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1789 - La Faye (16) : cahier de doléances de la paroisse

mercredi 24 septembre 2008, par Pierre, 1933 visites.

La Faye, aujourd’hui canton de Villefagnan ; en 1789, sénéchaussée et élection d’Angoulême, diocèse de Poitiers, marquisat de Ruffec. (P. Boissosnade, Essai, p. 107, 152.) — Sur sa situation économique, voir un rapport de subdélégué (1767). (Arch. dép. Charente C. 30)

Taxée en 1786 à 2,475 livres de taille, 1,320 livres d’accessoires, 1,375 livres de capitation, 1,784 livres de vingtièmes.

Source : Cahiers de doléances de la Sénéchaussée d’Angoulême et du siège royal de Cognac pour les États généraux de 1789 - P. Boissonnade - Paris - 1907

 Procès-verbal d’assemblée de la paroisse de La Faye

(Orig. ms., 4 p. petit in-4°. Arch. mun. Angoulême, AA 21)

Réunion le 8 mars, en l’auditoire du lieu. Président : me François Baland, notaire royal, faisant la fonction de juge, « attendue l’impossibilité de M. le juge de ce lieu d’y être présent ». Comparants : Pierre Couturier, Jean Couturier, Pierre Marchand, Jean Grelon, Thomas Bournaud. Jean Touzeau, Pierre Touzeau, François Petit, Pierre Desbains, Pierre Pelladeau. Pierre Mondion, Jean Arnaud, Jean Chevallier. Jacques Rigaud, Jean Rollain, Jean Rigaud, Jacques Dallançon. Jean Machet, Pierre Collet, Jean Près, Jean Gautron. Jacques Mourier, François Bourdelais, Jean Trouvé, François Rollain, Jean Touzeau, Jean Collet, Jean et Pierre Touzeau, Jean Gaderaud, Jacques Rousselot, François et Jean Fréquent, André Bonnaud, Jacques Friquet, Jean Sourit, Pierre Sorton, Pierre Normand, François Tissaud, Jean Rousselot, Jacques Mourier, Gabriel Mourier, François et Jean Collet, Jean Bais, Jean Fayou, Jean Boucheraud, Louis Guillot, François Renon. Pierre Deléchelle, Jacques Groussard. Pierre Dindinaud, Jean Deléchelle, Jean Binard, le sieur Demondion du Chiron, Pierre et Jean Gautron, Jean-Charles Bonnet, Pierre Demondion, Jean Montaguet. Pierre Rossine, Jacques Dindinaud, Louis Gautron, Jean Loraud, Pierre Gautron cadet, Jean Gautron. André Loraud, Jean Genty, le sieur François Boudon, François Meunier, Pierre Baussand, Pierre et Martial Chullier. Jean Thuraud, syndic ; François Pouyaud, Jean Demondion, Jacques Braud, André Loraud, François Goboriaud, Pascal Vinsonnaud, Jean Vinsonnaud, Pascal Gobinaud, Jean Groussard, Gabriel Repain, François-Jacques Desplans, Louis Léchelle, Henry et Louis Garnaud, François Groussard, Jean Gautron, François Gautron, Pierre Rivière, François Combaud, André Quéron, Jean Peraud, Jean Tinaud, François Sire, François Riflaud, Pierre Gaschet, Etienne Gratreau, Louis Garnaud, Jean Benais, Louis Corlier, François Clémanceau, Jean Roullain, Jean Suire, Jean Barret, Jean Gautron, Jean Deléchelle, Jean Rolain, André Bertrand, François Verdon, Jean Amiaud, Jean Sorton, François Barret, Louis Gire, Jacques Demoulins, Jean Sorton, Pierre et Jean Cornut, Antoine Grimaud, Pierre Giblard, Pierre Guillot, François Sorton, François Caillier, André Desmoulins, Jean Audier, Jean Nivaud, François Touchard, Jean Guillot, Jacques Arnon, Jean Coiteux, Pierre Desmoulins, Louis Coiteux, François Cebaud, Jean Trillet, Gabriel Genty, François Rangier, Jean Renon, Jean Rangier, François Arnon, Jean Audier, François Bonicaud, Pierre Cornut, François Barret, Etienne Moisne, Pierre Pourajaud, Jean Bouchaud, Louis Bouchaud. Pierre Sorton, Pierre Boissier, François Lavauzelle, François Bouchaud.

