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1010 - 1343 - Les cartulaires des abbayes de Saintonge, par Th. Grasilier (1871)
jeudi 5 mars 2009, par , 1811 visites.
Dans l’introduction aux textes des cartulaires saintongeais, l’abbé Grasilier explique ce que ces documents apportent à la connaissance de l’histoire des XIème et XIIème siècles dans cette province.
Source : Cartulaires inédits de la Saintonge par l’abbé Th. Grasilier - Niort - 1871
T. 1 : Cartulaire de l’Abbaye de Saint-Etienne de Vaux, de l’Ordre de Saint-Benoit, suivi des chartes du prieuré conventuel de Notre-Dame de la Garde en Arvert, de l’Ordre de Granmont
T. 2 : Cartulaire de l’abbaye royale de Notre-Dame de Saintes, de l’Ordre de Saint-Benoit.
Les initiales C. S. renvoient au Cartulaire de l’abbaye de Saintes ; C. B., à celui de Baigne ; C. V., a celui de Vaux ; et C. G., aux chartes de N.-D. de La Garde. |
- Saintes - L’abbaye aux Dames
- Dessin de Jean-Claude Chambrelent
Importance de nos cartulaires
Dans les études que nous donnons ici sur nos Cartulaires des abbayes de Saintes et de Vaux, et du prieuré de Notre-Dame-de-la-Garde, en Arvert, nous essaierons de suppléer à celles qui n’ont pu être faites sur le Cartulaire de Baigne. Ces précieux monuments de notre histoire intéressant la même province, et appartenant à peu près à la même époque, nous ne pouvons mieux faire que de réunir en un même faisceau les renseignements divers qu’ils nous fournissent, et de traiter sous des titres communs les questions auxquelles peut donner lieu l’étude de chacun d’eux.
Depuis l’édition qu’en a donnée notre regrettable ami, l’abbé Cholet, la valeur du Cartulaire de Baigne n’échappe à personne, et nous n’avons rien à ajouter à ce qu’en ont dit les juges les plus compétents. Les plus honorables encouragements ont été donnés à cette publication, qui a été accueillie comme un service rendu à la science historique.
L’importance du Cartulaire de Saintes a été signalée par M. de Champollion-Figeac, dans un rapport adressé le 22 février 1837, au Ministre de l’Instruction publique. « L’examen attentif que j’ai fait, dit-il, de ce beau volume, relatif à une contrée où les guerres du moyen âge ont détruit un grand nombre de documents historiques, et notamment le Cartulaire de l’évêché du chef-lieu, me fait vivement désirer qu’il en soit fait une copie. Il renferme, après la fondation de l’abbaye par le comte d’Anjou, Geoffroy-Martel, et par sa femme Agnès, en 1047, et après les bulles des papes..... un grand nombre de notices réellement historiques par la véracité des faits qu’elles rappellent..... Il y a peu de documents aussi importants pour l’histoire de France [1]. »
Dans un autre endroit, le même écrivain attribue l’anéantissement de nos archives locales aux guerres de religion [2]. Nous croyons, avec l’auteur de l’Histoire manuscrite de l’abbaye, que les guerres avec l’Angleterre nous ont enlevé tout ce qui était antérieur au XVe siècle. On les retrouverait à la Tour de Londres. Mais aucun fléau n’a fait plus de ravages en ce genre, que la barbarie révolutionnaire de 1793. Les archives de l’abbaye étaient alors classées et conservées avec le plus grand soin dans des armoires et des boîtes étiquetées. Tout a été brûlé, sauf quelques pièces qu’a eues entre mains l’auteur de l’Histoire de la Saintonge et de l’Aunis, et un petit nombre d’autres qui nous ont été communiquées. Il est à regretter qu’on ne retrouve plus celles que Massiou a utilisées pour son ouvrage. Il serait bon que l’on s’occupât également de rechercher le diplôme original de la fondation de l’abbaye.
Ce monument, des plus rares et d’une beauté remarquable, a disparu depuis très-peu d’années.
