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Notices sur l’histoire du château de Montchaude (Charente)

mercredi 24 juillet 2013, par Pierre, 1487 visites.

Le château de Monchaude a été partiellement détruit par un incendie dans la nuit du 22 au 23 juillet 2013. Histoire Passion publie deux notices sur son histoire : l’une de l’abbé J.-H. Michon, dans le Bulletin de la Société d’Archéologie et d’Histoire de la Charente de 1867, l’autre de G. Chevrou, dans le Bulletin de la Société des Archives Historiques de Saintonge et d’Aunis de 1902.

Le château de Montchaude
Incendie dans la nuit du 22 au 23 juillet 2013
Photo Charente Libre

 Étude sur le château de Montchaude par M. l’abbé J.-H. Michon

Bulletin de la Société Archéologique et Historique de la Charente, Volume 5 - 1867

Il n’était pas possible que l’époque qui a enrichi notre France de ses châteaux historiques les plus remarquables, comme Fontainebleau, Chambord, Blois, n’eût rien produit dans notre contrée où l’organisation sociale maintint si longtemps l’influence des grandes familles possédant de beaux fiefs. L’âge féodal nous avait laissé les débris de ses constructions sévères et massives, l’art nouveau, quand les guerres à l’intérieur paraissaient ne devoir plus se reproduire, devait arriver à un art plus léger, plus élégant, reproduisant mieux l’époque nouvelle où entrait le monde de l’Occident.

L’art, tout en s’inspirant des souvenirs classiques qui nous venaient de l’Italie, eut le bonheur d’être encore original, c’est-à-dire de créer. Ce qui fait notre désespoir au XIXe siècle, c’est que nous sommes malgré nous des copistes ; nous reproduisons. Les architectes de la Renaissance imitèrent et ne copièrent pas. Aussi leurs œuvres ont-elles une valeur sérieuse, comme dans les musées les tableaux qui représentent les diverses écoles.

J’ai déjà donné une monographie du château de La Rochefoucauld, accompagnée d’un délicieux dessin de mon ami M. Zadig Rivaud. C’est l’œuvre capitale de notre Angoumois, et Antoine Fontan, son architecte, mérite une place honorable parmi les grands artistes du XVI’ siècle. Je ne serais pas étonné que Montchaude ne fût l’œuvre de cet homme éminent ou au moins de l’un de ses plus remarquables élèves.

Le morceau capital du château de Montchaude est la façade septentrionale. Elle donne sur la cour d’entrée fermée elle-même par des servitudes solidement construites, destinées à repousser une attaque en cas de guerre et décorées uniquement d’une porte ornée d’un fronton brisé où était la herse. Ce travail un peu lourd accuse une époque plus récente que la façade du château et pourrait être rapportée au règne de Louis XIII. Aucun écusson, aucune date ne nous donne de renseignements sur cette partie intéressante, mais postérieure, du château. Nous n’aurons donc qu’à nous occuper de la façade.

Elle est flanquée de deux pavillons sans ornementation, et elle porte au milieu un pavillon à plusieurs étages où l’architecte a dépensé le plus de travail.

Selon les habitudes du moyen âge qui répugnait à la régularité des parties, à ce rigoureux parallélisme qui donne tant de grâce, mais toujours de la monotonie aux édifices classiques, l’artiste qui a créé Montchaude semble avoir voulu ne faire aucune partie semblable aux parties parallèles. Il n’a pas mis le pavillon du centre, destiné à l’escalier, au milieu du corps de logis. Il avait pour cela une raison capitale, c’est qu’il fallait ménager un côté plus long que l’autre pour la grande salle du château. Il est évident pour l’observateur que le seigneur de Montchaude avait imposé des conditions rigoureuses à son architecte. Il voulait surtout de l’économie. On ne lui avait pas même permis le petit luxe de compléter les nus de sa façade en appareils de pierre de taille. Il avait dû, comme dans les constructions vulgaires, faire ces murs en moellons noyés dans le mortier et revêtus d’un crépi. La pierre de taille, du reste très fine et que nous retirons encore aujourd’hui des belles carrières de Jonzac, était uniquement réservée aux baies et principalement aux riches croisées historiées s’élevant au-dessus des combles.

Je n’ai point ici de livres à Montchaude, où je reçois la gracieuse hospitalité de M. Ossian Verdeau, le nouveau châtelain, qui a fait de la terre de Montchaude un parc d’un goût exquis et qui ne tardera pas à restaurer la façade monumentale du château, du reste très peu endommagée par le temps et par les hommes. Il ne m’est donc pas possible de donner le nom du seigneur qui, dans la première moitié du XVIe siècle, fit construire ce joli château. Seulement, au sommet de la croisée la plus haute du pavillon central, sous une niche en plein cintre, décorée de caissons, se trouve un homme d’armes, complètement en relief, qui tient de la gauche une lance de fer et de l’autre un bouclier sur lequel se voient très bien les armes du seigneur.

Voici cet écusson, d’après lequel il sera peu difficile de trouver le nom de la famille qui fit élever le monument.

