Histoire Passion - Saintonge Aunis Angoumois

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1789 - Angoulême (16) : Cahier de doléances de la ville - 2ème version

lundi 30 juin 2008, par Pierre, 1446 visites.

Page en cours de rédaction

Mémoire en forme d’observations pour servir à toutes fins de doléances et plaintes de la ville d’Angoulême que les députés du Tiers état de ladite ville adressent au ministre des finances.

Le mémoire, sorte de supplément au cahier des doléances d’Angoulême, ne porte pas de date ; mais le début indique qu’il est de peu postérieur à la rédaction du cahier général et à la nomination des députés du Tiers état de la province, c’est-à-dire au 21 mars 1789. Un texte manuscrit de ce mémoire, "préparé pour collation" et non signé, provient du fonds de la sénéchaussée et se trouve aux Archives départementales de la Charente, série C (sans cote), 38 p. gr. in-4° ; un autre texte original signé est aux Archives nationales, série BA 14, liasse 10 ; copies dans BIII 8, p. 722 ; c’est le texte’1’ qu’ont reproduit Antonin Proust dans les ‘Archives de l’Ouest, II, s. d., 220-265, ainsi que Mavidal et Laurent dans les Archives parlementaires (1879), II, 10 à 29.

Ce mémoire d’un intérêt capital est accompagné dans l’original (Arch. nat., BA 14 de la lettre suivante adressée à Coster, commissaire de la convocation des États généraux : « Angoulême, 6 juin 1789. Monseigneur, le cahier du Tiers état de cette province ne présentant pas son véritable vœu à raison de l’influence que les officiers des seigneurs ont eue dans l’assemblée générale, les députés de cette ville m’ont chargé de vous faire passer leur mémoire en forme de cahier ; ils espèrent que vous voudrez bien l’accueillir et prendre en considération les observations qu’il contient ; une copie de ce mémoire est adressée à M. Roy, avocat, l’un des quatre députés aux États généraux. Je suis, etc. Signé : Marchais de la Berge, maire (signat. autogr.). »

Le mémoire original des Archives nationales compte 64 pages, format in-f° ; les signatures autographes qu’il contient sont celles des dix députés de la ville d’Angoulême et de quelques-uns des députés des arrondissements voisins, choisis pour vaquer à la rédaction du cahier du Tiers (11-12 mars 1789).

Source : Cahiers de doléances de la Sénéchaussée d’Angoulême et du siège royal de Cognac pour les États généraux de 1789 - P. Boissonnade - Paris - 1907

Si, lors de la nomination des députés du Tiers état aux États généraux (2), la cabale et l’intrigue n’eussent porté que sur le choix de quelques-uns d’entre eux, l’espoir d’un nouveau règlement capable de réprimer les abus dans les nominations subséquentes aurait imposé un silence respectueux ; mais les députés des campagnes, non contents d’en avoir ouvertement écarté ceux de la ville capitale par l’influence des officiers des seigneurs sur l’esprit de leurs justiciables, se sont encore attachés à élaguer du cahier général tout ce qui n’était pas dans les leurs. Une opiniâtreté trop soutenue dans les sentiments a divisé les intérêts ; elle a enfin prévalu dans la rédaction ou plutôt dans la formation du cahier de la province, sans qu’il y en ait eu de particulier au bailliage principal d’Angoulême [1]. C’est ce qui détermine le Tiers état de cette ville à supplier M. Necker de prendre en considération le présent mémoire, et d’avoir égard à des plaintes et doléances dictées par le respect et la nécessité.

- 1. Le premier devoir de la ville d’Angoulême et de sa province c’est de témoigner son respect, son amour et sa soumission pour le monarque bienfaisant qui va justement recevoir le glorieux titre de « Pèredu peuple ».

- 2. Délibération par tête et non par Ordre.- Le Tiers état supplie très humblement Sa Majesté d’ordonner que les voix seront recueillies par tête et non par Ordre. L’union de sentiments de deux Ordres ne pouvant raisonnablement engager l’autre, cette manière d’opiner deviendrait illusoire ; si elle pouvait être de quelque poids, on verrait souvent la majorité céder à la minorité. Un seul exemple suffira pour le démontrer ; en supposant que le Tiers état soit représenté par 6oo députés, dont 500 seront d’un même avis, et les 100 autres en opposition ; que de 300 qui représentent le Clergé, 100 se trouvent d’accord avec les 500 du Tiers et 200 avec les 100 opposés, qu’il en soit ainsi dans la Noblesse, il résulterait de cette forme dans les opinions que 500 l’emporteraient sur 700.

Si néanmoins, il pouvait y avoir des cas qui nécessiteraient de voter par Ordre et non par tête, ce ne devrait être dans aucune des circonstances où les intérêts sont communs, et vraisemblablement ces exceptions seront très rares, puisque le bien de tous se trouve dans les différentes branches d’administration.

- 3. Abus des privilèges. Leur suppression, l’établissement d’une imposition foncière en place des tailles, de la capitation et des vingtièmes. —L’affranchissement des impositions dont ont joui jusqu’à présent les deux premiers Ordres est une des justes sollicitudes du troisième. C’est à la féodalité que le Tiers état doit attribuer la prépondérance qu’ils ont eue sur lui aux assemblées générales de la Nation, où la première fois qu’il fut appelé, ce ne fut que pour recevoir un double joug.

Chez les Romains, les charges de l’État portaient sur les différentes classes de citoyens, sans distinction de titres et de rang. Il eu fut ainsi parmi les Francs dans les premiers temps de la monarchie. Les sujets étaient également libres et les propriétés supportaient des contributions proportionnelles, mais les lois féodales ont en quelque sorte bouleversé l’ordre de la nature. Les terres furent anoblies et des hommes devinrent esclaves. Ce fut dans le principe la possession des fiefs qui donna le droit de noblesse, c’est-à-dire qui mit les uns dans l’affranchissement et les autres dans la servitude.

On se fit une honte de s’assimiler à des êtres qu’on avait privés du droit d’égalité, et, lorsqu’on eut une fois senti la nécessité de solder des troupes pour le soutien de l’Etat et la gloire du monarque, les grands vassaux en se déchargeant du service de la guerre versèrent sur le peuple les subsides dont eux-mêmes profitèrent selon leur place dans les armées, et les prétendues immunités du Clergé s’étendirent sur les riches possessions qu’une crainte religieuse lui appropriait.

Les règlements successivement rendus sur le fait des tailles font apercevoir que les privilèges ont été regardés comme exorbitants du droit commun, puisque les rois se sont toujours attachés à les restreindre, ce qui en démontre manifestement l’injustice et l’abus : car s’ils eussent pris leur principe dans la constitution de la monarchie, leur universalité ne pouvait être divisée.

Plus les législateurs ont limité les exemptions, plus la Noblesse et le Clergé se sont étudiés à éluder la disposition des lois ; par exemple, il ne peut être exercé de privilèges que dans une paroisse, pour les biens sujets à l’exploitation, dans le pays où la taille est mixte ; mais la plupart de ceux qui en jouissent l’étendent dans les généralités où ils ont des possessions, parce qu’on ignore dans une élection ce qui se passe dans une autre.

La jurisprudence des Cours des aides affranchit de taille les prés, bois et vignes des gentilshommes et ecclésiastiques dans quelques lieux que ces sortes de biens soient situés, et comme ce sont leurs principales possessions, le poids des impositions [2] s’en appesantit d’autant plus sur les taillables.

Les droits d’agriers [3] de champarts [4], de dîmes, rentes seigneuriales et autres objets semblables, ne sont assujettis à aucunes des charges réservées au Tiers état. Cette exception est opposée à la nature de la chose ; ils tiennent tellement aux héritages qu’ils font partie de leurs productions et qu’on les prélève sur les fruits.

Combien de gentilshommes confiant la culture de leurs domaines à des colons les font passer pour des valets à gages ! On voit journellement des fermiers de terres prendre la qualité de régisseurs par des procurations simulées, et les abus qui dérivent de tant de fraudes sont une des causes qui surchargent la classe plébéienne [5].

Les gens aisés ne fatiguent pas moins les campagnes. Les uns se soustraient des impositions par le moyen des charges qui concèdent la noblesse. Les emplois et les offices dont les autres sont pourvus leur donnent l’exemption des taxes personnelles ; ce qui, réuni aux privilèges dont jouissent les villes franches, devient un surcroît d’imposition sur les paroisses où chacun d’eux ont des biens.

L’extinction de la taille, des accessoires, de la capitation, des vingtièmes et des décimes est donc un des principaux objets à réclamer. Le mot de taille semble annoncer encore un reste de servitude qui dégrade des hommes libres par le droit et par la raison. Sa Majesté sera très humblement suppliée d’y suppléer par une imposition foncière à laquelle les trois Ordres seront assujettis proportionnellement à leurs biens, de quelque nature qu’ils soient ; mais, comme il est juste que le commerce et les arts, ainsi que ceux dont la fortune est en portefeuille, contribuent aux charges de l’État, il conviendra pour lors de prélever sur la masse du taux foncier de chaque province une somme quelconque, à la prudence des États provinciaux, pour en faire la répartition sur les propriétés fictives, les négociants, gens de métiers, et sur tous ceux généralement qui ont des professions lucratives. Chaque communauté ou corporation devra répartir elle-même sur chaque individu la portion qui lui sera assignée. On n’aura pas alors à se plaindre de l’injustice de la distribution, sauf à taxer particulièrement les personnes dont l’état ne sera pas analogue à ces différents corps. Quant aux campagnes, il sera aisé de faire une taxe lixe pour ceux dont l’industrie sera étrangère à l’agriculture, et la masse restante de l’imposition foncière sera répartie sur les biens réels.

- 4. Périodicité des États généraux. — Les bontés du Roi ayant fait espérer le retour périodique des Etats généraux, il sera nécessaire de déterminer invariablement leur époque et de donner à la monarchie [6] une constitution immuable, qui la rende formidable au dehors, puissante au dedans. Cette périodicité assurera l’éclat du trône et le bonheur des sujets dont Sa Majesté veut bien s’occuper.

- 5. Etablissement d’impôts. — D’après la volonté connue du Roi, les députés solliciteront de sa justice qu’à l’avenir il ne soit continué d’autres impôts que ceux qui auront été consentis et arrêtés dans une assemblée nationale. Les charges seront toujours en proportion avec les besoins de l’État ; la sanction des lois n’aura plus l’inconvénient qu’éprouvent presque toujours leurs vérifications et leurs enregistrements dans les Cours supérieures par des modifications souvent opposées entre elles.

- 6. Responsabilité des Ministres. — En fixant la dépense ordinaire de chaque département et les ministres une fois assujettis à une responsabilité, qui doit être la suite de l’ordre et de l’économie à porter dans les finances, ils n’auront plus la facilité de sacrifier à la faveur ou de céder à l’importunité.

- 7. Lettres de cachet. — Les intentions que Sa Majesté a manifestées à toute la France ont autorisé les provinces à réclamer la suppression des lettres de cachet qui attaquent l’homme dans sa liberté. Cette réclamation mérite néanmoins un examen bien réfléchi dans l’Assemblée nationale sur les considérations particulières qui peuvent y donner lieu. Des pères justement alarmés de l’inconduite de leurs enfants ne peuvent raisonnablement devenir leurs délateurs pour les livrer à la vindicte publique. Des familles au sein desquelles des femmes portent le déshonneur et la honte se refusent à la publicité de leurs égarements par une procédure judiciaire. C’est donc dans de pareilles circonstances qu’on pourrait regarder les lettres de cachet comme un effet de la bonté du monarque, sitôt que leur nécessité serait constatée par les Etals provinciaux.

