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1553 - Une lettre de Calvin au vicomte François Bouchard d’Aubeterre

mardi 22 janvier 2008, par Pierre, 2452 visites.

Parmi les lettres de Jean Calvin, deux sont présentées sur ce site :
- l’une, de mai 1553, au vicomte François Bouchard d’Aubeterre (cette page)
- l’autre, du 12 octobre 1553 à Philibert Hamelin, qui prêche la Réforme à Saintes et en Arvert

La doctrine de Calvin, bien présente dans ce courrier au seigneur d’Aubeterre, de retour chez lui à Aubeterre après un exil forcé à Genève. Là-bas, pour survivre, il était devenu fabricant de boutons.

Source : Lettres de Jean Calvin, recueillies pour la première fois et publiées d’après les manuscrits originaux – Jules Bonnet – Paris – 1854 – Books Google

En note de la main de Charles de Jonvilliers : Monsieur Calvin escrivit cette lettre pour un gentilhomme nommé Aubeterre, pour envoier à son père lequel estoit contraire à la parolle, et fut au moys de may 1553

François Bouchard, vicomte d’Aubeterre, un de ces nombreux réfugiés de France que reçut Genève durant les persécutions. Il était, dit Brantôme, fugitif à Genève, faiseur de boutons de son métier, comme estoit la loi là introduite, que un chacun d’eux eût un métier et en vécût, tel gentilhomme et seigneur qu’il estoit. Et le dit Aubeterre, bien qu’il fût de bonne maison, estoit de celui de faiseur de boutons. Moi, en passant une fois à Genève, je l’y vis fort pauvre et misérable.

Depuis, il fut pris à la sédition d’Amboise et condamné comme les autres, mais M. de Guise par la prière de M. le maréchal de Saint-André lui fit pardonner et sauver la vie.


Ce fut sans doute par les soins de ce seigneur, rentré en France après l’édit de janvier, que se forma l’église réformée d’Aubeterre. Voir une lettre de cette église à Calvin, du 8 janvier 1565. Mss. de la Bibl. de Genève vol. 197a.

A MONSIEUR D’AUBETERRE

Minute Bibl. de Genève. Vol 107

Jean Calvin
(1509-1564)

Monsieur, je vous prie qu’il vous plaise m’excuser en ce que je vous déclaire mon intention par escrit, plus tost que de bouche. Il ya deux raisons qui m’y contraignent, car je craindrois en une chose odieuse ou estrange de prime face n’avoir pas telle audience qu’il seroit à souhaitter, et puis la révérence que je vous porte m’a tousjours fermé la bouche jusques icy. En la fin je me suis advisé d’essayer si je vous pourrois appaiser en ce dont vous estes mal content de moy, ou pour le moins tellement adoulcir l’offense que vous pourriez avoir conceue, que j’eusse cy après meilleure entrée à vous en satisfaire du tout. Vous estes marry que je ne me conforme avec vous au service de Dieu, tel que vous l’estimez. Si je le faisois par mespris, comme beaucoup de gens vollages ne tiennent guères de compte de Dieu et n ont nulle dévotion à le servir, je ne serois pas digne que cela me fust pardonné. Mais si la crainte de Dieu me contraint à faire ce que je fais, et ma conscience m’y induit, je croy que pour le moins je vous seray un peu plus supportable en cest endroit. Pour ne vous point fascher par trop long propos, il est bien certain, Monsieur, qu’il règne beaucoup de lourdes corruptions et abus en l’Eglise aujourd huy, soubs couverture du nom de Dieu. On dira bien que c’est à bonne intention qu’on y va, mais en se faisant à croire qu’on faict bien sans avoir tesmoignage de la volunté de Dieu, on compte sans son hoste. Il fault en somme que Dieu soit servy à son gré, non pas à nostre appétit. Je confesse que ce seroit trop grande présomption à moy de me fier à mon sens propre, cuidant avoir meilleur jugement que les aultres. Mais il n’est pas icy question lequel sera le plus sage en soy. Ceste règle est notoire à tous, jusques aux plus rudes et idiots du monde, que Dieu prise plus obéissance que tous sacrifices qu’on luy sçauroit faire, parquoy sans grande subtilité nous pouvons bien conclurre qu’il désavoue tout ce qui ne s’accorde point à son plaisir. Et où est-ce que nous devons chercher le bon plaisir de Dieu, sinon en l’Escriture saincte ? Maintenant si je voy une chose contraire à l’Escriture, ne la dois-je point fuir, si je ne veux offenser Dieu à mon escient ? Vous trouverez estrange que cecy se dise des choses qui sont tant receues par tout le monde sans contredit. Mais je vous prie, Monsieur, combien que je sois jeune homme et possible trop facile, qu’en une chose de telle importance je ne me fusse jamais laissé transporter si légèrement sans estre convaincu par bon tesmoignage et suffisant. Et quant Dieu m’a faict la grâce de lire et escouter patiemment, il a fallu que je me sois rangé. Puisqu’ainsy est, vous sçavez, Monsieur, que de communiquer aux choses mauvaises, il ne me seroit pas licite ; de ne m’en pouvoir pas abstenir sans vous desplaire, ce m’est une merveilleuse angoisse. Car si jamais j’ay désiré de vous obéyr, je m’y vouldrois efforcer maintenant plus que je ne fis oncques, pour m’acquitter mieux de mon devoir. Il ne reste que ce moien que je vous supplie qu’il vous plaise me pardonner si je n’ose pas faire ce qui seroit damnable en moy. Et en cela je ne doibs estre accusé de présumption, comme si je cuidois estre plus sage que les aultres. Car puisque Dieu m’a faict la grâce de me déclairer ce qui est bon ou maulvais il fault que je me règle à ceste mesure. Il est dict que chacun portera son fardeau. Pourtant il n’y auroit nulle excuse pour moy, quand mesme les aultres seroient excusez, puisque nous devons cheminer selon la mesure de la congnoissance que Dieu nous a donnée. Je ne disputeray pas subtilement sur quoy je fonde, et comment ou pourquoy je congnois les choses qu’on tient pour bonnes estre mauvaises, mais pource que ma capacité ne le porte point, et que je sçay aussy que cela ne vous seroit agréable. Tant y a que les contrariétés qu’a la messe avec ce que toute l’Escriture nous déclaire de la rémission des péchés qui nous a esté acquise par la mort du Fils de Dieu, et aussy avec le sainct sacrement de la Cène qu’il a institué, sont tant notoires qu il vous sera facile d’en juger, moiennant que vous ne refusiez point d’ouvrir les yeux.

(Si bon vous semble vous pourrez icy coucher ce qui en est simplement et en peu de parolles)

Monsieur, je considère assez que ces choses vous seront estranges, et que je ne mérite pas d’eslre escouté en choses si grandes. Mais s il vous plaist … et coetera … luy faisant offre de communiquer plus à plain en la présence de l’oncle, afin que la chose ne soit éventée plus loing (May 1553)

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