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1794 - La guillotine à Saintes, patrie de Joseph-Ignace Guillotin

mardi 27 novembre 2018, par Pierre, 762 visites.

Le docteur Guillotin, natif de Saintes, a laissé, à son corps défendant, son nom à cet instrument mortifère. Une question a été posée par un lecteur de la Revue d’Aunis et de Saintonge : Où la guillotine a-t-elle fonctionné dans la Charente-Inférieure, pendant la Révolution ? Louis Audiat répond : "La guillotine n’a pas fonctionné à Saintes". Soulagement des saintais. L’auteur de l’article présenté ici explique, avec une foule de détails, que la réponse n’est peut-être pas aussi catégorique.

Source : Bulletin de la Société des archives historiques de la Saintonge et de l’Aunis - Tome XXVII - 1907 - BNF Gallica

La guillotine à Saintes en 1794

En réponse à cette question : Où la guillotine a-t-elle fonctionné dans la Charente-Inférieure, pendant la Révolution ? la Revue d’Aunis et Saintonge [1] a publié l’entrefilet suivant, non signé, mais dû vraisemblablement à la plume de son ancien et regretté directeur, M. Louis Audiat :
« La guillotine n’a pas fonctionné à Saintes, m’a-t-on dit. Le maire, Lériget [2], s’opposa à ce que la machine de Guillotin restât dressée sur la place des Cordeliers, malgré les représentants Lequinio et Laignelot. Il prétendait que c’était faire injure aux bons républicains de Saintes que de leur supposer des sentiments aristocratiques.
« C’est à Rochefort, sur la place Colbert, que fut monté l’échafaud qui servit à l’équipage de l’Apollon, du Généreux et du Pluvier et à tant d’autres citoyens. »

Au cours de nos recherches dans les registres d’état civil, déposés dans les archives du greffe du tribunal de première instance de Saintes, nous avons rencontré un acte de décès du 22 ventôse an II (12 mars 1794), qui établit que, contrairement à l’opinion émise dans l’article ci-dessus reproduit, il y eut, du moins, une exécution capitale dans notre ville pendant la période révolutionnaire.

Voici ce curieux document que nous croyons inédit :
« Aujourd’hui, vingt-deux ventôse, l’an deux de la République française une et indivisible, sur les cinq heures et demie du soir, étant à la maison commune, par devant nous, Daniel-Etienne Massiou, officier public de la commune de Xantes, département de la Charente-Inférieure, est comparu Dominique Leroux, huissier au tribunal criminel du département, demeurant en cette commune, lequel, assisté de Jean-Nicolas Crugy, âgé de vingt-six ans, et de Antoine Lacoste, âgé de trente ans, l’un et l’autre secrétaires de la municipalité de Xantes, y demeurant, m’a présenté le procès-verbal par lui dressé le douze de ce mois, duquel il apert qu’en exécution d’un jugement rendu par le tribunal criminel de ce département, le seize frimaire dernier, et de sa confirmation par la section de Cassation, tenue à Paris le vingt-trois pluviôse dernier, Jean Berteau, âgé de vingt-sept ans, natif de cette commune, a subi la peine de mort ledit jour, douze ventôse, par l’instrument ordinaire (la guillotine), à deux heures après-midy, sur la place de la Liberté, en cette commune [3], et que ledit Leroux a pourvu à son enterrement.
« De tout quoi j’ai rédigé le présent acte que le déclarant et les témoins ont signé avec moi.
« Leroux. Crugy. Lacoste. Massiou, officier publiq. »

Pour quel motif Berteau avait-il été exécuté ? Nous avons, mais inutilement, cherché à le savoir.

La collection des registres du tribunal criminel de la Charente-Inférieure est, en effet, très incomplète ; les registres d’audience, notamment, s’arrêtent au 6 avril 1793, c’est-à-dire à une date bien antérieure à la condamnation dudit Berteau.

Que sont devenus les autres registres ? Ont-ils été vendus, comme papiers inutiles, à des fripiers, et dispersés ? Nous l’ignorons. Ce qu’il y a de certain, c’est que nous n’avons pu avoir sur le procès de Jean Berteau ou Berteaud que les quelques renseignements suivants, qu’a bien voulu nous fournir l’archiviste de ce département, M. Pandin de Lussaudière, à qui nous réitérons ici l’expression de nos sincères remerciements.

On trouve dans un registre du tribunal du district de Saintes (L. 293), relatif aux frais d’instruction des procès criminels, à la date du 21 brumaire an II (11 novembre 1793), les indications suivantes :

« Jean-Etienne Gobeau [4], juge du district et directeur du jury ; membres : Bachelot, Coëffé [5], Louis Bargignac, Bourgeois père, Degennes, Lacheurié [6], Picard, Gobeau père.

« Le jury, consulté sur la culpabilité de Jean Berteaud, a déclaré qu’il y avait lieu à accusation.

« Les témoins Pierre Mallet, filassier, Etienne Barbot fils, matelot, Bourbaud, boucher, Blaize Compagnon, gabarrier, n’ont pas comparu, quoique assignés, et défaut a été donné contre eux.

« L’acte est signé : Gobeau et Tapon-Dupinier, commissaire national. »

Ce sont les seules mentions qui soient indiquées. Pas de renseignements sur l’état civil du prévenu, ni sur la cause de sa mise en accusation.

Malgré le silence gardé sur ce dernier point par le procès-verbal de l’audience, nous sommes autorisé à croire que le nommé Berteaud n’a pas dû subir la peine suprême pour une raison politique, mais bien expier un crime de droit commun.