Le Cartulaire de Saint-Etienne de Vaux a été signalé également par M. de Champollion, en 1841, dans un rapport au Ministre de l’Instruction publique.
Les auteurs du Gallia christiana en ont transcrit huit chartes, et cité des fragments. Dans un ouvrage aussi sobre de longues citations, c’est une preuve de l’importance de ce Cartulaire. Pour l’histoire du pays, il y a là une mine abondante. Dans ces soixante-douze chartes, dont huit seulement ont été publiées, plus de trente communes de notre département retrouvent leurs plus lointains souvenirs.
Les soixante-quatorze chartes du prieuré conventuel de Notre-Dame-de-la-Garde, en Arvert, ordre de Granmont, apportent aussi leur part de lumière sur plus d’un point de notre histoire locale, et sur tes mœurs et l’état de la société au XIIe et au XIIIe siècle. Aussi nous n’hésitons pas à offrir au public ce document tel que nous l’avons trouvé transcrit avec soin dans les notes volumineuses et fort précieuses de Mgr Léon de Beaumont, évêque de Saintes (1716-1744). Le lecteur sera reconnaissant, comme nous, de la gracieuse générosité avec laquelle les dignes héritiers des recherches historiques du savant prélat nous autorisent à publier cette portion de leur riche trésor.
Données historiques fournies par nos cartulaires
Les savants auteurs du Gallia christiana, D. Estiennot, D. Fonteneau, tous ceux qui se sont occupés de notre histoire locale, et bien d’autres érudits ont exploré déjà bien des fois les Cartulaires de Saintes et de Vaux : mais le champ est tellement fécond qu’on y trouvera encore à glaner. C’est ainsi que nous y trouvons des données précieuses pour fixer la succession de nos évoques de Saintes, et faire connaître leurs actes. C’est ainsi que nous trouvons un nom qui manque à la nomenclature des évêques de Limoges, donnée par le Gallia : un Arnulfe, qui occupait ce siège épiscopal, figure comme témoin dans une charte de Henri II, entre 1152 et 1154 (C. S. 30) (1).
La charte 18 de Notre-Dame de La Garde, donne l’initiale du nom d’un abbé de la Tenaille qui manque aux listes connues jusqu’ici. Le même recueil nous fournit des filiations des seigneurs de Matha qui viennent compléter et rectifier celles qu’on en avait dressées.
Nous ajoutons également, d’après le Cartulaire de l’abbaye de Saintes, à la liste des doyens de Saint-Pierre de Saintes, donnée par le Gallia, Hélie Vigier qui a été à la tête du chapitre de cette cathédrale durant les dernières années de l’abbesse Sibylle ou pendant les premières d’Agnès de Barbezieux, ainsi que nous l’apprend la charte 70.
Les croisades étaient des événements trop importants et avaient sur les affaires publiques et privées une influence trop fréquente et trop grande pour ne laisser aucun souvenir dans les monuments de l’époque : aussi nos chartes ont-elles constaté le départ pour la Terre-Sainte de plusieurs Saintongeais et Poitevins.
En 1098, l’Europe retentissait du bruit des exploits des premiers croisés, conduits par Godefroy de Bouillon. Le duc d’Aquitaine, Guillaume-le-Vieux, s’était joint à eux. Chales, le puissant vicomte d’Aunay, partait lui aussi pour la croisade, et dut assister à la prise de Jérusalem, en 1099. L’année précédente, en effet, une grande sécheresse désolait nos contrées. Les habitants d’Aunay, pour obtenir de la pluie, se rendirent en pèlerinage à Saint-Jean-d’Angély, portant en grande pompe les reliques de saint Just [3]. Avant d’entrer dans la ville, on fit une station à Saint-Julien-de-l’Escap. Mais, au moment de se remettre en marche, il fut impossible d’enlever de l’autel sur lequel on l’avait placée, la châsse de saint Just, qu’une force invisible retint malgré les efforts les plus vigoureux, jusqu’à ce que le vicomte, interpellé par la prieure et le chapelain de Saint-Julien, eût avoué et promis de réparer ses torts envers le monastère. Il tint parole ; et avant de partir pour Jérusalem, il vint se réconcilier avec Arsende, abbesse de Saintes, et jurer sur l’autel de Notre-Dame de renoncer à ses injustes prétentions sur les hommes et les terres de Saint-Julien. Aux droits anciens qu’il promettait de respecter et de maintenir, il ajouta de nouvelles libéralités.
