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1627 - La Rochelle : Richelieu demande avis au Roi sur la conduite à tenir.

mardi 25 juillet 2023, par Pierre, 123 visites.

Un document exceptionnel, révélateur de la façon de raisonner et de décider du Cardinal de Richelieu.

A cette date du 4 août 1627, et probablement pour la dernière fois, Richelieu se sert de la caution d’un homme fort de l’entourage du Roi Louis XIII, ici de Schonberg, secrétaire d’état. Puis, prenant de l’assurance, il ne partagera avec personne la responsabilité de ses conseils, non plus que de ses actes.

Ce document révèle aussi la méthode de Richelieu : un argumentaire bien bâti où tous les mots sont pesés.

On y trouve 20 sujets soulevés par ses interlocuteurs, MM. d’Angoulême et de Marillac, dans des lettres adressées à lui et au roi. Les réponses du Cardinal , cautionnées par le Roi et Schonberg, sont d’une extraordinaire autorité.

Les Rochelais ont trouvé en lui un adversaire bien plus que redoutable !

Source : BNF Gallica - Lettres, instructions diplomatiques et papiers d’Etat du Cardinal de Richelieu, recueillis et publiés par M. Avenel - Tome II 1624-1627.

Document CCCXLVIII.

Archives des Affaires étrangères de France, 1624 à 1627, tome 7, fol° 208-211 [1]. — Original

Extraict des principaux poincts contenus ès lettres escrites [2] tant au roi qu’à M. le Cardinal de Richelieu.

- I
On propose d’envoyer à M. de Toiras quatre mil hommes dans sept ou huit vaisseaux bons voilliers ; de faire cet embarquement en Bretagne et le composer des régimens de Rambure, Vaubecourt et Beaumont.

Response du Roy aux susdits articles. [3] 4 août 1627.

- I
Le roy juge ce dessein de fort difficile exécution, et n’est point d’advis qu’on y pense qu’après avoir tenté par toutes voyes de jeter des vivres dans les forts de Ré, à quoy ceux qui entendent la mer disent qu’il y a peu de difficulté, ci les sieurs de Beaumont, de Manty et d’Argencour ont promis de l’entreprendre et de l’exécuter. C’est pourquoy on fera diligence de delà de leur fournir toutes les choses nécessaires à cet effet. Cependant, après que les régimens mentionnez en l’article seront arrivez, si l’on trouve par conseil des gens de mer que la proposition se puisse exécuter, l’on s’y préparera et l’on en donnera promptement advis au roy.

Extraict...

II.
Ilz mandent qu’ilz ont fait passer dans Olleron les régimens de Chappes et La Bergerie, qu’ilz attendent les troupes du Coudray-Montpensier et de Cluye, et cependant on fait retrancher les lieux où les ennemis peuvent plus commodément descendre.

Response du Roy

II.
Il semble qu’il n’y a pas apparence de craindre une descente dans Olleron, jusques à ce que les Anglois se soyent rendus maistres des forces de Ré, car ce leur seroit un trop grand affront de quitter un dessein où ils sont si avant engagez ; et le roy veut que le régiment de Chappes revienne joindre l’armée, et pour celuy de La Bergerie, s’il est jugé nécessaire dans l’isle pour la conservation d’icelle, qu’il y demeure ; mais si l’isle de Ré se voioit à la veille d’estre perdue, ce qui ne peut arriver pourveu qu’on y jette des vivres, lors l’on fera entrer beaucoup de forces dans Olleron.

Extraict...

III.
Ilz demandent augmentation de cavallerie pour empescher ceux qui se veulent jetter dans la Rochelle ; et que le roy trouve bon de faire prononcer une deffense absolue à ceux de ladite ville de donner passage par icelle à ceux qui vont joindre les ennemis ; comme aussy pouvoir de faire razer les maisons de ceux qui vont trouver les Anglois, et commencer par celle de M. de Soubize.

Response du Roy

Le roy a envoyé ordre pour la recreue des compagnies de chevaux-légers et fait acheminer en diligence à l’armée ses compagnies de gendarmes et chevaux-légers de sa garde, veut que sans considération de ce que voudront dire ceux de la Rochelle, M. d’Angoulesme fist garder par sa cavalerie les avenues de ladite ville, afin d’empescher, s’il se peut, qu’il n’y entre point de gens de guerre pour aller joindre l’armée angloise. Tailler en pièces ceux, qui marcheront en trouppe et mettre prisonniers les autres, jusques à ce que le roy en ayt ordonné. Sa Majesté trouve bon aussy que M. d’Angoulesme fasse entendre à ceux de la Rochelle qu’il les traittera comme rebelles, s’ilz communiquent avec les Anglois et s’ils baillent passage par leur ville à ceux qui se vont jetter dans l’armée ennemie. Et quant au razement des maisons dont est parlé, le roy l’approuve, mais il faut, avant que de procéder à l’exécution, que Sa Majesté en ayt fait une déclaration, laquelle est desjà au parlement et y sera au premier jour registrée.

