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1652 - Combat naval franco-espagnol entre Ré et Oléron

vendredi 26 décembre 2008, par Pierre, 2136 visites.

1652 : ça va mal dans la France du jeune Louis XIV (14 ans) ! Les traités de Westphalie, qui ont mis fin à la guerre de Trente Ans, ne règlent pas le conflit entre la France et l’Espagne. A l’intérieur, c’est la Fronde. La bataille navale du 9 août va redonner le moral aux armées françaises.

Source : Souvenirs du règne de Louis XIV. T. 4 / par le Cte de Cosnac (Gabriel-Jules) – Paris - 1866-1882 – BNF Gallica

Il est noté : « Nous devons la communication de cette pièce imprimée à l’obligeance d’un érudit distingué, M. Louis Audiat, bibliothécaire de la ville de Saintes »

Le récit est suivi d’un inventaire des navires français et espagnols engagés et de leurs capitaines

 Relation de la bataille, donnée entre les armées de France et de l’Espagne, sur les mers d’Olléron et de Ré, le neufiesme jour d’aoust 1652.

Monsieur le duc de Vendosme, admiral de France, ayant reçeu les ordres du Roy, de mettre en mer une armée considérable, fit son armement à Brest, et secondé des soins et de l’industrie du commandeur de Neufchaise, son lieutenant général, par une diligence toute extraordinaire, soutenue d’une puissante despense contre toutes les traverses qui luy furent données, appareilla enfin, et mit ensemble douze vaisseaux de guerre, trois frégates, une gallère, quelques barques longues, et douze chalouppes. Avec ces forces il partit de la rade de Brest, le dix-neufiesme juillet, et faisant sa route prit à Blanet les deux vaisseaux nommés le Sourdis et l’Elbeuf que le mareschal de la Meilleraye luy retenoit, et un autre vaisseau de la Rochelle, nommé le Fort, avec un bruslot de l’isle de Ré, et quatre Galliotes bien armées. En cet estat il arriva par un vent assez favorable à la rade d’Olonne, où le vent s’estant changé, il employa le temps à faire embarquer deux cens hommes du régiment d’Estissac, commandez par le sieur du Frateau, lieutenant colonel, et quelques matelots, qui furent distribuez dans les vaisseaux qui se trouvèrent en avoir le plus de besoin ; particulièrement le Sourdis et l’Elbeuf. Des Sables d’Olonne, l’armée fut deux jours à venir à la rade de la Palice, vis-à-vis du fort de la Prée, où le sieur de Louches, qui commande pour la reine en l’isle de Ré, amena à M. l’admiral de fort bonne infanterie françoise et suisse, qui fut aussi partagée dans tous les vaisseaux, sa personne demeurant dans le bord de l’admiral avec quelques gentis-hommes volontaires qu’ils avoit amenez. Cependant une frégate de l’armée Espagnole ayant reconnu et porté à son admiral nouvelle de l’armée de France, les vaisseaux d’Espagne et du comte de Doignon se retirèrent vers le Pertuis d’Antioche dans le temps que les vaisseaux du roy entraient par le Pertuis Breton, et ainsi laissèrent la Rochelle libre ; ce qui obligea M. l’évesque de la Rochelle et M. d’Estissac, gouverneur de cette ville, avec les maire et magistrats d’aller à M. le duc de Vendosme luy en porter leurs remerciements. Et pour ce que le vent se rendit lors favorable aux Espagnols, et leur donnoit occasion de prendre quelque advantage sur les François, M. de Vendosme envoya le comte de Montesson, lieutenant général de la Marine, avec le chevalier de Cartray, autrefois vice-admiral d’Angleterre, très-expérimenté capitaine, à travers l’isle de Ré ; ils firent rapport que les ennemis avoient mouillé, et ne se préparoient en aucune façon à se servir de la faveur du vent : cette occasion s’estant changée et le vent tourné favorable à l’armée de France, aussitost M. l’amiral commande d’appareiller ; ce qui fut fait avec une joye et diligence extrêmes. Le comte de Montesson fait préparer tous ses hommes pour son artillerie : le commandeur de Neufchaise, lieutenant général, assisté de Desforgettes, très-expert capitaine de mer, et des capitaines Quirebat et Jamin, donne et envoye les ordres de M. l’amiral partout, dispose tous les autres vaisseaux selon l’ordre arresté pour le combat, avec chacun son bruslot à escorter, et ordonna chacun en son poste, agissant en cette occasion avec une diligence et facilité que la seule expérience au fait de la mer peut donner : le sieur de Drouilly, capitaine des gardes de M. l’admiral, place sa compagnie de cent hommes aux endroits où le danger pourroit estre le plus grand : les sieurs de la Colombière et de Boisfermé à qui M. de Vendosme et ses domestiques disposèrent leurs gens, sur les galleries et derrière le vaisseau : le comte de Goulaines, les sieurs de Louche, de la Moinerie, du Frateau, du Vigneux, de Launay ; de Bonneville : les deux Chabot frères, et le capitaine du Quesne prirent les places que M. l’admiral leur donna, où ensuite ils firent tout ce qu’on peut attendre de la valeur et du courage des braves hommes. Après tous ces ordres donnez, M. l’admiral prit sa place sur la poupe de son vaisseau, pour continuer à donner de là ses ordres nécessaires pendant tout le combat, retenant près de luy le commandeur de Neufchaise et le chevalier de Cartray, dont les advis luy estoient utiles par leur grande expérience. Toutes ces choses ainsi disposées en peu de temps, l’armée de France se mit à la veüe de l’ennemy qui estoit entre les terres de Ré et d’Oléron. Aussi-tost les Espagnols voyant l’armée de France doubler la pointe de Ré qui regarde vers la Rochelle mirent sous voiles et commencèrent à porter large en mer. L’ardeur d’approcher et combattre les ennemis redoubla lors aux François, qui firent force de voile pour donner la chasse aux Espagnols : enfin sur les sept heures du matin ils les approchèrent à la portée du canon ; ainsi les Espagnols forcez au combat cherchans à prendre le vent, firent grand feu de leur canon. M, le duc de Vendosme défendit à ses vaisseaux de tirer aucun coup, voulant approcher l’ennemy de plus, près ; ce qu’il fit bien-tost, et lors les coups furent tirez puissamment de part et d’autre, et particulièrement, du bord de l’admiral de France, le comte de Montesson y faisant la charge de lieutenant général de 1’artillerie, avec toute la diligence et la vigueur imaginables.