- 8. Liberté de la presse. — La liberté de la presse tient à l’ordre social et au besoin d’éclairer l’Administration ; elle parait devoir être sans bornes pour le bien, mais prohibée pour tout ce qui peut corrompre l’esprit et le cœur.

- 9. États provinciaux. — L’établissement d’États provinciaux est le vœu de la Nation et celui de chaque individu qui a le bien en vue. Il paraît juste que la répartition, la levée et la rentrée des charges publiques et locales appartiennent à ceux qui les payent, par le choix des sujets sur lesquels repose leur confiance. Mais l’attribution ne doit pas être restreinte à ces trois objets. Sa Majesté sera très humblement suppliée de donner aux États provinciaux une consistance qui fasse porter leur activité sur la confection et l’entretien des routes, des chemins vicinaux, la navigation, les réparations d’églises et de presbytères, les anciens et nouveaux établissements, les bureaux établis pour les enfants trouvés, les convois militaires, les casernes, les troupes de passage, la fourniture des étapes, les soldats dans les hôpitaux, la levée des troupes provinciales, et d’étendre enfin leur ressort sur tout ce qui concernera le bien et l’avantage de la province, sans que des autorités intermédiaires puissent balancer leurs opérations. La contribution des peuples deviendra plus facile dans sa perception, plus économique dans le versement des tributs au trésor royal.

Les sujets en seront soulagés, même en augmentant les revenus de l’État par une sage administration, sans qu’il soit besoin de faire passer d’une main dans une autre des fonds dont la masse est sensiblement altérée par les différents canaux où elle coule, avant d’arriver à sa véritable destination.

- 10. Etablissements d’États provinciaux pour l’Angoumois. — C’est à la suite de cet article que la ville d’Angoulême doit implorer des bontés du Roi l’établissement d’États provinciaux particuliers à la province d’Angoumois dont le district s’étendra sur les paroisses et les enclaves intérieures hors de son ressort ou qui la circonscrivent. Son bailliage principal et le bailliage secondaire de Cognac comprennent environ 450 paroisses, qui, toutes sous le même régime, sans réunion à d’autres provinces, seront beaucoup mieux administrées, en ce que leurs intérêts sont les mêmes, qu’il n’y a aucune différence dans leur commerce, non plus que dans la coutume qui les gouverne. La navigation de la Charente, les bois, les vins, les fers, les eaux-de-vie, les sels et les négociations mettent tant de liaisons dans leurs affaires qu’il n’est pas possible de les scinder sans un désavantage réciproque. Dans un département médiocre, les rapports sont mieux combinés, les vues du bien plus rapprochées, et, tout l’ensemble s’apercevant plus aisément, sans discussion d’intérêts avec des provinces étrangères, la félicité des peuples se trouve attachée à une pareille administration.

271 collectes formant une élection particulière dépendent de la généralité de Limoges [7]. Le commerce, les mœurs, le sol, le langage des habitants de cette partie d’Angoumois et de ceux du Limousin diffèrent tellement entre eux qu’on ne peut y voir d’autre analogie que celle d’être de la même généralité. Les premiers sont régis par une coutume [8], les autres par le droit écrit [9]. L’Angoumois où les aides ont cours est dans le ressort du Parlement de Paris [10] ; Limoges, pays non sujet à ce droit, ressortit à Bordeaux. Enfin la dissemblance va jusqu’au territoire dont les productions sont différentes. Il est peu de provinces dans le royaume qui soient aussi divisées que la nôtre. Partie est unie pour les impositions avec le Limousin [11], et c’est dans ce cas où elle est la moins favorisée. Plus de 140 paroisses composent l’élection de Cognac [12] ; d’autres sont de celles de Saint-Jean-d’Angély [13] et de Barbezieux [14], toutes de la généralité de la Rochelle [15] ; quelques-unes enfin sont réunies à Poitiers.

Le plus grand avantage que puisse recevoir l’Angoumois, c’est donc d’en lier toutes les parties sous une seule administration provinciale. Mais si des circonstances qu’on ne peut prévoir s’opposaient à l’exécution de ce projet, on ne cessera de réclamer la séparation de l’élection d’Angoulême des quatre autres dépendantes de la généralité de Limoges, pour qu’avec le surplus de la province, ces États provinciaux soient les mêmes fjue ceux de la Saintonge et de l’Aunis.

- 11. Le Tiers état rappelé aux places. — Le Tiers état, loin de méconnaître la distinction des rangs que donne la naissance et sa préférence pour les dignités ecclésiastiques et places militaires, s’attache uniquement à demander la révocation du titre d’exclusion qui l’a flétri jusqu’à ce jour. Le mérite est de tous les états ; le germe des vertus est dans le cœur de tous les hommes ; l’amour du bien les met en pratique. A combien de plébéiens la France ne doit-elle pas son salut, sa gloire et ses lumières ! Exclure la 23 /24e partie de la Nation des places où le courage, la valeur et les talents peuvent faire aspirer, c’est enlever à l’État la richesse de ses ressources. L’ordonnance militaire de 1777 avilit tellement le troisième Ordre, qu’on croirait y voir un rédacteur piqué d’avoir eu au moins des égaux sortis de cette classe de sujets, de cette classe encore humiliée jusque dans la disposition des lois criminelles par l’énonciation des peines entre les criminels des différents ordres.

- 12. Suppression des offices qui donnent la noblesse. — Le titre de noblesse était anciennement attaché à la possession des fiefs, qui sans doute n’étaient accordés dans le principe qu’à ceux qui s’en étaient rendus dignes par des actions d’éclat. Depuis que l’ordonnance de Blois a aboli cette manière de la concéder, c’est presque toujours la vénalité qui la donne à la fortune, dont on aurait souvent à rougir s’il fallait en faire connaître la source. Sa Majesté, en supprimant les offices qui la confèrent, voudra bien à l’avenir qu’elle ne soit due qu’aux vertus patriotiques et au dévouement à la chose publique, sans distinction d’états ; l’ambition de l’obtenir formera d’excellents officiers militaires et de bons magistrats. Elle honorera le commerce et perfectionnera les arts, surtout s’il n’y a plus de dérogeance dans l’exercice de ces deux dernières professions.

- 13. Administration de la justice. — Chaque tribunal a sa jurisprudence presque toujours en contradiction avec les lois civiles dont les juges ne devraient être que l’organe. La forme ruineuse de la procédure absorbe souvent les propriétés qu’on défend, et les détours captieux de la chicane éternisent les affaires.

Donner aux justiciables des tribunaux supérieurs plus rapprochés, avec faculté de se soustraire des premiers degrés de juridiction toutes les fois qu’il en faudra plus de deux pour parvenir au dernier ressort ; simplifier tellement la procédure qu’il ne soit pas possible de l’étendre au delà des dispositions précises de la loi ; prohiber toute jurisprudence contradictoire avec les lois : assurer aux créanciers comme aux débiteurs le prix de la vente des biens saisis, de manière que les frais de la vente et la distribution n’excèdent pas le dixième du prix ; réduire les officiers ministériels à un moindre nombre ; assurer une prompte justice en fixant un bref délai pour les jugements définitifs ; dégager de formes judiciaires et de ministère de procureurs toute discussion entre les gens de la campagne pour plantation ou arrachement de bornes, petites anticipations, dégâts et autres objets semblables ; supprimer la vénalité des offices dont chaque province fera le remboursement à des époques déterminées, et rétablir la magistrature dans l’honneur d’assurer gratuitement le repos et la fortune des citoyens ; voilà des réclamations dignes des Etats généraux et de l’attention du monarque.

- 14. Lois criminelles. — Les lois criminelles sont la sauvegarde de la vie et de la sûreté des sujets, mais combien de fois a-t-on vu de grandes erreurs devenir fatales à l’innocence ! Le code criminel a donc besoin d’une refonte générale que Sa Majesté a déjà préparée par des modifications provisoires.

- 15. Juridictions consulaires. — Les premiers établissements des juridictions consulaires ont produit de si grands avantages au commerce qu’il en a été successivement érigé dans la plupart des villes du royaume. La connaissance des faillites a été une de leurs attributions ; en effet rien n’est plus analogue à la juridiction consulaire que les opérations, soit judiciaires, soit amiables, auxquelles donne lieu l’ouverture d’une faillite. Fournir et payer, voilà l’acte de commerce ; il n’a besoin ni de juges, ni d’actions quand les parties l’exécutent elles-mêmes ; ils sont nécessaires lorsque l’un ou l’autre de ces deux modes manquent. Une faillite est donc un défaut de payement de la part de l’acheteur, et tout ce qui s’ensuit est attributif aux consuls aux termes des édits de leurs érections, de l’ordonnance de 1673 et des lois interprétatives.

Il est évident que les législateurs ont entendu attribuer cette connaissance aux juridictions consulaires. Elles y ont été maintenues dans le ressort du Parlement de Rouen par des arrêts des 6 mai 1661, 16 juillet 1765 et 18 juin 1766. Quelques-unes la conservent encore dans d’autres ressorts. Celle d’Angoulême en a été compétente jusqu’à l’époque de 1769, où, sur une contestation élevée par un négociant intéressé à l’en dépouiller, il est intervenu arrêt au Parlement de Paris, qui en a renvoyé la connaissance au siège de la sénéchaussée. Depuis cette intervention, les frais de procédures ont absorbé, pour la plus grande partie, la masse sur laquelle les créanciers avaient quelque espoir. Il est de l’intérêt du commerce d’attribuer aux juridictions consulaires l’apposition des scellés, la vente des effets mobiliers et l’homologation des concordats en fait de faillites. Les juges ordinaires ont déjà opposé à cette demande qu’elle est contraire au cours ordinaire de la justice, en ce que les juridictions consulaires n’ont point de ministère public. Il est aisé d’y suppléer par un procureur syndic ad hoc que les consuls choisiront entre eux. D’ailleurs cette forme n’a pas toujours paru essentielle ; non seulement elle n’est point observée dans les sièges consulaires qui en ont conservé la connaissance, mais encore ils n’y ont pas été astreints par les déclarations rendues sous les deux règnes précédents. C’est du trône qu’émane la justice, et les rois peuvent en diviser les rayons de la manière qu’il leur plaît.

Dans le principe, les juridictions consulaires n’ont eu d’autres limites entre elles que la proximité des justiciables. La célérité des affaires, la commodité des marchands, enfin l’avantage du commerce avaient été une conséquence nécessaire de cette disposition ; mais une déclaration du Roi de 1759, rendue sur des mémoires non communiqués, en a fixé le ressort à celui du bailliage où elles sont établies, les cas prévus par l’article 17 du titre XII de l’ordonnance de 1673 néanmoins exceptés. Il résulte de cette loi que les sièges royaux où il n’y a point de consuls connaissent des matières de commerce et qu’elles sont indéfiniment sujettes à l’appel. On y procède dans bien des cas comme pour les affaires ordinaires. C’est là qu’à la faveur des retards apportés dans les jugements, le débiteur fait la loi à son créancier. Les billets de commerce négociés éprouvent sans cesse des obstacles sur l’exécution des prononciations en garanties et solidaires contre les endosseurs et les débiteurs originaires, à raison de leurs différents domiciles. Le commerce ne peut cesser de demander l’abrogation de cette loi.

L’édit du mois de novembre 1563 et les subséquents fixent à 500 livres, le dernier ressort des jugements consulaires. Les autres, à la vérité, doivent être exécutés nonobstant appel, mais des arrêts de défenses bientôt obtenus arrêtent l’effet des condamnations, dont la prompte exécution devient souvent nécessaire par la circonstance où se trouve le débiteur. Sa Majesté a reconnu la nécessité de donner une ampliation aux présidiaux. Les juridictions consulaires sont dans un cas bien plus favorable ; il paraît juste de les mettre au moins au niveau. Les négociants en font un article de leurs doléances.