Et ce qui nous le fait présumer ce n’est pas l’humble condition de l’accusé, qualifié de « journalier », dans le procès-verbal sus-énoncé, car à cette époque « terrible, affreuse et magnifique », selon une expression de George Sand [7], la hache frappait partout, à la base de la société comme sur les sommets les plus élevés, ce qui permettait à un poète contemporain, Jacques Delille, de s’écrier dans le chant troisième de son poème : la Pitié :

Le pauvre en vain s’endort sur la foi de ses maux ;
Le pauvre a ses tyrans, le pâtre a ses bourreaux.

Notre opinion se fonde sur cette circonstance, rappelée dans l’acte de décès ci-avant transcrit, que le jugement rendu contre Berteaud n’avait reçu son exécution qu’après avoir été confirmé par la section de cassation.

Or, on le sait, le décret de la Convention nationale du 7 avril 1793, relatif au jugement des individus inculpés d’avoir pris part à des révoltes ou émeutes contre-révolutionnaires, était exclusif d’un recours devant cette juridiction. Son article 2, qui lui-même s’en référait à l’article 4 du décret du 19 mars précédent, concernant la punition de ceux prévenus d’avoir participé à des troubles contre-révolutionnaires, éclatés à l’époque du recrutement, était ainsi conçu : « Les jugements seront exécutés dans les vingt-quatre heures et sans recours au tribunal de cassation, conformément à l’article 4 du décret du 19 mars. »

Donc, on. ne saurait conclure de l’acte de décès que nous avons découvert que, pendant la Terreur, l’échafaud ait été dressé à Saintes pour cause politique, et l’assertion de M. Audiat nous parait subsister entière sur ce point.

Mais il résulte clairement de ce même acte de décès que ce n’est pas, comme il le dit, sur la place des Cordeliers [8], mais bien sur la « place de la Liberté » (aujourd’hui place Blair), que s’élevait, — rouge vision, — la sinistre « machine à Guillotin ».

Cependant le sang aurait coulé, dans notre cité, durant l’époque révolutionnaire, si l’on s’en rapporte à ce qu’a écrit M. H. Wallon dans son beau livre, Les Représentants du Peuple en mission.

Dans une note, mise au bas de la page 297 du tome 1er de cet intéressant ouvrage, l’éminent historien, qui invoque à l’appui de ses dires l’autorité de Berriat Saint-Prix (La Justice révolutionnaire, p. 273), s’exprime en effet dans ces termes : « Là aussi (à Saintes), les exécutions furent précédées de massacres. Le 31 mars 1793, quatre prêtres y furent égorgés ; le lendemain, deux autres, et les représentants en mission (Lequinio et Laignelot) étaient là. »

Nous avons voulu vérifier les faits avancés, et nous n’avons relevé sur les registres de l’état civil que deux actes de décès, à ce moment-là :

1° L’un, à la date du 31 mars 1793, celui de Jean-Baptiste Marot, curé de Luchat, âgé d’environ 60 ans, mort la veille dans « la maison de réunion des prêtres », dressé par Louis Canolle, officier public, membre du conseil général de la commune de Saintes, sur la déclaration de Jean-Bernard Besse, concierge à ladite maison de réclusion, assisté de Pierre Bonneau, cultivateur à Bellivet, paroisse de Saint-Vivien, et d’Antoine Lacoste, secrétaire de la municipalité, demeurant rue de la Berthonnière, dite paroisse de Saint-Vivien ;

2° L’autre, à la date du 1er avril 1793, celui de Jean Fruger, âgé de 71 ans, mort le 31 mars, en la maison des Pères Pichons (sic), paroisse de Saint-Pallais-lès-Saintes, dressé par Jean-Baptiste Dravigny [9], officier public, membre du conseil général de la commune de Saintes, sur la déclaration de Pierre Fruger, menuisier, demeurant au Port d’Envaux, paroisse de Saint-Sorlin de Séchaud, son fils, assisté de François Derente, pierrieur, demeurant audit Port d’Envaux, et de Jean Mesnard, huissier, demeurant au faubourg de Saint-Vivien-lès-Saintes.

Ces constatations semblent bien démontrer l’inexactitude des assertions de MM. Berriat Saint-Prix et Wallon. Toutefois, au cours de notre vérification, nous avons trouvé deux actes de décès, dressés dans des circonstances particulièrement étranges, qui pourraient, peut-être, dans une certaine mesure, venir corroborer leurs affirmations.

Ces deux actes, le premier en date du 26 février 1793 et relatif à un nommé René Gauduchon, le second, en date du 28 juin suivant, et qui concerne les nommés Louis Sarran et François Jodeau, énoncent en effet que leurs décès se sont produits dans l’église, ou dans le cimetière Saint-Vivien. Ils sont rédigés l’un et l’autre dans des termes analogues. Voici, à titre documentaire, la copie textuelle du premier de ces actes.

