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1786 - Campagne d’inoculation contre la variole des enfants trouvés et des orphelins de la Généralité de La Rochelle

lundi 14 juin 2010, par Pierre, 1872 visites.

Plan général de cette étude Références et bibliographie

Charles-Alexandre de Calonne est en 1786 Contrôleur général des finances, Ministre d’État du Roi Louis XVI. Il écrit à M. de Réverseaux, Intendant de la Généralité de la Rochelle, pour lui annoncer que le Roi a décidé de faire "inoculer" contre la variole tous les enfants trouvés et tous les orphelins de la Province.

L’inoculation consistait à mettre en contact la personne à immuniser avec le contenu de la substance suppurant des vésicules d’un malade. Le résultat restait cependant aléatoire et risqué,

Le médecin désigné pour mener cette opération, le plus qualifié, est le Sieur Jauberthon, pour avoir inoculé lui-même le Roi et toute la famille royale. C’est dire ...

Avec cette lettre circulaire, suit le règlement pour cette opération. Un bel exemple de directive administrative.

Le troisième document est particulièrement intéressant : L’intendant Réversaux explique les difficultés qu’il va rencontrer pour réaliser l’opération dans la Généralité de La Rochelle, et il en profite pour suggérer au Contrôleur Général une nouvelle politique des enfants trouvés. Un sujet difficile, pour lequel les pouvoirs publics ont bien du mal à trouver des solutions humainement, socialement et financièrement tolérables.

Le site Histoire Passion développera progressivement ce thème des enfants trouvés dans ses articles.

Source : Archives Départementales 17 - Cote C 211 - Transcription : Pierre Collenot

En savoir plus sur Charles Alexandre de Calonne et sur l’Inoculation (Wikipédia)

 La circulaire de Calonne

Charles-Alexandre de Calonne à M. de Réversaux, Intendant de la Rochelle

Charles Alexandre de Calonne par Lebrun

Versailles, le 4 septembre 1786

Les intentions du Roy étant, Monsieur, d’étendre dans les Provinces les progrès de l’Inoculation, Sa Majesté a agréé le projet de faire inoculer tous les enfans trouvés qui sont dans les hôpitaux & dans les campagnes ainsi que les enfans orphelins et autres reçus dans les hôpitaux, et qui sont à leur charge. Ces enfants étant véritablement ceux de l’État, il est de la sagesse du Gouvernement de prendre tous les moyens capables d’assurer leur conservation.

Sa Majesté a jugé en conséquence nécessaire de charger d’un objet aussi important un Médecin très expérimenté dans l’art de l’inoculation, et elle a cru ne pouvoir faire tomber son choix sur quelqu’un, qui en fut plus digne que le S. Jauberthon, qui a justifié la confiance, dont il a reçu une marque distinguée, lorsqu’il a été chargé de l’Inoculation de la personne même du Roy, de Mgr le Dauphin, de Madame Fille du Roy et de toute la Famille Royale.

Il s’agit de déterminer la manière dont il sera procédé à cette opération et je me suis fait remettre une instruction à ce sujet, il me paroît offrir un plan sage et propre à remplir les vues de Sa Majesté ; je crois néanmoins devoir la communiquer à tous Mrs les Intendants.

J’en joins ici une copie. Je vous prie, monsieur, de me faire passer incessamment les renseignements & les détails que vous pourrez vous procurer à cet égard, et d’y réunir les différentes observations, dont l’exécution de ce projet vous paroîtra susceptible, sous tous ses rapports.

J’ai l’honneur d’être avec un sincère attachement, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur.

De Calonne

 Instruction relative aux opérations de M. Jauberthon pour l’inoculation des enfants trouvés et orphelins dans les différentes Généralités du Royaume

le sieur Jauberthon chargé par le Gouvernement de l’inoculation des enfants trouvés et orphelins du Royaume se rendra dans la Généralité qui lui sera désignée par M. le Contrôleur Général, et il y prendra les ordres de M. l’Intendant qui lui indiquera le lieu où il doit commencer son opération.

