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Marans (17), par Louis-Etienne Arcère (1698-1782)

dimanche 1er février 2009, par Pierre, 2036 visites.

Marans est une ville située sur un lieu stratégique, et sa possession, de droit ou de force, a toujours été un enjeu important. Louis-Etienne Arcère le raconte par le détail.

Voir : Carte satellite des lieux décrits par Louis-Etienne Arcère

Source : Histoire de la ville de la Rochelle et du Pays d’Aulnis - Louis-Etienne Arcère - La Rochelle - 1754 - Books Google

Le très antique château de Marans, pays d’Aunis
comme il était en 1604, vu du côté du septentrion - Rasé en 1638

Marans

Marans est le Bourg [1] le plus considérable du Pays d’Aulnis. Il est situé sur la Sévre Niortoise, à 1oooo toises de la Rochelle, en ligne droite, & à 4500 toises de la mer.

Ce Bourg est appelle Maroantum, Maraant, Maraantum, Marantum & Marant. Le nom de Marant vient de la situation du lieu naturellement marécageux & voisin de la mer. Cette étymologie a de la vraisemblance, le Bourg étant environne de marais, appellés dans les Chartes maritima, marisci.

Marans a éprouvé toutes les fureurs des guerres civiles, ayant été ruiné trois fois. On a prétendu que ce lieu avoit titre de Ville. Il est vrai que la Déclaration portant translation du Présidial & autres Jurisdictions de la Rochelle à Marans, lui donne cette qualité ; mais dans les autres monumens anciens & modernes, il n’est connu que sous le nom de Bourg, ou lieu de Marans.

Le Château de Marans fut rasé en 1638. Une partie de l’emplacement appartient au seigneur, & l’autre fut donnée en 1659, par Jean Sire de Bueil, Seigneur de Marans, aux Pères Capucins pour y bâtir un Couvent.

La Seigneurie de Marans est d’une très-vaste étendue : on assure qu’elle contient plus de 60000 arpens. Il paroît qu’il y avoit des marais desséchés avant l’an 1270, comme il appert par un accord fait entre les Abbés de Maillezais, de Saint Léonard, & Jean le François, Grand Prieur du Temple en Aquitaine. En conséquence de cette convention, on devoit creuser un Canal pour recevoir les eaux superflues & stagnantes dans les marais respectifs qu’ils avoient, in territorio seu Castellania de Maranto. Ce Canal devoit commencer à un Pont établi super brimma jusqu’au port des Pêcheurs, usque ad portum piscatorum.

La Seigneurie de Marans est une simple Châtellenie, quoiqu’elle ait été décorée par Louis XI. du titre de Comté, conjointement avec l’Isle de Ré, Charon, Queue de Vache, Loumeau, le Plomb, Esnandes & Fouras. Il ne paroît pas que les Lettres patentes de cette érection ayent eu aucune exécution, puisque l’lsle de Ré & les autres lieux n’ont jamais passé pour Comté. Il est incertain si ces Lettres patentes furent vérifiées & enregistrées au Parlement, du moins elles ne se trouvent pas transcrites dans ses registres.

La Terre de Marans, releve immédiatement du Roi. Charles d’Espagne, Connétable de France, en prétendit la mouvance, en qualité de Seigneur de Benon. Mais ces prétentions n’étoient pas fondées, comme il paroît par les aveux de 1363 & 1369, & les postérieurs rendus, soit à nos Souverains, soit aux Rois d’Angleterre, en qualité de Princes d’Aquitaine : aussi en 15*9 » François de la Tremouille avoue tenir du « Roi notre Sire, à cause du Chastel de la Rochelle à foi & hommage liege ou plain son Chastel & Chastellenie de Marans » [2]. En 1363, aveu de Godemar de Linieres, & le 2 Avril 1360, aveu de Louis Vicomte de Thouars, lequel porte expressément « le Chatel & Châtellenie, appartenances & dépendances de Marans, avec le lieu de la Bretiniere ».

Un des plus anciens Seigneurs de Marans que les titres me présentent [3] est Porechie, ego Porrechia Dominus Maraanti atque Mauseaci.