Extraict...

IV.
On se rapporte à la Iettre de M. le cardinal de Richelieu, pourquoy l’on a différé d’exécuter les commandemens du roy.

Response du Roy

IV.
M. d’Angoulesme aura veu par des dépesches qui luy ont été faites, depuis le parlement de M. de Marillac, que Sa Majesté n’a point changé de dessein, et le cognoistra encore plus particulièrement par un mémoire cy-joint [4] . C’est donc à luy à prendre le temps et les occasions à propos pour exécuter ce qu’il luy est ordonné. L’on luy envoye le seigneur Pompée Targon [5] expressément comme très intelligent en ceste affaire particulière.

Extraict...

V.
Ilz demandent qu’on grosssisse l’armée, et que l’on haste les trouppes qui les doibvent aller joindre.

Response du Roy

V.
On use de toutes les diligences possibles pour faire avancer les trouppes, et sa Majesté fait faire quatre régimens nouveaux, à sçavoir : deux par M. d’Espernon, un par le comte de Ribérac et le quatrième par le Plessis de Juigné. De plus, le Plessis d’Espernon s’est offert de mener promptement mil hommes à M. d’Angoulesme ; ce qu’il luy a esté commandé. M. d’Angoulesme sçaura aussy que Sa Majesté a commandé à M. d’Effiat que l’argent pour l’armée parte au plus tost, à quoy il n’y aura point de faute, et il peut donner ceste bonne nouvelle aux gens de guerre.

Extraict…

VI.
Ilz ont fait travailler à la pointe de Chappes.

Response du Roy

VI.
Le travail qu’on a fait en ce lieu ne peut estre que bien à propos.

Extraict…

VII.
On dit que le retranchement du bourg n’est qu’une besongne de deux heures, et le fort du chasteau de quatre, de sorte que l’isle d’Olleron ne se peut conserver que par une bataille.

Response du Roy

VII.
Pour les raisons contenues au deuxiesme article des responses, l’on ne pense pas qu’il y ayt, pour le présent, beaucoup à craindre en Olleron, et semble un peu estrange que le grand retranchement du village et le fort, deffendus par tant de braves gens, doivent faire, en cas d’attaque, si peu de résistance.

Extraict…

VIII.
L’on mande qu’on (sic) M. de Malzais entre avec ses amis dans Olleron.

Response du Roy

VIII.
Il seroit à propos que la noblesse volontaire n’entrast pas toute en mesme temps dans Olleron, car il est à craindre qu’ils seront las de ce séjour et se voudront retirer avant que le temps de servir se présente, et qu’il n’y ayt plus personne dans l’isle quand il en sera le plus de besoin.

Extraict…

IX.
Ilz demandent qu’on envoye de l’argent de delà pour faire travailler.

Response du Roy

IX.
M. le Cardinal n’a pas attendu cet advis pour envoyer de l’argent, car les sieurs Goyer et Saint-Germain ont porté trente mil livres. M. le marquis de Brezé a tiré de Talmont vingt-cinq mil neuf cent dix livres, et le susdit Goyer a assignation pour prendre cinquante mil livres à Poitiers.

Extraict…

X.
M. de Marillac escrit qu’il se jettera dans l’isle d’Olleron, l’occasion venant ; et demande qu’on envoye de l’argent pour les régimens qui sont là, de peur qu’ilz ne se débandent.

Response du Roy

X.
Il ne faut point que M. de Marillac s’engage dans Olleron, où il a esté envoyé un bon homme de commandement, qui est M. de Contenant [6] ; et ledit sieur de Marillac a assez d’autres choses à faire. Seulement doit-il prendre soin de pourvoir à tout ce qu’il jugera nécessaire pour ladite isle, comme pour toutes autres choses, et il peut asseurer les gens de guerre qui sont dans Olleron, qu’ilz seront payez aussy bien que ceux de l’armée.

