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1622 - Angoulême (16) : l’Évêque et les Jésuites se disputent l’Université - 1ère partie

lundi 23 février 2009, par Pierre, 1633 visites.

Créée par François Ier (voir l’Edit de création du 27 décembre 1516), l’Université d’Angoulême végète depuis un siècle. Cela n’empêche pas les raids des prédateurs. Les Jésuites tentent un coup de force, et l’évêque Antoine de la Rochefoucault réplique en les excommuniant. Des Jésuites excommuniés ? cela ne se voit pas tous les jours. Découvrez cette sombre affaire ...

Source : Annales de la Société des soi-disans Jésuites, ou Recueil historique-chronologique de tous les actes [&c.] contre la doctrine, l’enseignement, & les forfaits des soi-disans Jésuites depuis 1552 jusqu’en 1763 - Jean Antoine Gazaignes - Paris - 1765 - Books Google.

Nota : Comme le titre du livre l’indique, il s’agit d’un recueil pamphlétaire sur les Jésuites de France, Compagnie dont l’histoire connut de nombreux soubresauts.

Cet article, en raison de sa taille, est présenté en deux parties. Voir la deuxième partie

 Décret, sentences et ordonnances de M. de La Rochefoucault évêque d’Angoulême, contre les Jésuites, qui sur un contrat simoniaque & attentatoire aux droits & privilèges des Universités du Royaume, & par des attentats scandaleux & multipliés, voulaient s’établir à Angoulême, au grand mépris de la Jurisdiction Épiscopale.

Ensemble l’Arrêt du Conseil qui déclare nul & résolu le Contrat des soi-disans avec le Maire d’Angoulême.

Illustration de ce livre et légende
Ignem veni mittere in terram, et quid volo nisi ut accendatur ? Luc, 10, 49. Je suis venu pour jetter le feu dans le terre, et que désirai-je, sinon qu’il s’allume ? Les Jésuites ont eu l’impiété d’usurper ces paroles de l’Evangile pour les appliquer à leur Chef. Pouvoient-ils ignorer, ces impudens, que ce feu dont l’Ecriture parle, c’est le Saint-Esprit, et ne savoient-ils pas que c’est le droit incommunicable de Jésus-Christ de l’envoyer ? O excès d’orgueil et de vanité !

Personne n’ignore que l’exécrable attentat de Jean Châtel procura à la Société des Soi-disans Jésuites l’honneur & l’avantage d’avoir à la Cour de France un de ses Suppôts en otage de sa fidélité à nos Rois, & que le fameux Père Cotton n’approcha le premier de la Personne sacrée d’Henri le Grand qu’en qualité de garant public de tous les déportemens de sa Société. Mais que ne fit point ce rusé Jésuite pour effacer ce caractère indélébile de leur infamie ? Il chercha par toute sorte de moyens, le plus souvent illicites, non à mériter, mais à surprendre la confiance de ce grand Roi, qui ayant la foiblesse de craindre les Jésuites, sans avoir eu jamais celle de les aimer, choisit malheureusement un des plus perfides d’entr’eux (le P. Cotton) pour être son Confesseur. Ce Jésuite se mêla, donc en 1604 [& il continua jusqu’en 1617] de gouverner la conscience de nos Rois, & par-là de disposer arbitrairement de tout dans le Royaume. Devenu Provincial de Guyenne, il voulut servir sa Société comme il l’avoit fait pendant qu’il était à la Cour.

L’Évêque d’Angoulême [Antoine de la Rochefoucault] étant à Paris en 1622 pour les affaires de son Diocèse, le Père Cotton profita de son absence & se transporta à Angoulême, où il manœuvra si bien qu’il fit donner à la Société, à l’insçu de l’Évêque & de ses Grands-Vicaires, le Collège de cette Ville avec titre d’Université. Dans l’intention de se procurer ce Collège, les Jésuites avoient commencé par se faire donner le 7 Février même année, la somme de trois mille livres que leur légua la nommée Marie de la Geard, veuve de Pierre Gaudillard, Conseiller au Présidial d’Angoulême ; cette somme fut léguée à la charge d’établir un Collège de leur Société en ladite Ville.

Le 10 Mai 1622, LOUIS XIII, à l’instante recommandation du Duc d’Espernon, & à l’importune sollicitation du Père Cotton, accorda un Brevet portant que, « désirant traiter favorablement les Maire, Échevins & Habitans de la Ville d’Angoulême, suivant les louables desseins du feu Roi FRANÇOIS I, qui y a fondé & établi une Université .... & à l’instante prière & supplication qu’en a faite à Sa Majesté M. le Duc d’Espernon, Gouverneur dudit Pays, elle a accordé auxdits Maire, Echevins & Habitans de ladite Ville d’Angoulême, qu’ils puissent établir dans ladite Ville un Collège des Pères Jésuites ».

Le 20 du même mois ce Brevet fut enregistré dans le Cahier des Conclusions du Chapitre & le lendemain il fut publié à l’Audience de la Sénéchaussée. Le 11 Juin suivant il fut passé un Traité (Pièce justificative n° 1) entre les Officiers Municipaux & le Père Cotton. Par cet Acte le Provincial de la Province de Guyenne, en satisfaisant au vouloir & intention du Roi ... recommandation du Duc d’Espernon … au désir de Monseigneur l’Évêque d’Angoulême, (qui ignoroit leurs démarches) sous l’aveu et autorité du très-Révérendissime Père Mutio Viteleschi, Général de leur Compagnie, duquel il se fait fort & promet de fournir les Lettres d’acceptation & ratification, s’oblige de fournir des Régens pour commencer le Collège & exercice de l’Université établie en cette Ville ... & de leurs parts les Maire & Échevins accordoient & délaissoient la Maison de leur Collège, qui seroit nommée désormais le Collège de Saint Louis. De plus, lesdits Maire & Echevins entendoient que les Jésuites eussent la direction sur ladite Université & sur toutes les Écoles de Pédagogies qui seroient en ladite Ville, sans qu’aucuns pussent ériger Écoles & Classes, ni instruire, sans exprès consentement des Révérends Pères.

Le Maire & deux de ses Associés engagèrent la Ville à fournir aux Soi-disans dix-huit cens livres de revenu, soit par union de Bénéfices, soit autrement. Ils promirent même déjà la Prébende Préceptoriale, qui ne dépendait pas d’eux ; & le Père Cotton par complaisance s’engageoit, (Foi de Jésuite) en cas que le revenu vînt à augmenter, soit par des bienfaits, soit par industrie desdits Révérends Pères, à augmenter le nombre des Régens, & pour sûreté, les Maire & ses Associés obligeoient & hypotéquoient le revenu temporel de l’Hôtel de Ville d’Angoulême. La surprise de l’Évêque fut extrême, lorsqu’il apprit à Paris qu’on avait déjà pris tous ces arrangemens sans les lui avoir communiqués, & surtout de ce qu’on avait mis dans l’Acte que c’était selon son désir.

