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1031 - 1700 - Histoire des institutions municipales de Cognac

samedi 29 décembre 2012, par Jean-Claude, Pierre, 1564 visites.

Entre le 11e et le 13ème siècle, de nombreuses villes de l’ouest de la France reçurent du pouvoir royal l’autorisation de s’organiser en municipalités, d’élire un maire et des échevins, et de bénéficier de privilèges variés. Les statuts concédés et adoptés sont pour la plupart inspirés des « Etablissements de Rouen ».

En Saintonge, Aunis et Angoumois, les villes de La Rochelle, Saint-Jean d’Angély, Angoulême et Cognac, ainsi que l’île d’Oléron bénéficient de ces statuts privilégiés. En Poitou, Poitiers et Niort également.

En 1215, les prudhommes de la ville de Cognac reçoivent de Jean-sans-Terre, la concession d’une commune. Mais la vie municipale restera presque toujours languissante, les élus semblant peu motivés pour défendre les privilèges obtenus à l’origine.

Source : Les établissements de Rouen : études sur l’histoire des institutions municipales de Rouen, Falaise, Pont-Audemer, Verneuil, La Rochelle, Saintes, Oleron, Bayonne, Tours, Niort, Cognac, Saint-Jean d’Angély, Angoulême, Poitiers, etc..... - A. Giry - Paris - 1883-1885 - BNF Gallica

Nota : Plusieurs pièces justificatives de cet article sont disponibles sur Histoire Passion.

Cognac : La porte du vieux pont (qui a disparu)
Dessin : J-C. Chambrelent

Cognac. — Parmi les villes dont l’organisation dérive des Etablissements, Cognac est probablement celle où la vie municipale a été la plus languissante. Quoique des textes formels témoignent que le régime de Niort et de Saint-Jean d’Angély lui fut attribué, quoique l’influence qu’ont exercée les Etablissements sur les formes de son administration ne puisse être méconnue, il semble qu’on se soit contenté d’emprunter à cette constitution quelques-uns de ses rouages sans en faire jamais le statut communal. Cette municipalité incomplète est de plus restée si précaire pendant les longs siècles qu’elle a duré, que l’historien qui retrace les vicissitudes si connues et si nombreuses de cette ville, se prend à chaque instant à douter de la persistance d’un régime, qui survécut cependant à sa fondation, puisqu’on ne cesse, depuis le début du XIIIe siècle jusqu’à la fin du XVIIIe, d’en rencontrer ça et là quelques manifestations. Cette obscurité des institutions communales a même été si profonde, elles ont eu sur les destinées de la ville si peu d’influence, ont tenu si peu de place, qu’un érudit estimable, qui a fait une recherche consciencieuse de tous les documents relatifs à Cognac avant d’en devenir l’historien, a pu croire que ses premières franchises lui avaient été concédées par Gui de Lusignan, en 1262, que la commune ne remontait qu’à la concession qui en fut faite par le connétable Charles d’Espagne, en 1352, et que c’était Louise de Savoie qui, en 1507, avait doté Cognac du corps de ville et de l’organisation municipale qu’elle a conservés jusqu’en 1700 [1].

L’admirable situation de Cognac, au centre d’un pays dont les vignes furent de tout temps renommées, au bord de la Charente qui lui créait des relations à la fois avec la mer et avec le haut pays, semblait présager à son commerce, et partant à ses institutions municipales, un plus grand développement que celui qu’ils ont reçu au moyen âge. Les nombreuses mentions du port Saunier (portus Salneriï), dont le nom s’est perpétué jusqu’à nos jours, et que l’on rencontre à partir du XIe siècle, témoignent que dès le haut moyen âge le commerce : du sel en avait fait un de ses entrepôts, et son importance devait être alors considérable, car les seigneurs ne cessaient de faire, de rentes à prendre sur le port Saunier, l’objet de libéralités envers les abbayes [2].

La formation de la ville du moyen âge est due à deux établissements : le château et le prieuré de Saint-Léger. Le château est le plus ancien ; on n’en sait pas l’origine et l’on rencontre la première mention de ses seigneurs précisément à l’occasion de la fondation du prieuré qui eut lieu en 1031 [3] Avec l’emplacement de l’église et du cimetière, les seigneurs de Cognac concédèrent aux moines, des prairies pour l’élevage du bétail, des pêcheries, des dîmes sur les moulins, et de plus un four et un bourg, c’est-à-dire, sans doute, un terrain ceint de murailles renfermant l’emplacement du monastère, le tout en pleine propriété [4]. Ce fut l’origine du bourg Saint-Léger que nous voyons déjà désigné sous ce nom dès les premières années du XIIe siècle, dans une donation par laquelle un seigneur de Cognac l’agrandit de quelques maisons [5]. Pendant tout le moyen âge ce bourg demeura sous la juridiction du prieuré ; ce fut une partie importante de la ville qui resta ainsi, sous l’administration des officiers du couvent, totalement étrangère à la commune [6].

Le château et le groupe d’habitations qui en dépendait restèrent pendant plus d’un siècle en possession des descendants des fondateurs de l’abbaye. On a conservé le souvenir des guerres privées auxquelles ils prirent part, soit comme alliés, soit comme adversaires des comtes de Poitou et des comtes d’Angoulême [7]. D’après une curieuse notice sur les vicissitudes de la seigneurie de Cognac, que l’on trouve dans les comptes d’Alfonse de Poitiers, et qui a été probablement rédigée vers 1247 [8], ce serait entre 1152 et 1154 que l’hommage du château aurait été transporté du comte d’Angoulême au comte de Poitiers, qui devait devenir roi d’Angleterre. Richard Cœur-de-Lion aurait ensuite donné la seigneurie, avec la main de la fille du dernier seigneur, à un de ses bâtards nommé Philippe ; celui-ci étant mort sans enfants, le sénéchal de Poitou, Robert de Torniant, aurait reçu le château en garde et l’aurait conservé jusqu’en 1204, époque où il aurait chargé Renaud de Pons et Pons de Mirebeau de le défendre contre Hugues de Lusignan. Renaud de Pons l’aurait alors gardé assez longtemps, se prévalant de prétendus liens de parenté avec la descendante des anciens seigneurs, mariée au bâtard de Richard Cœur-de-Lion. Bos de Matha, avec l’appui du comte d’Eu, l’aurait enlevé à Renaud de Pons, puis, Hubert de Burgh, sénéchal de Poitou, l’aurait ensuite racheté à prix d’argent et tenu en garde pour le roi d’Angleterre.