Le même écusson se trouvait au-dessus de la porte d’entrée, mais il a été mutilé avec rage, et une pierre complètement fruste dit uniquement sa destinée première et le vandalisme qui l’a martelée. Mais le bonhomme barbu qui porte l’écusson, trop élevé dans sa niche aérienne, a pu conserver son précieux écu qui pour nous a la valeur d’un nom et d’une date. Il sera facile à ceux de nos savants collègues qui s’occupent du blason de l’Angoumois de mettre un nom au bas de ces armoiries et d’en dire les couleurs que nulle hachure ne donne, selon l’usage du temps. Seulement, l’homme qui porte l’écu a le même vêtement, aux manches étroites et aux manchettes dentelées, que porte Antoine Fontan dans son portrait au sommet du bel escalier de La Rochefoucauld.

Cette question une fois ainsi résolue, nous arrivons à la façade monumentale elle-même. Le rez-de-chaussée a trois grandes croisées et la porte centrale pour ouvertures. Tout cela est sobre d’ornementation ; de simples moulures aux baies, décorées de pilastres formant chapiteau-corniche à chaque étage, rien de plus. Même décoration grave au premier étage. Les pilastres étroits et peu saillants continuent comme au rez-de-chaussée, et chaque fenêtre est entourée de moulures vigoureusement poussées. Tout ceci arrive au cordon supérieur, extrêmement simple et de fort peu de saillie, qui sert de corniche à la façade. Y a-t-il eu économie de matériaux pour que cet entablement n’ait que quelques centimètres de saillie ? Était-ce calcul de l’artiste pour que rien ne vînt briser lourdement les lignes ascendantes ? Probablement l’un et l’autre. En tout cas, la parcimonie du seigneur a servi admirablement l’architecte. Les larges corniches, si utiles pour rejeter loin les eaux, sont le supplice du regard sur les façades des monuments destinés, comme ceux de la Renaissance, à voir tout leur luxe d’ornementation se déployer au-dessous des combles, comme l’arbre qui n’a en bas que la force et la majesté de son tronc et qui garde pour toute sa ramure l’étalage luxuriant de ses branches et des feuilles.

C’est le mérite particulier de cette façade et je la désigne aux connaisseurs. L’homme de génie, qui probablement sera à jamais ignoré, à moins que quelque papier de compte du XVI" siècle ne vienne à faire retrouver son nom, a eu là une idée heureuse. Sachons lui en tenir compte.

Arrivons enfin à l’efflorescence de sa pensée. Il l’a toute jetée dans les hauteurs de l’édifice. Trois croisées superposées éclairent le haut pavillon central. C’est remarquable de grâce, de simplicité et d’art. Ici les pilastres sont cannelés et surmontés de jolis chapiteaux d’imagination aux volutes bizarres, aux ornements fantastiques. La croisée supérieure est surmontée d’un entablement complet avec architrave, frise et corniche. La frise est chargée de ces arabesques si fines, si peu profondes, qui tiennent spécialement à cette époque et qui la font de suite reconnaître. Ce sont des rinceaux capricieux qui se dessinent mais ne se décrivent pas. Ce pavillon est réellement remarquable, et je ne crois pas être aveuglé par mon amour pour ce cher Angoumois en déclarant que c’est l’un des jolis morceaux d’architecture du XVIe siècle que possède notre France.

Suivent au-dessous des combles trois croisées de même grandeur, décorées chacune de pilastres, d’entablements avec frises couvertes de rinceaux, et enfin d’un couronnement contenant des écussons complètement mutilés par le marteau. Ces trois couronnements ne se ressemblent aucuns. On voit très bien que l’artiste a voulu qu’ils différassent afin de faire de la variété. Ce sont des frontons, l’un triangulaire, l’autre arrondi, l’autre en pyramide tronquée. Des ornements en forme de fuseaux aigus et qui sont tombés s’élevaient autour et au-dessus de ces frontons, comme une réminiscence des pinacles aigus de l’art gothique. Les têtes, les fleurons, les bas-reliefs sont traités de main de maître. On voit que l’artiste s’est complu à ce travail. Il a mis là toute sa gloire.

La façade correspondante est sans ornement, mais avec le même nombre de fenêtres décorées de simples moulures. Je n’en parle que pour indiquer le travail complet du château qui se rapporte à une époque unique.

Maintenant deux autres écussons indiquent que le château a été possédé par la famille des Saint-Gelais. Un écusson, sur la terrasse du jardin, porte parti de Saint-Gelais et de ....

Une partie de cet écusson rappelle une autre partie de l’écusson du fondateur du château donné plus haut, probablement celui d’une héritière de Montchaude qui aura épousé un Saint-Gelais. C’est un desideratum facile à éclaircir, je l’espère.