Mais il fut encore bien plus étonné, lorsqu’arrivé à Angoulême le 10 Septembre même année il apprit que les Jésuites n’avaient pas perdu de temps, qu’ils s’étaient emparés du Collège, & qu’ils y faisoient travailler à force. Ce Prélat demanda d’abord communication du Contrat, sans pouvoir l’obtenir. Il se transporta plusieurs fois au Collège, où il trouva les Jésuites, Pères & Frères, qui travailloient sans interruption, & avec toute l’activité dont on les connaît capables, à la construction de la Chapelle, dont ils avoient déjà fait fondre les Cloches. Ce fut inutilement que ce Prélat les pria & les somma même de se retirer. Les Bénits Pères prétexterent que, s’ils le faisoient, il en pourroit arriver quelque émotion du Peuple ou quelque rumeur. Le Prélat se vit donc forcé, après avoir fait dresser des Procès-verbaux de leurs entreprises & de leurs manœuvres (Pièce justificative n° 2 - 2 documents), de prononcer contre les Jésuites un interdit & une suspense à Divinis. L’Ordonnance de ce Prélat, datée du 24 Septembre 1622 (Pièce justificative n° 11), fut publiée aux Prônes, & cependant l’Évêque & le Chapitre traitèrent avec un Prêtre Séculier pour lui donner la direction du Collège. Les Jésuites appellerent de son Ordonnance au Métropolitain (le Cardinal de Sourdis, Archevêque de Bourdeaux).

Dans leur Requête, pleine de faussetés & d’insolence, les Jésuites se plaignoient, entr’autres choses, de ce que l’Évêque, au lieu d’accueillir bénignement lesdits Pères, comme des gens qui venoient travailler & suer pour lui & les Diocésains, sans espérance d’autre récompense que celle du Ciel (DE LEUR PERE POMEY) leur enjoignoit de sortir de la Ville & de son Diocèse, quoiqu’il n’y ait que le Roi seul, disoient-ils, qui puisse avoir le droit en France de faire sortir & chasser des Villes ceux qui y sont.

Les conclusions de cette Requête que les Jésuites supprimerent, & à laquelle ils substituerent le Discours ci-dessous (Pièce justificative n° 3 - 2 documents), mérite toute l’attention de nos Lecteurs. Le Père Bosquet qui se qualifioit de Syndic du Collège d’Angoulême, n’y proteste pas au nom de la Société de porter honneur, respect & obéissance à l’Évêque d’Angoulême, mais « il proteste qu’ils ont rendu & rendront toujours obéissance, respect & honneur, audit Seigneur Évêque, comme ils le rendent journellement à tous les autres Prélats des Villes où ils ont des Collèges ». Le Cardinal de Sourdis surpris d’abord par ces trompeurs, rendit une Ordonnance datée du 28 Septembre 1622, par laquelle il leva les Censures prononcées contre les Soi-disans, & fit défenses d’exécuter l’Ordonnance de l’Évêque d’Angoulême ; il ordonna de plus que son Ordonnance seroit publiée aux Prônes, si celle de l’Évêque d’Angoulême l’avoit été.

L’Ordonnance du Cardinal de Sourdis fut signifiée le 2 d’Octobre, jour de Dimanche, à l’Évêque d’Angoulême & aux Curés de cette Ville, pour qu’ils eussent à s’y conformer ; elle fut même publiée à son de trompe par la Ville. Le même jour l’Evêque d’Angoulême appella comme d’abus, & fit signifier son Appel au Père Corlieu, Jésuite, lequel répondit qu’il le ferait sçavoir au Père Bosquet, sous le nom duquel toute la procédure se faisoit. Pendant que l’on faisoit cette signification au Père Corlieu, celui-ci faisoit dresser Procès-verbal de la publication faite la veille, de l’Ordonnance du Cardinal de Sourdis, & constater que quelques Curés ne s’y étoient pas conformés. En conséquence ces Pasteurs furent en même temps sommés de publier l’Ordonnance le Dimanche suivant, ce qu’ils refusèrent, sous le prétexte que la veille au soir l’Évêque d’Angoulême les avait fait venir en son Palais, & leur avait notifié son Appel comme d’abus.

Le quatre Octobre même année, le Père Corlieu, au lieu de se transporter, pour célébrer la sainte Messe, dans les Églises des Curés qui avaient lu à leurs Prônes l’Ordonnance du Cardinal de Sourdis, se présenta dans celles des deux Pasteurs qui ne l’avoient pas publiée, & ceux-ci refusant de le laisser célébrer, le Recteur du Collège en fit sur le champ dresser Acte. Les Jésuites, au préjudice & au mépris de l’Interdit que leur avait fait signifier l’Évêque d’Angoulême, demeurèrent dans le Collège, ainsi que nous l’apprend un des Officiers Royaux de la Ville d’Angoulême (Pièce justificative n° 4) ; ils y firent ouverture des Classes, le premier de leurs Régens y harangua publiquement en latin & en français, & il eut l’insolence de parler contre l’Évêque, lequel voyant le mépris notoire qu’ils faisoient de sa dignité, rendit une Ordonnance le 20 Octobre 1622, par laquelle il excommunioit non-seulement les Jésuites, mais il défendoit encore à tous les Habitans d’Angoulême de fréquenter ces Pères, sur peine d’encourir les mêmes Censures.

Quelques jours avant cette Ordonnance, le Père Cotton dans une Lettre qu’il écrivit à un des Grands-Vicaires de M. d’Angoulême, se plaignoit amèrement de la conduite de M. de la Rochefoucault à leur égard. Nous sçavons, lui disoit ce Jésuite endurer pour Dieu jusqu’au dernier point, mais quand la patience, l’humilité, la soumission & la modestie tournent à préjudicier à la gloire de Dieu, nous le sçavons très-bien défendre, voire jusqu’à la mort. (Pièce justificative n° 5)

Le Cardinal de Sourdis plus sagement conseillé, sur une nouvelle Requête que les Jésuites lui présentèrent, & où ils marquoient qu’ils vouloient bien ne se pas servir des privilèges & concessions accordées à leur Compagnie par Paul III & Grégoire XIII, rendit une seconde Ordonnance en date du 8 Décembre 1622 (Pièce justificative n° 6), par laquelle il déclara rétablissement des Jésuites à Angoulême, & ce qui s’en étoit ensuivi, nul, & de nul effet & valeur, sauf toutefois à eux & aux Habitans de se pourvoir devant M. l’Évêque par Requête, aux fins d’y être établis.