Le bourg et communauté compte 215 feux.

3 députés : Jean-André Demondion du Chiron, Athanase-Jacques Desplans et Louis-Charles Bonnet Dupéret. — 27 signatures, dont celles de Thoreau, syndic perpétuel, et de Boudont, greffier. Les autres comparants ne savent signer.

 Cahier des plaintes, doléances et remontrances à faire par la paroisse de la Faye, à l’assemblée préliminaire d’Angoulême, etc.

(Orig. ms., 10 p. petit in-4°. Arch. mun. Angoulême, AA 21.)

Vue la liberté accordée au Tiers état de France par Louis XVI, son auguste Monarque, de faire parvenir jusqu’au pied du trône ses plaintes, doléances et justes réclamations pour son soulagement, et les moyens qui lui paraîtront le plus justes et le plus sûrs pour maintenir dans ce même royaume l’équilibre le plus parfait entre tous ses membres, ladite paroisse ose demander à Sa Majesté de vouloir bien accepter d’un bon œil tout ce qui lui paraîtra digne et de ses grandes vues et du soulagement de son peuple.

En conséquence de sa prière et de la permission qui lui en est accordée, elle va passer à l’énumération des différents articles qui l’affectent et y procédera dans l’ordre le plus parfait, le plus clair, et le plus à même de donner à son Roi le témoignage assuré de son amour et de son respect pour sa personne.

 I. — Sujets de plaintes.

- Art. Ier. La paroisse de la Faye se plaint d’être vexée par l’impôt, de manière à retirer à peine de ses fonds de quoi suffire aux gages et à la nourriture de ses colons et à la subsistance de ceux qui exploitent par eux-mêmes ; de ce que l’ambition de son intendant et de ses commissaires départis pour le prélèvement de ce même impôt les rend sourds les uns et les autres aux justes réclamations qu’elle peut faire, lorsque quelqu’un de ses membres veut vérifier son taux auquel il est injustement taxé. Pour preuve du fait, elle dit qu’alors de l’époque trop malheureuse pour elle de l’établissement de cette taille tarifée, elle ne payait que 1.600 livres de tout l’impôt ; qu’alors les fonds furent estimés 13.503 l. 8 s. de revenu ; que pour cette même estimation elle paye 6,821 livres 16 sols.

- Art. 2. La grande route qui vient d’être commencée (et cela dans le meilleur de son terrain) n’ayant servi qu’à son détriment, étant absolument inutile puisqu’elle n’a aucune issue pour sa commodité, faite par l’ambition et la haine d’un intendant qui n’a même pas respecté la saison où les blés bientôt mûrs lui promettaient un dédommagement momentané, fait le second sujet de ses plaintes.

- Art. 3. Les collecteurs porteurs de rôles et les huissiers aux tailles ne laisse[nt] pas que de tourner à son détriment, puisque, peuplée par le plus grand nombre de malheureux, elle peut à peine payer la surcharge, sans être forcée pour éviter de voir sortir de ses misérables chaumières les meubles les plus utiles à sa subsistance, sans être forcée, dis-je, de payer à ces avides du plus petit lucre, à différentes fois, le double de sa quotité personnelle. Tous ces agents tirent de la peine du malheureux le principal motif de leur aisance et s’en trouvent tous bien, en ce que les significations, les procès-verbaux et les transports exprès sont plus répétés et les rétributions plus augmentées.