D’après les conventions du 25 mai 1214 [9], le château de Cognac devait faire partie de la dot de Jeanne, fiancée à Hugues de Lusignan ; toutefois il ne fut pas livré de suite au comte de la Marche, ainsi qu’on a coutume de le dire, car l’année suivante, le 4 juillet 1215, le roi Jean concéda à la ville de Cognac une commune, sur le modèle de celles de Niort et de Saint-Jean d’Angély [10]. Un mois plus tard, Jean donna le château en garde au sénéchal d’Angoulême et décida qu’il ferait de nouveau partie de ce comté [11]. Après la mort de Jean Sans-Terre, la reine Isabelle se fit livrer par le sénéchal son comté et la ville de Cognac, dont les habitants lui demandaient de les défendre contre les attaques de Renaud de Pons, qui n’avait pas abandonné ses prétentions [12]. Lorsqu’elle se fut remariée au comte de la Marche, ce fut vainement qu’Henri III réclama Cognac [13], le comte Hugues, dans toutes ses évolutions, réussit à ne jamais s’en dessaisir. Henri III se décida à lui en donner l’investiture lors de la révolte des barons français contre Blanche de Castillle [14]. En 1227, par le traité de Vendôme, en 1230, par celui de Cliçon, Hugues, en fit hommage au roi de France [15]. Il conserva encore cette ville à charge d’hommage lige après sa dernière révolte contre le roi de France [16]. Par son testament, daté de mars 1242-1243, il en laissait la seigneurie à son second fils Gui [17], dont nous possédons l’hommage au comte Alfonse, d’août 1248 ; le château était tenu en fief lige et rendable à réquisition [18].

Qu’était cependant devenue la commune que Jean- Sans-Terre avait concédée la dernière année de son règne ? Nous n’avons sur ce point aucun renseignement. Lorsqu’après la mort du roi Jean, sa veuve vint se faire livrer le château de Cognac, les habitants l’auraient accueillie, persuadés qu’elle en prenait possession au nom du roi son fils, et comme dépendance du comté de Poitiers. Tel est, du moins, le dire des juristes du comte Alfonse [19]. En 1220, le Conseil (concilium) de Cognac aurait envoyé un messager au maire de La Rochelle pour protester de sa fidélité au roi d’Angleterre et témoigner de sa disposition à recevoir comme seigneur Renaud de Pons, avec lequel il avait eu des pourparlers. Le maire de La Rochelle, qui transmet ces renseignements à Henri III, l’invite à notifier par lettres patentes au Conseil de Cognac, l’ordre de livrer le château à Renaud de Pons [20] Tels sont les seuls indices qu’on rencontre de l’intervention des habitants dans les affaires de la ville et de l’existence d’une municipalité jusqu’au milieu du XIII° siècle. Le commerce de la ville, celui du sel tout au moins, devait être resté florissant, car Guy de Lusignan pouvait encore, en 1243, disposer de cent livres de rente annuelle sur les revenus du port Saunier, grevés déjà de nombreuses autres rentes.

Guy de Lusignan, pendant son administration, voulut établir à Cognac un Estanc sur le vin et sur le blé ; on sait qu’il faut entendre par là un droit d’après lequel il n’était pas permis, pendant un certain temps, à d’autres qu’au seigneur de mettre en vente les denrées soumises à ce ban. Les habitants lui adressèrent des réclamations, et, après enquête, il fut reconnu, en mai 1262, qu’en effet ils étaient affranchis de cette charge [21] Voir ce document sur Histoire Passion. En même temps qu’il confirma cette franchise, le seigneur de Cognac, sur les plaintes des habitants, décida qu’à l’avenir, le bailli ni le prévôt de la ville ne devraient plus faire arrêter ni mettre en prison préventive aucun des habitants, sauf dans les quatre cas réservés, entraînant peine de mort ou mutilation, Toute personne arrêtée, lorsque deux ou trois personnes affirmaient qu’elle pouvait se justifier [22], devait être admise à le faire immédiatement devant les représentants du seigneur, et dans le cas contraire, devait être mise en liberté sous caution (art. 2). Sur les réclamations des habitants, le seigneur leur accorda, encore le droit de ne pouvoir être cités en justice ailleurs que dans la ville [23], privilège dont ils prétendaient avoir joui anciennement ; des réserves furent faites : cependant pour les citations devant le seigneur en personne, ou pour le cas d’ordres exprès émanés de lui (art. 3). Enfin, Guy de Lusignan octroya encore « au prodome » de la ville le droit de faire percevoir par deux « prode hommes » élus par eux « la mautoste de Cognac » qui avait été établie « au profit de la ville » et le pouvoir de supprimer, de modifier et de rétablir cet impôt selon les circonstances. Le prévôt devait être invité a assister, à la reddition des comptes municipaux, mais son absence, lorsqu’il avait été duement convoqué, ne devait pas empêcher les prudhommes de délibérer sur le budget de la ville (art. 4).