Il est à présumer que les Jésuites, & la Lettre du Père Cotton l’indique assez, se servirent du Cardinal de la Rochefoucault pour désarmer l’Évêque d’Angoulême. Rien en effet de plus naturel que de prendre un pareil Conciliateur. L’Évêque ne pouvoit le refuser, puisqu’ils étoient de la même Maison, & même cousins issus de germain. D’un autre côté, les Jésuites étaient sûrs du suffrage de ce Cardinal, qui étoit Jésuite & qui s’étoit obligé par vœu d’obéir aveuglément à deux Pères de la Société. La médiation de ce Jésuite mitré eut tout le succès possible. L’Évêque d’Angoulême se rendit enfin ; il donna le 10 Décembre 1622 (Pièce justificative n° 7) son consentement à ce que les Jésuites vinssent en la Ville d’Angoulême ériger & bâtir un Collège, à la charge néanmoins qu’ils ne pourroient prêcher, confesser, ni faire aucunes fonctions spirituelles envers son Peuple & ses Diocésains, sans son autorité & permission expresse.

La concorde ne régna pas long-temps entre M. de la Rochefoucault & les Jésuites ; cet Évêque se crut obligé de prendre le 20 Septembre 1624. des Lettres de relief d’Appel (Pièce justificative n° 8) contre l’union au Collège de la Société de la Prébende Préceptoriale ; il fit signifier ces Lettres aux Maire & Échevins par Exploit du 17 Octobre suivant. Dans l’intervalle de l’obtention à la signification des Lettres-Patentes, l’Évêque d’Angoulême instruit que les Jésuites travailloient à convertir un lieu indécent en une Église, rendit le 27 Septembre 1624. une Ordonnance qui leur défendoit de continuer leurs travaux, & il la leur fit signifier le même jour.

Le lendemain les Soi-disans lui firent signifier un Acte d’appel à la Primatie ; mais malgré cet Acte ils discontinuèrent leur ouvrage. Ils ne vouloient pas probablement plaider en même temps contre l’Université de Paris & contre leur Évêque. Ces Pères ne s’occupèrent donc alors que du Procès que l’Université de Paris leur faisoit, ainsi qu’aux Maire & Échevins, pour empêcher l’établissement d’une Université à Angoulême. En vain les Soi-disans traduisirent l’Université au Grand-Conseil (Pièce justificative n° 9), le Recteur Tarin y parla, en personne selon son droit, & par un Jugement rendu le 19 Septembre 1625, le Contrat du 11 Juin 1622 fut déclaré nul & résolu, sans qu’à l’avenir lesdits Maire & Échevins pussent prétendre droit d’Université.

La Sorbone consultée sur ce Contrat, avoit déjà décidé le 30 Août précédent QU’IL ÉTOIT ILLICITE ET VICIEUX, ET NE POUVOIT SE FAIRE EN CONSCIENCE (Pièce justificative n° 10). Ce Procès terminé, les Bénits Pères reprirent leurs travaux pour la construction d’une Eglise ; alors l’Évêque d’Angoulême rendit le 23 Janvier 1626, sur la Requête de son Promoteur, une seconde Ordonnance pour arrêter leur entreprise. Cette Ordonnance leur fut signifiée le lendemain 24, & comme ils n’y déférèrent pas, le Prélat en rendit une troisième le 30 du même mois, & la leur fît signifier le même jour. Cette troisième Ordonnance ne fit pas plus d’effet que les précédentes, les Jésuites continuèrent toujours leurs travaux.

L’Evêque d’Angoulême, pour venger son autorité, se vit forcé de nouveau d’employer contr’eux les Censures de l’Église. Son Ordonnance est du 12 Février 1626. Elle contient une Requête du Promoteur expositive que les Jésuites continuent de bâtir leur Chapelle, nonobstant les défenses qui leur ont été faites : que pour justifier leur conduite, ils avoient présenté à l’Evêque certaines Remontrances le 7 du même mois, portant : Qu’ils n’entendoient pas demander sa licence ; QUE PAR DROIT COMMUN ILS POUVOIENT BATIR DES EGLISES ET ÉRIGER DES AUTELS SANS LA VOLONTÉ DES ÉVÊQUES, SUIVANT LEURS PRIVILEGES (#), ET QU’ILS N’ÉTOIENT POINT TENUS D’OBSERVER LE CONCILE DE TRENTE, pour ce regard seulement, & avoient fait plusieurs Copies de leur Remontrance pour abuser le Peuple.

Après cet exposé, le Promoteur établit que les Loix divines & humaines proscrivent la prétention des Soi-disans, notamment l’Édit de leur rétablissement en ce Royaume l’an 1603, fait à la prière de N. S. Père le Pape, vérifié en la Cour, & dont les articles 7 & 8 portent expressément que les Jésuites seront en tout & partout sujets aux Loix de ce Royaume., & justiciables des Officiers du Roi, & ne pourront entreprendre aucunes choses, soit au spirituel, soit au temporel, au préjudice des Évêques, Curés ni Universités, ains se conformeront au Droit commun. Conséquemment, qu’il n’est plus question de privilèges, puisqu’ils y ont renoncé du consentement du Pape, & ne sont & ne vivent en France qu’à cette condition. Sur cette Requête l’Évêque d’Angoulême rendit son Ordonnance pour enjoindre aux Jésuites du Collège de sa Ville de non bâtir Église, ni convertir en Église le Bâtiment qu’ils ont naguères parachevé, ni d’ériger aucun Autel ; comme pareillement de non publier ni soutenir qu’ils peuvent bâtir Églises & ériger Autels SANS LA LICENCE DES ÉVÊQUES, POUR AUTANT QUE CELA EST REMPLI D’IMPIÉTÉ ET D’ERREUR ; & en cas de contravention, NOUS AVONS (porte l’Ordonnance) EXCOMMUNIÉ lesdits Jésuites dudit Collège, ET LES EXCOMMUNIONS PAR CES PRÉSENTES ; en outre mettons en Interdit ledit lieu & prétendue Église.

L’Évêque finit par enjoindre aux Curés de la Ville de publier aux Prônes son Ordonnance. Elle fut signifiée aux Soi-disans le lendemain 13 Février ; & dès le 14 du même mois ces Pères firent signifier au Promoteur un Appel devant le Cardinal de Sourdis. Dans cet Acte adressé à l’Official, les Jésuites adhérent à leur Appel interjetté le 21 Septembre 1624, & ils ajoutent : « Et partant que nonobstant ledit Appel vous voulussiez passer outre, au mépris de l’autorité dudit sieur Cardinal, comme vous avez fait ci-devant, vous déclarent les Pères Jésuites qu’ils sont appellans desdites inhibitions , & de tout ce qui se pourroit faire ensuite d’icelles, à Notre Saint Père le Pape, où ils protestent de se pourvoir toutefois & quantes, tant contre vous que contre ledit Seigneur Évêque & tous autres : VOUS ENJOIGNENT DE L’AUTORITÉ DU SAINT SIÈGE faire scavoir lesdites Appellations, & le contenu en ces Présentes, à icelui Seigneur Evêque, afin qu’il n’en puisse prétendre cause d’ignorance ». Nous ne sçaurions donner aucunes raisons du progrès & de la fin de cette contestation. M. le Président Rolland dans son Compte rendu aux Chambres assemblées le 14 Juin 1763, leur déclare que ni les Pièces trouvées dans le Collège d’Angoulême, ni celles imprimées à Paris en 1626 chez Pierre Durand, en vertu d’un Mandement du Recteur de l’Université, ne fournirent aucun éclaircissement à ce sujet ; Peut-être, dit ce Magistrat, les Lettres-Patentes accordées par Louis XIII en 1627, engagèrent l’Évêque d’Angoulême de ne plus inquiéter les ci-devant Soi-disans Jésuites.