Des chartes de Baigne supposent que plusieurs gentilshommes Saintongeais ont dû accompagner Guillaume Taillefer III en Terre-Sainte. Ce comte mourut en revenant de Jérusalem, l’an 1120. Robert, dit Mencos, mourut aussi en revenant en Saintonge. Il était parti avec Adémar de Boiset, Gardrad de la Faye et Arnaud du Buc. Ce dernier fait prisonnier chez les Bramannes, se racheta pour la somme de seize sols, que l’abbé de Baigne lui avait donnée en reconnaissance d’une libéralité faite à ce monastère. (C. B. 26, 431, 432, 542.)
Le mouvement fut plus général en 1146, pour suivre en Palestine le roi Louis-le-Jeune. Son titre de duc d’Aquitaine et le départ de la reine Eléonore qui voulut l’accompagner, entraînèrent un grand nombre de seigneurs et de dames de la Saintonge et des contrées voisines. La présence du roi à Saintes, l’année précédente, est attestée par la charte 87 du Cartulaire de l’abbaye de cette ville. Il y était venu, dit-il lui-même dans cette charte, pour le règlement de ses affaires particulières, et il eut à terminer, en cette occasion, un différend entre ce monastère et un membre de la maison de Pons, Pierre de Nieul. Après la signature des Grands officiers de la couronne, figurent, au bas de cette charte, les noms de plusieurs témoins, au nombre desquels se trouvent Geoffroy de Rançon, seigneur de Taillebourg, qui l’année suivante portait l’oriflamme à la tête de l’avant-garde de l’armée chrétienne, et Guillaume de Mauzé, sénéchal de Poitou.
Ce dernier, avant son départ, avait à réparer un outrage commis par lui sur la personne de l’abbesse de Saintes, Agnès de Barbezieux, dans un accès de passion brutale, un jour qu’il surveillait avec elle une opération d’arpentage, aux environs de Pont-1’Abbé. Il vint donc devant l’autel de l’église abbatiale faire amende honorable à Agnès, et lui remettre la charte par laquelle il la mettait en possession du tiers du péage du Gua. Le sire de Mauzé avait un fils, nommé Geoffroy, chanoine de Saintes, qui pourrait bien être l’archidiacre de ce nom, lequel figure comme témoin, avec Bernard son évêque, dans la charte de Louis VII, dont nous venons de parler. Geoffroy accompagna son père à la croisade. Guillaume mourut à Jérusalem. Sentant sa fin prochaine, il chargea, par son testament, son fils de faire ratifier par sa mère et ses frères les dons qu’il avait faits à l’abbaye. Environ deux ans après, le chanoine revint à Saintes et exécuta religieusement les dernières volontés de son père (C. S. 88).
Seguin de Richemont, fils de Seguin Mainart, seigneur d’Authon (C. S. 61) ; Baudry de Plassay (C. S. 108) ; Hugues de Trignac (C. S. 124) ; un gentilhomme du nom de Sicard, parti pour expier plusieurs méfaits (C. B. 499), prirent part à cette expédition. Elle excita l’enthousiasme à un tel point que sa date était restée dans la mémoire des peuples. L’auteur d’une charte de 1148 le pressentait, quand il indique ainsi l’époque où l’acte fut passé : Ludovico rege Francorum Sarracenos in Iherosolymitana terra oppugnante (C. S. 202).
C’est ainsi que dans le siècle précédent, l’année 1063, avait été marquée par le fait d’armes qui immortalisa le nom de Guy-Geoffroy, la prise de Barbaste sur les Maures d’Espagne (C. S. 229).