- 16. Lettres de change tirées ou endossées par des enfants de famille.— L’article 1er du titre VII de l’ordonnance de 1673 prononce la contrainte par corps contre toutes personnes qui auront consenti des lettres ou billets de change, mis leur aval, promis d’en fournir une remise de place en place, ou qui auront fait des promesses pour des effets de cette nature qui leur auront été fournis. Les lettres et billets de change sont le grand ressort du négoce et l’âme de sa circulation : mais il n’a jamais été entendu que de pareilles dispositions pussent tourner à des usages pernicieux. On ne voit que trop les funestes effets que cette facilité produit. Des enfants de famille séduits par l’appât du jeu et de mauvais exemples consomment leur patrimoine avant l’âge qui leur en donne la libre disposition. Combien en est-il qui sans le moyen des lettres de change qu’on leur fait tirer ne seraient pas tombés dans la dissolution dont savent profiter des hommes avides ! Les jeunes gens sont ingénieux à se procurer de l’argent, lorsque les passions les maîtrisent. Tout leur est bon ; le prix qu’on met aux choses n’est rien pour eux dans le moment. Les lettres de change dont la date est en blanc sont faciles à donner, et les ventes aux deux tiers de perte d’objets ainsi achetés et souvent repris sous main par ceux de qui ils les tiennent alimentent leur libertinage. La décharge de la contrainte par corps envers toutes personnes qui ne seraient ni marchands, ni négociants, ni banquiers, fermiers, régisseurs, ni gens d’affaires souffrirait peut-être trop d’inconvénients. Le négociant cherche toujours à faciliter la rentrée de ses fonds, et les lettres de change sont souvent la seule voie dont il puisse se servir utilement.

Annuler tous endossements, lettres de change non écrites en entier, sans aucuns chiffres, par toutes personnes non marchandes, est un des moyens qu’il est possible d’opposer aux abus, et dans le cas d’antidaté, les mineurs pourraient, dans les trois mois qui précéderont leur majorité, en faire une déclaration bien spécifiée au greffe de la justice ordinaire, où ils appelleront ceux au profit desquels les engagements auront été contractés, pour les voir annuler quant à eux, sans préjudice de la poursuite extraordinaire à la requête du ministère public.

- 17. Receveur des consignations.— L’établissement de ces dépôts est un objet d’utilité publique, mais il est possible d’en tirer de plus grands avantages en les confiant aux États provinciaux dont la province demeurera responsable. Des sommes considérables sont accumulées dans des caisses sans aucun fruit pour l’État, tandis qu’une foule de circonstances peuvent en multiplier la ressource. Que des évènements imprévus fassent presser la rentrée des fonds du gouvernement, qu’une province ait des amortissements à faire, on peut trouver dans la masse des consignations de quoi y suppléer en partie et attendre avec plus de sécurité les divers recouvrements des deniers publics, qui, à mesure de leur rentrée, rempliront le vide de ces sortes de dépôts et n’apporteront aucun retard dans la remise ou la distribution du montant de chaque consignation, qui sera acquittée sans aucune retenue. La crainte d’un divertissement ne serait pas fondée. La nouvelle face que le cours des affaires va prendre et la confiance qui sera due aux administrations provinciales en assureront la manutention.

- 18. Curés. — Par l’édit du mois de mai 1768, il est enjoint aux archevêques et évêques de pourvoir à la subsistance des curés de ville, conformément à l’article 21 de l’ordonnance de Blois. Les supérieurs ecclésiastiques ont, depuis, obtenu la suppression de plusieurs menses conventuelles, sans en appliquer les revenus selon la disposition de la loi. Un arrêt du conseil, du 15 mai 1783, a destiné la mense des religieux de Saint-Cybard de cette ville, ordre de Saint-Benoit :

  • 1° Au soulagement des prêtres infirmes du diocèse d’Angoulême ;
  • 2° A l’instruction et à l’entretien de jeunes ecclésiastiques ;
  • 3° A la dotation de deux places de philosophie dans le séminaire ;
  • 4° A l’amortissement du capital d’environ 500 livres imposé chaque année pour le complément de 1,800 livres qui ont servi de dotation à l’établissement de cette maison.

Il est de toute justice d’assurer des secours à des pasteurs qui ont vieilli dans les pénibles fonctions de leur ministère ; mais, quoique la fondation des bourses présente quelques avantages, elles ne sont que des faveurs momentanées dont on recueille peu de fruit, et cinq bourses et demie déjà fondées dans le séminaire d’Angoulême sont plus que suffisantes pour donner à l’évêque diocésain l’occasion de manifester sa bienfaisance. Quant aux deux places de philosophie qu’il est projeté d’établir au séminaire, cet établissement est d’autant plus superflu qu’il attaque essentiellement la constitution du collège de la ville, où les cours d’études sont légalement fondés jusque la théologie inclusivement [16]. D’ailleurs, quelque bien que ces destinations fassent envisager, elles portent avec elles le vice de l’arbitraire, qu’on peut d’autant moins laisser subsister que dans ce moment on s’occupe de sa destruction dans toutes les différentes branches d’administration.

Le séminaire une fois rempli du fonds [du] capital de 500 livres qui sont annuellement imposées sur le clergé de ce diocèse, il est certain qu’il restera plus de 9,000 livres de revenu, provenant de la mense conventuelle de Saint-Cybard, dont l’application faite aux curés de cette ville, à l’exception de 2,000 livres à réserver pour le collège, facilitera la suppression d’un casuel qui les humilie faute d’avoir d’autres moyens de subsistance ; quelques-uns d’entre eux sont même obligés, contre les règles de leur état, de prendre des écoliers et des pensionnaires [17] ou de se procurer des places dans le bas-chœur du chapitre [18], pour s’assurer les besoins physiques [19].

La portion congrue des curés de la campagne n’est proportionnée ni à leur état ni à leurs besoins ; plusieurs d’entre eux représentent des corps réguliers qui, avant le deuxième concile de Latran, remplissaient les fonctions pastorales dans les cures qui leur appartenaient. Ce concile leur imposa l’obligation de les remettre à des prêtres séculiers, et, à la faveur d’une légère rétribution, ils furent déchargés du soin de veiller au salut des âmes, en se conservant les revenus.

Les chapitres les imitèrent, toutes les fois que les curés vinrent s’associer à eux, en leur abandonnant les dîmes des paroisses auxquelles ils avaient été nommés. C’était donner ce qui n’était pas à soi. S’il fallait en venir au principe, il n’y aurait plus de vicaires perpétuels. C’est un acte de justice que de porter les portions congrues à 1,500 livres. Alors les pasteurs seront à même de soutenir avec décence les fonctions sublimes de leur ministère et d’offrir aux pauvres de leurs paroisses les secours dus à l’humanité. La suppression du casuel deviendra un soulagement pour les peuples, d’autant plus juste que le casuel n’a d’autres principes que des offrandes volontaires.

- 19. Collèges. — Il y a un si grand vide dans l’enseignement qu’il doit être le sujet d’une réclamation générale. Lorsque les Jésuites ont été expulsés du collège d’Angoulême, il ne manquait à sa célébrité que l’exécution de lettres patentes du mois de décembre 1516 qui accordent à cette ville le droit d’Université. Le pensionnat était rempli de jeunes élèves et plus de 300 externes fréquentaient les classes, auxquelles il devait être joint deux cours de théologie, aussitôt la réunion du prieuré de Vindelle effectuée.

Quelques-uns des régents donnaient à l’enfance les premiers éléments, lorsqu’ils furent chargés de remplacer provisoirement les Jésuites. L’édit du mois de février 1763 et l’arrêt du Parlement du 29 janvier 1765 concernant la forme et l’administration des écoles publiques d’Angoulême n’ont point fait renaître la confiance. On emploie inutilement chaque année un fonds de 4,000 livres pour une trentaine d’écoliers qui fréquentent le collège.

L’Angoumois est limité par des provinces dont le langage vicieux est accompagné d’accents désagréables. La jeunesse de ces différentes contrées trouvait autrefois dans cette ville l’étude des sciences et l’école des mœurs ; elle se corrigeait des idiomes et des accents particuliers à ces provinces.

Le nombre des jeunes élèves envoyés dans les différentes pensions d’Angoulême était une ressource pour les habitants, qui eux-mêmes avaient la douce consolation de procurer une éducation gratuite à leurs enfants.

C’est moins à l’administration économique des revenus qu’on devait s’appliquer qu’à former un bon collège, en le confiant à une congrégation ou corps régulier ; mais ceux qui par état étaient dans l’obligation de s’en occuper, sans cesse affectés par des considérations personnelles et par le soin de se maintenir dans une inspection qui éloigne tous les corps capables d’un bon enseignement, se sont écartés des véritables intérêts de la patrie. Les opinions toujours opposées ont fait perdre le fruit de l’éducation à trois générations ; l’oisiveté a suivi de près l’abandon des écoles. La dissolution en a été la suite. Des réserves auxquelles on s’est uniquement attaché ont servi à construire quatre maisons et à en acquérir une autre ; des fonds ont été placés sur le clergé ; plus de mille louis sont encore en caisse, et, pour dégoûter tous les corps à qui le collège a été proposé tant par M. l’évêque que par les officiers municipaux, on a laissé tomber en ruines les principaux bâtiments, faute d’entretien [20]. Le Roi sera très humblement supplié de prendre en considération le collège de la ville d’Angoulême, d’en supprimer l’administration, d’ordonner qu’il sera confié à une organisation ou corps régulier, et, pour éviter les débats qui pourraient s’élever sur la convenance, il sera demandé à Sa Majesté de vouloir bien indiquer le corps qui lui sera le plus agréable.

- 20. Château et états-majors. — L’ordonnance militaire de 1777 a divisé les gouvernements et états-majors en trois classes. La première regarde les villes frontières ; la seconde, les villes réputées villes de guerre ; la dernière concerne l’intérieur du royaume. Cette troisième classe non seulement est inutile, mais elle grève encore les citoyens par l’autorité despotique que la plupart des officiers s’arrogent. C’est enfin une augmentation de charges sur la Nation. Aussi, la suppression de ces petits gouvernements et états-majors offre un moyen d’économie, et l’accensement des châteaux et de leurs dépendances dans le plat pays sera un accroissement de revenu au domaine du Roi, sans frais d’entretien.

- 21. Logements de gens de guerre. — La Noblesse et le Clergé ne sont assujettis au logement des troupes qu’en cas de foule ; il en est ainsi des gens aisés du Tiers état qui trouvent dans l’acquisition des offices, des emplois et des commissions le moyen de s’en affranchir, de manière que dans les villes il n’y a qu’environ les deux cinquièmes des habitants chez lesquels il est possible d’établir des logements, tant à cause de l’indigence bien reconnue des uns, de la qualité et de l’état des autres, que des personnes du sexe où la décence ne permet pas de loger. Encore combien de familles dont la plupart des individus passent la nuit près de leurs foyers pendant le séjour de la troupe ! Des constructions de casernes dans les lieux principaux de passage seront un remède contre l’abus ; mais il en existerait encore, si la fourniture de l’ustensile était faite en nature. Les États provinciaux étant autorisés à y appliquer des fonds levés sur la province et à donner cette fourniture par entreprise, chacun participera sans gène, sans embarras et à peu de frais à ce service. Plus on a de propriétés, plus on tient à l’État, plus on est intéressé à le soutenir, plus on doit contribuer aux charges dont la sûreté dépend.