« Aujourd’huy, vingt-sixième jour du mois de février 1793, l’an deuxième de la République française, sur les onze heures du matin, par devant moy, Louis Canolle, officier public de celte ville, membre du conseil général de la commune de Saintes, élu le 17 novembre 1792 pour dresser les actes destinés à constater les naissances, mariages et décès des citoyens, sont comparus en la maison commune, les citoyens Pierre Picherit et Dominique Le Roux, huissiers au tribunal criminel du département de la Charente-Inférieure [10], séant à Saintes, y demeurant, lesquels nous ont déclaré que jeudy dernier, vingt et un du courant, deux heures après-midy, est décédé le nommé René Gauduchon, et qu’il a été enterré en les simetières de la présante ville, situés près l’église et paroisse Saint-Vivien, où est mort ledit Gauduchon. Sur quoy j’ai interpellé lesdits Picherit et Le Roux, l’un et l’autre, de l’âge, la qualité et le lieu de naissance, et de la maison où faisait sa demeure ledit Gauduchon, et ont répondu n’avoir pu se les procurer, et que sitôt qu’il y seray parvenu, il en viendroit faire leurs déclarations, en marge du présant registre. Et qu’ils avoient seulement dressé le présant procès-verbal de mort et d’enterrement donts ils m’onts laissé copie pour être jointe au présant registre, et y avoir recour au besoin, lequel ils onts signé ainsy que la présante déclaration, pour servir de témoignage comme officiers publics préposés pour constater et vérifier la mort et enterrement dudit Gauduchon. Fait à la maison commune, les jour, mois et an que dessus. Picherit et Le Roux.

« Vu par moy, Louis Canolle, officier public de la commune de Saintes, paroisse de Saint-Pierre, département de la Chérante-Inférieure, et certifié qu’expédition du procès-verbal cy-dessus m’a été remise, et la déclaration de décès dudit nommé audit procès-verbal par les citoyens Picherit et Le Roux. De tout quoy j’ai dressé le présant acte de décès que lesdits Picherit et Le Roux ont signé avec moy sur les registres de cette commune. Fait à la maison commune, ce vingt-sixième jour du mois de févrîer mil sept cent quatre-vingt-treize.

« Picherit. Le Roux. Canolle, officier public. »

L’acte dont la teneur précède, ainsi que l’acte de décès collectif de Louis Sarran et de François Jodeau, qui, nous le répétons, est conçu dans les mêmes termes, ne mentionne pas l’âge, la qualité, le lieu de naissance et le dernier domicile des défunts. Les huissiers Le Roux et Picherit n’ont-ils réellement pas, comme ils l’ont déclaré à l’officier de l’état civil, pu donner ces renseignements, ou ont-ils agi par ordre en ne les fournissant pas ? A-t-on voulu cacher l’identité des décédés ? Et dans quel but ? Doit-on induire de ce document qu’il y ait eu à Saintes des massacres (ou des exécutions) d’ecclésiastiques, comme l’ont écrit MM. Berriat Saint-Prix et Wallon ? Nous ne pouvons pas répondre à ces questions et nous posons simplement le problème en laissant à d’autres, mieux qualifiés que nous, le soin de le résoudre.

On a vu plus haut que l’acte de décès de Berteaud mentionnait que cet individu avait subi sa peine « par l’instrument ordinaire (la guillotine) ». Il n’entre pas dans le cadre de ce travail de faire l’historique de la hideuse machine à laquelle notre concitoyen, le docteur Joseph-Ignace Guillotin [11], eut le si fâcheux honneur de donner son nom. Nous nous bornerons à rappeler qu’il ne fut ni l’inventeur, ni la première victime de l’instrument de mort qui lui a valu sa funèbre célébrité, comme le veut la tradition populaire. La seule part qu’il prit à l’adoption du nouveau mode de supplice fut d’avoir proposé à l’Assemblée Constituante, en sa qualité de député de la ville de Paris, dans un but louable d’humanité et d’équité, le principe d’égalité devant la répression [12] et la substitution à la décapitation par le glaive ou la hache, la décollation à l’aide d’un procédé mécanique (1er décembre 1789). Ce ne fut cependant que le 20 mars 1792 que l’Assemblée Législative, qui avait succédé à la Constituante, adopta l’idée émise par Guillotin, à la suite d’une « consultation du docteur Louis, secrétaire perpétuel de l’Académie de Chirurgie ». Le charpentier Guédon, fournisseur ordinaire des bois de justice, ayant présenté à l’Assemblée un devis trop élevé, ce fut un mécanicien allemand, un sieur Schmidt, qui fabriqua, sur les ordres du directoire du district de Paris, moyennant 824 livres, la nouvelle machine à décapiter, qui fut appelée parfois, dès le début, Louison ou Louisette, du nom de son véritable créateur (Louis, en effet, en avait indiqué le plan dans son Avis motivé, mais qui bientôt ne fut plus connue que sous celui du docteur Guillotin [13].

La machine, construite par Schmidt, « ayant rempli parfaitement le but qu’on se proposait », Clavières, le ministre des « contributions publiques », accepta « les offres et conditions de cet artiste », et le chargea, en conséquence, de toutes les guillotines à fournir aux départements, à raison de 824 livres chacune [14].

Dès les premiers jours de mai 1792, l’adjudicataire se mit avec ardeur à la tâche, mais, malgré son zèle, tous les départements ne furent munis du nouvel instrument de supplice que sous le Consulat. Aussi les exécuteurs ne se faisaient pas faute de majorer les frais de transport qui leur étaient alloués lorsqu’ils étaient obligés d’opérer hors de leur résidence : 20 sous par lieue et autant pour le retour (art. 4 de la loi du 13 juin 1793). Dans un rapport du 11 juillet 1793, le représentant de Sacy s’en indignait en ces termes : « Les dilapidations se portent jusque sur la guillotine, et l’exécuteur a aussi ses spéculations financières. 1.400 livres pour faire faire quelques lieues à la guillotine ! » Pourtant, la Convention venait d’améliorer notablement le sort de ce terrible auxiliaire de la justice humaine, dont Joseph de Maistre a retracé la sombre et terrifiante physionomie dans une page saisissante et inoubliable.