D’autres départs isolés pour la Terre-Sainte sont mentionnés également, tels que celui de Giraud de Blaye, en 1164, et celui d’un jeune homme, nommé Robert le Clerc, à qui la sacristine de l’abbaye prête une somme de vingt sols pour l’aider à faire son voyage.
En 1219, Alexandre d’Archiac était du nombre des Aquitains commandés par Savary de Mauléon devant Damiette (C. B. 542).
Un autre fait important omis par nos historiens, et relaté dans une légende de saint Eutrope, est celui d’un combat livré, près de Taillebourg, au seigneur du lieu, par le sire de Pons. Dans ce récit est nommé sire de Taillebourg, Geoffroy de Rançon, qui paraît être celui que nous venons de voir au nombre des Saintongeais à la seconde croisade. Le sire de Pons fit prisonniers cinquante chevaliers. Pour les garroter, il envoya enlever, de gré ou de force, autant de menottes et de chaînes suspendues en ex voto dans l’église de Saint-Eutrope par les captifs miraculeusement délivrés par ce saint, qui la nuit suivante accorda la même faveur aux prisonniers dont nous parlons. A quelle époque aura eu lieu cette bataille ? Nous n’hésitons pas à la placer entre 1119 et 1127. Un acte dressé par l’abbesse Sibylle, en présence du comte de Poitiers, Guillaume-le-Vieux, mentionne la circonstance de la blessure reçue à la cuisse par ce prince, au combat de Taillebourg, blessure qui le retenait au lit à Saint-Jean-d’Angély, et qui le conduisit peut-être au tombeau, car il mourut en 1127, à Pâques (C. S. 99). Comme on le voit, les noms et les dates concordent pour appuyer notre conjecture.
Nos Cartulaires fournissent de plus, en grande abondance, des renseignements généalogiques à l’aide desquels on pourra compléter et rectifier les filiations de plusieurs familles. Nous aurions été heureux de pouvoir donner ici les filiations et successions des comtes de Périgord, des princes de Mortagne, de Talmont, de Didonne et de Tonnay-Charente, et des sires de Pons, de Mornac, de Taillebourg, d’Archiac ; mais pour un travail aussi considérable, le temps et l’espace nous manquent.
Renseignements topographiques et géographiques
1. — divisions territoriales
.Les noms anciens des divisions régionales commençaient, au XIe siècle, à perdre en Saintonge leur signification précise. Quelques-uns se prenaient déjà indifféremment les uns pour les autres. Le pagus est bien encore une grande subdivision de la province ; on trouve pagus Xanctonicus, la Saintonge ; pagus Petragoricus, le Périgord ; pagus Burdegalensis, le Bordelais. Néanmoins, ce nom s’emploie aussi pour désigner une terre, un domaine, comme la portion du faubourg Saint-Palais qui appartenait à l’abbesse (C. S. 37).
La curtis est un chef-lieu judiciaire, renfermant dans sa circonscription plusieurs églises, qui équivaudrait presque à un canton, s’il en avait l’étendue à peu près uniforme qu’il a de nos jours.
La villa est un bourg avec son église, et ce qui constitue la paroisse ou la commune rurale.
Vicus, burgus ont souvent aussi la même signification, mais désignent plus généralement les principaux centres de population qui donnent leur nom à toute la paroisse dont ils sont le chef-lieu.
Dans un rang plus élevé sont le castrum ou le castellum, à raison de leur position stratégique et de leurs fortifications, comme Taillebourg, Mortagne, Talmont, Didonne, Royan, l’Ileau. Une ville fortifiée de second ordre s’appelle oppidum ; tel est Pons, oppidum Ponti (C. S. 18). Le chef-lieu du pagus est la ville de premier ordre ; la cité, urbs, civitas.
Nos Cartulaires n’ont rien de bien précis relativement aux divisions administratives. Le comté a la même étendue que le diocèse ou évêché, episcopatus (C. S, 1, etc.).
