Histoire Passion - Saintonge Aunis Angoumois

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1683 - Factum contre les Prétendus Réformés de Saint-Fort

mercredi 26 décembre 2018, par Pierre, 231 visites.

Factum : Récit de l’une des parties, destiné aux juges, exposant sommairement les faits d’un procès. Il s’agit ici d’argumentaires en faveur de la partie catholique (Diocèse de Saintes), contre les Protestants.

Le dé-tricotage de l’Edit de Nantes, pendant les règnes de Louis XIII et de Louis XIV, se fait de différentes manières :
- par l’usage de la justice Royale, ce qui nous donne des dossiers d’argumentaires (factums) pour aider le clergé du diocèse de Saintes à lutter contre les protestants ;
- par l’usage de la force : dragonnades, mises au couvent, envoi aux galères, etc.

L’intérêt de ces "Factums" est la description de la situation locale du protestantisme pendant les règnes de Henri IV, Louis XIII et Louis XIV, avec les noms et les rôles des acteurs locaux, lorsque cela est utile à l’argumentaire..

Source : Factums pour le syndic du clergé du diocèse de Saintes contre les prétendus réformés de Saintonge, sur le sujet des temples et des exercices publics de leur religion qu’ils ont établis dans le diocèse de Saintes, par contravention aux édits. - 1683 - BNF Gallica

Voir ici une page de synthèse sur les 41 factums en cours de publication sur ce site. On y trouve la liste des lieux concernés par un Factum, et les références réglementaires sur lesquelles s’appuie le rédacteur, Monseigneur de Châteauneuf.

SAINT FORT.

FACTUM

Pour le Syndic du Clergé de Saintes, demandeur.
Contre les Prétendus Reformez de Saint Fort, défendeurs

Le Syndic du Clergé de Saintes demande que l’exercice de la R. P. R. soit interdit à Saint Fort, & le Temple que les Prétendus Reformez ont construit en ce lieu en l’année 1605. depuis l’Edit de Nantes, & contre la teneur d’iceluy, soit démoli jusques aux fondemens. Il justifie sa demande par les titres que les défendeurs ont remis au procès, & fait voir non seulement que lesdits défendeurs ne donnent aucune preuve d’un exercice établi & publiquement fait à Saint Fort és années portées par l’Edit ; mais mesme il prouve positivement par les pièces par eux produites, qu’ils n’avoient point ledit exercice audit temps. C’est sur ces deux veritez, que la justice de la cause du Syndic est fondée.

Quant à l’année 1577. il est bien certain que les défendeurs ne donnent point de preuve d’aucun exercice de la R. P. R. fait à Saint Fort pendant cette année : dans les titres qu’ils ont produits , il n’est fait aucune mention de l’année 1577. & leur livre de Baptesmes dont l’extrait est remis sous cote B. ne commence qu’en Juillet 1578.
Quant aux années 1596. & 97. jusques à la fin du mois d’Aoust, il est encore constant que les défendeurs ne donnent aucune preuve d’un exercice établi & publiquement fait en ce temps : au contraire les pièces qu’ils produisent, prouvent positivement qu’ils n’avoient pas pour lors cét exercice. Cela paroist par les raisons suivantes.

1. Dans les titres qu’ils ont produits, il n’est point parlé ni de Consistoire dressé, ni de Cene donnée, ni de lieu destiné pour recevoir leurs assemblées, & leur servir de Temple, dans aucune desdites années.

2. Ils produisent quant à l’année 96. sous cote I. deux extraits d’un Journal d’un particulier, où il est dit qu’une fille fut baptizée le 3. Mars 1596. & une autre le 10. Mars de la mesme année, toutes deux dans la grange de Monsieur Ciret, par Monsieur Constantin Ministre.

Pour l’année 1597. il est parlé dans l’un des deux extraits cottez sous la lettre I. d’un baptesme fait le 10. Avril 1597. par Monsieur Cosson Ministre : & dans l’autre il est fait mention d’un mariage fait en la grange de Monsieur François Grassi, l’II. Octobre de la mesme année, par Constantin Ministre, demeurant dans l’Eglise de Saint Fort.