Pièce justificative n° 1

 11 juin 1622 - Contrat des Jésuites avec le Maire d’Angoulesme, par lequel il appert comme ils usurpent les Titres & Droits des Universités, & ôtent aux Clercs Séculiers les moyens d’enseigner & d’être enseignés.

Sçachent tous que pardevers les Notaires Royaux , Tabellions , Gardenotes Héréditaires en Angoumois, ont été présens & personnellement établis en droit comme en vrai jugement, Jacques le Meusnier, Chevalier, Seigneur de Raufignac, Maubedarec & Monac, Conseiller du Roi, Trésorier de France, & Général de ses Finances en sa Généralité de Limoges, Maire & Capitaine de la Ville, Fauxbourgs & Franchise de la Ville d’Angoulême, assisté de Me Clément Moussier, Avocat en la Sénéchaussée & au Siège Presidial d’Angoumois, Juge de la Mairie & Échevinage de ladite Ville, & Me Étienne Pigeras, Procureur Fiscal d’icelle, d’une part ; & très-Révérend Père Pierre Cotton, Provincial de la Compagnie de JESUS, de la Province de Guyenne, d’autre : entre lesquelles Parties étant de présent en cette Ville d’Angoulême, a été convenu & accordé ce qui s’ensuit :

Scavoir est, que ledit très Révérend Père Provincial, en satisfaisant au vouloir & intention du Roi, porté par son Brevet ci-après inséré, donné au Camp devant Royan le dixième du mois dernier, à l’instante recommandation de Monseigneur le Duc d’Espernon, Pair & Colonel général de France, Gouverneur du présent Pays, & au désir de Monseigneur l’Évêque d’Angoulême qui l’a témoigné aussi par Lettres écrites en la Ville d’Angoulême, ci-après insérées, & suivant le consentement donné par Messieurs du Chapitre de l’Église Cathédrale de cette Ville, comme appert par leur conclusion capitulaire du vingtième dudit mois, & autres instantes prières de tous les Habitans de ladite Ville, comme de ce lui a aussi apparu par les maisées & délibérations sur ce faites en leurs assemblées de leur Hôtel de Ville, & notamment par la délibération de l’assemblée générale desdits Habitans faite cejourd’hui en l’Hôtel de ladite Ville, sous l’aveu & autorité de très-Révérendissime Père Mutio Viteleschi, Général de leur Compagnie, résident a Rome, duquel il s’est fait fort, & promet de fournir Lettres d’acceptation & ratification de ces Présentes, promis & promet de faire fournir dans cette Ville d’Angoulême dix Religieux de ladite Compagnie de JESUS , à sçavoir, un Père Recteur, un Préfet des Études, deux autres Pères, trois bons Régens pour faire trois Classes, & trois Frères Coadjuteurs : & ce pour commencer le Collège & exercice de L’UNIVERSITE établie en cettedite Ville, & en faire l’ouverture à la fête de Saint Luc prochaine, auquel jour leurs Collèges ont accoutumé de commencer leurs fonctions pour l’instruction de la Jeunesse, & de continuer à l’avenir de fournir ledit nombre de Religieux ci-dessus désigné en ladite Ville : & moyennant ce, ledit Sieur Maire & les dessusdits ont au nom de tous les Habitans de ladite Ville, par vertu de la susdite maisée générale, accordé & délaissé, & par ces présentes accordent & délaissent la Maison de leur Collège, qui sera nommé dorénavant le Collège de SAINT LOUIS, en l’honneur de Sa Majesté, destiné pour l’instruction de la Jeunesse, consistant, tant en Bâtimens, Classes, Cours, Jardins, qu’en ses entrées & issues, & autres droits en dépendans, ensemble la Maison appartenante a ladite Ville où est l’Imprimerie d’icelle, joignant le jardin dudit Collège, avec les droits dépendans desdites maisons, qui sont de l’ancien domaine & patrimoine de ladite Ville, & sans aucune chose d’icelle en excepter, fors le titre de fondation dudit Collège & Maison, & leurs appartenances, qu’ils se sont esdits noms réservés pour en être lesdits sieurs Maire & Échevins, Conseillers & Pairs de ladite Ville, tant presents que avenir, honorés des honneurs & privilèges que les Révérends Pères Jésuites ont accoutumé de rendre à leurs Patrons & Fondateurs, & pour aider à bâtir & réédifier ledit Collège, Chapelle & Classes en dépendantes ; ensemble pour les accommoder d’ustenciles & meubles, ont lesdits sieurs Maire & les dessusdits promis de faire fournir par ladite Ville la somme de quatre mille livres tournois, une fois payée tant seulement, à mesure qu’ils bâtiront & meubleront. Ont aussi lesdits sieur Maire , & les dessusdits esdits noms, consenti & accordé, consentent & accordent par ces Présentes aux Révérends Pères Jésuites, pour d’autant plus honorer & illustrer ledit Collège, qu’ils jouissent & usent de tout le droit d’Université qui peut compéter & appartenir à ladite Ville, par Lettres-Patentes du Roi François I, de glorieuse mémoire ; conjointement confirmées avec les autres Privilèges accordés par nos Rois a ladite Ville, de règne en règne, & nommément par Sa Majesté à présent régnante, donnés à son avènement à la Couronne, par son Brevet ci-dessus daté, tous lesdits Privilèges certifiés, enregistrés ès Cour de Parlement, Chambre des Comptes & Cour des Aides à Paris , & par-tout où besoin a été, pour dudit droit d’Université, pour les Lettres humaines, Philosophie & Théologie, en jouir par lesdits Révérends Pères & leurs Ecoliers, Officiers & Suppôts aux mêmes honneurs & autorités, concédés par lesdites Lettres Patentes dudit Roi François I, & spécialement pour avoir la direction sur ladite Université, & sur toutes les Ecoles & Pédagogies qui seront en ladite Ville, sans qu’aucuns puissent ériger Ecoles & Classes, ni instruire publiquement en ladite Ville, expressément, sans l’exprès consentement des R. Pères : a aussi ledit Sieur Maire, & les dessusdits esdits noms, promis la nourriture & entretenement des dix Religieux, ci-dessus exprimés, qui résideront actuellement audit Collège, de laisser jouir de dix-huit cens livres tournois de rente, ou revenu annuel, dont le paiement se fera par chacun an par moitié, par égale portion & à l’avenir, sçavoir, la moitié dans la Fête de S. Luc prochaine, auquel jour comme dit est se commencera l’ouverture dudit Collège, & l’autre moitié à la Fête de Pâques ensuivant, & ainsi consécutivement d’année en année, lesquelles rentes & revenus consistent en quatre cens livres tournois de rente, bien payée par chacun an, & assignée sur l’Hôtel de Ville, & payable par le Receveur de leurs deniers communs & d’octroi, qui sera tenu de le faire, & d’en retirer quittance pour sa décharge par chacun dit an ; cent six livres tournois aussi de rente, bien assignée sur la Recette générale des rentes de la Généralité de Limoges, & outre ce que dessus leur sera fourni par ladite Ville la somme de huit cent quatre-vingt-quatorze livres tournois par chacun dit an, laquelle néanmoins pourra être remplacée & amortie toutefois & quantes, par union de Bénéfices audit Collège de pareil revenu, ou autrement que lesdits Révérends Pères prendront & accepteront à la décharge de ladite Ville de pareille somme, & pour fournir ladite fomme de dix huit cens livres tournois de rente ci-dessus exprimée, ont lesdits Sieur Maire & dessusdits esdits noms promis les faire effectuellement jouir du revenu de la Prébende Préceptoriale affectée par nos Rois pour l’instruction gratuite de la Jeunesse de cette Ville, & ce jusqu’à la concurrence de la somme de quatre cens livres tournois tant seulement, à laquelle le revenu de ladite Prébende a été ci-devant à l’amiable abonni avec Messieurs dudit Chapitre & de ladite Ville, pour nourrir paix & amitié entr’eux, laquelle somme de quatre cent livres tournois se paye annuellement par le Receveur desdits sieurs du Chapitre au Principal dudit Collège, que lesdits Révérends Pères seront tenus prendre & recevoir en la même manière : & à défaut d’icelle lesdits Sieur Maire & dessusdits promettent esdits noms faire fournir par ladite Ville pareille rente ou revenu de quatre cens livres tournois annuellement : & de toutes les sommes ci-dessus ou partie d’icelles qui seront fournies & délivrées, le Père Recteur ou Supérieur dudit Collège en tiendra état & délivrera quittances, qui seront valables comme si tous les Religieux les avoient signées. Et avenant que, par la grâce de Dieu , le Collège augmente & accroisse de revenu, outre ladite somme de dix-huit cent livres tournois, soit par union de Bénéfices, rentes ou biens fonciers, & que cela procède, ou par les bienfaits du Roi ou des Seigneurs, tant Ecclésiastiques que Temporels, ou autres Bienfaiteurs dudit Collège, voire même par industrie desdits Révérends Pères, en ce cas ledit Révérend Père Provincial, sous ledit aveu & autorité dudit très Révérendissime Père Général de ladite Compagnie, duquel comme dit est il se fait fort, promet de fournir p !us grand nombre de Régens & Religieux, proportionné à ladite somme de huit cent livres tournois de revenu annuel, convenu entre les Parties pour la nourriture & entretenement desdits dix Religieux ; en telle sorte que pour la gloire de Dieu, ornement de son Église Catholique, apostolique & Romaine, & pour l’instruction gratuite de toute la jeunesse Chrétienne tant de cette Ville que de tout le Pays d’Angoumois & des environs, on puisse parvenir à la perfection d’un Collège où se puissent enseigner les Humanités, la Philosophie, ensemble la Théologie, considéré même le droit d’Université ci-dessus à eux accordé, sous le nom de laquelle Université d’Angoulême toutes choses seront par lesdits Révérends Pères faites & ordonnées comme ci-dessus est dit, & aux droits & Privilèges de laquelle ledit Sieur Maire & les dessusdits esdits noms ont promis de faire jouir, ensemble de tout ce que dessus, lesdits Révérends Pères qui résideront en leurdit Collège & Université, & les protéger & maintenir de tout leur possible, & tenir la main à l’exacte observation de leur discipline scholastique, & outre les associent au nombre de leurs Bourgeois & Concitoyens pour jouir des mêmes Privilèges, Exemptions & Immunités dont jouissent les Bourgeois & Habitans de ladite Ville.