Deux heures se passèrent à canonner, et aussi-tost que M. de Vendosme vit son advantage, il donna ordre aux vaisseaux les plus proches de l’admiral de conduire leurs brusleaux, et les faire accrocher aux vaisseaux ennemis, à la faveur de la fumée des canons : ce qui réussit au brusleau nommé la Sainte-Anne, commandé par le capitaine Chéron, que le sieur de Pardejeu qui commande l’Elbœuf, et le sieur des Thurolles qui commande la galère, escortoient ; et ce brusleau mit le feu au vaisseau espagnol nommé la Nativité, commandé par Antoine Gonzalez, Dunkerquois. Ce vaisseau estoit l’un des plus grands de l’armée d’Espagne monté de quarante-deux pièces de canon de fonte verte, et de trois cens hommes dont il n’eschappa que le capitaine, luy septième, à la nage. Ce fut un spectacle horrible de voir le feu attaché par tous les endroits du vaisseau, avec un bruit et une fumée espouvantable : des poudres et du canon, qui tirèrent tous en mesme temps ; ce qui mit une telle terreur et confusion dans l’armée d’Espagne que tous les .navires espagnols s’écartèrent avec désordre, et l’admiral d’Espagne commença le premier à se retifer d’espouvante, après avoir coulé à fonds de son canon le brusleau du capitaine Thibault qui luy portait le feu. Avant cela la Lune et les autres vaisseaux du comte de Doignon s’estoient retirez, et avoient honteusement abandonné les Espagnols, lesquels fuirent aussi à force de voiles, tirant tousjours leurs canons sur l’admiral de France, qui avec sa flotte leur donnoit la chasse, et leur envoyoit trois volées de canon pour une, dont on voyoit l’effet par les débris et pièces rompues des vaisseaux ennemis qui flottoient. Enfin les deux brusleaux commandez par les capitaines Michault et Riboullot, escortez d’autres vaisseaux François, s’accrochèrent à l’admiral de Naples, nommé la Concorde, qui s’en défit fort adroitement, faisant mine de demander quartier : et après cela voulant encore s’opiniastrer à la deffense, quoyque la moitié de son esquipage eust desja sauté en mer croyant le feu attaché au vaisseau. Il fut abordé par le capitaine de la Roche, commandant une frégatte, nommée la Duchesse ; et en mesme temps par le commandeur de Bois-Morau, commandant, le Berger, et par le capitaine Pardejeu, commandant l’Elbœuf, qui tous ensemble le mirent facilement à la raison ; la teste de son grand mat estant rompue et toutes ses voilles brizées de coups de canon : ce vaisseau est de trente-huit pièces de fonte verte, et son esquipage estoit de près de trois cens hommes, qui à la réserve de ceux qui s’estoient noyés, furent emmenez prisonniers à la Rochelle. Ce brave capitaine de la Roche, qui, avec le capitaine du Clos, ont tesmoigné une valeur extrême, avoit déjà pris par un combat opiniastre, une frégatte espagnole de vingt pièces de canon, nommée la Sainte Agnez, commandée par le capitaine Antoine Rodriguez, Portugais. Le sieur de Meuillet, vice-admiral de l’armée Françoise, commandant le vaisseau nommé la Vierge, et le sieur de Cachal, commandant le Sourdis, se meslèrent bien avant dans les vaisseaux ennemis pour les aborder ; mais ils leur eschappèrent par la vitesse : le sieur de Guignaut, commandant l’Anne, et le sieur des Ardans commandant le Beaufort, y firent merveilles, estant ce qu’on doit attendre de la valeur et expérience des braves capitaines ; mais les vaisseaux d’Espagne estoient meilleurs voilliers ; ce que voyant M. le duc de Vendosme, et perdant l’espérance de les pouvoir joindre avant la nuict, et d’ailleurs connaissant que les vaisseaux pris estoient en danger de se perdre par leurs ouvertures, si l’on n’en prenoit un très-grand soin, il fut conseillé de quitter la chasse de l’ennemy, pour pourvoir à la sûreté de sa prise, et au radoub de quelques uns de ces vaisseaux et bruslots qui avoient esté désagréez à coups de canon.