Avant la Révolution, les « maîtres des hautes œuvres » ne recevaient pas de traitement fixe. Ils étaient payés par les villes où ils faisaient l’exécution et leurs salaires variaient selon le genre du supplice et le lieu où il était infligé. Outre leurs émoluments en argent, ils touchaient des redevances en nature (droits de hâvage et de raflerie, etc.). Le droit de hâvage consistait dans la faculté accordée au bourreau de prendre de toutes les céréales, exposées en vente sur les marchés, autant que sa main pouvait en contenir. Nous renvoyons pour les divers droits dont jouissaient les exécuteurs, à l’article paru dans la Grande Encyclopédie, de Ladmirault, au mot « Exécution » [15].

Après le mouvement de 1789, les citoyens refusèrent de se soumettre aux droits vexatoires, attribués aux exécuteurs, et les directoires de district furent obligés de leur donner une indemnité en sus des honoraires leur revenant par chaque exécution. A Saintes, cette indemnité fut fixée à neuf cents livres, mais il faut croire qu’elle remplaçait insuffisamment les revenus antérieurs que lui procuraient les redevances en nature dont il était privé, car l’on voit l’agent chargé d’exécuter les arrêts prononçant la peine capitale réclamer une augmentation dans une pétition que le directoire du district, dans sa séance du 23 avril 1793, rejeta impitoyablement par la délibération suivante :

« Le directoire assemblé, après communication d’une requête présentée par le citoyen Héraud, exécuteur des sentences criminelles, par laquelle il expose qu’il lui est impossible de pouvoir vivre lui, sa femme, ses quatre enfants et son domestique avec une modique pension de 900 livres, attendu la cherté des vivres, et demande une augmentation de pension ;
« Oui le procureur syndic ;
« Considérant que ce particulier, outre la pension de 900 livres qu’il touche, est payé des différentes exécutions qu’il fait,
« Nous sommes d’avis qu’il soit dit n’y avoir lieu à délibérer sur la présente pétition ».
Hillairet. Vanderquand. Moreau. Gautret. Godet, secrétaire [16].

Plus tard, la loi du 13 juin 1793 [17], décidait qu’il y aurait un exécuteur des jugements criminels par département, mettait leur traitement à la charge de l’Etat et le fixait à 2.400 livres dans les villes, qui, comme Saintes, avaient une population n’excédant pas 50.000 âmes. En outre, la loi du 3 frimaire an II (23 novembre 1793) [18], qui accordait des aides aux exécuteurs (2 en province, 4 à Paris), leur allouait un supplément de traitement de 1.600 livres dans le premier cas et de 4.000 livres dans le second. Pour mettre fin aux abus dont nous avons précédemment parlé, cette dernière loi édicta que le transport de la guillotine se ferait aux dépens du Trésor public. (Les frais en résultant étaient payés par le receveur du droit d’enregistrement, sur un exécutoire délivré par le président du tribunal criminel et visé par le directoire du département). Les exécuteurs en déplacement recevaient, pour toute indemnité, une somme de 36 livres par exécution, à raison de 12 livres par jour, savoir : un jour pour le départ, un jour pour le séjour et un jour pour le retour.

Il faut croire pourtant que l’exécuteur Héraud ne fut pas encore satisfait de ses allocations, car on le voit adresser au directoire du district une nouvelle pétition « tendante à une augmentation de traitement eu égard à la cherté des denrées de première nécessité ». Cette fois, l’assemblée, par délibération du 24 prairial an III (12 juin 1795), accueillit favorablement sa requête et « porta provisoirement à 3.600 livres, au lieu de 2.400 livres, les appointements du citoyen Héraud, exécuteur des hautes œuvres, en lui accordant de plus par chaque jour de voyage pour ces fondions une somme de 60 livres au lieu de 12 livres ». [19]

Dans sa séance du 23 thermidor an III (10 août 1795), le directoire du district de Saintes, statuant sur une autre pétition du « citoyen Héraud », lui demandant des secours pour faire le voyage de Montguyon, sur la réquisition de l’accusateur public (Héard), émettait encore l’avis qu’il y avait lieu de lui faire « une avance de la somme de 250 livres, prise sur les fonds du Trésor public », considérant que le surenchérissement des denrées et objets nécessaires à la vie rendait insuffisante à ses besoins, pendant les jours qu’il y emploierait, la somme qui lui était accordée par la loi pour le voyage qu’il allait entreprendre [20].

Malgré nos investigations, nous n’avons pas pu découvrir jusqu’à quelle époque le sieur Héraud conserva ses fonctions [21]. Les familles de ce nom sont nombreuses à Saintes et sur les registres d’état civil nous n’avons relevé aucune mention pouvant nous fournir le moindre indice sur les prénoms, la demeure, la date de sa naissance et l’époque de son décès. Néanmoins, il nous paraît certain qu’il eût pour successeur le nommé François Spirckel ou Spirkel, natif de Luxembourg (Pays-Bas).

Les registres des naissances de la ville de Saintes pendant l’an XI de la République (1803) renferment deux actes, qui nous paraissent en être la preuve positive.

Le premier, dressé à la date du 6 frimaire (27 novembre) par Jean-Elie Fleury, adjoint du maire de la commune de Saintes, constatant la naissance de Mathieu Spirckel, né le jour précédent, à huit heures du soir, fils de François Spirckel, exécuteur des jugements criminels, domicilié à Saintes, et de Marie-Anne Gueldre, mariés, en présence de Christophe Dubé, appariteur, âgé de 46 ans, et de Louis Birotheau, âgé de 36 ans, domiciliés de la commune de Saintes.