- 22. Mouvements des troupes. — Les mouvements annuels des troupes qui passent d’une garnison dans une autre occasionnent une dépense très [21] considérable. La fourniture des étapes presque toujours délivrée aux régiments comme s’ils étaient complets, le transport des équipages et les chevaux accordés aux soldats malades ou convalescents, les entrepreneurs généraux des convois militaires qui, dans chaque province, font des marchés en sous-ordre à un prix très inférieur à celui de leur bail, n’épuisent pas moins les fonds appliqués au département de la guerre. Les sous-fournisseurs de voitures pour les équipages et de chevaux de selle pour les officiers n’étant jamais pourvus du nombre nécessaire aux régiments, il faut recourir aux paroisses et le traitement que ces agents leur font ne va pas au delà du louage ordinaire. Si chaque province est chargée à l’avenir de cette dépense particulière, les Etats provinciaux auront intérêt de veiller aux malversations et leur administration éclairée réduira à près de moitié tout ce qu’il en coûte. Bien mieux encore, lorsque ces mouvements multipliés n’auront lieu que dans les circonstances qui les nécessiteront, il résultera de cette forme économique l’inutilité des commissaires des guerres dans la plupart des villes du royaume et la cessation des facilités auxquelles ils se prêtent sur les demandes des états-majors.

- 23. Troupes provinciales. — Ce n’est que depuis l’ordonnance militaire de 1776 qu’on voit moins de variations dans la forme de lever les soldats provinciaux, mais les adoucissements qu’elle présente n’ont pas vaincu la répugnance que l’on a pour ce service. Des jeunes gens autrefois arrachés du sein de leur famille pour être traînés dans des cachots sous prétexte qu’ils étaient de mauvais sujets, qui souvent n’avaient contre eux que la vengeance et la haine d’un syndic, seront longtemps un sujet d’épouvante ; il y a toujours des fuyards, par conséquent des emprisonnements momentanés. Les abus de la forme actuelle dérivent des assemblées de plusieurs paroisses réunies, où les querelles entre les garçons sont quelquefois suivies d’événements funestes, de la suspension des travaux dans les temps les plus précieux à l’agriculture, de la privation du nécessaire pour contribuer aux sommes qu’on destine aux soldats du sort, nonobstant que ces sortes de contributions soient prohibées, et du vice des recettes dans les deux mois qui succèdent chaque année les tirages, par l’impuissance où se sont mis les redevables de satisfaire à leurs impositions. Il en est d’un autre genre qui flétrissent les enfants de famille honnête et les laboureurs, par les exemptions accordées à des hommes oisifs et avilis par leur service auprès de la Noblesse et du Clergé. S’il est nécessaire d’avoir toujours un corps subsistant et prêt à marcher au besoin, l’usage où étaient anciennement les communes de donner un certain nombre de soldats peut servir d’exemple. En assujettissant les paroisses selon leur étendue à fournir des hommes dont le service sera de huit ans, la dépense sera répartie sur chacune d’elles dans la proportion des charges royales. La division de la province en huit districts n’en fera mouvoir tous les ans qu’une huitième partie pour remplir son contingent.

D’anciens officiers militaires [22] auxquels des appointements serviront de pension de retraite, assembleront tous les mois une compagnie de 100 hommes pour les exercer et leur apprendre les évolutions. Un quart de solde accordé à chaque soldat encouragera la jeunesse qui n’en sera pas moins attachée aux travaux de la campagne tout le temps de la paix.

- 24. Corps de ville. — L’établissement des communes est une des époques mémorables de l’histoire de la Nation. L’esclavage sous lequel la féodalité faisait gémir les peuples reçut une secousse violente et l’autorité royale reprit ses droits. Les villes se peuplèrent : le commerce et les arts enrichirent les cités ; les campagnes furent cultivées et le paysan tourna à son profit le fruit de ses travaux. C’est sous le règne de Louis VI qu’on vit renaître le gouvernement municipal. Les maisons de ville eurent leurs officiers, leur juridiction et leurs revenus. Les bourgeois gardèrent eux-mêmes leurs cités, et la levée des soldats qu’ils fournissaient à l’État affermit la puissance du monarque contre les entreprises des seigneurs. Enfin, leurs députés reçus en 1304 dans l’assemblée générale représentèrent un troisième Ordre ; il fut qualifié Tiers état, nom auparavant inconnu.

L’origine des corps de ville tenait à des vues sages et politiques. Aussi n’éprouvèrent-ils de changements que sous le règne de Louis XIV ; de longues guerres multiplièrent les besoins et le génie fiscal, fixant ses regards sur la forme de leur constitution, commença à y puiser des ressources par la vénalité des offices dont la suppression a toujours suivi de près les édits qui les ont créés. Les règlements de 1764 et de 1765, loin de présenter des causes pécuniaires, mirent les villes dans le droit d’établir leurs officiers, mais l’édit bursal du mois de novembre 1771 bouleversa ce nouvel ordre. Ces différentes variations ne furent pas partout les mêmes. Plusieurs cités se sont maintenues dans leur état primitif ; quelques-unes y ont été conservées moyennant finances ; d’autres enfin envisageant les conséquences d’une administration fondée sur la bursalité furent reçues à la réunion des offices ; Angoulême est de ce nombre [23].

Les députés devront donc faire connaître la nécessité de faire abroger toutes les lois contraires aux premiers établissements des municipalités, en mettant sous les yeux du Roi le besoin de les rappeler à leur constitution primitive. On a tout lieu d’espérer que les places, loin d’être le prix de la vénalité, seront au contraire occupées d’après le choix libre des citoyens, et par une suite du nouvel ordre à apporter dans toutes les parties d’administration, on trouvera sans doute dans la concertance [24] (le concert) des corps de villes du royaume des avantages réels par leur concours au bien avec les Etats provinciaux et le soin qu’ils peuvent prendre de faire passer gratuitement et sans frais les fonds du gouvernement au trésor royal.

Comme la plupart des corps de ville du royaume varient dans leur forme, ainsi que dans leur administration, on croit important pour la ville d’Angoulême de faire connaître son régime et sa composition.

Par le traité de Brétigny, la province d’Angoumois fut cédée à l’Anglais. Onze ans après cette cession, les habitants de la capitale ayant trouvé occasion de se soustraire d’une domination étrangère chassèrent de leur ville la garnison établie pour les contenir et se réunirent volontairement au pouvoir de Charles V ; la charte de 1373 est un monument authentique de leur valeur et de leur fidélité. Un maire, douze échevins, douze conseillers et soixante-quinze pairs composèrent le corps municipal qui, lui-même, faisait choix de ses membres à mesure de la vacance des places. Le maire fut gouverneur particulier de la ville confiée à la garde de la municipalité, avec attribution de tout droit de justice civile, criminelle et de police, demi-lieue de franchise, l’exemption de tous impôts dans l’étendue du royaume sur les denrées et marchandises envoyées par les habitants. La noblesse attachée aux vingt-cinq premières places et les soixante-quinze pairs exempts des francs-fiefs pour les biens nobles en leur possession firent partie de la concession des privilèges, Enfin, lors de l’établissement de la taille, Angoulême et ses franchises furent exceptés de cette contribution, et les habitants jouirent du même affranchissement pour leurs prés, bois et vignes dans les pays taillables.

Ces différents privilèges ont tant souffert d’altérations par succession de temps qu’il n’est resté que le droit de noblesse à la personne du maire seulement ; mais, malgré les atteintes portées aux constitutions municipales, le corps de ville avait conservé son ancienne forme jusqu’aux édits de 1764 et de 1765, qui eurent leur exécution dans Angoulême. Celui du mois de novembre 1771 intervertit ce nouvel ordre par la vénalité des offices qui furent créés : la réunion que les officiers municipaux en firent à leur corps fut sanctionnée par un arrêt du conseil du 30 décembre 1774, avec clause néanmoins que ce corps demeurerait composé tel qu’il était alors jusqu’à ce que Sa Majesté eut fait connaître ses intentions tant sur sa formation que sur son administration. Le décès successif d’une partie des membres ni l’absence de plusieurs autres ont souvent engagé ceux qui restaient de solliciter un règlement qui mît une consistance légale dans le corps municipal, et son état précaire détermina l’année dernière le prince apanagiste à demander aux officiers de lui présenter des sujets parmi lesquels il ferait son choix pour remplir les places vacantes, ce qui a été suivi d’exécution dans la forme réglée par l’édit de 1771.

Il s’est élevé une scission dans l’assemblée du Tiers état de la ville sur cette nomination prétendue illégale, sous prétexte qu’il n’appartient qu’aux habitants de nommer leurs magistrats populaires. Les édits de 1764 et 1765 n’ont pu servir de fondement à cette prétention, puisqu’ils sont abrogés par l’édit de 1771 ; encore moins la forme de l’ancienne constitution, dès que (sic) [le] choix des sujets dépendait uniquement du corps municipal, qui souscrit volontiers au rappel de son premier régime, en réduisant néanmoins à un moindre nombre les cent membres dont il était composé, sauf à laisser aux habitants la liberté du choix par des moyens qui ôtent toute influence à la cabale et à l’intrigue. La ville se fait un devoir d’abandonner tous privilèges pécuniaires, à l’exception de l’exemption des francs-fiefs non abrogés par aucunes lois ; mais le titre de noblesse qui décore les fonctions de la mairie, rappelant sans cesse aux citoyens les causes de son origine, doit être une des prérogatives qu’il parait juste de conserver, d’autant plus que, les deux premiers Ordres étant remis au niveau du troisième pour les contributions, les inconvénients vont cesser [25].

- 25. Police. — La police tient tellement à l’origine des municipalités qu’elle n’a pu en être séparée sans inconvénient. Des officiers assurés de la confiance des peuples soumis à leur juridiction avaient plus de facilité à maintenir le bon ordre, à assurer la tranquillité publique et à faire respecter l’autorité [26]. Les circonstances où l’Etat se trouva en 1698 suggérèrent la distraction de la police qui appartenait aux différents corps de ville, pour en confier l’exercice à la vénalité ; plusieurs la conservèrent moyennant finance ; elle a été remise successivement à nombre d’autres ; il paraît convenable pour le bien de la chose publique de rappeler à l’uniformité ceux qui en demeurent dépouillés. Celui d’Angoulême est d’autant plus intéressé à l’obtenir [27] que sa justice corrective et criminelle sur les habitants élève presque toujours des conflits entre le maire, les officiers de police et l’état-major du château [28], dont le lieutenant du Roi ne cesse d’effectuer des prétentions qui blessent [29]. Cette réunion, faite du consentement des titulaires actuels ou à mesure de la vacance des offices, tournera à l’avantage de l’État, puisque ce sera pour lui une extinction de finance.

- 26. Voirie. — Le corps municipal d’Angoulême, par le droit inhérent à sa constitution, avait toujours exercé la voirie dans la ville et ses dépendances, lorsque par un arrêt du Conseil rendu il y a environ vingt-cinq ans, les Trésoriers de France de Limoges se la firent provisoirement adjuger. Les officiers de police leur ont succédé dans cette attribution, en vertu d’une déclaration particulière à l’Angoumois [30]. Cette partie d’administration exige des formes et des plans acceptés qui devenant la sauvegarde des propriétés mettent les citoyens à couvert de l’arbitraire. Cependant, on voit chaque jour dans cette ville tant de discordance entre les alignements que l’on s’écarte du véritable objet qui les fait ordonner. Cet exposé suffit pour faire connaître l’utilité d’un plan régulier de la ville [31], d’après lequel les alignements seront irrévocablement déterminés, tant en présence des officiers municipaux qui seront rétablis dans l’exercice de la voirie que devant des commissaires pris dans chaque paroisse, dont les habitants auront fait choix.

Ce plan ainsi réglé, adopté, revêtu de l’autorité du Roi et enregistré au greffe du bailliage et du corps de ville, deviendra la règle des alignements dont on ne pourra s’écarter ; il n’y aura plus d’expertation [32] ni de taxe d’officiers à payer.