- 1° il choisira de concert avec les administrateurs des hôpitaux l’endroit le plus convenable pour placer les enfants.
- 2° le choix étant fait et les sujets préparés, il procédera de suite à leur inoculation
- 3° comme depuis le moment de l’insertion jusqu’au développement de la maladie proprement dite, il se passe 7 à 8 jours sans fièvre, ny autres accidens marqués que ceux de la petite vérole locale, le Sieur Jauberthon profitera de cet intervalle, et ira faire successivement la même opération dans les principales villes voisines et autres lieux jugés les plus convenables.
- 4° cet intervale étant ainsi emploié, ce médecin reviendra sur ses pas poursuivre le traitement principal des premiers inoculés, et il continuera ensuite ses fonctions toujours dans le même ordre.
- 5° pendant les absences il confiera les premiers soins des inoculés à un médecin instruit de sa méthode dont il sera accompagné dans toutes ses tournées.
- 6° quoique toutes les saisons de l’année soit propres à l’inoculation de la petite vérole, on choisira de préférence le printems et l’automne comme le temps le plus favorable pour remplir cet objet.
- 7° indépendamment des ordres que MM les Intendants donneront aux médecins et chirurgiens des épidémies pour suivre la méthode du sieur Jauberthon et la pratiquer ensuite, les autres gens de l’art seront invités à suivre également ce traitement, afin que par la connaissance des uns et des autres, cette méthode devienne assés familière pour être enfin pratiquée de proche en proche sur les gens de la campagne.

Il en sera de même à l’égard de toutes les personnes instruites, et surtout des curés et autres eclésiastiques, comme les plus propres par leur état et leurs lumières à inspirer de la confiance et à détruire le préjugé qui règne dans les Provinces sur l’inoculation et même sur le traitement de la petite vérole naturelle.
- 8° outre ses connaissances pratiques qu’il sera facile à chacun d’acquérir en peu de tems, le sieur Jauberthon afin de rendre l’inoculation plus familière, publiera une instruction simple et abrégée sur cette méthode qui fera connaître la manière de la pratiquée avec succès

 La réponse de l’intendant de La Rochelle, Mr de Réverseaux

M. le contrôleur général,

J’ai reçu la lettre que vous m’avez fait l’honneur de m’écrire pour m’instruire des dispositions que vous projettez pour l’inoculation des enfants trouvés.

Il n’y a que deux hôpitaux dans la province où on en rassemble un petit nombre : c’est à la Rochelle et à Saintes ; la majeure partie est répandue dans les campagnes et c’est assurément la position qui leur convient le mieux. L’hôpital de la Rochelle n’est point propre à l’inoculation, la petite vérole naturelle et dangereuse dans cette ville à cause de l’air de la mer qui serait vraisemblablement contraire au succès de l’inoculation. L’hôpital de Saintes est beaucoup trop petit. Les cantons où sont rassemblés à peu près tous les enfants trouvés de la province sont les environs de la Rochelle, de Rochefort et de Saintes ; il serait nécessaire de choisir hors de ces villes dans des situations bien aérées une maison pour chaque canton où on réuniroit les enfants des campagnes.

Vous prévoyez M. que cette opération qui ne laissera pas d’être dispendieuse procurera en même temps quelques embarras. Je prendrai avec empressement les soins et les précautions que vous me prescrivez à cet égard, mais sans ce préliminaire il serait impossible d’exécuter le traitement de l’inoculation dans cette province.

Le soin que vous daignez prendre de ces enfans me décide à mettre sous vos yeux le moyen d’en conserver un grand nombre qui périssent de misère ou deviennent nécessairement de mauvais sujets. On ne paye les mois de nourriture des enfans trouvés que jusqu’à sept ans, à cette époque ils sont abandonnés à eux-mêmes sans aucun moyen de subsister et sans qu’on s’occupe de ce qu’ils deviennent ; il en résulte que l’État perd beaucoup de sujets et que les frais des premières années tombent souvent en pure perte. Je regarderois comme une dépense de première nécessité de prolonger jusqu’à 12 ans pour les filles et 14 ans pour les garçons le paiement des mois de nourriture et les enfants seraient confiés jusqu’à cet âge soit des laboureurs, soit des manufacturiers qui auroient droit d’en exiger ensuite un service gratuit jusqu’à 16 ans et de les conserver jusqu’à 20 avec des salaires inférieurs à ceux des autres domestiques ou ouvriers.

Les garçons seroient en outre miliciens de droit à la place des fils de ceux qui les auroient nourris et élevés, lorsqu’ils tomberoient au sort. Ce que j’ai l’honneur de vous mander n’est qu’un apperçu très sommaire des dispositions que l’on pourroit faire relativement aux enfans trouvés. Je m’en étais fort occupé en Bourbonnois où la quantité de ces enfans étoit excessive dans mon tems et si vous le jugez à propos j’aurois l’honneur de vous adresser un mémoire à ce sujet.

En attendant je vous prie de compter sur mes soins pour faire exécuter avec le plus de précautions que je le pourrai l’inoculation en ne vous dissimulant pas qu’elle présente beaucoup de difficultés dans ce pays.

Je suis, &c

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