Le second, en date du 23 fructidor (10 septembre) est relatif à la naissance de François Bernaciny, né le même jour, fils de Pierre Bernaciny, aide de l’exécuteur des jugements criminels, et de Marie Hayrault, non mariés. L’un des témoins est François Spirckel, exécuteur des jugements criminels.

François Spirckel mourut à Saintes, en son domicile rue Saint-Eutrope, le 23 octobre 1842, è l’âge de 66 ans, époux en secondes noces de Marguerite Krau [22].

La déclaration du décès fut faite par son fils, Mathieu Spirkel, « exécuteur des jugements criminels » à Saintes.

Ce dernier exerçait depuis de longues années cette sinistre fonction qu’il avait obtenue quand son père avait cessé de la remplir, vraisemblablement vers 1824, car, le 27 septembre de cette même année, Mathieu Spirkel est déjà qualifié d’exécuteur des jugements criminels dans l’acte dressé sur sa déclaration par Jacques Emmanuel Gilbert, adjoint délégué [23], de la naissance de Marie-Esther Spirkel, sa fille, née de son légitime mariage avec Henriette Reine.

Mathieu Spirkel demeura d’abord rue Saint-Eutrope, puis il alla habiter la rue Saint-François, dans une maison portant le n° 32, occupée aujourd’hui par M. Poulain, épicier, et que l’on appelle encore assez communément dans le quartier la maison du bourreau. Il s’y installa dans le courant de l’année 1826, car l’acte de naissance de sa fille, Henriette-Léonie, du 27 novembre de cette même année, indique que Spirkel demeurait rue Saint-François.

La maison habitée par Spirkel lui provenait de ses père et mère, François Spirkel et Marie-Anne Gueldre (née à Chaumont, Haute-Marne), fille de feu Henri Gueldre et de feue Catherine Reine), décédée à Saintes le 26 septembre 1826, âgée de 47 ans.

Les époux François Spirkel en avaient fait l’acquisition par acte de Genet, notaire à Saintes, en date du 4 juillet 1822, d’Alexandre Gélinaud, marchand de bétail aux Gonds. (Minutes de Me Bourcy.)

Le 5 février 1853, et par acte de Drilhon jeune, notaire à Saintes, Mathieu Spirkel la vendit à un sieur Pierre Jhéan, marchand drapier. (Minutes de Me Julien-Laferrière).

Après diverses mutations, cet immeuble se trouve actuellement être la propriété de M. Poulain, susnommé.

Mathieu Spirkel, qui fut le dernier bourreau de Saintes, semble n’avoir quitté cette ville qu’après la suppression de son emploi par le décret du 9 mars 1849. Ce décret, rendu après l’abolition de la peine de l’exposition publique (12 avril 1848) et sur le rapport du ministre de la justice, M. Odilon Barrot, décida en effet, en vue de réaliser des économies, qu’à partir du 1er mai 1849, il n’y aurait plus qu’un exécuteur en chef dans le ressort de chaque cour d’appel, au lieu de son siège [24]. Un autre décret du 26 juin 1850, provoqué par M. Rouher, ministre de la justice, vint bientôt supprimer le poste d’exécuteur adjoint que le décret précédent créait dans les départements du ressort autres que celui où la cour d’appel était établie, dans la ville où se tenait la cour d’assises.

Quant aux aides-exécuteurs, ils avaient cessé d’exister à Saintes depuis la loi du 28 avril 1832, qui avait fait disparaître leur emploi, après l’abolition des peines de la flétrissure et du carcan, en même temps qu’elle réduisait à 2.000 francs le salaire des exécuteurs dans les villes de 20.000 habitants et au-dessous, ce qui était le cas de Saintes.

Nous connaissons seulement les noms de deux des aides-exécuteurs de Saintes.

Le premier est un certain Pierre Bomacini (ou Bemaciny, comme il est aussi parfois appelé), dont il est fait mention dans l’acte de naissance du 23 fructidor an XI, relaté plus haut, relatif à l’enfant né de ses relations avec Marie Héraud, qui cohabitait avec lui, et dont il eut, du reste, plusieurs autres enfants qu’il reconnut tous et qui sont inscrits également sur les registres de l’état-civil de Saintes. Cette Marie Héraud était-elle fille de l’ancien bourreau de ce nom ? Nous ne saurions l’affirmer — quoique le fait soit vraisemblable, — tout ce que nous pouvons dire, c’est qu’il résulte de renseignements qui nous ont été donnés, que ce Bomacini — qui logeait dans la rue Saint- Eutrope, — aurait encore des arrière-descendants à Saintes.

Le second est Joseph-Antoine Deibler, demeurant à Saintes, faubourg Saint-Eutrope, rue de l’Eclair, dénommé dans un acte dressé le 14 mars 1825, par Gilbert, adjoint, pour constater la naissance de sa fille « Marie-Henriette Deibler, née le même jour, de son mariage avec Marguerite-Françoise Royer ». Les témoins furent Mathieu Spirkel, Agé de 22 ans, exécuteur des jugements criminels, et Jean Brunet, âgé de 53 ans, chaudronnier, demeurant l’un et l’autre à Saintes.