Le ressort d’une châtellenie s’appelle quelquefois l’honneur, honor ; on dit, par exemple, honor Cormœ, honor Joanzacensis, etc., pour exprimer toute l’étendue des droits et possessions de Corme-Royal, de Jonzac, etc.
Le Cartulaire de Baigne nous donne le nom de plusieurs vigueries, vicariœ, territoire soumis à la juridiction d’un viguier, auxquelles nous devons ajouter, d’après les chartes de Notre-Dame de Saintes et de Vaux, celles de Talmont et de Didonne.
Quant aux divisions ecclésiastiques, archidiaconés, archiprêtrés, paroisses, elles sont toutes indiquées dans nos chartes, mais sans aucun détail propre à en déterminer l’étendue. La publication de nos précieux Pouillés, publication dont M. l’abbé Cholet a recueilli les éléments, peut seule fournir sur ce point les éclaircissements nécessaires.
Aux observations que nous venons de donner, se rattache naturellement une question souvent débattue. Froissart place en Poitou Pons, Mortagne-sur-Gironde et autres lieux [4]. Certains auteurs modernes ont cru devoir relever là une inexactitude. D’autres ont imaginé pour le justifier une raison politique. La Saintonge, de son temps, étant regardée comme anglaise, et le Poitou comme français, on avait, disent-ils, tout intérêt à reculer le plus possible, dans le langage officiel, les limites du Poitou. Mais les mêmes expressions se retrouvent dans nos chartes du XIe et du XIIe siècle, où certainement elles n’ont pu être introduites par cette prétendue raison. Il est probable qu’elle n’était venue à l’esprit de personne avant le XIXe siècle. Ce qui achève de renverser cette hypothèse, c’est que Henri III, roi d’Angleterre, annonçant à l’évêque d’Ely son heureux débarquement à Royan, en 1242, place en Poitou ce port de mer.
Qu’on parcoure nos Cartulaires, on y remarquera ce fait, que la Saintonge relève du comté de Poitou ; qu’une seule monnaie y a cours, la monnaie poitevine ; et c’est la seule qu’on frappe à Saintes. En parlant du seigneur auquel est soumise notre province, si l’on dit le comte, sans y joindre d’autre mot, c’est toujours le comte de Poitiers qu’on désigne. C’est à ce titre que les ducs d’Aquitaine, les rois de France ou d’Angleterre y ont exercé leur autorité.
Quant au titre de comte de Saintonge, Massiou constate que rien ne prouve qu’il ait été porté par Foulques-Nerra. Il aurait pu en dire autant de Geoffroy-Martel, qui a, lui aussi, possédé en fief la Saintonge, et était comme Foulques, comte d’Anjou et non de Poitou. La raison en est des plus simples ; c’est que la Saintonge ne fut jamais un comté indépendant du Poitou [5].
Aussi, les expressions qu’on a relevées dans Froissait, on aurait pu les relever dans Joinville [6], dans Guillaume de Nangis [7], dans la chronique de Saint-Denis [8], et dans nos chartes, notamment dans la 87e du Cartulaire de l’abbaye de Saintes. Cette Charte est du roi Louis VII, et datée de Saintes. Après les signatures des Grands-officiers de la couronne, tous étrangers à notre province, figurent les noms de personnages appartenant au Poitou, de Pictaviensibus. Or, ces Poitevins sont l’évêque de Saintes, Bernard ; Geoffroy, un de ses archidiacres ; un autre, chanoine de Saintes ; Geoffroy de Rançon, sire de Taillebourg ; Guillaume de Mauzé, sénéchal de Poitou ; un Maingot (probablement de Surgères), prévôt de Saintes ; Hélie Vigier, d’une noble maison de Saintonge. Si donc le chancelier du roi de France a dû appeler Poitevins des Saintongeais, c’est que, ainsi qu’il nous semble démontré, la Saintonge était comprise dans les limites du comté de Poitou.