Extraict…

XI.
L’on mande que La Bergerie n’a receu ny huit solz ny armement, ny prest, ny monstre.

Response du Roy

XI.
Il n’est pas possible que M. le surintendant n’ayt assigné l’armement et la monstre de La Bergerie ; l’on prendra diligemment soin de faire ces assignations bonnes, et la voicture que l’on va faire pour la monstre de l’armée contentera tout le monde.

Extraict…

XIl.
L’on mande qu’on n’ose loger l’armée près la Rochelle, de peur de leur donner prétexte de révolte, et aussy que, faisant le quartier proche de la ville, on craint de recevoir affront.

Response du Roy

XII.
Il ne faut point que cette considération empesche de faire les logemens de l’armée près de la Rochelle, lorsque M. d’AngouIesme se jugera estre assez fort pour se garder de ceux de la ville et du dehors.

Extraict…

XIII.
On demande s il y a rien de changé aux commandemens qui ont esté faits par Sa Majesté, ne croyant pas qu’ilz se puissent seulement exécuter qu’après l’arrivée des regimens de Piémont, Rembur, Vaubecour et Beaumont.

Response du Roy

XIII.
La response au quatriesme article satisfait à cette demande, et M. d’Angoulesme retirant Chappes d’Oleron, rappelant Chastelliers-Barlot près de luy, puisque les costes sont asseurées tandis que les ennemis sont dans Ré, Piémont estant joint, et le reste des compagnies du régiment des gardes et des Suisses estant arrivées, avec les gendarmes et chevaux-légers de la garde du Roy, l’on croit qu’il se trouvera assez fort pour entreprendre cette exécution ; estant à craindre que si il diffère plus longtemps, il sera prévenu. Le seigneur Pompée Targon sera consulté sur cet article, parce qu’il dit sçavoir des secrets particuliers pour l’exécuter.

Extraict…

XIV.
Ilz disent que l’on ne peut secourir M. de Toiras que par une bataille, et prient qu’on leur donne advis du subjet. du voyage de Saujon.

Response du Roy

XIV,
La response au premier article satisfait à cettuy-ci ; et quant au voyage dudit sieur de Saujon, nous n’en avons point ouy parler icy, et n’en pouvons juger la cause. Il devra, s’il vient, avoir veu M. d’Angoulesme, auquel le Roy donnera advis de ce qu’il aura apporté.

Extraict…

xv.
Ilz escrivent que Maran est fort aisé à prendre, et que, depuis La Tranche jusques à Fourras, on passe pour aller joindre les Anglois.

Response du Roy

XV.
M. de Guron dit avoir fait une assez bonne fortification à Maran, lequel il a chargé de fournir d’hommes pour se pouvoir deffendre lorsque l’armée s’engagera au-delà de la Rochelle, et jusques à cette heure-là il n’y a rien à craindre. Quant au passage de ceux qui vont trouver les ennemis, que l’on dit estre depuis La Tranche jusques à Fourras [7] il est aizé de retirer toutes les chalouppes de cette coste-là, en lieux où l’on les puisse garder ; aussy bien en a-t-on affaire pour trajetter les vivres en Ré.

Extraict…

XVI.
On demande de l’argent pour l’armée et pour les parties inopinées.

Response du Roy

XVI.
La response à l’unziesme article satisfait à celuy-cy, et l’on a envoyé soixante mil livres pour les travaux et parties inopinées.

Extraict…

XVII.
Que Bigauteau a manqué a sa parole, ne s’estant pas trouvé sur les lieux au temps qu’il avoit promis.

Response du Roy

XVII.
La maladie de Bigauteau l’a retenu icy, mais il doit maintenant avoir joint l’armée.

Extraict…

XVIII.
Ilz escrivent que ceux de la Rochelle ont une patente de protection signée du roy d’Angleterre, et content des desseins fabuleux des entreprises des Anglois.

Response du Roy

XVIII.
Il faut tirer toutes les preuves possibles de cet acte ; et quant aux grands et divers desseins qu’on dit qu’ont les Anglois, ce sera plustost matière de romans que d’histoires.

Extraict…

XIX.
Il faut de l’argent pour mettre la galère en estat de servir.

Response du Roy

XIX.
Monsieur le Cardinal y a satisfait par M. de Malzais, qui fera achever ladite gallère, et l’on envoie un canon de batterie de Xaintes pour l’armer.

Extraict…

XX.
Si l’on chastiera les pères dont les enfans sont dans les crimes de rébellion.

XX.
La response au troisiesme article satisfait à celuy-cy [8].

Faict et arresté en présence du roy, à Villeroy, le quatrième jour d’aoust mil six cent vingt-sept.