- 27. Mendicité. — La mendicité a été proscrite par différents règlements, notamment par ceux des 18 août 1724, 3 août 1764 et 30 juillet 1777. Des dépôts ont été établis ; l’on y transfère de temps à autre des mendiants détenus par jugement prévôtal, sans qu’à l’expiration du terme prescrit pour la punition ils soient mieux corrigés. Ce n’était pas assez de prohiber une profession à laquelle se livrent des gens en état de travailler ; il fallait pourvoir aux besoins des infirmes et des vieillards qui ne peuvent se procurer par eux-mêmes les moindres secours, et l’humanité exigeait des fonds et des hôpitaux pour la retraite de ces infortunés. Les dépôts sont dispendieux, sans aucune utilité. Cette partie d’administration est à réformer dans l’assemblée des États généraux. Les maisons établies pour être le refuge de vieillards indigents, sans qu’il soit besoin de recommandation pour l’obtenir, devront dépendre des États provinciaux.

Si on supplée à la médiocrité des revenus attachés à ces hôpitaux par des fonds sur la province, déchargée de la dépense d’un dépôt, elle ne [33] pourra laisser à d’autres le soin de la manutention, et les travaux sur les routes seront autant d’ateliers où l’on forcera les mendiants en état de travailler à s’occuper utilement. Les femmes obligées de demeurer dans leurs paroisses perdront insensiblement l’habitude de mendier.

- 28. Notaires. — La conséquence des actes qui lient les particuliers est en proportion de leur fortune et de leur état. Combien de contrats mal rédigés ont occasionné de procès qui ont porté le trouble et le dérangement dans des familles ! Combien de notaires répandus dans les campagnes savent à peine leurs premiers éléments ! Ce n’est pas qu’il ne s’en trouve d’éclairés, mais c’est le plus petit nombre. Un an de fréquentation d’études chez un procureur leur paraît suffisant pour l’état de notaire, et au moyen de 300 ou 400 livres, on lève un office pour le faire valoir aux dépens de qui il appartiendra, sans s’astreindre à la résidence dans le lieu pour lequel l’office a été levé. Sans doute que le gouvernement ne les a multipliés que pour la commodité des sujets et leur éviter des frais de voyages, mais la facilité d’obtenir des provisions et les droits attachés aux justices seigneuriales ont rendu leur nombre trop pesant [34]. Les actes font une loi qui a autant de force que des arrêts entre les parties contractantes, et leur passation ne doit être que le fait de gens éclairés et d’une probité reconnue. Il faut donc, pour parvenir à ce but, qu’il ne soit accordé de provisions aux impétrants qu’ils n’aient justifié d’avoir travaillé sous [35] un avocat ou fréquenté l’étude d’un procureur pendant trois ans et celle d’un notaire du chef-lieu de chaque siège royal pendant le même temps, et qu’enfin dignes de la confiance publique, ils ont acquis les connaissances nécessaires à la profession.

On sait que les notaires de la campagne qui faisaient la plus grande partie des députés à l’assemblée générale de cette province ont demandé qu’il leur fut accordé la faculté d’instrumenter sans fixation de résidence, même dans le chef-lieu des sièges royaux, sur le fondement que le ressort de ceux d’Angoulême a le bailliage pour étendue. Des intérêts personnels leur ont fermé les yeux sur les distinctions toujours accordées par de justes considérations aux villes principales où le prix des offices de notaires est bien au-dessus de ceux créés pour les campagnes, qu’il est intéressant de réduire en leur donnant des districts plus étendus dans lesquels les titulaires seront obligés de résider, avec défenses de postuler en qualité de procureurs [36] dans les justices seigneuriales dépendantes de leurs arrondissements.

- 29. Dépôts des actes. — Le dépôt public des actes notariés dans chaque province assure l’état, la fortune et le repos des familles. L’expérience en a fait connaître toute l’utilité. Pour celui établi à Angoulême en vertu de la déclaration du Roi du mois d’août 1765 [37], s’il eût anciennement existé tel qu’il est aujourd’hui, une infinité de minutes ne se trouveraient pas perdues ou dispersées et peut-être l’émises par les héritiers des notaires qui les ont passées à ceux qui avaient intérêt de les supprimer.

Les notaires d’Angoulême ont fait des recherches si exactes qu’ils en ont à la vérité découvert dont l’origine remonte à près de deux siècles. Mais combien de lacunes et dans quel tas de papiers poudreux ont-ils été les fouiller ! Ce n’est plus le même inconvénient. Les protocoles sont déposés aussitôt la vente des offices, vu le décès des notaires soit de la ville soit de la campagne. Il serait à désirer qu’il en fût ainsi des actes passés par ceux des justices seigneuriales.

Ce n’est pas sans peine que les notaires royaux de la campagne se sont vus assujettis aux dispositions de la loi. Loin que l’intérêt public ait été le guide de leurs démarches, ils se sont réunis et pourvus en opposition au Conseil sur l’exécution d’un des plus sages règlements. Ils n’ont pu valablement objecter que la levée des expéditions ne tournait pas au profit de leurs héritiers, puisque les notaires d’Angoulême leur tiennent compte de la moitié pendant dix ans, et l’autre portion est destinée aux frais du bureau, pour lesquels elle ne suffit pas, puisqu’ils ont établi une bourse commune perçue par le contrôleur des actes en déduction de leurs droits, et que l’intérêt des fonds empruntés pour consolider cet établissement précieux et mis dans le meilleur ordre excède le montant de la recette.

Les notaires de la campagne, tous députés à l’assemblée générale de cette province, ont arrêté dans le cahier qu’il serait demandé un dépôt pour chaque district, sous prétexte que les particuliers trop éloignés qui ont besoin de quelques expéditions sont forcés pour les avoir à des voyages trop dispendieux et qu’un incendie pouvant consommer tous les papiers déposés dans un seul bureau, l’inconvénient ne serait pas le même s’ils étaient multipliés. A-t-on pu croire exciter par un pareil raisonnement la réclamation des Etats généraux ? Il n’est pas toujours nécessaire de se transporter au chef-lieu pour avoir des expéditions ; il suffit d’écrire et de donner des indications. Quand bien même les voyages deviendraient quelquefois nécessaires, la dépense peut-elle se comparer avec l’ensemble de tous les avantages ? Les dépôts dans les greffes des Cours supérieures et des différents tribunaux, ceux qui subsistent enfin pour toutes les parties d’administration sont-ils divisés par la crainte des événements et pour la commodité des personnes qui ont besoin d’y avoir recours ?

D’ailleurs, les notaires de campagne peuvent-ils être érigés en corps de communauté dans chaque district déterminé ? Quels seront les officiers qui veilleront à la sûreté des dépôts et au maintien de l’établissement ? Comment enfin les notaires éloignés les uns des autres pourront-ils se tenir assidûment dans les bureaux ? Tous leurs projets ne sont donc qu’une fiction qui ne tend qu’à la suppression de celui d’Angoulême qui les formalise. Mais loin d’avoir égard à leurs doléances, il est au contraire indispensable qu’une loi positive établisse un dépôt dans chaque province ou bailliage, et que tous étant à l’instar de celui d’Angoulême, les minutes des notaires sans aucunes exceptions, ainsi que leur répertoire, soient déposés dans le mois de leur décès ou de la vente des offices.

- 30. Centième denier des offices. — L’établissement du centième denier annuellement payé pour ne pas perdre une propriété acquise à prix d’argent est le fruit du génie le plus fiscal. Le marc d’or et les frais de provision auxquels les mutations donnent lieu grèvent assez les offices, sans y ajouter un nouveau droit qui semble avoir mis les charges à loyer et infligé une peine à tous titulaires hors d’état de l’acquitter, par le reversement aux parties casuelles. Il est à présumer que cet impôt n’a pas eu pour cause les besoins de l’État, puisque les Cours supérieures où l’on aurait trouvé de plus grandes ressources en sont affranchies. La rigueur de cette disposition bursale a été néanmoins modifiée par un arrêt du Conseil qui a réduit les droits du Roi au quart de l’évaluation des offices, pour être acquittés par les héritiers du titulaire à défaut du service effectué du centième denier ; mais les provinces apanagées ayant été exceptées de ce règlement, l’Angoumois se trouve dans ce dernier cas. On espère que Sa Majesté accueillera la réclamation générale du royaume en ordonnant la suppression du centième denier.

- 31 Prisons. — Dans la plupart de ces lieux d’horreur, les prisonniers pour dettes sont confondus avec ceux accusés de crimes, sans séparation de sexe. Point de cours vastes pour donner une libre circulation à l’air qui demeure toujours le même, toujours infecté et par conséquent contagieux. Il est de l’humanité de donner aux prisons plus d’étendue et de commodité et de les rendre plus saines. Enfin elles doivent être construites de manière que des murs de clôture séparent les hommes d’avec les femmes, et que des malheureux privés de la liberté par l’effet de la contrainte par corps civilement prononcée contre eux n’aient plus de communication avec les autres prisonniers.

- 32. Arts et métiers. — La réunion en communauté de chaque profession d’arts et métiers a eu une application salutaire. C’était le moyen de prévenir les désordres et de faire respecter l’autorité. Voilà sans doute les principes constitutifs des jurandes. L’édit de leur suppression du mois de février 1776 avait peut-être donné trop d’extension à la liberté des individus, mais celui du mois d’avril 1777 semble ne les avoir renouvelées et augmentées qu’en faveur du fisc. La plupart des artisans d’Angoulême sont dans la plus grande indigence. A peine en s’établissant peuvent-ils se munir d’ustensiles nécessaires à leur profession. C’est exactement la position des paveurs, des tonneliers, des charpentiers, des maçons, des couvreurs et autres ouvriers semblables. La rétribution de vingt sous à payer pour chacune des quatre visites ordonnées par la déclaration du 1er mai 1782 est au-dessus des forces et des charges royales de la majeure partie des maîtres et des agrégés.

L’homme a reçu de la nature la liberté d’user des talents qui lui sont propres ; c’est lui faire acheter son existence que de mettre un prix à son industrie qu’il ne peut faire valoir que sous la dépendance d’autrui, lorsqu’il est sans moyen d’en acquérir le libre exercice [38], et encore le gouvernement n’y a pas trouvé les ressources qu’il en attendait.

La suppression du tarif arrêté pour chaque communauté sera sollicitée, en demandant néanmoins que les arts et métiers forment à l’avenir des corporations où l’on sera reçu gratuitement devant les officiers de police, après un apprentissage bien constaté, dont l’acte aura été enregistré sans frais tant au greffe de police que sur le registre de la corporation, et que les aspirants auront fait apparoir des certificats authentiques de bonne conduite dans tous les lieux où ils auront travaillé. Si les circonstances actuelles se refusaient à l’exécution de ce projet, on a lieu d’espérer que les veuves jouiront au moins gratuitement pendant leur viduité du privilège de leur mari, que les enfants et gendres des maîtres n’auront que moitié du tarif à payer, et d’Angoulême sera mis au rang des villes inférieures. Encore s’y trouvera-t-il beaucoup de jurandes à supprimer, puisque l’on voit dès à présent que la pauvreté des ouvriers a été un obstacle à leur établissement.