Tout ce que dessus a été respectivement stipulé & accepté par les Parties, qui ont promis & juré de l’entretenir de point en point, chacun pour leur regard esdits noms, sans jamais aller ne venir au contraire. Et ont ledit Sieur Maire & les susdits pour l’entretenement esdits noms, obligé & hypothéqué le revenu temporel de l’Hôtel de ladite Ville, dont à leur requête & consentement icelles dites Parties ont été jugées & condamnées par nousdits Notaires Royaux, Tabellions & Gardenotes héréditaires en Angoumois, à la Jurisdiction desquels elles se sont volontairement soumises quant à ce.

Fait en ladite Ville d’Angoulême, maison dudit Sieur Maire, le 11e jour de Juin 1622, après midi, présens & assistans au passement des Présentes, nobles Hommes François Pichet, Conseiller du Roi & Élu en l’Élection d’Angoumois ; Jean Lemeras, Ecuyer, Sieur de la Borde ; Me Adam Arnaud, Procureur au Siège Présidial d’Angoulême, & tous les Pairs de ladite Maison commune, qui ont signé avec les Parties l’Original.

Signé, Pierre Cotton, Provincial de la Compagnie de JESUS en la Province de Guyenne, sous le bon plaisir de Nosseigneurs susmentionnés, Bernardin Nuard, de la même Compagnie, Jean Corlieu, de la même Compagnie, le Meusnier, Maire de la Ville d’Angoulême. C. Moussier, Juge. Pigoret, Pichot. Le Mercier, Arnaud, le Meusnier. R. Godet, Cherade, Notaire Royal Héréditaire, par devers lequel ledit Original est demeuré. Ainsi signé, Cherade,


Pièce justificative n° 2 (2 procès-verbaux)

 14 Septembre 1622 - Procès-Verbal de Mgr. l’Evesque d’Angoulesme, touchant l’établissement des Jésuites en la Ville d’Angouleme