Deibler (Joseph-Antoine), qui, au moment de la naissance sus-énoncée, avait 35 ans, dut partir de Saintes à la suite de la loi du 28 avril 1832 et devint plus tard dans la capitale, exécuteur en chef, fonction, qui fut successivement remplie par son fils (qui ne naquit pas à Saintes, comme on l’a dit souvent par erreur), puis par son petit-fils, l’actuel « Monsieur de Paris » dont la commission du budget, à la Chambre des députés, a refusé dernièrement de maintenir le traitement (6.000 francs), ainsi que les autres crédits nécessaires au fonctionnement de la guillotine.

...

Edmond Guérin


[1Tome XVIII, p. 160.

[2Lériget n’était pas alors maire de Saintes, comme il a été dit par erreur. II était procureur syndic du district ; il devint agent national provisoire après la loi du 14 frimaire an II (4 décembre 1793) sur le mode du gouvernement provisoire et révolutionnaire, et, lors de l’épuration des autorités constituées qu’elle ordonnait, il fut nommé agent national définitif du district, par arrêté de Lequinio du premier pluviôse an II (20 janvier 1794). La loi du 28 germinal an III (17 avril 1795) ayant rapporté la loi du 14 frimaire en ce qui concernait les administrations de département et de district, il cessa ses fonctions d’agent national pour reprendre celles de procureur syndic du district. Né à Orgedeuil, canton de Montbron (Charente), le 24 novembre 1751, d’Étienne Lériget, avocat au parlement de Bordeaux, et de Marie Besse du Pouget, Jean Lériget fut en 1790 député à la fédération du champ de Mars, administrateur du district de Saintes (1791), procureur syndic du district (1792), administrateur du département (25 germinal an VI-4 avril 1798), conseiller de préfecture de la Charente-Inférieure (1800), receveur principal des droits réunis, maire de Saintes de 1830 à 1837. Il mourut à Saintes en son domicile, rue des Iles, le 1er mars 1842, à 87 ans, chevalier de la Légion d’honneur ; il était veuf de Mme Catherine Cormier, originaire de Cozes. Un monument funèbre lui a été élevé aux frais de la ville en souvenir de ses services. (Eschasseriaux, Assemblées électorales de la Charente-Inférieure, p. 207, et Registres d’état civil de la commune de Saintes).

[3L’acte, plus haut transcrit, n’aurait pas dû indiquer les circonstances du décès de Berteaud. car la loi du 21 janvier 1790 défendait de mentionner, sur les registres de l’état civil, la peine de mort des suppliciés. L’article 85 du code civil, actuellement en vigueur, reproduit cette interdiction.

[4Jean-Etienne Gobeau, originaire de Fontcouverte, juge suppléant au tribunal du district de Saintes, puis juge titulaire, en remplacement d’Héard jeune,décédé (mai 1792) ; maintenu lors de l’épuration des autorités constituées ordonnée par le décret du 14 frimaire an II (4 décembre 1793), il dut démissionner, le 5 vendémiaire an IV (27 septembre 1795), car il se trouvait atteint par le décret du cinquième jour complémentaire de l’an III (21. septembre 1795) qui excluait des fonctions publiques les pères, fils, frères, oncles, neveux et époux des émigrés, les alliés au même degré, etc. (Voir Piet-Lataudrie, Le tribunal de Saintes, Saintes, imp. Hus, 1888).

[5Pierre Coëffé, né à Vitré (Ile-et-Vilaine), mort & Saintes le 3 fructidor an XI, était greffier du tribunal de commerce et époux de Catherine Dugué, fille de Mathieu Dugué, marchand et ancien juge à la juridiction consulaire.

[6François Lacheurié, né le 2 janvier 1738 à Montesquieu en Languedoc, commissaire de marine, notable, membre du comité de salut public, créé à Saintes le 12 avril 1793 ; il mourut dans celle ville le 25 juillet 1813, à l’âge de 78 ans, époux de Pauline Mazille. D’un premier mariage avec Anne Lavergne, il eut une fille, Charlotte-Marguerite Lacheurié, qui, en mars 1791, fut l’un des secrétaires de la Société populaire « les Amis de la Constitution » (Voir Journal patriotique de F.-M. Bourignon, 1791, p. 175). Elle épousa, le 1er septembre 1793, Jean-Baptiste Forget, ex-prêtre et principal du collège. Les époux Forget eurent un fils Charles-Polidor Forget (prénommé je ne sais pourquoi Charlotte-Polydore par Rainguet, dans sa Biographie Saintongeaise), qui fut un médecin de valeur et occupa la chaire de clinique interne â la faculté de Strasbourg. Il y mourut eu 1861 ; il était né à Saintes le 26 messidor an VIII (15 juillet 1800). Il est l’auteur de plusieurs ouvrages de médecine, qui lui valurent la croix de chevalier de la Légion d’honneur en 1844 et dont G. Vapereau a donné la liste dans son Dictionnaire des Contemporains (Paris, Hachette, 1858). Le Dr Fleury, ancien préfet, a publié un Essai historique sur la vie et les ouvrages de Forget (Saint-Étienne, imp. veuve Théolier et Cie, 1863).

[7Lettre de G. Sand à J. Michelet, du 30 mars 1850, publiée par M. Gabriel Monod, dans son étude, Georges Sand et J. Michelet (Revue de Paris du 1er décembre 1904).
A rapprocher des termes du célèbre romancier les vers d’Auguste Barbier :

Sombre quatre-vingt treize, épouvantable année
De lauriers et de sang grande ombre couronnée...