Cette victoire est d’autant plus signalée, que tous les capitaines et officiers prisonniers confessent n’avoir jamais été poussez si vertement, et combattus avec tant de chaleur et de résolution : l’escadre de Dunkerque se vantoit avant cecy, de n’avoir jamais esté entamée dans tous les combats qui se sont faits durant la guerre : tellement que M. de Vendosme, qui durant toute cette occasion tesmoigna une fermeté de courage très-grande, et une affection et vigueur qui n’est pas ordinaire à ceux de son aage, peut dire comme ce premier César dont il porte le nom, qu’il est venu, qu’il a veu, et qu’il a vaincu presque en même temps des ennemis qui se glorifiaient d’estre depuis un an les seuls maistres de la mer de Ponant ; et de tenir sous leur pouvoir toutes les costes de la France : enfin toutes les marques d’une victoire entière se rencontrent en celle-cy ; l’armée du roy a battu celle d’Espagne à coups de canon ; luy a bruslé et pris trois de leurs plus grands vaisseaux ; a tué plus de six cens hommes, pris quantité de personnes ; et obligé tout le reste à s’enfuir dans une très honteuse desroute, sans que du costé de l’armée Française, ils ayent perdu plus de vingt-cinq ou trente personnes, entre lesquels il n’y a aucun homme de marque.


 Estat des navires dont est composée l’armée navale du roy avec les noms des capitaines qui les commandent.

Escadre de l’Admiral :

- Le César, Admiral,
- La Galère, nommée la Sainte-Anne, commandée par le capitaine des Thurolles.
- L’Anne, par le capitaine Guinaut.
- Le Sourdis, par le capitaine Cachal
- Le Triton, par le chevalier de Verdille
- Le Don de Dieu, par le chevalier de la Carte
- Le Fort, par le chevalier de la Messelière
- La Duchesse, par le capitaine de la Roche
- Le Croissant, par le sieur de la Ville-Dan, fils du sieur des Forjettes.
- Le Neptune, par le sieur de la Giraudière, major de l’armée.
- La Sainte-Agnès, par le capitaine du Clos.
- Le Phlibot, du sieur Jorant.

Escadre du Vice-admiral :

- La Vierge, vice-admiral, par le sieur de Meuillet, commissaire-général de la marine.du Ponant.
- Le Jupiter, par le sieur Queroin.
- Le Berger, par le commandeur de Boismorau.
- L’Elbœuf, par le capitaine de Pardejeu.
- Le Saint-Georges ; par le capitaine de la Giselaye.
- La Beaufort, par le capitaine des Ardans.
- Le Saint-Louis, par le capitaine Desgoris.
- La frégate de Calais, commandée par le capitaine Besnard.

- Quatre galiottes, commandées par les sieurs Pineau, Lilleau, Corby et Bourdet, avec ordre de se tenir proche de l’admiral.

- Quatorze bruslots commandés par les capitaines : Thibault, La Fleur, Chéron, Falous, Guillet, De Launay, Riboullot, Plassières, Michault, Baubire, Thomas, Pucelivage, Mesnard, Salnauve.

 Estat des navires de l’armée Espagnole.

Escadre du comte du Doignon :

- La Lune, commandée par Salnove.
- Le vaisseau le Gabaret.
- Deux autres vaisseaux, dont on ne sçait pas les noms.
- Cinq bruslots.

Escadre de Dunkerque :

- La Conception, commandée par Antonio Mesnil admiral.
- Le Saint-Sauveur, vice-admiral, cy-devant commandé par Antonio Diez qui se noya entre Grois et Blavet, et à présent par Cornélias Meigné.
- Le Saint-Ignace, par Jean Basselart.
- La Nativité, par Antomio Gonzalez, c’est celuy qui a esté bruslé par un des bruslots François.
- La Touche, par Mathieu Mas.
- Le Bon Succès, par Roch Nicasio.
- Le Prince d’Orange, par Manuel Niquelan.

Escadre d’Espagne.

- Le Saint-Philippe, par Arthiaque de Biscaye.
- Le Saint-Pierre, par Dom Joseph de Gallasse.

Escadre de Naples.

- La Concorde, admiral, par Marino Mazibrady, qui est un de ceux qui a esté pris par les vaisseaux françois.
- Le Saint-Charles, vice-admiral, par Antoino Stouvaille.
- Le Lion Rouge, par Piétro Jouan.
- La Sainte-Barbe, par Vincent Léony.
- Les deux frégates des capitaines Dominique et Gévéronime.
- La Sainte-Agnès, par Antonio Rodriguez, qui a esté prise par le capitaine de la Roche.
- Une autre frégate, qui leur porta la nouvelle de l’arrivée des François.
- Un bruslot, nommé Saint-Antoine.

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