Après avoir lu cette concession de privilèges faite aux habitants de Cognac par leur seigneur, on peut se demander si la mairie établie en 1215 subsistait encore. On pourrait croire en effet que toute la vie municipale était alors représentée par cette réunion de notables qui fixaient le budget annuel et nommaient deux receveurs de la, maltôte. Cette charte prouve, dans tous les cas, que la municipalité avait perdu toute influence et toute autorité, puisqu’elle restitue aux habitants des droits et des privilèges dont le souvenir seul s’était conservé ; ce n’est pas même le corps de ville qui est auprès du seigneur l’interprète des réclamations de la ville, ce sont les habitants : « li chevalier [24], li vaslet, li clerc et li borgeis et l’autre prode gent » de Cognac qui se sont adressés au seigneur et auxquels on rend leurs anciennes franchises. Tout concourrait donc à prouver que la commune et ses institutions avaient disparu après la mort de Jean Sans-Terre, si le sceau de la ville ne venait au contraire témoigner de la persistance de la commune. M. Audiat l’a publié d’après la matrice de cuivre qu’il possède et qui date certainement des dernières années du XIII° siècle ; il représente un cavalier porteur d’une masse d’armes et chevauchant à droite sur un champ semé de grappes de raisins ; il porte en légende : S’MAIORIS ET COMMVNIE DE COMPNIACO [25]

Guy de Lusignan mourut en 1288 et sa seigneurie de Cognac, malgré l’opposition d’Amaury de Monfort ;, passa à Hugues XIII, comte de la Marche [26]. Après la mort de ce dernier, et malgré ses dispositions testamentaires, le roi Philippe le Bel ne tarda pas à mettre la main sur les comtés de la Marche et d’Angoulême ; avec ce comté Cognac fut réunie à la couronne en 1308 ; avec lui encore elle en fut séparée dix ans plus tard, lorsque Charles IV le Bel le donna à sa nièce Jeanne de Navarre, mariée au comte d’Evreux [27]. Nous ignorons absolument ce que devint la commune depuis l’époque où Guy de Lusignan lui avait concédé quelques privilèges, bien que nous ayons conservé les actes par lesquels les seigneurs successifs de Cognac confirmèrent les privilèges au prieuré de Saint-Léger [28], nous ne savons même pas si la charte de 1262 fut de leur part l’objet d’une confirmation.

Il faut descendre jusqu’au règne de Jean le Bon pour rencontrer un document se rapportant à la ville. Au mois de novembre 1350, le roi de France confirma les privilèges concédés à Cognac par Guy de Lusignan [29]. En janvier 1352, il donna le comté d’Angoulême au connétable Charles d’Espagne [30], et celui-ci concéda à Cognac les privilèges qu’on a coutume de désigner sous le nom de Charte de la commune de Cognac [31] Voir ce document sur Histoire Passion (publ. Marvaud).

Ce document, que l’on peut diviser en douze articles, débute en effet par l’octroi aux habitants de privilèges, de franchises et d’une commune jurée, mais on a vu que depuis longtemps Cognac pouvait revendiquer ce titre de commune. Le nouveau comte déclara attribuer à la commune, un lieu de réunion, autrement dit échevinage, une bourse commune, et une cloche pour faire les convocations. Les réunions, qui semblent avoir été des assemblées générales des habitants, devaient se faire en présence du sénéchal ou de son lieutenant ; elles ne pouvaient avoir lieu en leur absence qu’en cas d’urgence [32] et le maire devait aussitôt que possible rendre compte au sénéchal de ce qui y avait été fait (art. 2).

Le maire devait être annuel ; pour le nommer, les habitants (illi de communitate) dressaient une liste de quatre noms ; parmi lesquels le sénéchal, de l’avis des trois autres, choisissait le plus capable (art. 3).

La commune devait avoir juridiction sur ses membres dans tous les cas où l’amende à infliger ne dépassait pas soixante sous et un denier. Les amendes de cette importance se partageaient entre la commune et le suzerain, celles qui étaient inférieures à ce chiffre étaient perçues tout entières au profit de la commune (art. 4). Là s’arrêtait la compétence de la commune ; la juridiction supérieure était exercée par le sénéchal. D’un commun accord, le maire et le sénéchal pouvaient modérer les amendes de soixante sous (art. 5 et 6).

Le maire avait le droit d’établir sur ses .administrés des impôts et tailles, dont le produit était applicable à la défense de la ville et du pays, à la réparation des ponts et murailles et aux autres besoins de la ville (art. 7). Il ne pouvait rien dépenser de ces revenus que pour l’utilité publique et en devait rendre compte chaque année, au sénéchal, au receveur du suzerain ou à leur représentant (art. 8).

Sous peine de perdre le droit de commune, le maire et la commune ne devaient d’aucune façon soutenir ni encourager qui que ce soit des habitants qui plaiderait ou aurait quelque différend avec le suzerain (art. 9).

Le maire, les conseillers et les échevins étaient tenus à un serment annuel que devait leur faire prêter le sénéchal (art. 9). Sous le bon plaisir du roi, il leur était interdit de s’adjoindre un procureur du roi pour défendre les droits de la commune (art, 11).

Enfin, le maire devait, comme à Niort, faire hommage lige et prêter serment de fidélité entre les mains du seigneur, de son sénéchal ou de son lieutenant ; mais, à Cognac, cet hommage devait être annuel et accompagné de la donation d’un anneau d’or du poids de deux florins de Florence (art. 12).

Pour qui examine ce document avec attention, il est évident que s’il témoigne de la décadence dans laquelle devaient se trouver auparavant les institutions municipales, il ne crée pas cependant un état de chose complètement nouveau. Le maire, les conseillers et les échevins, dont il y est question, existaient certainement avant cette concession. Le mode de nomination du maire est certainement dérivé de celui que prescrivent les Etablissements ; il ne semble pas non plus que ce soit la charte de Charles d’Espagne qui lui ait attribué une juridiction. Il est à remarquer encore que, tandis que dès le premier article le nouveau seigneur déclare octroyer aux habitants une commune jurée (communitatem juratam), c’est cependant le mot communitas qui est employé dans tous les articles ; notons enfin qu’il n’y est fait aucune distinction entre les bourgeois et les habitants ; tous sont désignés par les mots habitatores ou illi de communitate. Encore une fois, cet acte montre que si le corps de ville avait perdu toute influence, il subsistait cependant encore.

Charles d’Espagne vint à Cognac le 10 juin 1352, recevoir du maire l’hommage lige et l’anneau d’or que stipulait la charte qu’il avait octroyée à la ville [33]. Nous ignorons si cette cérémonie fut jamais renouvelée ; le connétable ne devait pas rester longtemps comte d’Angoulême, le 8. janvier 1354 il était assassiné par ordre de Charles le Mauvais.