2. — hydrographie et forêts
Hydrographie. — Le séjour des eaux de l’Océan sur une partie du Bas-Poitou et de la Saintonge est attesté par plusieurs de nos chartes. La terre de Marennes, locus qui dicitur maritimus, est entre deux mers ; Broue est battu par les vagues, les marais salants de Sarpilion sont dans le voisinage de Pont-l’Abbé et de Beurlay. Vix, en Poitou, est une île qu’entourent, avec bien d’autres, les eaux de la mer ; et en 1472, l’abbaye jouissait encore du droit de pèche « par toute la mer environ ladite ysle de Vitz [9]. »
L’Océan formait un port à Saint-Augustin, près de Vaux. Dans le voisinage était aussi une île qu’on chercherait vainement aujourd’hui, l’Ile de Banelle, mot que l’on croit une corruption de baleine. S’il faut en croire la tradition locale, ces parages étaient jadis fréquentés par des baleines, à la pèche desquelles se livraient les habitants, après avoir invoqué le saint patron d’une église voisine, qui pourrait bien être Saint-Sulpice-de-Banelle, mentionné dans les chartes de Vaux.
L’Arnout, ancien bras de mer, dont les falaises dominent encore le lit, reprenait périodiquement son aspect primitif par des débordements. L’étendue du terrain qu’il couvrait alors formait, avec tout ce qu’on y prenait de poisson et de gibier, un domaine de l’abbaye de Saintes.
Les eaux couvraient encore le monnard ou marais de Barbareau, en Arvert.
Forêts. — Des forêts mentionnées dans nos chartes, une des plus considérables est celle de Baconais. Elle paraît s’être étendue entre l’Arnout, à l’est et au nord ; l’ancien littoral de l’Océan, près de Broue, à l’ouest ; et les rives de la Seudre au sud. Elle couvrait, en effet, presque tout le territoire des communes de Saint-Sornin, Nancras et Corme-Royal.
Cette dernière localité renferme encore une partie de la forêt de son nom, appelée anciennement forêt de Vidre.
Celle de Courlay, près de Vaux, est aujourd’hui représentée par une assez vaste étendue de bois, depuis Vaux jusqu’au monnard de Barbareau. Ce marais est également limitrophe de la forêt de Salis, dont celle d’Arvert n’est qu’un lambeau.
Mais la plus vaste de toutes les forêts mentionnées dans nos Cartulaires, est sans contredit celle d’Authon. Elle s’étendait alors de Saint-Jean-d’Angély jusqu’aux portes de Saintes [10].
Si, indépendamment des bois secondaires dont l’énumération serait ici superflue, nous y ajoutons la forêt d’Annepont, qui n’est point mentionnée dans nos Cartulaires, mais que d’anciens titres disent « forest à toutes bestes noires et rousses, » on pourra juger combien était couvert le territoire de notre province.
L’île d’Oleron ne devait pas être moins boisée : elle nous est représentée comme un pays favorable aux grandes chasses ; la dîme des peaux des bêtes fauves qu’on y tuait, appartenait, comme on sait, à l’abbaye de Saintes.
La suite, dans le Glossaire des noms de lieux cités
[1] De Champollion-Figeac. documents historiques, inéd., t. I. Préface, p. XV et XVI.
[2] ibid. p. 75.
[3] Saint Just, prêtre et confesseur, disciple de saint Hilaire, mourut en Périgord où il s’était réfugié pour éviter l’épiscopat auquel voulaient l’élever les habitants de Poitiers.
[4] Chronique de Froiss., t.I, chap. 136, ch. 164, ch. 260.
[5] Hist. polit., civ. et relig. de la Saintonge et de l’Aunis, t. I, p. 400.
[6] Recueil des Historiens de France, t. XX, p. 197.
[7] Ibid. t. XX. p. 57.
[8] Ibid. t. XX. — Chron. de St-Denis en 1294.
[9] Aveu et dén. de Jeanne de Vill., 1472 ; ms. orig. inéd.
[10] Hist. ms. de l’Abb., f° 33, v°.