- 33. Mesures locales des grains. — Il ne faudrait dans le royaume qu’un seul poids et une seule mesure, mais que de difficultés se présentent pour y parvenir ! Cependant les exactions de la plupart des fermiers de terres, l’âpreté des meuniers et la manière de mesurer les grains dans les marchés méritent l’attention la plus sérieuse. Il y a presque autant de mesures locales pour les redevances seigneuriales que de fiefs particuliers. Le boisseau de chaque bailliage a dû servir à la vérité de matrice proportionnelle à tous les autres par des applications bien appréciées, et l’on est persuadé que les seigneurs qui lèvent par eux-mêmes les rentes en grains sur leurs censitaires ne s’en écartent pas. Ils ne profitent pas moins de la supercherie de leurs baillistes qui tournent contre les tenanciers le haut prix qu’ils ont mis à leurs fermes, en tenant deux mesures dont l’une excédant la véritable est destinée au grenier de recette. Les redevables s’en aperçoivent ; ils s’en plaignent, mais ils payent, parce que la crainte d’un plus grand mal l’emporte sur le juste refus de s’y soumettre. Les mêmes considérations n’existent pas vis-à-vis des meuniers ; mais que leur faire, lorsque pour 80 livres de blé ils remettent 50 à 60 livres de farine et qu’ils substituent à un blé bien pesant et bien nourri un autre de mauvaise qualité, outre le double droit de moulure qu’ils s’approprient ? Combien d’entre eux croient décharger leur conscience du trop-pris par une singularité peu connue ? Recevoir le blé bien sec, le mesurer lorsqu’il a été gonflé par le lavage, s’appliquer l’excès qui se trouve sur chaque boisseau et prendre encore le droit sur ce qui reste, voilà leur méthode à laquelle on peut joindre la construction défectueuse des moulins. C’est enfin dans les marchés que les grainetiers s’entendent à verser les grains dans la mesure avec tant de légèreté que la même contenance vérifiée ne peut s’y trouver [39].

On pourvoira à toutes ces exactions en faisant ordonner que les grains seront tous achetés et vendus au quintal poids de marc et les farines dans la même proportion. Les seigneurs doivent s’y prêter d’autant plus volontiers que leurs cens n’en souffriront aucune diminution. S’il en résulte une moindre quantité pour les grains qui auront acquis leur degré de perfection, elle sera plus considérable pour les moindres qualités. Le poids de la matrice principale une fois bien constaté par la comparaison des grains excellents, bons et médiocres, il ne sera plus question que de rapprocher les autres mesures seigneuriales de celle-ci et d’en fixer le poids par des procès-verbaux qui établiront une règle invariable.

34. Péages. — Les droits de péages sont aussi gênants pour le commerce de chaque contrée que le sont les traites dans l’intérieur du royaume. Us ont eu pour cause l’entretien des ponts, des chemins et des écluses sur les rivières navigables. Il est même beaucoup d’endroits où l’usage seul a autorisé la perception ; tels sont ceux qui se lèvent au profit de deux seigneurs de fiefs et de l’abbaye de Saint-Ausone aux foires royales d’Angoulême, nonobstant leurs franchises en vertu des lettres patentes d’établissement. Les exactions des percepteurs s’y multiplient comme partout ailleurs. La suppression de ces droits est le vœu général. La représentation des litres en fera fixer l’indemnité, en justifiant du service habituel pour lequel ils ont été consentis.

- 35. Enfants exposés. — Ces malheureuses victimes de la débauche ou de la misère n’ont d’autre appui que le gouvernement. Partout où il n’y a point de bureau établi, l’exposition faite sous les halles, dans les rues et sur les places publiques, livre les enfants à la voracité des animaux, et ceux qui en échappent n’étant à la charge des seigneurs sur les terres de qui ils ont été trouvés que jusqu’à un âge encore trop tendre sont abandonnés avant d’être en état de gagner leur vie. Ils semblent n’avoir été conservés que pour les faire périr par la soif et la faim, ou pour multiplier le nombre des vagabonds et des brigands.

Le bureau établi dans la ville d’Angoulême, où il n’y a ni hôpital ni manufactures destinés pour eux, a paré aux inconvénients d’une exposition dangereuse. On y vient jour et nuit déposer les enfants ; ils sont nourris et entretenus aux frais de la province jusqu’à l’âge de quinze ans révolus, confiés aux gens de la campagne auxquels on donne des salaires en progression descendante et occupés à bonne heure [40] à la garde du bétail et par suite aux travaux des champs. Ces enfants deviennent des hommes utiles à la société, et lorsque parmi le nombre il s’en trouve qui veulent apprendre des métiers, on traite de leur apprentissage. Il a été même vérifié qu’il s’en conserve beaucoup plus dans la campagne que dans les hôpitaux où l’air qu’ils respirent est toujours le même.

Il est de l’humanité de faire de pareils établissements dans le chef-lieu des sièges royaux, et comme la dépense ne sera plus à la charge du fisc, les droits d’épaves et de bâtardise [41] devront tourner au profit de cette administration. Mais de quelque manière qu’on assure l’existence de ces infortunés, soit par la voie des hôpitaux, soit en se conformant à ce qui se pratique en Angoumois, il serait convenable de destiner un fonds à les établir et d’accorder gratuitement des lettres de maîtrise à ceux dont les professions seront en jurandes, au cas qu’elles subsistent dans leur état actuel.

Ce plan ne peut empêcher d’en présenter un autre pour le moins aussi avantageux à l’État. Ce serait d’établir dans les villes maritimes des écoles de matelots, où les garçons seraient envoyés à l’âge de neuf à dix ans. On augmenterait par ce moyen cette classe d’hommes dont la France a besoin. Il sera peut-être objecté que leur qualité d’enfants trouvés ne serait pas sans inconvénient vis-à-vis des autres matelots. On l’éprouverait sans doute dans les commencements, mais le temps dissiperait la prévention.

- 36 Circulation des grains. — C’est une matière dont la discussion mérite l’examen le plus sérieux. Les lois sur le commerce des grains ont tellement varié qu’elles annoncent les difficultés de parvenir à un règlement stable. Les monopoles sont souvent la cause principale de la cherté des blés, que les accaparements rendent rares dans les marchés. Liberté d’importation d’une province à l’autre, l’exportation permise lorsque le prix n’excédera pas une fixation déterminée, des primes accordées pour l’importation des blés étrangers toutes les fois que la cherté se fera sentir, la défense des accaparements dans les circonstances qui la nécessiteront, les marchands de grains obligés de faire la déclaration de leur qualité au greffe de police, et un frein mis à la cupidité, voilà sans doute quelles devront être principalement les dispositions de la loi.

- 37 Droits de contrôle. — Si les règlements faits pour le bien des peuples leur en font souvent appréhender les suites, c’est parce que le fisc les tourne presque toujours à son avantage. Tel a été le tarif de 1722 pour les droits de contrôle. N’ayant pas été possible de prévoir toutes les différentes dispositions que les actes pourraient contenir, les traitants ont successivement obtenu des arrêts interprétatifs et des décisions dont l’ambiguïté prépare de plus grandes extensions. Ce ne sont plus les choses, mais un mot qui, sans changer les dispositions d’un acte, donne ouverture à une perception vexatoire, et lorsque des notaires expérimentés démontrent l’injustice de la prétention, la réplique des employés est de donner pour loi la volonté de la régie.

Qu’un manœuvre prenne dans un contrat de mariage la qualité de laboureur à bras, qu’un cultivateur ait deux vaches pour cultiver à titre partiel quelques pièces de terre, qu’enfin un pauvre paysan tienne deux bêtes asines pour cultiver son champ, on les assimile aux fermiers et laboureurs dont il est fait mention dans le tarif, qui ne doit être applicable qu’à des gros fermiers ou à des laboureurs occupés toute l’année à la culture de leurs domaines. Un contrat de mariage passé au mois de février dernier, ne contenant que les conventions matrimoniales et par conséquent excepté de l’article 96 du tarif, n’engendrait que 3 livres de droits à raison de la constitution dotale de 200 livres de l’un des futurs conjoints et de l’autre dans ses droits, suivant les articles 34 et 35 ; mais on a porté le droit à 30 livres, en mettant un couvreur qui travaille sous autrui dans la classe des notables artisans. Mais combien d’exemples où, d’après les preuves résultantes des contrats, les droits perçus ont excédé les constitutions dotales et l’effet des testaments en faveur des plus malheureux mercenaires !

Les dépouillements faits par les employés des minutes de rôles des tailles déposés dans les greffes d’élection ont occasionné une foule de procès-verbaux, suivis de peines pécuniaires, contre des particuliers dont les qualités mentionnées aux actes différaient de celles de leurs cotes, où ils sont qualifiés indifféremment journaliers ou laboureurs.

Lorsqu’on fait l’acquisition d’un domaine, les charges seigneuriales qui le grèvent sont indépendantes du prix d’achat. Cependant, depuis peu d’années, on force d’énoncer et de fixer dans les contrais de vente les droits seigneuriaux pour en cumuler l’évaluation avec le prix et augmenter d’autant les droits de contrôle. Rien n’est plus révoltant, puisqu’il n’y a aucun transport, que les redevances demeurent toujours sous la main du seigneur, et que le prix de l’acquisition ne peut faire partie des charges dont le vendeur est souvent dans l’impossibilité de donner le détail, soit à raison d’une quote-part individuelle dans plusieurs tenures, soit à cause des différentes mouvances où se trouve le corps de domaine.

La volonté de l’homme est ambulatoire. Un testament fait aujourd’hui peut être révoqué demain. C’est d’ailleurs un acte secret dont les dispositions divulguées pourraient mettre le trouble dans les familles ; un testateur veut pour l’ordinaire que ses intentions ne soient connues qu’après son décès, et souvent des circonstances l’obligent à étendre, changer, modifier ou annuler ses dispositions. Il peut donc retirer son testament, quand il juge à propos, des mains du notaire qui l’a reçu. Ce n’est en quelque manière qu’un dépôt à ne point établir sur le répertoire. Cependant les employés exigent que ces sortes d’actes y soient insérés, d’après une décision du Conseil surprise en 1765. Dès qu’il n’y a que la mort des testateurs qui donne ouverture au droit et qu’il n’est pas possible de constater auparavant l’existence des testaments, ce ne peut être que pour découvrir les affaires des familles que les employés veulent prendre connaissance de ces sortes d’actes. Leur curiosité devient alors une inquisition.

Un autre motif de l’obligation imposée aux notaires est sans doute pour exiger les droits, aussitôt la mort du testateur, sans attendre, comme cela devrait être, qu’on fasse usage du testament. C’est un moyen imaginé en faveur du fisc, en ce que, pour éviter l’effet des contraintes, il faut une renonciation qui engendre d’autres droits.

A l’ouverture des successions, il se fait des inventaires qui ne sont qu’une description du mobilier dont les effets véreux font partie . On les rappelle dans les actes de partage, en les laissant dans cette classe depuis quelques années. Les préposés de la régie en ajoutent le montant à la masse sujette aux droits de contrôle, à moins qu’il ne soit déclaré qu’on les abandonne ; mais le droit d’insinuation est sur-le-champ prétendu pour ces sortes de remises, qu’ils assimilent faussement à une donation. Les concordats portant réduction de créances pour faciliter la rentrée du reste produisent les mêmes effets.

Le rapport d’assignation à un censitaire pour payement d’arrérages ou pour donner reconnaissance est retenu au bureau de contrôle jusqu’à la présentation du titre constitutif du cens, pour la justification duquel il n’y a souvent que le papier terrier, suffisant en Angoumois. où les terres ne sont pas sans seigneur.

L’adjudication d’un immeuble, délivrée par sentence de licitation, ne donne pas ouverture aux droits de contrôle, et encore moins les actes postérieurs qui indiquent les acquéreurs dans le temps fixé par le jugement ; cependant on les perçoit sur l’un et sur l’autre.

La déclaration du Roi du 17 février 1731 annule toutes donations qui n’auront pas été insinuées : quoiqu’elle ne rende pas le droit exigible, on ne se contente pas de le percevoir avant d’en avoir été requis, on le prend encore sur des objets qui n’en sont pas susceptibles. Au mois de juin 1788, le vendeur d’un domaine s’est fait, en déduction du prix, une rente de 150 livres amortissables pour 3.000 livres à ses héritiers ou ayants cause. L’employé a qualifié d’insinuation cette clause d’une donation et l’a insinuée sous ce titre, comme si elle eut été faite nominativement et acceptée et si les mots ou ayants cause ne laissaient pas au vendeur la liberté d’en disposer. Enfin, il fut perçu 32 l. 6 s. pour le contrôle et le centième denier de l’évaluation des devoirs, dont le domaine est chargé envers le seigneur de qui les lieux relèvent.