M. Paul Brunaud nous a dit récemment, sans pouvoir toutefois nous fournir d’autres renseignements, qu’il croyait, se rappeler que M. Roussel, ancien président du tribunal civil de Saintes, lui avait raconté que la première exécution, qui s’était faite à Saintes à l’aide de la guillotine, avait eu lieu pendant la Révolution et était celle d’un individu coupable d’avoir tiré des coups de feu sur des gabariers, près de Saint-Sorlin de Saintes. S’agissait-il de Berteaud ? Nous l’ignorons, n’ayant pu élucider le fait.

[8Dans certains actes du temps on trouve cette place dénommée « place des Justices ». Ce nom vient vraisemblablement de ce que les condamnés au pilori ou à la marque subissaient leur peine en cet endroit, d’après ce qui nous a été assuré.

[9Né à Reims (Marne), était un ex-religieux charitain ; il mourut à Saintes le 26 brumaire an II, à l’âge de 60 ans, après avoir été directeur de l’hôpital militaire, puis commis aux entrées de l’hôpital supplémentaire de l’armée des côtes de La Rochelle, établi à Saintes, faubourg Saint-Pallais. Son acte de décès fut dressé par Parménide Brunet, officier public de la commune de cette ville, sur la déclaration des citoyens Louis Canolle, propriétaire, âgé de 59 ans, et Pierre-Hector Savary, âgé de 27 ans, homme de loi, demeurant le premier rue Çà-Ira (Saint-Maur), et le second, rue Mirabeau (Grande Rue Victor-Hugo). (Voir sur Pierre-Hector Savary, Documents relatifs à la ville de Saintes, p. 169).

[10Créé par le décret du 20 janvier 1791 et installé < avec pompe et solennité » (voir Journal patriotique de Saintes de F.-M. Bourignon, 1791, n° 272) le tribunal criminel de la Charente-Inférieure se composait d’un président, d’un accusateur public et d’un greffier nommés par les électeurs du département et de trois juges pris dans les tribunaux de district. L’assemblée électorale du 2 septembre 1792 avait nommé président : Louis-Nicolas Lemercier (né à Saintes le 23 décembre 1755, mort à Paris le 12 janvier 1849), ancien lieutenant criminel au siège présidial de sa ville natale, ex-député à l’Assemblée constituante, qui remplaça Rondeau (Philippe-Joachim-Ferdinand) ; accusateur public : Pierre-François Héard (né à Saintes le 2 avril 1748, mort dans sa propriété du Taillis, commune de Chaniers, le 5 décembre 1811), ancien accusateur public près le tribunal du district de Saintes ; greffier : Mathieu Dugué, ancien administrateur de ce district, qui remplit ces fonctions de greffier jusqu’en 1811, date où les tribunaux criminels firent place aux cours d’assises. Le siège du tribunal criminel était Saintes, alors chef-lieu du département, mais, après la loi du 7 avril 1793, il dut se transporter dans les chefs-lieux de district pour juger les prévenus « de révoltes ou émeutes contre révolutionnaires » jusqu’à la création du tribunal révolutionnaire, établi à Rochefort, pour tout le département de la Charente-Inférieure, par un arrêté des représentants en mission Laignelot et Lequinio, du 30 brumaire an II (3 novembre 1793). Laignelot (Joseph-François), né à Versailles le 13 juin 1760, mort à Paris le 33 juillet 1839, député de Paris, auteur de deux très médiocres tragédies Agis (1782) et Riensi (1804) ; — Lequinio (Joseph-Marie), né à Sarzeau (Morbihan) le 16 mars 1765, mort à New-Port (États-Unis) en 1813, député du Morbihan, avocat, agronome et journaliste, juge au tribunal du district de Vannes, auteur de plusieurs écrits, entre autres, Les préjugés détruits (1793, in-8°) et la Philosophie du peuple (1796, in-12). Tous les deux furent des sectateurs ardents du culte de la Raison.

[11Né à Saintes, rue Saint-Pierre, le 25 mars 1738, du mariage de « M.M Josepli-AIexandre Guillotin », avocat, puis conseiller en l’élection de Saintes, et de Catherine-Agathe Martin, mort à Paris, rue Saint-Honoré, n° 333, le 26 mars 1814. Nous nous proposons de faire une Étude sur Guillotin, qui fut un bon citoyen, un philanthrope, dans toute la grandeur et la vérité de l’expression.

[12Sous l’ancien régime, il y avait deux genres de supplice pour la mort : la décapitation, réservée aux nobles et qui n’avait aucun caractère infamant pour le condamné, ni pour les siens ; la pendaison, destinée aux villains et qui était pour le patient une flétrissure, qui rejaillissait sur sa famille.

[13C’est dans le célèbre pamphlet royaliste, Les Actes des Apôtres, dont Rivarol et le marquis de Champcenetz étaient les principaux rédacteurs, qu’on trouve, pour la première fois, le nom de guillotine, dans une chanson intitulée : Sur l’inimitable machine du médecin Guillotin, propre à couper les têtes, et dite de son nom guillotine. Elle se terminait par ce couplet :

Et sa main
Fait soudain
La machine
Qui simplement nous tuera,
Et que l’on nommera
Guillotine.

Parlant de la machine à décapiter qui, disaient-ils, par ironie, devait étendre la gloire du nom français jusqu’aux rives du Bosphore, les Actes des Apôtres ajoutaient (n° 10) : « On dit que M. Mirabeau se présente pour avoir les honneurs de cette machine superficielle. Le nom de Mirabelle remplacerait, à la grande satisfaction de tous les bons français, celui de Guillotine. »

Le Journal en Vaudevilles des Débats et Décrets de l’Assemblée Nationale, rédigé par le marquis Charles-François de Bonnay (22 juin 1750-20 mai 1825), imagina, de son côté, de mettre en pot pourri la séance du 1er décembre 1789, la réforme de la jurisprudence criminelle et Guillotin. (Voir ces élucubrations poétiques dans le Grand Dictionnaire de Larousse, t. VIII, V° Guillotine (Paris, 1872).

