray ladite pierre pour couper broche à toutes disputes.


[1Autrefois, on utilisait les cendres de la salicorne pour produire du savon et du verre. En effet, la soude qui est à la base de la production de verre et de savon provenait de la combustion de la salicorne. Aussi, au 14ème siècle, on raconte que les verriers déplaçaient leurs ateliers en fonction des zones de pousse de cette plante herbacée si étroitement liée à leur métier. - Source Internet.

[2L’absinthe fut largement connue dans l’antiquité. S’il est une région qui sut tirer profit de son absinthe et de son usage local, c’est bien la région de Saintes. En effet, l’absinthe de Saintonge, l’herba santonica était fort réputée.

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