Par un contrat de mariage un tiers donne à l’une des parties la somme de 6,000 livres, avec la clause expresse que la donation serait nulle si le mariage n’avait pas lieu. Le cas prévu arriva et la personne se maria avec un autre. Le même tiers intervenant dans le second contrat a délaissé ses biens sous pension viagère à la mère de celle à qui le don conditionnel de 6,000 livres avait été fait auparavant. Les droits d’insinuation ont été acquittés. Quelque temps après, le contrôleur revint sur le don de 6,000 livres du premier contrat demeuré sans exécution. Le notaire fut poursuivi et contraint de payer, sans que la demande en restitution ait été ordonnée.

Des recherches vexatoires portent sans cesse atteinte à la tranquillité par des contraintes décernées en forcement de droits, sous prétexte d’erreurs au préjudice des traitants. Les contrôleurs ambulants qui se succèdent ne cessent les répétitions, et comme tout devient arbitraire, la demande de l’un enchérit sur celle de son devancier. La relation des actes sur les registres de contrôle ne leur parait pas suffisante ; on va chez les notaires, même jusqu’au dépôt général, se faire représenter les minutes, étudier les mots, et leur donner un sens et une interprétation forcée. Que d’alarmes pour les familles, que d’inquiétude et de gène pour les dépositaires des contrats dont ils sont responsables !

Celte esquisse n’est qu’une ébauche d’un tableau trop étendu pour le montrer dans son tout. Mais c’est assez pour faire sentir la nécessité de réformer le tarif. Les circonstances où l’Etat se trouve ne permettront vraisemblablement pas de rappeler le contrôle aux justes motifs qui l’ont fait établir. Mais un règlement simple, clair et proportionnel dans toutes ses parties, portant sur les choses et non sur les personnes, fixant irrévocablement et sans interprétation quelconque tous les droits pour chaque espèce d’acte et prohibant toutes recherches ultérieures, assurera la tranquillité publique, ne fera plus craindre de trop éclairer les dispositions et les causes qui donnent lieu à tant de sous-seings privés n’existant plus, ce sera la loi qui facilitera les produits.

- 38. Francs-fîefs. — Il y a tant de divers sentiments sur l’origine des biens nobles, qu’on ne doit suivre que celle des francs-fiefs plus rapprochée de nous. La propriété des fiefs, dit Guyot, s’est établie paulatim et sine sensu, vers la fin du IXe siècle ; dans le Xe, dit Loiseau. les hauts seigneurs s’approprièrent leurs offices et leurs bénéfices ; leurs offices, c’est-à-dire les titres de dignités qui leur transmettaient la justice, comme lieutenants distribués par le roi dans les provinces ; leurs bénéfices, c’est-à-dire les grands domaines qui leur avaient été confiés pour leur subsistance et l’entretien des gens de guerre qu’ils étaient obligés de fournir. C’est même d’où sont venues tes premières défenses aux ecclésiastiques, aux femmes et aux roturiers de posséder des fiefs ; aux premiers, parce que la sainteté de leur état était contraire au service militaire ; aux femmes, à cause de la faiblesse de leur sexe qui ne permet pas de porter des armes ; aux derniers, en ce qu’avant l’établissement des communes il n’y avait que les nobles qui pussent faire la guerre. On voit néanmoins par l’histoire que ces trois genres de personnes possédaient des fiefs, dont les principes d’une féodalité barbare les avaient exclus ; mais ce ne fut qu’à des conditions humiliantes que les roturiers parvinrent à cette possession.

En 1260, sous le règne de saint Louis, les seigneurs décidèrent, dans un Parlement qu’eux seuls composaient, qu’un chevalier ne devait pas d’hommages pour un fief qu’il tenait dans la terre d’un bourgeois, décision qui, pour avilir les personnes, contrariait le droit féodal. Quoique en 1324 Charles Le Bel eut rendu une ordonnance pour contraindre les gens non nobles possesseurs de fiefs depuis trente ans sans la permission du Roi de payer deux années de revenu de ses biens, ils ne multiplièrent pas moins leurs acquisitions. Cette loi, la première connue sur cette matière et qui fut renouvelée sur la fin du règne de Charles V, est l’origine des francs-fiefs. Elle n’avait alors rien d’injuste, soit parce qu’à cette époque la possession des fiefs anoblissait, soit parce que les nobles et les roturiers contribuaient par égale portion aux charges de l’État, ainsi que le prouvent les États tenus en 1356.

Le sentiment des auteurs, la disposition des coutumes, notamment de celle de Poitou qui a conservé le tiers ou quart hommage, l’exemption de la taille dont jouissent en quelques endroits les propriétaires de fiefs, les dispositions mêmes de l’édit de Blois ne permettent pas de douter qu’autrefois cette possession anoblissait. Mais depuis que, par l’article 258 du même édit, il a été ordonné que les roturiers achetant des fiefs ne seront pour ce anoblis ni mis au rang et degré des nobles, de quelques revenus et valeur que soient ces biens, qu’enfin on les impose à la taille pour cette détention, l’assujettissement est devenu injuste, puisqu’il est une double charge.

Le Tiers état n’est pas traité partout de la même manière. La province du Dauphiné n’est sujette à aucunes recherches pour le droit de francs-fiefs. Ce fait est constaté par plusieurs déclarations du Roi, principalement par une du 6 mai 1693. Selon une autre du 6 mars de la même année, il n’y a ouverture au droit, dans la Bourgogne, que lorsque les biens nobles changent de main par des actes translatifs de propriété, autres que ceux de donation à cause de mort ou de mariage, partage de fiefs entre cohéritiers et assignat de deniers dotaux.

Dans l’Angoumois, comme dans la plupart des autres provinces, les francs-fiefs sont payés à toutes mutations de propriétés quelconques. Il est arrivé plus d’une fois que, dans le cours de vingt années, les événements ont donné ouverture à ce droit, qui, avec les dix sous par livre, l’ont fait monter à la moitié de la valeur des biens. Cet accessoire, inventé par le génie le plus fiscal, n’aurait jamais dû porter sur les francs-fiefs qui représentent une année de revenu sur vingt. C’est comme si leur échéance [42] tombait à chaque troisième année et un tiers. Par suite d’une vexation indéfinie, on fait nouvellement payer un cinquième en sus de revenu réel pour les profits de fiefs du domaine noble dont le roturier est propriétaire, sans rien qui relève de lui, comme s’il pouvait y avoir ouverture de lods et ventes à son profit pour des héritages qui sont sous sa main ! On donne une si grande extension au droit qu’on l’exige sur des héritages donnés à nouveau cens, sous prétexte qu’un objet une fois anobli par son union ou réunion au corps de fief ne peut plus être en roture. En ce cas toutes les possessions du royaume seraient donc aujourd’hui tenues noblement. Mais cette assertion est contraire à tous les principes et même à l’esprit de notre coutume qui permet le jeu de fief jusqu’à la concurrence des deux tiers, et ce jeu n’est point effectué tant que les cens représentent la valeur de l’héritage.

Les mutations engendrant des droits qui font une portion des revenus, plus on les facilite, plus il y a de produit pour le fisc ; tout ce qui gêne la liberté d’acquérir lui est préjudiciable. La distinction des rangs ne peut s’appliquer à la possession des biens ; surtout depuis que celle des fiefs ne donne plus la noblesse, il n’est aucune circonstance ni raison d’État qui puissent les laisser valablement subsister. Si le Tiers état ne parvient pas à faire recevoir sa réclamation, on espère au moins que la déclaration du Roi du 6 mars 1693 en faveur de la Bourgogne sera commune à toutes provinces où les francs-fiefs ont lieu, et que les dix sous pour livre seront supprimés.

- 39. Tailles. — La province d’Angoumois a dans son étendue environ 450 paroisses qui composent le ressort du siège présidial, mais elle est sous l’administration de trois intendances ; 271 communautés dépendent de la généralité de Limoges dont elles forment trois dixièmes. Le surplus est de celle de la Rochelle, à l’exception de quelques paroisses qui sont de l’élection de Poitiers.

Les impositions taillables assises sur les collectes de l’intendance de la Rochelle ne présentant pas une surcharge aussi exorbitante que dans les départements du Limousin, il n’en sera parlé que pour faire des comparaisons.

On sait que les provinces se plaignant toutes également, le Conseil n’a pu avoir égard à des réclamations universelles. Une généralité qui en avoisine une plus chargée qu’elle se plaint autant que celle-ci, pour éviter l’augmentation qu’elle appréhende, et le ministère incertain laisse les choses comme elles sont. Mais la surcharge du ressort limousin mise sous les yeux du Roi d’une manière non équivoque, le remède se trouvera dans sa justice et sa bonté. Avant d’en venir à cette opération, il parait essentiel d’établir la différence qui se trouve entre les provinces où la grande culture est établie et les pays abandonnés à la petite culture.

Dans les premières, rien de plus facile que de connaître la valeur des biens-fonds et son rapport avec le taux des impositions. Les terres y sont affermées, les corps de domaines n’y sont pas dépecés, le prix des baux est notoire. On connaît également la valeur de ceux que quelques propriétaires font valoir ; presque tous ont été sous la main d’un fermier. La proportion de la taille avec le prix des baux est une chose, comme l’est un cadastre fait pour ainsi dire, quant à l’évaluation des fonds.

Il n’en est pas ainsi dans le pays de petite culture. Au lieu de fermiers, ce sont des métayers qui font valoir à titre partiel la plus grande partie des domaines dont les héritages qui les composent sont épars çà et là.

Les auteurs qui ont traité ces deux sortes de culture ont donné lieu de croire que ce qu’on entend par la grande est celle qui s’exécute avec des chevaux et que l’autre l’est avec des bœufs. Il s’en faut bien que ce soit cette manière de cultiver qui différencie les deux caractères ou qui suppose entre les deux parties du royaume qu’elles occupent une si énorme différence dans la valeur des terres et l’aisance du peuple. On voit des cantons de grande culture, tels qu’en Normandie, où l’on travaille la terre avec des bœufs.

La différence véritable et essentielle vient de ce que dans les provinces où l’on cultive en grand, les propriétaires trouvent des fermiers qui leur donnent un revenu constant de leur terre ; ces fermiers se chargent de toutes les dépenses de la culture, des labours, des semences, de meubler la ferme d’animaux, de bestiaux et des instruments de labour. Il est évident que cette valeur locative, cette égalité de culture qui fertilise le territoire, n’est due qu’à des hommes qui ont des richesses à conserver à l’agriculture, dont l’état est de labourer, non pour gagner leur vie comme des journaliers, mais pour employer utilement leurs capitaux. La grande culture est donc là où il y a un fonds constant de richesse circulant dans les entreprises de l’agriculture, qui devient un commerce, que le produit des terres est connu et que le revenu du propriétaire est assuré.

Les pays de petite culture, comme dans l’élection d’Angoulême, sont ceux où les détenteurs de biens-fonds ne trouvent pour la cultiver que de malheureux paysans à qui l’on est forcé de faire toutes les avances de bestiaux, instruments et semences, d’avancer même de quoi les nourrir jusqu’à la récolte. Par conséquent, un propriétaire qui n’a d’autre bien que son domaine est obligé de le laisser en friche. La semence et les rentes dont le bien est chargé prélevées, le maître partage avec le métayer ce qui reste de fruits.