Selon Marvaud, le roi Jean, en rattachant au domaine le comté d’Angoulême, aurait confirmé les privilèges de Cognac ; nous n’avons pu retrouver la trace de cette confirmation. Peu de temps après, dans tous les cas, l’Angoumois et la Saintonge étaient conquis par les Anglais. Cognac avec sa .seigneurie furent concédés par le prince de Galles au captai de Buch [34]. Cognac devait rester vingt années sous la suzeraineté de l’Angleterre ; pendant toute cette période nous n’avons aucun indice qu’elle ait conservé ou perdu son administration municipale. L’inventaire des archives de la ville, rédigé en 1755, indique bien une confirmation des privilèges de la ville par le prince de Galles, mais la mention de ce titre, aujourd’hui perdu, est trop vague pour qu’il soit permis d’en tirer la moindre conjecture. Ce fut le duc de Berry qui reconquit Cognac, le 13 juin 1375.

Cette ville, comme la plupart de celles qui revenaient alors à la France, était en ruine, dépeuplée, n’ayant plus ni industrie, ni commerce, ni espoir de les voir renaître de longtemps au milieu d’un pays dévasté, dont les nombreux châteaux, la plupart à demi détruits, étaient devenus autant de repaires de pillards. Il est à croire qu’il n’y avait plus alors à Cognac ni vie municipale, ni corps de ville, car le seul privilège qui fut sollicité par les habitants, quelque temps après la conquête, fut celui de nommer quatre jurés pour imposer les vins vendus au détail dans la ville et appliquer le produit de cet impôt aux dépenses communes. Charles VI confirma cet usage le 29 août 1382, en y ajoutant l’octroi de jouir « des privilèges et libertés dont par le temps passé ils ont usé et joy, » sans les spécifier davantage [35] Voir ce document sur Histoire Passion.

Profita-t-on de cette clause pour renouer les anciennes traditions, revenir aux anciens usages que le malheur des temps avait fait tomber en désuétude et restaurer une administration municipale ? On a peine à le croire et les documents ne donnent sur ce point aucune lumière.

Le comté d’Angoulême, rendu au roi par le duc de Berry auquel il avait été concédé, fut donné par Charles VI, le 6 octobre 1394, en accroissement d’apanage, à son frère Louis d’Orléans [36]. Cette concession fut le point de départ du retour à Cognac d’une ère de prospérité. En effet, après l’assassinat du duc d’Orléans, le comté échut à Jean son troisième fils, qui fit de Cognac sa résidence habituelle à partir de 1453 ; son fils Charles lui succéda, en 1467, et résida fréquemment aussi à Cognac, ainsi que sa femme Louise de Savoie qui y donna le jour à François Ier.

Mais on ne prévoyait point encore, en 1394, les brillantes destinées de la ville. On était alors à l’époque la plus sombre et la plus triste qui fut peut-être jamais ; le roi fou, la France envahie, tous les lieux forts occupés par des garnisons entre lesquelles on distinguait à peine les alliés des ennemis ! Loin de se relever de la décadence, Cognac, comme les autres villes de la région, achevait de périr. De franchises et de privilèges, il n’en pouvait plus être question ; une seule préoccupation restait aux habitants, se procurer quelque sécurité, acheter des partis en lutte la promesse d’être épargnés. Nous avons la relation des troubles qui précédèrent l’un de ces traités avec les Anglais [37]. Ce fut non pas une véritable trahison, comme on l’a dit, mais une de ces conventions, un de ces appatissements (paticium) — c’est l’expression qu’on trouve clans l’acte même - par lequel les villes essayaient d’obtenir à prix d’argent, des partis de routiers qui les menaçaient, quelque trêve qui leur épargnât le pillage et la mise à sac. Outre ce récit, quelques actes autorisant les habitants à percevoir certains impôts pour entretenir et réparer leurs murailles, seule dépense urgente, indispensable, si l’on ne voulait pas périr pendant ces temps troublés, sont les seuls documents sur Cognac qui nous soient parvenus pour toute la longue période qui s’étend de 1382 à la fin de la guerre anglaise. Dans tout cela, presque aucune trace d’une administration municipale gouvernant la ville. Ceux qui traitent, en 1416, avec un parti anglais sont deux bouchers, qualifiés jurati seu gubematores dicte ville ; quant aux autorisations de lever des aides, elles sont données, « aux bourgeois, manans et habitants. »

Le duc d’Orléans, auquel le comté d’Angoulême avait été donné en 1394, n’eut pas le temps de s’occuper jamais de cette partie de son apanage ; son fils Jean, auquel elle échut en 1407, captif pendant trente-deux ans en Angleterre, n’y revint qu’à la paix. Ce fut Cognac qu’il choisit pour résidence ; il aménagea alors le château, répara lés ruines que la guerre avait faites dans son comté, rétablit la sécurité. A sa mort, en 1467, son fils n’était âgé que de huit ans ; sa mère pourvut à l’administration de ses domaines, acquit de nouvelles seigneuries, rétablit peu à peu la fortune de la famille qu’avait fort compromise le paiement ds. la rançon du comte Jean. Bref, quand son fils Charles épousa, en 1488, la fille du duc de Savoie, la splendeur de la maison était assurée. Le vieux château s’agrandit de constructions nouvelles, et devint bientôt le siège d’une cour brillante qui fit de Cognac, pendant cette période, l’un des centres de la Renaissance française. La mort du comte, survenue le 1er janvier 1496, alors que son fils, qui devait être plus tard François 1er, n’avait pas encore deux ans, laissa l’administration de son apanage entre les mains de sa veuve âgée de vingt ans. Louise de Savoie continua à résider à Cognac, au milieu de la cour dont elle avait été l’âme, et à y attirer, avec les, nombreux vassaux de ses domaines qu’elle augmentait sans cesse, les beaux esprits du temps dont elle aimait à s’entourer.