Voilà les principaux titres des défendeurs. Pour en faire voir visiblement la nullité, il faut remarquer que deux baptesmes faits au mois de Mars 96. un autre au mois d’Avril 97. & un mariage au mois d’Octobre de la mesme année 97. sans Cene administrée, sans Presches faits à des jours réglez pendant ces deux années, ne sont point des preuves d’un exercice établi, & publiquement fait, tel qu’il est requis par l’Edit.

Que ces trois baptesmes & ce mariage ne sont pas écrits dans aucun Registre de Baptesmes & Mariages, mais seulement dans le journal de quelque particulier.

Que les pièces produites ne sont que des extraits sur des autres extraits.

Mais surtout il faut remarquer que depuis l’année 1592. jusques au mois d’Aoust 1597. il n’y a point eu de Ministre residant à S. Fort, & par consequent point d’Eglise formée, & d’exercice établi dans le temps porté par l’Edit. Cette vérité se prouve clairement par les titres des défendeurs. En effet, sous la cotte G. ils produisent un acte du 5. May 1592 portant permission de la part des Habitans de Saint Fort au Ministre Constantin de demeurer six mois à Pons, à la charge qu’il viendra prescher les Dimanches à S. Fort. Et sous la cotte K. ils produisent un acte d’un Colloque tenu à Pons le 20. May 1597. par lequel il est dit que sur les plaintes & différens survenus entre Monsieur Constantin & son Eglise de S. Fort, ledit Constantin retournera à son Eglise, & lettres de creance seront écrites à Monsieur de Jarnac & à t’Eglise, pour excuser ledit sieur Constantin. Et au bas de l’acte, il est dit : Le sieur Constantin a commencé à prescher à Saint Fort au commencement d‘Aoust 1597.

Il appert par ces deux actes cottez sous la lettre G. & K. que Constantin que les P. R. de Saint Fort reconnoissoient pour leur Ministre, se retira à Pons en 1592. qu’il n’eut ordre qu’en May 1597. de retourner à son Eglise, & qu’il ne commença qu’au mois d’Aoust de cette année 97. de prescher à S. Fort, & que depuis 92. jusques à 97. il servit quelque temps à Pons, & ensuite à Jarnac ; & par consequent pendant ces six années il n’a pu faire que quelques voyages à S. Fort.

Ce Constantin estoit du nombre de ces Ministres qui sont portatifs, & qui courent de tous côtez. En 92. il estoit à S. Fort, la mesme année il alla servir l’Eglise de Pons : de là il va à Jarnac. Ceux de S. Seurin sous la cotte F. le reconnoissent pour leur Ministre en 96. & il assiste pour eux au Synode de Saumur, & en 97. au mois d’Aoust il revient a S. Fort.

De tous ces faits qui sont constans par les titres des defendeurs, il paroist que justement dans le temps requis par l’Edit, sçavoir, depuis le commencement de l’année 96, jusques au mois d’Aoust 97. l’Eglise de S. Fort estoit abandonnée, il n’y avoit point dans ce lieu de Ministre residant, & point d’exercice établi dans les deux années 96. & 97. requises par l’Edit ; on n’en peut excepter que le mois d’Aoust 97.

3. Les défendeurs produisent seulement trois baptesmes faits dans une grange, & un mariage célébré dans une autre grange : cela fait bien voir qu’ils n’avoient point pour lors de lieu fixe & destiné pour s’assembler, & que les particuliers faisoient venir quelquefois, tantost un Ministre, & tantost un autre, pour quelques baptesmes ou mariages qui se celebroient dans leurs maisons ou dans leurs granges ; & pendant les deux années 96. & 97. le sieur Constamin Ministre, le nommé Cosson y firent quelques voyages, lorsqu’on les y appelloit pour faire quelques fonctions qui pressoient.