Antoine de La Rochefoucault, par la grâce de Dieu, & du Saint-Siège Apostolique, Evêque d’Angoulême ; à tous ceux qui ces Présentes verront. Sçavoir faisons que ce jourd’hui, quatorzième de Septembre 1622, environ les huit heures du matin, étant en nos Maisons Episcopales de cette Ville d’Angouléme, où étoient vénérables Personnes, Jean de l’Esmue, Archidiacre ; Léonard de la Fourestiere, Chantre ; Jean Mesneau , Trésorier ; Bernard de L.ong-Puy , & autres ; Léonard de la Fourestiere, Chanoine de notre Eglise Cathédrale ; Révérend Frère Thomas Petit , Théologal & Prieur du Couvent des Minimes ;& Frère Jean-Gilles Mabille, Gardien du Couvent des Cordeliers de cette Ville, nous aurions mandé & prié venir pardevant nous le P. Jean Corlieu, Jésuite, étant de présent au Collège de cette Ville , lequel étant arrivé avec Jean Bregeon, Coadjuteur, & en présence des personnes ci-dessus nommées, nous lui aurions remontré que Lundi dernier passé nous étions allés audit Collège pour sçavoir de quelle autorité il y étoit, & à quelle fin il faisoit préparer une Eglise, des Chambres & des Classes, & fondre des Cloches : à quoi il nous auroit fait réponse que M. le Maire de cette Ville l’avoit mis & installé audit Collège dès les 27 ou 28 de Juin aussi dernier, en vertu de certain Contrat passé avec le P. Cotton ; & qu’il faisoit bâtir & préparoit des Chambres, des Classes & une Eglise pour un Collège de leur Société qu’ils vouloient faire audit lieu : & d’autant que pour lors nous étions allés pour voir seulement & scavoir, pour lui déclarer combien cette entreprise étoit injuste, attendu que par toutes sortes de Loix il étoit défendu d’établir & ériger aucune Eglise, Monastère, Collège, ou lieu pie, sans permission & autorité de l’Evéque Diocésain ; & même étoit porté par exprès en l’Edit du rétablissement desdits Pères, qu’ils ne pouvoient ignorer, & néanmoins sans requérir, comme il appartenoit, notre licence ou consentement, & sans avoir jamais oui parler audit Contrat passé entre ledit P. Cotton & ledit sieur Maire, lesdits Pères Jésuites s’étoient établis de leur autorité privée, sans aucune mission ou vocation légitime. C’est pourquoi ayant sujet de craindre ci-après d’autres plus grandes entreprises contre l’ordre établi en l’Eglise, Auctorité, & Discipline Ecclésiastique, d’où pourroit enfin procéder la ruine de l’Eglise, & plusieurs scandales & divisions : pour cette occasion nous avons déclaré audit P. Corlieu que nous ne pouvions tolérer ladite entreprise ; &, pour satisfaire a ce qui est de notre dignité, nous avons prié & admonesté ledit Père Corlieu de sortir dudit Collège, ensemble ledit Coadjuteur, & autres de ladite Société, si aucuns sont , & se retirer en quelqu’un de leurs Collèges prochains, le priant d’y obéir & acquiescer, afin de ne nous contraindre point d’user de notre autorité : en quoi faisant il nous bailleroit sujet de croire que ladite entreprise n’a point été faite à mauvaise intention ; & de plus , qu’il obéiroit au P. Cotton, qui a écrit la Lettre que nous avons représentée audit P. Corlieu : lequel, après avoir vu ladite Lettre, & oui nos remontrances, a dit qu’il étoit prêt d’obéir, & de sortir de cette Ville, & qu’il voudroit avoir moyen de ès-à-présent ; mais qu’il craignoit que M. le Maire n’en seroit pas content, & qu’il en pourroit arriver quelque émotion du Peuple, ou quelque rumeur. Sur quoi nous aurions remontré audit Père Corlieu, que la crainte & appréhension étoit vaine & légère, & qu’il sembloit tendre à exciter ladite émotion lui-même : ce que néanmoins il réitéra une autre fois, disant que M. le Maire l’avoit mis audit Collège, que le P. Cotton avoit passé ledit Contrat, cuidant avoir notre consentement & du Chapitre ; & qu’ils avoient trois sortes d’envieux & d’ennemis, les uns qui faisoient profession de prêcher & enseigner, parce qu’ordinairement figulus figulo ; les autres qui sont mal vivants, & craignants d’être reprins en leurs vices ; les autres qui sont studieux, & font profession des Lettres, qui craignent que leur réputation ne soit diminuée ou tollue par lesdits Pères ; tous lesquels seront bien-aises d’empécher leur établissement par leurs mauvais rapports : & a derechef ledit P. Corlieu dit qu’il s’en iroit ; de quoi nous l’avons encore admonesté pour l’édification de tout le monde, & pour témoigner son obéissance & son devoir ; car quant à notre consentement & de Messieurs du Chapitre, il ne s’en trouveroit aucun : aussi n’avons-nous jamais oui parler dudit Contrat , & ne l’avons jamais vu ni pu voir, & ne sçavons quel il est, sinon qu’on dit que lesdits Pères se sont attribués par icelui plusieurs droits, prérogatives & avantages, au préjudice de Nous & de tout le Clergé, qui est l’occasion que ledit Contrat est tenu secret. Et quant à leurs ennemis, nous n’en connoissons aucun, mais plusieurs personnes de qualité, qui blâment, non pas lesdits Pères, mais leur action : & eux- mêmes n’ont aucune raison pour la soutenir, & néanmoins font difficulté de la reconnoitre, & d’obéir ; dont seroit à craindre une dangereuse conséquence, s’il étoit permis à tous Religieux de s’établir, sans voir ne parler à l’Evèque Diocésain : & c’est cette procédure qui est si déraisonnable, que nous ne la pouvions tolérer pour le dû de notre Charge. Ce fait, ledit Père Corlieu s’est retiré de nos Maisons Episcopales, & nous avons fait dresser ce present Acte & Procès-verbal pour valoir & servir à ce qu’il appartiendra.