Sous ce nouveau régime, la ville de. Cognac n’avait pas tardé à retrouver une prospérité qu’elle ne connaissait plus depuis longtemps ; attirée par le château, une nouvelle et nombreuse population s’y était établie ; mais vainement encore chercherait-on pendant cette période quelque trace d’organisation municipale. L’administration de la seigneurie et celle de la ville se confondaient sans doute, comme il arrivait dans plusieurs autres résidences princières, et cela était d’autant plus naturel à Cognac, que la ville devait à la présence de la cour toute sa prospérité, que la population entière lui était attachée par des liens de toute nature, que la plupart des habitants vivaient, en quelque sorte, du château. La mairie cependant avait survécu : le 28 janvier 1491-1492, Héliot Pipon, « maire et juré de la ville de Coingnac, » préside dans le cloître du prieuré de Saint-Léger une assemblée de quatorze personnes, « manans et habitans de ladite ville, » qui choisit deux jurés pour recevoir, pendant huit ans, du receveur des tailles d’Angoumois, une somme annuelle de deux cents livres tournois, que les élus des aides étaient chargés de lever dans toute l’élection de Cognac, et que les deux jurés nommés par leurs concitoyens devaient employer à réparer les ponts de la Charente et les fortifications.de la ville. Nous avons conservé en partie les comptes de leur administration ; il ne s’y manifeste jamais l’intervention d’une municipalité quelconque [38]. Toutefois, en 1493, en 1498, en 1500, en 1502, on trouve encore mention de maires qui président des assemblées analogues [39].

Cependant, le 24 février 1504-1505, les administrateurs du diocèse de Saintes, le siège vacant, déclarent qu’ils ont été saisis d’une requête formée par le maire, le sous-maire, et deux autres personnes qualifiées bourgeois, échevins et habitants de Cognac, tendant à se faire autoriser à rétablir une chapellenie fondée en 1403 dans l’église de Saint-Léger, et acquiescent à cette demande qui a été faite par le maire et la communauté (major et communitas dicti oppidi Compiniaci). Le 3 avril 1507-1508, une assemblée composée du maire, du sous-maire, du receveur et de dix-neuf autres personnes, qualifiées bourgeois, échevins et habitants, réunie, non plus comme les assemblées dont nous avons parlé dans le cloître du prieuré, mais dans la maison du conseil (ad consilium congregati in loco sive domo consilii dicte ville assueto) confirme la concession de ce bénéfice à un prêtre du nom de Luc Belin, déjà pourvu, le 26 avril 1506, par le maire et les échevins en exercice pendant cette année, autoritate sue majoritatis et de consensu dictorum scabinorurn in consilio existentium. L’acte, fait in concionabulo predicte ville, était scellé du sceau de la ville et signé par son rédacteur, de jussione dictorum dominorum majoris et scabinorurn dicti opidi et de mandato prefati domini majoris et consensu dictorum scabinorum [40].

C’est, comme on voit, toute une résurrection du corps de ville. Comment peut-on en rendre compte ? Le privilège concédé quelques jours plus tard par Louise de Savoie va nous expliquer que, si de longues interruptions s’étaient produites dans l’exercice des droits de la ville, le souvenir de ses privilèges et de son ancienne organisation ne s’était cependant jamais complètement perdu.

Au moment où nous voyons le corps de ville ainsi reconstitué , les « maire, bourgeois, manans et habitants » de Cognac faisaient représenter à leur suzeraine que, longtemps auparavant, les seigneurs de Cognac leur avaient concédé « plusieurs beaulx et grans droiz et previlleges et entre aultres, faculté, permission et puissance de eulx assembler et congreger en corps et collège de ladite ville, toutefois et quantes qu’il en seroit requis, et eslire et avoir vingt-quatre personnaiges dudit corps d’icelle ville, dont les douze auroient tittre d’eschevins et les aultres douze de conseillers, lesqueulx vingt-quatre, avecque leur maire, seroient et représenteroient le tout de la communité de ladite ville et ordonneroient des affaires d’icelle tout ainsi et par la forme et manière que tout le peuple, manans et habitans d’icelle, deuhement congregez et amassez, faire le pourroient, et que, en vertu desdits octroys permissions et facultez, ils ont par très longtemps conduit et gouverné le corps de ladite ville par ledit nombre de xxiiij parsonnaiges avecques ledit maire, et jusques au temps des guerres qui ont eu cours par tout le pays de Guyenne, au moyen de quoy les dicts habitans ont esté par bien longtemps en si petit nombre, captivité et servaige qu’ils n’ont fait aulcune eslection desdicts vingt-quatre parsonnaiges, mais se sont tous assemblez avecques ledit maire qu’ilz eslizent par ohascun an, quant les cas sont requis, a traicter, décider, ordonner les négoces et affaires de ladicte ville. »

Louise de Savoie accueillit favorablement la demande des habitants de la ville de Cognac, elle décida qu’un corps de ville, composé d’un maire, de douze échevins et de douze conseillers, serait constitué, qu’elle nommerait d’abord ce corps de ville, puis qu’à chaque vacance dans le collège des échevins, le corps des vingt-quatre désignerait un des conseillers pour être promu échevin, et qu’à chaque vacance dans le collège des conseillers, le corps des vingt-quatre y pourvoirait par élection [41] Voir ce document sur Histoire Passion. Le maire, qui pourrait ne pas faire partie du corps de ville, serait annuel et nommé par le seigneur sur une liste de trois candidats formée par le corps de ville, chaque année, le 26 décembre. La municipalité, ainsi constituée, devait « decider et ordonner de tous et chacuns les affaires et negoces de ladite ville, tout ainsi et par la forme et manière que tous lesdiz habitans avecques leur dit maire eussent fait et peu faire devant l’octroy et concession de ces dites présentes. » Le juge, le procureur .et le receveur du seigneur de Cognac, qu’ils fissent ou non partie du corps de ville, devaient assister à toutes ses réunions. Toutes les délibérations relatives aux finances, et à l’emploi des revenus de la ville aux fortifications, devaient avoir lieu en présence du capitaine de la ville ou de son lieutenant [42]. Le jour même où elle rendit cette ordonnance, le 16 avril 1507-1508, Louise de Savoie nomma les douze échevins et les douze conseillers [43].

Sauf le corps des cent-pairs, c’est bien là, dans ses formes essentielles, l’organisation déterminée par les Etablissements, mais les pouvoirs et les attributions des magistrats y sont aussi réduits que possible. Sans juridiction ni autorité, n’émanant pas même de l’élection populaire, le corps de ville institué en 1507 n’était guère bon qu’à représenter, dans le cortège de Louise de Savoie, l’aristocratie bourgeoise de sa bonne ville.