Enfin, la cloche de Montchaude porte l’inscription suivante qui prouve qu’un seigneur de Saint-Gelais possédait encore le château au XVIIe siècle :

IHS MARIA IE SVIS POVR LEGLISE DE SAINCT
SIBARD DE MONCHAVDE AV DEPANS DES
HABITAN ET SEIGNEVR FRANÇOIS DE SAINT GELAIS
DE LVSIGNAN 1638

avec cet écusson entre deux palmes :

Quels étaient ces Saint-Gelais Lusignan ? Évidemment, il y a là l’indication d’une alliance, et les sires de Montchaude n’étaient pas fâchés de joindre à leur nom celui de l’une de nos plus puissantes maisons d’Aquitaine qui avait produit des rois de Chypre et de Jérusalem.

J’ai oublié de dire que l’intelligent propriétaire de Montchaude se propose de faire ouvrir les croisées murées du haut du château et de les faire remettre dans leur splendeur première. Il n’y a pas de plus noble usage de la fortune que de protéger les débris précieux de l’art, et M. Ossian Verdeau sait que la science lui sera reconnaissante du zèle et du goût qu’il mettra à cette restauration.

J.-H. Michon


 Le château de Montchaude - Ses propriétaires

Bulletin de la Société des Archives Historiques de Saintonge et d’Aunis - 1902

Le château de Montchaude près de Barbezieux a été bâti vers le milieu du XVIe siècle par les Saint-Gelais de Lusignan, dont le fief de Montchaude était le patrimoine dès le XIIIe siècle. Charles de Saint-Gelais de Lusignan, seigneur de Montchaude, épousa, en février 1620, Renée Reynon, dame de la Braconnière en Bas-Poitou. En 1624 étaient seigneurs de Montchaude Fran­çois et Jehan de Saint-Gelais.

Le premier, mort le 2 avril 1676, François de Saint-Gelais de Lusignan, chevalier seigneur de Montchaude, le Breuillac, Ardenne et autres lieux, était marié à Anne Labbé.

De ce mariage naquit Jean de Saint-Gelais de Lusignan qui épousa, le 28 septembre 1671, Henriette de Larochefoucauld, fille d’Eléonor de Larochefoucauld, seigneur de Roissac et du Chastelar, et de Lydie de Lannes.

De leur mariage naquirent : le 16 juillet 1675, Léon ; le 2 octobre 1678, Henriette ; le 20 octobre 1680, Marthe-Henriette.

Après la mort de Jean de Saint-Gelais, la terre de Montchaude passe indivise à ses héritiers : MM. de Vaillac et de Grevant, et plus tard à Jean-Léon de Livenne. Ce dernier en mourant le laissa à sa fille Marie de Livenne, mariée en 1769 à Isaac de Guain, mort en 1779. A la mort de Marie de Livenne, Montchaude passa aux La Laurencie.

Anne-Marie de Livenne, veuve de Bertrand de La Laurencie de Charras, en fit donation par contrat passé devant Me Mathé-Dumaihe, notaire à Angoulême le 4 juillet 1813 ; cette donation a profité à Jean-Baptiste-Auguste-François-Marie marquis de La Laurencie de Charras, son neveu.

Celui-ci et Charlotte-Geneviève de Barentin-Montchal, sa femme, ont revendu le château de Montchaude à Jean-Baptiste-Rhenan-Ossian Verdeau, propriétaire à Versailles, par acte passé devant Me Théophile Daviaud, notaire à Barbezieux, le 10 janvier 1857. Verdeau était le créateur du passage Verdeau de Paris.

Mlle Jeanne-Charlotte-Pauline-Thaïs Verdeau, sa sœur et son héritière, a vendu le château de Montchaude à François-Pierre Constantin, financier à Paris, devant le même notaire, le 16 juillet 1875.

Après le décès de Constantin, le château est tombé dans l’indivision entre ses deux enfants au nom desquels il l’avait du reste acquis en nue propriété, Louis et Pauline Constantin, nés de son mariage avec Caroline-Joséphine Paysant déjà décédée ; ou mieux, Constantin fils étant décédé avant son père, celui-ci en avait hérité pour partie et se trouvait à sa mort co-propriétaire avec sa fille. Or il s’était remarié avec une dame Julie Raminger, originaire de Suisse, au profit de laquelle il avait consenti des libéralités.

Et comme ces libéralités excédaient la quantité disponible et ont été réduites au minimum légal, il est né une indivision qui a fait que la dame Raminger, veuve Constantin, s’est trouvée co-propriétaire de Montchaude pour un 32e tandis que les 31 32e appartenaient à Mlle Pauline Constantin fille de son mari.

Cela a conduit à une licitation devant la 1ère chambre du tribunal civil de 1ère instance de la Seine et suivant sentence du 21 juillet 1883, Mlle Pauline-Caroline-Marie Constantin a été déclarée adjudicataire du château.

Cette dernière le vendit à M. Marie-Gustave Louis-Eugène Arnous, député, et à Mme Marguerite-Marie-Célestine-Jeanne Valentine André, son épouse, par acte passé devant Mes Got, notaire à Baignes-Sainte-Radégonde et Daniaud, notaire à Barbezieux, le 18 juillet 1889.

G. Chevrou.

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