 22 Septembre 1622 - Autre Procès-Verbal de Mgr. l’Evesque d’Angoulesme

Antoine de La Rochefoucault, pat la grâce de Dieu, & du Saint-Siège Aposlolique, Evêque d’Angoulême : A tous ceux qui ces Présentes verront. Sçavoir faisons, comme ainsi soit, que les Pères Jésuites aient eu l’intention d’établir une Maison & Collège en cette Ville, pour y exercer leurs fonctions ordinaires. ; & que, sans en parler, comme il appartenoit, à Nous, ne à notre Grand-Vicaire en notre absence, ne à Messieurs du Chapitre, Corps & Communautés de ladite Ville, ils eussent contracté avec M. le Maire, duquel ils auroient prins l’autorité de s’établir & ingérer aux fonctions dudit Collège , & de tout ce qui en dépend, dont notre Grand-Vicaire auroit été contraint faire des plaintes, tant au Père Cotton, qui avoit passé ledit Contrat, qu’au Père Corlieu, audit sieur Maire, & à aucuns des Habitants, qui étoient de cette opinion, auxquels il auroit remontré qu’il appartenoit à Nous & à notre dignité Episcopale, de traiter & ordonner dudit Etablissement, qui ne se pouvoit autrement faire, suivant les Conciles, les Loix du Royaume spéciales pour lesdits Pères Jésuites, protestant d’abus & d’entreprises, & des grands scandales ou divisions, que lesdits Peres apporteraient en cettedite Ville par faute de mission, ou vocation juridique : nonobstant toutes lesquelle remontrances, les conditions furent secrettement mises par écrit, sans qu’elles aient été vues depuis ; en exécution desquelles iceux dits Pères se sont mis audit Collège, se sont installés, établis, & y demeurent à présent. De laquelle procédure si déraisonnable ayant été avertis par notredit Vicaire-Général, nous serions opposés, sans préjudice d’user de notre autorité, si à notre retour en notre Diocèse nous trouvions la matière disposée : mais tant s’en faut que lesdits Pères se soient retenus, qu’au contraire ils ont fait provision de Matériaux, bâti des chambres, désigné une Eglise, fait fondre des cloches, & employé tant d’Ouvriers qu’ils ont pu. Cependant nos affaires auroient prins fin, & serions aussitôt retournés en notre Diocèse, & arrivés en cette Ville d’Angouléme, le Samedi 10 Septembre 1622.

Et advenant le Lundi 12 dudit mois & an, étant en nos Maisons Episcopales, aurions mandé & prié venir vers nous vénérables personnes Léonard de la Fourestiere, Chantre, Thomas Martin, M. Escelle, Jean Mesneau, Trésorier, Bernard de Long-Puy, avec Léonard de la Fourestiere, & François Valeteau, Chanoines Prébendiers en notre Eglise Cathédrale ; François Valleteau, Curé de Treypallis, René Feriveau, Curé de S. Martial ; & plusieurs autres, auxquels nous aurions fait entendre les avis que nous aurions eus de la Procédure assez connue desdits Pères Jésuites ; que notre intention étoit d’aller audit Collège, pour voir s’ils y étoient, & en quel nombre, par quelle autorité, & ce qu’ils y faisoient ou entendoient faire :& nous étant acheminés vers ledit Collège, & arrivés dans une grande Place, partie publique, & partie à nous appartenante, à cause de notre Evêché, aurions trouvé que déjà il y auroit un fondement de muraille qui prend depuis ledit Collège jusqu’à la muraille des Ecuries de notredit Evêché ; & par ce moyen étoit tranchée une rue publique, l’usage de ladite Place, qui nous appartient, empêché & occupé sans justice ne raison, & la commodité de nos Maisons Episcopales & Ecuries. Et nous étant enquis à un Frère Coadjuteur, nommé Jean Bregeon, trouvé sur le lieu, il nous auroit dit que le Père Corlieu & lui faisoient faire lesdits fondements & ladite muraille ; & que les Maçons y trivailloient par le commandement de M. le Maire. Et de-là sommes entrés dans ledit Collège, où nous avons trouvé ledit Père Corlieu, auquel nous avons demandé combien il y avoit de Religieux dans ledit Collège, depuis quel temps ils y étoient, & qui les avoit établis, & à quelle fin : lequel nous auroit fait réponse qu’il étoit seul avec ledit Frère Dexmier, Coadjuteur, dans ledit Collège, & qu’ils y étoient dès le 17 ou 18e. jour de Juin dernier, que M. le Maire les y établit afin de faire un Collège pour y enseigner& instruire la Jeunesse, comme ils faisoient ailleurs, & que c’étoit en vertu d’un Contrat que M. le Maire avoit passé avec le P. Cotton, depuis lequel temps ils y avoient demeurés & demeurent à présent, font bâtir des chambres, & disposent des Classes & une Eglise, sous l’espérance qu’ils ont que nous l’aurons agréable, & qu’ils ouvriront ledit Collège quand il nous plaira. Durant lesquels propos nous serions montés ès chambres hautes dudit Collège, où nous aurions vu plusieurs Ouvriers, Maçons, Charpentiers, & autres qui travailloient à faire des cloisons & séparations ; & ledit Père Corlieu nous a dit qu’ils faisoient douze chambres : & étant allés à un autre Corps de logis, avons trouvé deux cloches neuves, que ledit Pere Corlieu nous a dit avoir été fondues Samedi seulement, & que c’étoit pour servir à leur College & à leur Eglise. Et, passant outre, sommes entrés dans une chambre que ledit P. Corlieu a dit être la sienne, & qu’au-dessous il y avoit une Classe. Et étant descendus en la basse-cour, y avons trouvé plusieurs bois & matériaux, pour bâtir. Et sortant dudit Collège, passant par ladite Place, sommes entrés en une grande maison vuide, sans plancher, qui est vis-à-vis dudit Collège, & ledit P. Corlieu nous a dit que c’étoit le lieu où ils vouloient faire leur Eglise, qu’elle étoit assez capable, & qu’elle seroit assez belle quand ils l’auroient fait racoustrer : Et nous a derechef dit que M. le Maire l’avoit mis dans ledit Collège, & qu’ils l’ouvriroient quand il nous plairoit. Et lui ayant dit que contre raison & de leur autorité seule ils érigeoient un Collège & une Eglise, que cela étoit contraire à l’Ordre & Police Ecclésiastique, & qu’ils avoient tort, & devoient s’abstenir d’une telle entreprise, dont nous aurions dressé le préfent Acte pour servir ce que de raison, nous serions retirés en nos Maisons Episcopales, afin d’y pourvoir comme il appartiendra.


Pièce justificative n° 3 (2 documents)

 Discours que les Jésuites firent imprimer en place de leur Requête à M. de Sourdis, Archevêque de Bordeaux, & qu’ils publièrent à Angoulême