Si le Ministre Constantin commence de s’y établir & d’y prescher au mois d’Aoust 97. comme il dit dans l’acte produit sous cotre K. cela ne prouve pas qu’il y eût à S. Fort un exercice aux termes de l’Edit, L’Edit veut art. 9. que l’exercice soit établi & fait publiquement par plusieurs & diverses fois en l’année 1596 & en l’année 1597. jusques au mois d’Aoust. Et par cét acte & par celuy qu’ils ont remis sous cotte G. il paroist qu’ils n’ont point eu de Ministre ni de Presche en 96. & que c’est seulement en Aouft 97. qu’ils ont commencé d’avoir Ministre & Presche : ainsi des deux années requises par l’Edit, il est constant qu’ils n’ont point la première ; & à l’égard de la seconde, ils ne l’ont point encore telle que l’Edit la demande, car ils n’en peuvent au plus prétendre que le mois d’Aoust.

4. Cét abandon de l’Eglise de S. Fort depuis 91. jusques au mois d’Aoust 97. paroist encore visiblement par le Livre des Baptesmes de cette Eglise, que les défendeurs ont remis sous la cotte B. car on voit clairement que depuis 92. jusques à 98. il n’y a point eu à S. Fort de Registre public où l’on ait écrit les baptesmes.

Le premier Registre dont il est fait mention dans ce Livre des Baptesmes, remis sous la cotte B. commence au mois de Juillet 78. & finit en May 92. de mesme il est fait mention d’un livre où les actes du Consistoire estoient écrits, & ce livre commence au mois d’Octobre 78. & finit en Septembre 91. & depuis 92. jusques à 98. on ne voit aucun livre public de Baptesmes & de Consistoires. On recommença à faire les Registres publics, lorsque Constantin Ministre retourna servir l’Eglise de S, Fort sur la fin de 97, Le premier Livre de Baptesmes qu’on fit, commence en Janvier 98. & finit en Septembre 1601. Et le livre du Consistoire commence en Janvier 98. & finit en Avril 1638. Tout cela paroist par les pièces que les défendeurs ont remises sous cotte B. & sous cotte L.

Pour l’année 1597. les défendeurs produisent encore sous la cotte K. un extrait du Synode assemblé à la Rochelle le 7. May 1597. où sont ces paroles : L’Eglise de Mortagne, de S. Fort & de S. Seurin absentes Mais l’absence d’une Eglise à un Synode, n’est pas une preuve qu’il y eust dans cette Eglise un exercice établi & publiquement fait, tel que les Edits le demandent.

D’ailleurs il paroist qu’en ce temps il n’y avoit nul exercice établi à Saint Fort : cette Eglise estoit unie avec celle de Saint Seurin, & les Habitans de Saint Fort alloient souvent a l’exercice personnel, qui se faisoit au Chasteau de S. Seurin, par le Ministre Chastagnier. C’est ce qui se prouve par la table du Synode Provincial tenu à Pons le 22. May 1594. que les défendeurs ont remise sous cotte H. où il est dit, que les Eglises de S. Fort & de Mortagne estoient jointes pour le present ; c’est à dire qu’elles estoient servies par un mesme Ministre qui residoit pour lors à S. Seurin, & qui estoit le nommé Chastagnier. Apparemment cette jonction dura jusques à ce que Constantin fust revenu demeurer à S. Fort ; ce qui n’arriva qu’au mois d’Aoust 1597.

Ce que le Syndic avance, se trouve clairement justifié par les propres pièces des defendeurs. Les Prétendus Reformez de S. Fort non seulement n’ont donné aucune preuve d’un exercice établi & publiquement fait à S. Fort és années portées par l’Edit ; mais mesme les pièces qu’ils ont produites, montrent visiblement qu’ils n’avoient point ledit exercice dans ces années.

Cependant ils n’ont pas laissé de construire un Temple en l’année 1605. comme il paroist par l’inscription qui est au frontispice de ce Temple. C’est une contravention manifeste à l’Edit de Nantes, & il est à remarquer qu’ils ont construit ce Temple de leur propre autorité, & : sans avoir obtenu aucune permission de Sa Majesté.

Pour ces causes, le Syndic espere de la justice de Sa Majesté, & de celle de Nosseigneurs de son Conseil, que l’exercice public de la R. P. R. sera interdit à S. Fort, & le Temple où il se fait, condamné à estre démoli par les défendeurs.

M. le Marquis DE CHASTEAU-NEUF, Rapporteur.

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