François 1er, peu après son avènement, confirma, par lettres patentes en date de février 1514-1515, les décisions de sa mère, mais il y ajouta deux dispositions importantes. Tout d’abord, il octroya aux habitants « liberté, exemption et franchises, de toutes tailles et impositions, emprunts et subsides extraordinaires qui sont ou pourroient estre mis sus, imposez et levez sur les habitants et subjectz du royaume » ; de plus, il concéda au corps de ville « juridiction moyenne et basse sur leurs jurez presens et advenir. » Cette juridiction devait être exercée par un « juge de la mayrie de Cognac, » élu chaque année par le maire et les vingt-quatre conseillers et échevins [44].

L’administration de Cognac, ainsi organisée, dura jusqu’à la fin du XVIIe siècle. Ses privilèges furent confirmés, successivement, par Henri II, en novembre 1547 [45] par François II, en novembre 1559 [46], par Henri III en novembre 1576 [47], par Henri IV, en septembre 1592 [48] et par Louis XIII, le 22 janvier 1611 [49].

Mais la ville ne devait plus retrouver les beaux jours qu’elle avait eus au temps de la cour des Valois-Angoulême : Dès le milieu du XVIe siècle, c’en était fait de sa prospérité ; les troubles, les guerres, les épidémies, la disette et la misère allaient être de nouveau son partage. Au début du règne de Henri II, les vexations auxquelles donnait lieu l’impôt de la gabelle provoquèrent une grande émeute dont Cognac fut le centre. Six mille hommes en armes parcoururent les villes et villages riverains de la Charente, poursuivirent les agents royaux et en massacrèrent plusieurs. La répression implacable du connétable de Montmorency contribua à ruiner le pays. Puis, vinrent les guerres religieuses. Prise par les protestants en 1562, reprise par les catholiques en 1565, et de nouveau par les protestants, à la tête desquels était le prince de Condé, en 1568, Cognac vit se livrer presque sous ses murs le combat du 19 mars 1569 où Condé trouva la mort, et, après la paix de Saint-Germain, devint l’une des places de sûreté assignées aux protestants. Nous ne suivrons pas les vicissitudes de la ville pendant les guerres de la Ligue, qui continuèrent à l’appauvrir et à la dépeupler. En janvier 1598, l’édit qui supprimait tous les privilèges d’exemptions de tailles et d’impôts, dont les rois avaient tant abusé, vint encore, au moment même de la paix, lui imposer des charges nouvelles. Elle ne cessa dès lors de redemander ses anciens privilèges d’exemptions. En 1611, un arrêt du Conseil d’État fit droit à ses réclamations, moyennant un « abonnissement » de 600 livres par an [50]. Mais, en dépit de cette décision, reproduite dans les lettres patentes de Louis XIII confirmant les privilèges, les sommes demandées à la ville par les trésoriers généraux furent toujours beaucoup plus considérables ; les frais seuls de perception et de répartition augmentaient ces 600 livres de 15 % ; en 1615, on ne demandait pas moins de 1500 livres et la ville ne comptait plus alors que deux cents feux ! En vain adressa-t-elle au roi requêtes sur requêtes, en vain de nouveaux arrêts vinrent-ils confirmer celui de 1611 [51], en dépit de ses privilèges d’exemptions, elle n’en fut pas moins, pendant tout le XVIIe siècle, surchargée d’impôts.

La municipalité continuait à subsister néanmoins et lés procès-verbaux des assemblés ou mézées [52] qui nous ont été conservés de 1627 à 1632, rendent compte de son fonctionnement. Marvaud en a donné dans son ouvrage une analyse minutieuse ; ils sont pleins d’intérêt, même pour l’histoire générale. En ce qui touche la ville, ils montrent à quel degré d’abaissement profond était tombé à cette époque le régime municipal. Le corps de ville n’est plus guère alors qu’un instrument de fiscalité entre les mains du gouverneur de la province et du capitaine du château. Son rôle consiste à faire face à leurs demandes, aides, subsides, réquisitions, garnisons, dont la ville est accablée ; il essaye bien de défendre la ville contre les gens du roi, envoie sans cesse des députés à Angoulême, à Limoges, aux Parlements de Paris et de Bordeaux, solliciter quelque remise, obtenir quelques faveurs, mais les demandes redoublent et il faut toujours finir par s’exécuter. Les finances sont obérées à tel point que, pour se procurer quelque argent, il faut sans cesse avoir recours aux emprunts et que le receveur est toujours obligé de faire des avances. Et cependant la population diminue, les émeutes populaires sont fréquentes ; en 1631, on tire des coups d’arquebuses et de pistolets contre les fenêtres des trésoriers généraux, venus à Cognac pour la vérification du domaine ; les épidémies sévissent et la misère est au comble. Le « tous les jours » de l’histoire de la ville pendant cinq ans, tel que le montrent les registres de mézées, est profondément attristant. On y sent que les magistrats sont pris du dégoût de leurs fonctions ; leurs séances sont désertes, on envoie des archers chercher à domicile les membres du corps de ville ; souvent on ne.renouvelle pas le maire ; pour procéder aux élections, il faut, en dépit des privilèges, avoir la permission des officiers du roi ; à la fin, on nomme maire le lieutenant civil. En 1632, impuissants et fatigués, les magistrats veulent se démettre, laisser aux gens du roi l’administration de la ville ; on les contraint à garder leurs charges, et à continuer de répondre aux demandes incessantes d’argent, de subvenir aux nombreuses dépenses qu’on leur impose. En somme, cette ville privilégiée se trouve alors dans la pire des conditions et on peut lui appliquer la formule du servage, elle est taillable et corvéable à merci.