Le Card. DE RICHELIEU. SCHONBERG.


[1C’est la cote d’un volume d’où cette pièce a été distraite ; le volume dans lequel on le trouve maintenant n’est pas chiffré.

[2Au dos de la pièce, on lit les notes suivantes : « Response aux dépesches de M. d’Angoulesme cl de M. de Mariliac, faite le 4e aoust 1627 » (de la main de Charpentier). — « Propositions de M. d Angoulesme et les responses du roy sur iceles - « M. le garde des sceaux verra, s’il luy plaist, le mémoire et me le renverra. — « S’il luy plaist d’escrire, on fera tenir ses lettres » (de la main de Charpentier).

[3Cette pièce se distingue par une circonstance qui se rencontre très rarement dans les mss. de Richelieu, et jamais (nous le croyons) après l’époque où nous sommes parvenus : à la signature du cardinal vient se joindre celle d’un secrétaire d’état (de Schonberg). Richelieu sentait encore quelquefois alors le besoin d’emprunter l’assentiment d’une personne considérable pour appuyer son avis auprès du roi. Bientôt il ne partagera avec personne la responsabilité de ses conseils, non plus que de ses actes. — A cette réponse du roi, ou plutôt du cardinal, les deux généraux répondirent à leur tour ; ce nouveau mémoire de MM. d’Angoulême et de Marillac ne contient pas moins de dix pages ; il se trouve dans le tome XLI, fol 229-233, sous ce titre : Advis sur les responces du roy du 4e aoust, faites à la depesche portée par le sieur de Saint-Germain.

[4Nous n’avons point trouvé ce mémoire.

[5Ingénieur italien, alors en réputation, mais qui ne put parvenir à construire la digue de la Rochelle.

[6M. de Coutenant, dont le nom s’écrivait aussi Contenan, était maréchal de camp ; il avait été envoyé dans l’ile d’Oléron le 29 juillet. (Arch. des Aff. Étrang. France, 1627, t. XLI, f° 201 v°)

[7C’est la portion de mer qui baigne une partie des côtes du département de la Vendée et du département de la Charente-lnférieure (autrefois la portion méridionale du Poitou et du Pertuis Breton aux environs de Rochefort.

[8Deux choses sont à remarquer ici : la proposition elle-même, et quels hommes la faisaient ; on a vu que c’étaient Charles de Valois, fils naturel de Charles IX, et Louis de Marillac. — Les instincts despotiques de Richelieu étaienl encore excités et encouragés, non-seulement par ceux qui trouvaient leur profit à flatter ses passions, mais encore par l’esprit du temps ; vingt années du règne de Henri IV n’avaient pas suffi pour faire oublier à certains hommes les procédés violents des guerres civiles el religieuses, ainsi que du gouvernement des derniers Valois. Le règne capricieux et brutal des favoris, après la mort de Henri IV, avait d’ailleurs accoutumé de nouveau les hommes de ce temps-là à voir le bon plaisir substitué aux lois, et ils pouvaient bien ne pas s’étonner d’une proposition qui blesse les plus simples règles de la justice. Richelieu ne la repousse ni ne l’adopte. L’article 3, auquel il renvoie, ne s’occupe que du châtiment des fautes personnelles, et, par conséquent, ne répond pas à l’odieuse proposition qui termine ce mémoire. Richelieu n’y a pas fait une réponse catégorique, à dessein sans doute. L’accueillir ouvertement, il ne l’a pas voulu, et il lui a semblé prudent de ne pas non plus condamner formellement un expédient dont il pouvait se servir au besoin. Au reste, les deux généraux ne se sont pas contentés de cette réticence du cardinal, et, dans leur responce aux responses du roy, ils demandent une décision plus précise, en s’efforçant d’expliquer les faits particuliers qui rendent leur proposition nécessaire, mais sans songer à justifier ce qu’elle a de révoltant dans sa généralité : « La response au troisiesme article, disent ils, satisfait bien au razement des maisons des rebelles, mais non pas à la question de chastier les pères pour la rébellion de leurs enfans ; à quoy pourtant il faut faire considération, car de ceux qui vont trouver M. de Soubize, la plupart sont enfans de famille, de qui les pères demeurant dans le païs, servent bien souvent d’espions aux ennemis et reçoivent de leur part advis de tout ce qui se passe, pour les faire courir par la France. » Cette insistance ne plut pas sans doute à Richelieu ; il fit une réponse sèche et laconique : « La déclaration du roy y satisfera. »

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