Les Pères Jésuites du Collège d’Angoulême ayant été établis de l’autorité du Roi, à l’instante recommandation de Monseigneur le Duc d’Espernon, suivant le desir & les voeux du Clergé, & de tout le Peuple , comme il appert par Actes authentiques, nonobstant tout cela Moniteur l’Evêque d’Angoulême, qui avoit témoigné par Lettres expresses, envoyées de Paris a Messieurs de la Ville, le desir ardent qu’il avoit de l’établissement dudit Collège, les exhortant de travailler a une si bonne œuvre, qu’il disoit être pour la gloire de Dieu, l’ornement de l’Eglise, le bien de la Ville & de toute la Province, étant de retour à Angoulême, six mois ou environ après sa Lettre écrite, par laquelle il promet d’y être dans peu de jours, que le Révérend Père Cotton, Provincial de la Compagnie de JESUS en la Province de Guyenne, avoit assignation de s’y trouver, au lieu d’accueillir bénignement lesdits Pères, comme gens qui venoient travailler & suer pour lui & ses Diocésains, sans espérance d’autre récompense que celle du Ciel ; il leur enjoint de sortir de la Ville & de son Diocèse, tant de sa propre bouche que par un Ecrit qu’il leur fait signifier, par lequel ils sont appelles Violateurs des droits Ecclésiastiques, Mépriseurs des dignités, Usurpateurs & Abuseurs qui s’étoient installés dansb la Ville contre toutes sortes de Loix divines & humaines. Lesdits Pères parmi tout cela ont recours à Dieu en leurs prières, s’efforcent d’adoucir le courage du Prélat irrité, par la voie de la supplication & de la soumission ; ils le supplient très-humblement eux-mêmes, & le font encore prier par leurs amis communs de ne se laisser emporter a la colère que plusieurs de leurs haineux avoient allumée, & continuoient encore d’enflammer davantage par leurs faux & malins rapports, au scandale de l’Eglise & de tout le Peuple. Rien pour tout cela : il veut qu’ils sortent, & point d’accord sans cela, & encore nul de les intimes & familiers ne dit qu’il lui ait oui dire cela, mais ils s’assurent que si les Jésuites sortent, que tout ira bien. Cependant ceux qui l’approchent de près & fomentent sa colère, ne peuvent se tenir de dire qu’en cas qu’il les rappelle, etant une fois sortis, il veut que cela soit avec des conditions facheuses & à eux inacceptables : ils se mettent en devoir de sortir une, deux & trois fois, nonobstant que Messieurs de la Ville leur eussent fait défense par acte de Notaire de ce faire, & sommation d’entretenir le Contrat passé entr’eux & le Révérend Père Cotton, sous l’autorité du Roi qui étoit intéressé en l’injonction que leur faisoit de sortir Monsieur l’Evêque d’Angoulème, n’y ayant que le Roi seul qui puisse avoir droit en France de faire sortir & chasser des Villes ceux qui y sont. Ils s’efforcent de sortir doucement, ils s’en vont à une porte de la Ville pour ce faire, sur l’heure du dîner de Messieurs les Habitant ; mais étant découverts en leur intention par ceux qui gardoient la porte, ils sont ramenés chez M. le Maire , & de-là au Collège, avec réitérées défenses de n’en plus sortir, & sommation nouvelle d’entretenir le Contrat , & préparer toutes choses necessaires pour ouvrir trois Classes a la Saint Luc prochaîne. Monsieur d’Angoulême sans se soucier de tout cela , presse de sortir lesdits Pères sans vouloir attendre qu’ils écrivissent & eussent réponse de leur Supérieur le Révérend Pere Cotton, qui étoit en Béarn par le commandement du Roi pour l’établissement d’un Collège à Pau, & de telle sorte qu’étant menacés par lui d’un interdit & d’une suspenfion à Divinis, ils se résolvent de prévenir le coup, & d’avoir recours à l’appel ; ce qu’ils font, appellant de l’injonction qui leur étoit faite de sortir de la Ville, à peine d’encourir les Censures Ecclésiastiques, par devant Monseigneur le Cardinal de Sourdis, Métropolitain & Primat d’Aquitaine, qui étoit Juge compétent des uns & des autres, & approuvé par les Canons. Tout cela sert de peu : Monsieur d’Angoulême passe outre, & sans avoir égard à l’appel interjette par Iesdits Peres, leur fait signifier une Sentence d’interdit & suspension a Divinis, contre toute raison & pratique ordinaire des Cours Ecclésiastiques & Laïques. En cette violence ils ont recours à la patience & au Primat, qui sur une très-humble Requête à lui présentée par eux, contenant le narré crud & simple, & selon la pure vérité des choses passées en leurdit établissement, & ensemble les griefs qu’ils souffroient de Monsieur d’Angoulême, ordonne que mondit sieur l’Evêque comparaitroit dans huitaine pardevant lui, pour répondre sur les faits allégués en ladite Requête : qu’il levoit & ôtoit cependant tout l’interdit & toutes suspensions à Divinis, & défendoit audit sieur Evêque de passer outre, & choses semblables que l’on pourra voir en ladite Ordonnance, laquelle on a été forcé de faire imprimer, & permettre d’être publiée, pour la consolation & instruction de plusieurs, & pour ôter toute crainte & appréhension aux âmes timorées, qui peut-être craindroient les Censures Ecclésiastiques, & de tomber en Excommunication prétendue portée pat la Sentence de mondit sieur l’Evêque d’Angoulême, publiée par les Cures de la Ville contre lesdits Peres Jésuites ; lesquels feront voir devant leur Juge, qui est Monseigneur le Primat, & devant tous autres, que ladite Sentence d’excommunication est nulle, sans raison, & procédante seulement de la passion d’un Prélat animé, & faite par violence contre les Conciles, les Canons, l’opinion des Docteurs Casuistes & la pratique de l’Eglise Gallicane, & celle de toute l’Eglise universelle, au mépris du commandement du Roi, & du Gouverneur de la Province, à l’injure du Primat, au scandale du Public intéressé, & à l’offense de tout le Peuple de la Ville & de tout le Pays.


 28 septembre 1622 - Ordonnance du Cardinal de Sourdis en faveur des Jésuites, contre l’Evêque d’Angoulême.

ORDONNONS que la présente Requête sera montrée & signifiée à M. l’Evêque d’Angoulême, pour y venir dire ce qu’il verra, dans huitaine, pardevant Nous en notre Palais Archiépiscopal, par le Promoteur de son Diocèse ; & cependant nous avons levé &ôté, levons & ôtons les peines des Censures d’interdit & suspension mises sur lesdits Suppliants & autres de la Société de JESUS, & ce ad cautelam, jusqu’àce que, Parties ouïes, il en soit autrement ordonné ; défendant néanmoins tant audit sieur Evêque d’Angoulême, qu’à autres les Officiers, de passer outre à déclarer & prononcer aucunes autres peines & censures contre lesdits Suppliants & ceux de leur Compagnie, pour le regard des faits ci- dessus posés. Commettons pour l’exécution des Présentes le premier prêtre, ou Clerc tonsuré sur ce requis : de ce faire lui donnons pouvoir & mandement spécial ; & en cas que les susdites Censures d’Interdit & suspension eussent été publiées en la Ville d’Angoulême, ordonnons que ces Présentes seront lues au Peuple aux Prônes des Messes Parochiales de ladite Ville d’Angoulême par les Curés & Vicaires d’icelles ; ce que nous leur enjoignons de faire sur les peines de droit ; & de plus seront affichées aux Lieux publics. Donné à Bourdeaux, en notre Palais Archiépiscopal, sous nos seing & scel, & contre-seing du Secrétaire de notre Archevêché, le 28e. jour de Septembre 1622. Ainsi signé en l’Original des Présentes,

F. Cardinal, Archevêque de Bourdeaux ;

Et plus bas, BERTHEAU, Secrétaire, par commandement de Monseigneur.

Cet article, en raison de sa taille, est présenté en deux parties. Voir la deuxième partie

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