Un trait, déjà raconté par Marvaud, peut servir, entre beaucoup d’autres, à donner quelque idée de l’abaissement profond dans lequel se trouvait alors le corps de ville. En 1627, le gouverneur du château, le comte de Parabère, devant s’absenter quelque temps, signifie au maire d’avoir à venir chaque jour demander le mot d’ordre au château, à sa femme. Sur l’objection qui lui est faite, qu’en l’absence du gouverneur, c’est au maire qu’échoit la garde de la ville, le comte de Parabère s’emporte, menace le maire de le mettre au cachot, de « luy bailler de l’espée en le ventre, » de le faire « pougnarder » , puis, le bousculant, lui enjoint de quitter la ville, déclare le suspendre de ses : fonctions et le remplacer par le sous-maire. En vain, les échevins se réunissent et envoient des délégués solliciter le gouverneur pour leur maire, il maintient sa décision, et, sur ce, le corps de ville décide que le maire ainsi expulsé ira porter ses plaintes au roi. Quelle que soit la décision intervenue, le fait qu’un gouverneur ait pu traiter ainsi le premier magistrat d’une ville, rester ensuite en fonction et continuer ses relations avec la municipalité, est assez significatif.

Le règne de Louis XIV fut encore plus funeste à Cognac que le gouvernement de Richelieu. Assiégée, en 1651, par l’armée de la Fronde, Cognac put, derrière ses vieilles murailles réparées à la hâte, lui résister victorieusement. Pour récompenser la fidélité de la ville, on annoblit le maire, à commencer par celui qui était en charge, on déclara qu’à l’avenir le corps de ville choisirait directement le maire sans être assujetti à la présentation de trois candidats, on exempta les habitants de tailles et impositions pendant vingt années et on établit quatre foires par an avec les mêmes privilèges que celles de Niort et de Fontenay [53]. Mais malgré cette concession formelle, le roi, dès Tannée suivante, fit exclure le sieur Combisault de la charge de maire [54], et, deux ans après, décida qu’on reviendrait à l’ancienne forme, et que le roi ou le gouverneur de la ville nommerait le maire sur la liste de trois candidats qui lui serait soumise [55].

Les privilèges concédés à Cognac, les foires qui auraient pu y ramener quelque activité commerciale, ne devaient guère lui profiter. La révocation de l’édit de Nantes acheva sa ruine : industriels et commerçants y étaient protestants ; la Saintonge, d’après Marvaud, perdit alors le tiers de ses cultivateurs. Le corps de ville continua à végéter jusqu’à la fin du siècle ; en 1692, la mairie, érigée en office, fut acquise par un personnage qui, huit ans plus tard, acquit aussi l’office de lieutenant général de police. À cette époque, le même arrêt qui réduisait le corps de ville de Saintes, fixa à quatre échevins le nombre des membres du corps de. ville de Cognac, faisant ainsi disparaître le dernier vestige de l’organisation municipale dérivée des Etablissements [56].


[1Marvaud, Etudes historiques sur la ville de Cognac, Niort, 1870, 2 vol. in-8°.

[2Les plus anciennes mentions sont du milieu du XIe siècle, (Papiers de dom Estiennot, Bibl. nat., ms. lat. 12744, p. 412.)

[3L’acte de fondation est daté de l’année de l’Incarnation 1041, mais Dom Estiennot, qui a copié ce document, donne de bonnes raisons pour reculer cette date de dix ans. (Ibid., p. 408.)

[4« Fecerunt autem donationem Deo et sancto Leodegario... ut iisdem fevus postmodum ecclesiae allodus perpetuo jure foret, Dederunt autem... clibanum et burgum et omnem vicariam cunctasque consuetudines dimiserunt, ita ut nullus hominum servire cogatur nec pecora aut jumenta eorum nisi solummodo monachis servire debent. »

[5Dom Estiennot, Extraits du cartulaire de Saint-Léger, ibid., p. 412.

[6Voici en quels termes, le 11 février 1282-1283, Gui de Lusignan confirmait les droits du prieuré : « Item, volumus et concedïmus quod possitis, infra burgum ville Compniaci, per servientes vestros, homines vestros citare, atermare coram judicibus vestris et gatgiare, ostia claudere et portare, pignora capere, per servientes judicum vestrorum, execucioni mandare et pallones sive brandones ponere in rebus et juribus pertinentibus ad dictum prioratum, hoc tamen excepto alto nostro dominio. » (Marvaud, ouvr. cit., Pièces just., V.) — Ces privilèges furent encore confirmés, le 27 décembre 1290, par Hugues XIII, .comte de la Marche. (Ibid., .Pièces justif., XII.) - En 1333, une sentence du sénéchal d’Angoulême reconnut ces droits au prieuré (Ibid., t. I, p. 135, n. 2) et, en 1345, le sénéchal d’Angleterre manda au prévôt de Cognac d’en respecter les privilèges. (Ibid., p. 137.) - Ils furent encore confirmés par Charles d’Orléans en 1419. (Arch. nat., P 1404, n° 253.)

[7Historia pontif. et comit. Engolism. dans Labbe. Bibl. nova, t. II, p. 257, 258, 261.

[8Publ. par M. Bardonnet dans Archives historiques du Poitou, t. IV, p. 21. Cette notice, restée inconnue à Marvaud, lui aurait épargné plusieurs erreurs.

[9Histor. de France, t. XVII, p. 90.

[10« Rex probis hominibus de Coniaco, salutem. Sciatis quod volumus et bene nobis placet quod eligatis vobis majorem et communam habeatis sicuti ville nostre de Niortho vel de S. Johanne Àngeliacensi faciunt, » (Rotul. litt. pat., p. 147.)

[11« Postea dictus rex Johannes, tradidit eum Bartholomeo de Podio, senescallo terre uxoris, scilicet Engolismensis ; qui Bartholomeus appropriavit Cognyacum quia esset de ballivia et comitatu Engol. » (Registre des comptes d’Alfonse, p. 22.) — 12 août 1215. « Rex militibus et probis hominibus de Coiniaco salutem. Sciatis quod commisimus dilecto et fideli nostro B. de Podio, senescallo Engolisme, villam de Coiniaco custodiendam quamdiu nobis placuerit. Et ideo vobis mandamus quod ei tanquam ballivo nostro inde sitis intendentes. » (Rotul. litt. pat., p. 152 b.)