Le propriétaire qui fait les avances court les risques des accidents de récoltes et des pertes de bestiaux ; il est le seul entrepreneur de la culture ; son métayer n’est qu’un manœuvre auquel il abandonne une part des fruits pour lui tenir lieu de gages ; c’est confier toutes ses avances à un homme qui peut être négligent ou fripon et qui n’a rien pour en répondre. Ce colon accoutumé à une vie misérable cultive mal, néglige les productions commerçables ; il s’attache à ce qui est le moins pénible et laisse incultes les terres qui peuvent lui donner quelques soins ; peu inquiet de sa subsistance, il sait que si la récolte manque, son maître sera obligé de le nourrir, pour qu’il n’abandonne pas la métairie ; les avances qu’on lui fait grossissent jusqu’au point de n’y pouvoir satisfaire ; à la fin, il met la clef sous la porte et s’en va [43].

Ce n’est pas qu’il n’y ait des fermiers. On en distingue de deux espèces : l’une concerne les fiefs affermés en total à des bourgeois, qui, se réservant la levée des rentes et autres devoirs seigneuriaux, confient les terres à des colons, comme les propriétaires. L’autre est pour des domaines garnis de semences, ustensiles, instruments aratoires, de bestiaux et de tout ce qui tient à la culture. On les afferme ainsi [44] à des paysans du voisinage, guère mieux en état de répondre des objets [45] Ce qui démontre évidemment que la valeur des héritages ne peut être parfaitement connue, que le revenu du propriétaire est incertain, qu’il n’y a point de bonne culture sans aisance et que des terrains égaux en qualité intrinsèque à d’autres où la grande culture a lieu ne peuvent supporter les mêmes charges.

S’il ne s’agissait que de donner à chaque arpent d’héritage une imposition déterminée, la généralité de Limoges présenterait cette facilité. Les cinq élections qui la composent ont été arpentées, à peu de paroisses près. Mais il en faut connaître le produit réel, et les estimations faites lors des arpentements ne peuvent le faire apercevoir. Les arpenteurs employés pour cette espèce de cadastre ont tous opéré sans principe et d’après les plans que chacun d’eux s’est formé, de manière que des collectes égales en valeur diffèrent très sensiblement dans leurs estimations. Aussi ne peut-on établir de proportion approchante qu’entre les propriétaires de biens-fonds d’une même communauté, mais non de paroisse à paroisse.

Ce ne sont pas ces estimations qui serviront de base aux comparaisons qu’on va faire. On pourrait objecter qu’étant plus ou moins basses et les terres ayant augmenté en valeur depuis quarante-cinq ans que les abonnements ont été faits, il ne serait pas étonnant que les tailles parussent excessives en les comparant aux évaluations ; le prix des ventes est le moyen le plus assuré d’y parvenir. On ne parlera que de l’élection d’Angoulême.


[1En effet, il n’y eut pas de cahier spécial pour ce ressort, pas plus que pour celui de Cognac

[2« Charges » dans l’original des Archives nationales, et le texte publié par Proust et Mavidal.

[3Le droit d’agrier se confond en Angoumois avec celui de champart.

[4Le droit de champart, qu’on nomme plus communément dans la Coutume d’Angoumois un droit d’agrier, de terrage ou complant et en d’autres endroits tasque et tasche, est un droit que le seigneur prend sur les fruits provenus dans les domaines concédés sous celte charge. » (Et. SOUCHET, I, 206.)

[5« Des taillables » au lieu de « plébéienne » dans le texte des Archives nationales publié par Proust et Mavidal.

[6Le texte de l’orignal aux Archives nationales reproduit par Proust et Mavidal supprime les mots constitution immuable. « Ce sera donner à la monarchie un degré de puissance, dit ce texte, qui la rendra plus formidable au dehors, plus florissante. Cette périodicité assurera l’éclat du trône, etc. »

[7L’élection d’Angoulême comprenait 272 collectes (dont une en Poitou). (P. BOlSSONNADE , Essai, p. 25.)

[8Voir, sur la rédaction de la Coutume d’Angoumois en 1514 , le Coutumier général (IV, p. 540), et le Commentaire de SOUCHET (I, p. Vl).

[9Le droit romain.

[10La sénéchaussée d’Angoulême ressortait depuis longtemps au Parlement de Pans. (GERVAIS, p. 461-466.)

[11Élection d’Angoulême.

[12L’élection de Cognac comptait 138 collectes en 1789. (P. BOISSONNADE, Essai, p. 21-28.)

[13L’élection de Saint-Jean-d’Angély comptait 9 collectes en Angoumois. (Ibid., p. 29.)

[14L’élection de Barbezieux, créée en 1719, comprenait 10 collectes en Angoumois. (Ibid., p. 29.)

[15L’élection de Niort comprenait 1 collecte en Angoumois, et l’élection de Confolens, créée en 1716, 12 collectes dans la même sénéchaussée. (Ibid., p. 29.)

[16Voir sur ce sujet P. BOISSONNADE et J. BERNARD , Histoire du Collège et du Lycée d’Angoulême, 1893, in-8°, p. 93-95, 119-137, 181-184.

[17Sur ce point, voir le même ouvrage, p. 124 , 147-148.

[18Sur l’organisation du bas-choeur du chapitre d’Angoulême, NANGLARD, I, p. 215-250.

[19Ce dernier paragraphe « pour s’assurer, etc. » placé après le mot « pensionnaires », dans le texte publié par Mavidal el Proust, d’après l’original des Archives nationales.

[20Sur la situation du collège, sur les maîtres de pension et sur les divers points indiqués dans ce paragraphe, voir BOISSONNADE ET BERNARD , Histoire du Collège et du Lycé d’Angoulême, p. 4-6, 64-67, 126, 137-203.

[21« Très » supprimé dans le texte de Proust et de Mavidal, d’après l’original des Archives nationales.

[22Dans le texte de Mavidal et Laurent, le mot « militaire » est placé avant celui d’« officiers ». Le texte publié par Proust est conforme à celui de la minute et à l’original des Archives nationales, BA 14.

[23Voir sur ces édits, A. BABEAU, La ville sous l’ancien régime, I, 216-220 ; A. GIRY, Les établissements de Rouen, I, 330-332. A Angoulême, l’office de maire avait été acquis, en 1772, au prix de 30,000 livres et le corps de ville acheta les autres charges au même prix de 30,000 livres (arrêt du conseil, 14 décembre 1774) ; un arrêt du 16 décembre 1777 interdit le renouvellement des élections. (Arch. mun. Angoulême, reg. des délib., BB 13 et 13 bis.)

[24Le texte de Proust el de Mavidal contient les termes suivants : la « circonstance » au lieu de « concertance », conforme au même original.

[25Sur l’historique de l’organisation municipale d’Angoulême, le mode de recrutement des officiers municipaux, les privilèges du corps de ville, voir BABINET DE RENCOGNE, Chronologie historique des maires d’Angoulême, 1870, in-8°, 134 p., et A. GIRY, (Les Etablissements de Rouen, I, 335-347.

[26La justice et la police prévôtale continuèrent d’appartenir aux maire et échevins d’Angoulême après l’érection de la charge de lieutenant de police.(GERVAIS, p. 476-478 ; DESMARETS, Ephemérides de la généralité de Limoges, p. 91.)

[27Sur les conflits entre le corps de ville et les autres juridictions locales, voir le Mémoire de GERVAIS, p. 391-397, 470-471 ; et la Charente révolutionnaire, de J. BUJEAUD, p. 214, 215.

[28Le texte original publié par Proust supprime le premier membre de phrase « celui d’Angoulême, » etc. jusqu’aux mots « que sa justice », ce qui rend la phrase mal aisée à comprendre ; le texte de Mavidal termine la phrase précédente au mot « dépouillés » et commence la suivante au mot « La justice », supprimant aussi le membre de phrase ci-dessus.

[29Texte Proust : « ne cesse d’effectuer des prétentions ridicules » ; texte Mavidal : « ne cesse d’affecter des prétentions ridicules ».

[30Sur le conflit entre le corps de ville et le bureau des trésoriers de France de Limoges, voir Arch. mun. Angoulême, DD 2 (années 1752-54.)

[31Voir les délibérations municipales concernant la voirie et les alignements (16 avril et 17 août 1763) aux Arch. mun. Angoulême, BB 12, n° 3, et DD 2. Les maisons étaient numérotées depuis 1769 seulement ; des plaques ne furent apposées aux rues que depuis 1774 (GEORGE, p. 3 et 4)

[32Texte d’après l’original dans Proust : « expertise » ; texte de Mavidal : « exportation » (sic).

[33Le texte original dans Proust contient aussi le mot « ne » ; le texte Mavidal le supprime, ce qui change le sens de la phrase.

[34Sur les trois sortes de notaires, apostoliques, royaux et seigneuriaux, voir le Commentaire d’Et. SOUCHET, I, 393-401, et sur les abus de cette institution , CHANCEL, p. 456-457. Nous avons relevé dans les registres des vingtièmes de l’élection d’Angoulême le nombre de 134 notaires (Arch. dép. Charente, C 199) ; il y avait encore 287 notaires en 1809 dans la Charente.(QuENOT,p. 260.)

[35Le texte original publié par Proust est entièrement conforme au nôtre ; le lexte Mavidal donne le mot « pour » au lieu de « sous ».

[36Nombre de notaires étaient en même temps procureurs auprès des justices seigneuriales.

[37Sur les abus qui résultaient de l’ancien système et sur l’édit d’août 1765 qui avait créé le bureau général des minutes de notaires à Angoulême, voir Et. SOUCHET, 1, 400-401.

[38Le texte de l’original reproduit par Proust ne contient pas le reste de la phrase depuis le mot « lorsqu’il » ; celui de Mavidal, qui est souvent incorrect, donne le membre de phrase suivant : « lorsqu’il est encore prouvé que le gouvernement », ce qui altère le sens.

[39La coutume d’Angoumois (art. 31) autorisait les meuniers des moulins banaux ou seigneuriaux à prendre pour droit de mouture le 16e du boisseau. De là des contestations continuelles. Les querelles entre meuniers et redevables avaient fait l’objet de nombreux règlements de police (tels que ceux du XVIe à Angoulême et à la Rochefoucauld, publiés par BABINET DE RENCOGNE, Bull. Soc. Arch. Charente, 1877, p. 281-327), et notamment de celui du 9 janvier 1724 qui déterminait les obligations diverses des meuniers. (Et. SOUCHET, op. cit., I, 346-348) Ces démêlés entre le public et les meuniers étaient alors traditionnels ; on les retrouve un peu partout. (Voir P. BOISSONNADE, Essai sur l’organisation du travail en Poitou, Paris, 1900, in-8°, 1, 121-129.)

[40Textes Mavidal et Proust : « de bonne heure ».

[41Les épaves, d’après la coutume d’Angoumois (art. I, n° 35, appartenaient au haut justicier ; la succession des bâtards revenait tantôt au haut justicier, tantôt au roi. (SOUCHET, I, p.15-17)

[42Textes Mavidal et Proust : « leur échange ».

[43Voir sur les rapports du métayer et du propriétaire, sur le métayage, la condition des métayers, leurs procédés de culture en Angoumois, GERVAIS p. 206, 249, 497, 511 ; Et. MUNIER, Recueil d’observations sur l’Angoumois, 1779, I, 143-209 ; Du PONT DE NEMOURS Vie de Turgot, I, 49 ; Arthur YOUNG, Voyage en France trad. Lesage, II, 438-439, 302-304.

[44Texte de Proust et de Mavidal : « aussi » au lieu de « ainsi ».

[45C’étaient surtout les terres des bénéficiers el de la petite noblesse qu’on affermait ainsi, leur revenu consistant principalement en rentes et agriers, faciles à percevoir. (MUNIER, I, 140.)

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