En 1218, Reinaud de Pressigni, Reginaldus de Precygne miles, Seigneur de Marans, du chef de sa femme Letice, fille vraisemblablement de Porrechie. En effet, il y eut Procès en 1246, entre Letice & Agnès sa sœur, au sujet de Marans & de Mauzé. On lit Mansi dans le premier volume de l’inventaire [4] des Chartes du Roi, c’est une faute. En conséquence d’un accord fait entre ses deux sœurs, Marans resta à Letice , & passa successivement à sa postérité ; savoir Reinaud de Pressigni II. du nom son fils, Reinaud son petit-fils, & Reinaud son arrière petit-fils décapité en 1355 ou 1353 selon Duchesne.

Celui-ci avoit fait un échange avec Charles de Castille, dit d’Espagne, Seigneur de Benon, & lui avoit cédé les Terres de Marans, la Bretiniere & l’Aleu, pour celles de Chilli & de Long-jumeau. Après la mort du Conétable qui avoit institué le Roi son héritier, le Procureur Général prétendit que Marans, la Bretiniere & l’Aleu devoient appartenir au Roi.

Guillaume de Pressigni revendiqua l’héritage de son frère, prétendant que l’échange qu’il avoit fait avec Charles d’Espagne étoit nul, parce que Reinaud avoit été forcé par ce Seigneur à lui abandonner des Domaines dont il avoit toujours refusé de se dépouiller comme d’un ancien patrimoine ; il ajoutoit qu’il n’y avoit pas eu de tradition réelle pour la perfection de l’échange, & qu’on ne pouvoit faire valoir la confîscation des biens de son frère, attendu qu’il n’avoit été condamné, ni pour cause d’hérésie, ni pour crime de Leze-Majesté, les seuls crimes qui opérassent la confiscation dans le Pays d’Aulnis. Sur ces moyens, il intervint Arrêt le 13 Avril 1356 en faveur de Guillaume de Pressigni, qui fut maintenu dans la propriété des Terres contestées, Maranto, Bertineria & Allodio [5].

Guillaume [6] laissa deux filles, dans la suite décédées sans postérité, Marguerite sa sœur, femme de Godemar de Linieres, hérita de ces trois Terres, Godemar de Linieres son fils, devenu Seigneur de Marans, vendit cette Terre à Tristan Rouault & à Peronelle sa femme. Duchesne avance ce fait sans citer de garant.

Quoiqu’il en soit, il faut que la Maison de Thouars ait eu Marans par cession de Godemar de Linieres, puisqu’il est bien certain que Louis Vicomte de Thouars en étoit propriétaire en 1369 [7]. Louis étant mort l’année suivante, Peronelle sa fille femme de Rouault hérita de Marans : aussi Tristan Rouault en est-il qualifié Seigneur en 1390, sans doute du chef de sa femme [8].

Peronelle de Thouars eut pour héritière Isabeau sa sœur, femme d’Ingerger II. du nom, Seigneur d’Amboise. Marans passa ainsi dans la Maison d’Amboise [9], & fut possédé successivement par Ingerger II. du nom, & Louis son fils. Celui-ci ayant embrassé le parti des Anglois, Marans lui fut saisi avec ses autres terres, & rendu quelque temps après : c’est le même qui fit la foi & hommage de l’Isle de Ré & de Marans le pénultième jour de Septembre 1469 à Charles Duc de Guienne.

Marguerite d’Amboise, fille de Louis, succéda à son pere dans la Terre de Marans, qu’elle céda au Roi [10], par échange, le 8 Décembre 1470, & Louis XI en fit don au Comte de S. Pol, aussi-bien que de l’Isle de Ré. Ce Comte fit acte de propriétaire par l’hommage qu’il rendit au Duc de Guienne pour l’Isle de Ré, Marans, le Plomb, l’Aleu & l’Houmeau. Mais tous ces dons furent sans effet, ou du moins ils n’eurent
pas une exécution permanente, puisque la Terre de Marans passa dans a Maison de la Tremouille, par le mariage de Marguerite, fille de Louis Sire d’Amboise, avec Louis I. du nom, Seigneur de la Tremouille, mort en 1483. Louis II. du nom de la Tremouille tué à la bataille de Pavie, fut Comte de Benon, Seigneur de l’isle de Ré & de Marans.