[12Registre des comptes d’Alfonse, p. 22. - Cf. une lettre de septembre 1220 où le maire de La Rochelle soutient auprès d’Henri III les prétentions du sire de Pons. (Royal letters, t. I, p. 146.)

[13Voy. les lettres du pape Honorius III de 1220 et 1222. (Histor. de France, t. XIX, p. 708, 709, 726 et 729.)

[14Le 18 décembre 1226. (Histor. de France, t. XIX, p. 769.)

[15Teulet, Layettes du Trésor, t. I, n° 2050.

[16Ibid., t. II, n° 2980. Voy. Boutaric, Saint Louis et Alfonse de Poitiers, p. 54.

[17Teulet, Layettes du Trésor, t. II, n° 3049.

[18Arch. nat., JJ 34, n°6.

[19Registre des comptes d’Alfonse, p. 22.

[20« Pro certo insuper habeatis quod concilium... de Cog[na]c, nobis suum certum nuntium transmiserunt, quod praedicta bona fide... in vestra fidelitate manere, prout dictus R. de Ponte cum ipsis et nobis locutus est, prosequuntur. Literas vestras concilio de Cognaco transmittatis patentes, ut castrum de Cognac per mandatum vestrum domino R. de Ponte reddent. » (Royal letters, t. I, p. 147.)

[21Pièces justif., XXVII.

[22« ... Qui peust fere dreit au dit de dous ou de treis. » Marvaud (t. I, p. 102) hésite entre deux interprétations. Il pense que cela signifie : qui peut se justifier de deux ou trois des quatre cas d’accusation réservés, ou bien : on ne peut les arrêter s’il s’agit du second ou du troisième des quatre cas. Il s’est mépris sur le sens de tout l’article. L’arrestation préventive est permise dans les quatre cas réservés ; c’est pour les autres cas qu’il y a ou justification immédiate, ou mise en liberté, sous caution.

[23« ... Que mes estagiers de la ville de Coignac ne fust atermez fors dau cors de la vile. » Estagiers ne signifie pas marchands comme l’a cru Marvaud ; je pense qu’il faut l’entendre ici au sens d’habitants ayant un domicile (stagium), comme il y en a des exemples. La cors de la vile n’est pas non plus le corps de ville ; c’est la cour ; tenue par les officiers du seigneur. Le sens de cet article a été complètement dénaturé par Marvaud. (T. I, p. 105.)

[24Il y avait dans la ville de Cognac un certain nombre de chevaliers parmi les habitants. Nous avons un contrat conclu entre le seigneur de Cognac et l’un d’eux : « Dominus Helias de Castroviri (Castelrieux) miles de Compniaco. » Mai 1274. (Marvaud, Pièces justif., IV.)

[25Archives historiques de la Saintonge, t. I. p. 424.

[26Un des deux testaments de Guy de Lusignan est du 18 août 1288. (Arch. nat., J 270, n° 23.) L’arrêt du Parlement envoyant le comte de la Marche en possession de ses châteaux est de novembre 1288 (Olim., t. II, p. 283), mais Guy n’était pas encore mort, car réserve lui est faite de l’usufruit

[27Le contrat de mariage, en date du-27 mars 1317-1318, a été publié par le P. Anselme. Hist. généal., t. III, p. 104.

[28Voy. plus haut, p. 270, n. 5.

[29Ordonn,, t. II, p. 341. — Marvaud, t. I, p. 140, n.

[30Anselme, Hist. généal., t. VI, p. 161.

[31Pièces justif., XXVIII.

[32« Nisi qualitas negocii inter eos proloquendi id exposcat » Marvaud, dans son commentaire, entend : pour « s’occuper d’affaires relatives au commerce. » (Ouvr. cit., t. I, p. 143.)

[33Arch. municipales de Cognac, inventaire de 1755.

[34Le 8 janvier 1357. (Marvaud, Pièces justif., XIV.) Edouard III confirma cette donation le 1er juillet 1358. (Ibid., t. I, p. 150, n. I.)

[35Marvaud, Pièces justif., XVI.

[36Arch. nat., J 359, n° 21.

[3731 mars 1416. Marvaud, t.1, p. 167.

[38Archives de Cognac.

[39Marvaud, t. I, pp. 217, 222, 223.

[40Arch. de Cognac, Livre rouge, fol. 23. — Cet acte a été publié, mais fort incorrectement, par Marvaud, Pièces justif., XXIII.

[41A Cognac, comme dans les autres villes d’organisation analogue, les bourgeois devaient un droit d’entrée lorsqu’ils étalent nommés membres du corps de ville. Au XVIe siècle, ce droit se payait non pas en argent, mais en armes, telles que : « arbalestes avec leur bandage, trousses de garrot, harquebuses de fonte, etc., » que les nouveaux élus déposaient dans l’arsenal de la ville. Voy. les réceptions de conseillers et échevins, de 1531 à 1612, publ. par Marvaud, pièces justif. XXXI.

[4216 avril 1507-1508. Arch. de Cognac, Livre rouge, fol. 11. Publ. très incorrectement par Marvaud, Pièces justif., XXIV.

[43Ibid,, XXV.

[44Marvaud, Pièces justif., XXVI.

[45Marvaud, Pièces justif., XXX.

[46Arch. nat., X la 8623, fol. 17.

[47Ibid., X l1 8633, fol. 273.

[48Ibid., X la 8640, fol. 98 v°.

[49Ibid., X,la 8647, fol. 118.

[50Arrêt du 22 janvier 1611. (Arch. nat., E 29.)

[51Notamment le 6 août 1615 et le 17 février 1635. (Arch. nat., E 50 et 122.)

[52D’après l’inventaire des archives de Cognac de 1755, il y avait encore à cette époque, dans le Trésor de la ville, deux registres de mézées de 1524 à 1528, et deux autres de 1574 à 1576. Le plus ancien qui soit conservé aujourd’hui ne remonte qu’à 1627.

[53Décembre 1651. (Arch. nat., X la 8657, fol. 450.)

[54Ibïd., E 3329, fol. 139.

[55Juin 1654. (Ibld., X la 8658, fol. 459)

[5620 septembre 1700. (Ibid., E 1915.)

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