L’instrument philanthropique de Guillotin donna lieu, après le 9 thermidor, à une vive et curieuse controverse entre divers médecins (Œlsner, Sœmmering, Sue, Gastellier, Cabanis, Sédillot, etc.), sur l’insoluble problème de savoir si le moi, la conscience de l’être existent encore, la tête étant séparée du corps, et par suite si la douleur persiste après la décollation. Nous y reviendrons dans notre prochaine étude sur Guillotin.

[14Lettre au ministre de la justice du 18 mai 1792 (Archives nat., AA. 55, 3,1513).

[15Tome XVI, p. 928.

[16Registre des délibérations du district de Saintes. (Archives de la Charente-Inférieure, L. 265 bis).

[17Bulletin des lois, 31, 111.

[18Id., 37, 19.

[19Registre des délibérations du directoire du district de Saintes (Arch. Ch.-Inf., L. 265 bis).

[20Reg. des délib, du dir. du dist, de Saintes (Arch. Ch.-Inf., L. 265).

[21Grâce à une communication de M. Ch. Dangibeaud, nous avons pu connaître les noms de deux exécuteurs de la haute justice de Saintonge avant la Révolution : 1° Jean Benoit ou Benoist, demeurant au bourg de Saint-Eutrope-lès-Saintes, décédé le 1er février 1728 (Registres de la paroisse Saint-Eutrope), qui fit son testament le 30 janvier de cette même année, devant Prouteau fils, notaire royal à Saintes. Par ce testament Jean Benoit instituait Marie Renneteau, son épouse, sa légataire du tiers de ses biens, évalués par lui-même à 600 livres, tant en meubles qu’immeubles, et laissait le surplus de sa succession à ses quatre enfants, Christophe, Pierre, autre Pierre et Catherine Benoit, ces deux derniers mineurs « sous la tutelle et curatelle » de Marie Renneteau, leur mère (Minutes de Me Berthelot).
2* Pierre Benoit ou Benoist, qui obtint la charge de son père, ainsi que le constate un autre acte dudit Prouteau, notaire, du 22 avril 1728, contenant « mariage entre Pierre Benoit, exécuteur de la haute justice de Saintonge, fils de feu Jean Benoit, aussi exécuteur de la haute justice de Saintonge, et Marie Renneteau, avec Jeanne Tierselin, fille de défunt Tierselin, pierrieur, et de Jeanne Mautret, son épouse, demeurant audit bourg de Saint-Eutrope ». (Minutes de Me Berthelot). Le mariage eut lieu le 27 avril de la même année. (Registres de la paroisse de Saint-Eutrope).
Nous avons encore relevé sur les registres de cette même paroisse l’acte suivant qui pourrait bien concerner Pierre Benoit : « Du 27 février 1742, inhumation de Pierre Benoit, 35 ans environ. (Signé) Moreau, curé de Saint- Eutrope. »

[22Dans son acte de décès dressé par Pierre-Hilaire Claviez, adjoint délégué, à la date du 25 octobre 1842, son nom est écrit « Spirkel », et il est qualifié d’ancien débitant de tabacs et d’ancien exécuteur des jugements criminels. On indique aussi que le défunt était fils de feu Pierre Spirkel et feue Anne Spirkel. Par acte de Me Lambert, notaire à Saintes, du 18 juin 1839 (Minutes de Me Bourcy), Mathieu Spirkel, son fils unique, lui avait constitué une pension viagère et alimentaire de 600 fr. par an, qui devait être portée à 800 fr., pour le cas où Spirkel père cesserait de recevoir du gouvernement français le secours annuel de 4.000 francs qui lui était servi.

Dans le contrat on énonce que François Spirkel était alors domicilié en la ville de Metz et qu’il était logé dans la ville de Saintes, depuis quelques mois, chez le sieur Monrouzeau, quartier Saint-Macoul.

[23Avocat, professeur de philosophie, né à Cognac (Charente), mort à Saintes, rue des Iles (aujourd’hui Désilles), le 31 janvier 1839, à l’âge de 73 ans. Le secrétaire en chef de la mairie à cette époque était Guérin, chevalier de Saint-Louis et de la Légion d’honneur. (Documents relatifs à Saintes, p. 104).

[24Les bois de la guillotine, supprimée à Saintes, vendus par le receveur des domaines, furent adjugés, pour une partie, paraît-il, au sieur Boutaud, « revendeur, ferrailleur et fripier », comme il s’intitulait lui-même, demeurant alors rue Bertonnière, dans l’immeuble occupé actuellement par M. Breteau, fondeur et conseiller municipal. M. Roché fils, huissier A Saintes, nous a affirmé les avoir vus encore, il y a environ 25 ans, pendant son enfance. Le surplus de ces mêmes bois acquis par le nommé Pierre Jhéan, furent, nous a-t-il été assuré par un ancien habitant du quartier, brûlés par l’acheteur, en signe de joie, sur le champ de foire, à l’endroit même où l’on dressait la sinistre machine, et qui était situé, non loin du couvent de la Providence, près de la rue Bernard, et marqué par quatre larges pierres, visibles encore, il y a une vingtaine d’années, d’après ce qui nous a été dit par un vieux Saintais.

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