Le mariage de Jaqueline de la Tremouille avec Louis de Beuil, Comte de Sancerre, fit passer Marans de la Maison de la Tremouille à celle de Bueil. Jean Sire de Bueil son fils, & René son petit-fils jouirent successivement de cette Terre. Celui-ci se voyant poursuivi par le Substitut du Procureur Général, à cause de l’aveu & dénombrement de Marans qu’il n’avoit pas rendu, présenta Requête à la Chambre des Comptes le 19 Décembre 1629, à l’effet d’obtenir communication d’un ancien dénombrement rendu en 1539, par François de la Tremouille, ce qui lui fut accordé. Jean VIII. du nom, Comte de Sancerre, étoit Seigneur de Marans en 1665 , date de sa mort [11]. Renée du Bueil, une de ses filles, femme de François de Mesgrigny, eut un fils qualifié Comte de Marans.

Messire N. d’Aligre, Président à Mortier au Parlement de Paris, est actuellement Seigneur de Marans.

L’Isle de Marans qui n’a que 3 à 400 toises dans la partie la plus resserrée, est bornée au Nord par la Sévre & par le Canal de S. Michel ou de la Brune vers le Sud. Le Canal de la Banche la coupe en deux. Le terrein de cette Isle s’élève de 30 pieds vers son milieu, & tombe d’une pente douce vers ses extrémités. Il y a dans cette Isle beaucoup de cabanes ou métairies. On y éleve une grande quantité de bestiaux, & l’on y recueille beaucoup de grains.

Quoique les environs de l’Isle de Marans soient desséchés, l’abord n’en est pas moins difficile en hiver. On trouve sur le chemin de la Rochelle le partage de Serigni, lequel a plus de 700 toises de long. On fait quelquefois ce trajet en bateau. Ceux qui viennent du Poitou traversent la chaussée de la Bastille. Vers le Nord, le lit de la Sévre, un grand nombre de canaux & des flaques d’eau rendent cet Isle impénétrable en certains endroits. Les avenues de l’Isle de Marans étoient défendues autrefois par des forts & des retranchemens dont il reste à peine quelques vestiges. Le fort de la Brune, placé sur le Canal de ce nom, commandoit le chemin de la Rochelle. Le fort de la Paulée étoit bâti sur les bords de la Sévre, entre l’Isle d’Elle & de Marans. A l’Est on voyoit le fort de la Bastille sur le grand chemin de S. Jean de Liversay. Deux autres forts assuroient l’embouchure de la Sévre, un autre defendoit le passage du Braud. Le Comte du Dognon fit rebâtir celui-ci en 16 51, il est ruiné présentement.

La Terre de la Bretiniere, autrement appellée Charon ou Champrond, & Chaurrun dans les Acttes de Rymer, est séparée de celle de Marans par le canarde la Brune, suivant un acte du 13 Octobre 1589, inséré dans les Registres originaux du Gouvernement de la Rochelle [12]. Cette Terre formoit autrefois une Isle couverte de bois, & se trouyoit renfermée avec son Eglise dans la Paroisse de Marans. Ecclesiam de Charone que erat in Parochia Ecclesîe de Maraant... Ecclesiam illam incultam que tunc desertaerat in Sylva ipsius Comitis … venit ad Comitem qui tunc in Insula de Charron erat [13].

La Terre de Charon étoit-elle une partie intégrante de la Seigneurie de Marans, ou n’y étoit-elle unie que par accident, & à cause du même propriétaire qui les possédoit toutes les deux ? C’est une question assez obscure & difficile à éclaircir. Il suffit de remarquer ici que le Seigneur de Charon a rendu hommage au Roi, & qu’on releve devant les Juges de la Rochelle, les appels qui sont interjettés des Sentences du Juge Seigneurial de Charon.


[1Marans, selon la Carte de MM. Maraldi & Thury , est au j d. 28 m. 1 s. de longitude, à compter du méridien de l’Observatoire, & au 46 d. 18 m. 18 s. de latit.

[2Copie vidim. en 1629.

[3Arch. de l’Evêché.

[4Mém. de M. J. de F. anc P. G.

[5Reg. du Parlement.

[6Gen. des Chat. pag. 171.

[7Gr. Offic. de la Cour. t. 4 , pag. 195, T. 7, pag 97

[8Chart. de la Grace-Dieu.

[9Gr. Offic. t. 7, p. 122.

[10Mém. ci-dessus cité.

[11Gr. Offic. t. 7, p. 852

[12Fol. 113, Reg. 75

[13Arch. de la Cathédrale

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