- Art. 4. Le bureau des traites porté à Ruffec, ville commerçante par les différentes foires et marchés qui s’y tiennent, s’oppose à ce qu’elle tire de ses bestiaux et différentes denrées le produit qu’elle en tirerait si, pouvant voyager librement et sans frais bien injustes, elle transportait partout où bon lui semblerait sa marchandise ou bestiaux, et les vendait là ou là à celui qui en offrirait le plus. Cette entrave au commerce paraît révolter le plus grand nombre et même tous les habitants voisins. D’ailleurs les employés dans cette partie commettent souvent des abus tant dans les procès-verbaux qu’il ne savent pas rédiger que par les accommodements qu’ils font sans en avoir prévenu le directeur. Dans l’une et l’autre circonstance, le misérable se trouve vexé, soit par l’injustice des droits perçus, soit par la fixation de. la ligne qu’ils assignent dans quels lieux il leur plaît, et l’horreur qu’il s’en fait le porte à accommoder pour telle somme qu’on lui demande ; mais toujours faut-il qu’il lui en coûte, et ce contre l’intention du Monarque.

- Art. 5. Le bureau des aides n’offre pas moins de difficultés que celui des traites. L’on ne peut pas faire arriver à Ruffec une barrique de vin sans qu’il en coûte considérablement, tant pour les droits d’entrée que pour le don gratuit, ou, qui mieux est, les droits réservés. Ces mêmes droits sont si exagérés qu’un particulier vendant son vin à Ruffec, plusieurs années de suite, a payé au bout de trois ou quatre ans beaucoup au-dessus de la valeur de ses fûts, étant forcé d’acquitter à ce même bureau toutes les fois qu’il lui faut faire entrer son vin et faire sortir son fût vide, pour laquelle sortie il paye 6 s. 3 d. par chaque fût pour les droits et quittances. Les cercles, planches, bois d’ouvrage et bien d’autres denrées, dont l’énumération deviendrait trop longue, payent de même. Les employés dans cette partie commettent les mêmes abus que ceux employés dans les traites. Les uns et les autres, réunis ou séparés de leurs directeurs, ne cherchent qu’à vexer le public, à lui tirer la quintessence de son revenu ; animés de la mauvaise intention de leurs commettants, portés tous du même zèle, conduits tous par le même intérêt, ils ne forment dans leur ensemble qu’un groupe de sangsues avides, non de sang, mais d’argent, et excitées à faire des plaies mortelles par l’appât d’une bien modique rétribution. Mais, disent-ils, les petits ruisseaux font les grandes rivières, et nous aimons mieux un mauvais accommodement qu’un procès, parce qu’il nous en revient davantage. Leurs démarches deviennent souvent encore plus funestes, lorsque, par un zèle outré, ils en viennent jusqu’à se susciter dans un village une révolte ; alors, ils se contentent de verbaliser, soit à droit, soit à tort ; la paroisse a toujours tort et les battus payent l’amende.

- Art. 6. Les préposés aux droits de contrôle mettent un obstacle aux revenus de l’État, en ce qu’on est obligé pour éviter la fraude d’y commettre beaucoup de préposés, qui, pour la rétribution qu’on leur accorde, absorbe[nt] une grande partie des produits. D’ailleurs le prix exorbitant qu’il en coûte fait faire beaucoup d’arrangements par des sous-seings privés, qui, souvent conçus par des personnes ineptes à la partie, y glissent beaucoup d’abus qui engendrent des procès tendant tons au détriment de l’une et l’autre parties contractantes : que s’ils étaient modérés, les actes notariés se multiplieraient ; le nombre des employés diminuerait ; le Roi et ses agents y trouveraient un avantage réel. Qui empêche donc de supprimer ces bureaux, de diminuer le nombre des notaires, d’ordonner à chacun qu’il serait déposé dans leur maison les actes différents qu’ils passeraient et de diminuer les droits de ces mêmes actes, ceux du papier marqué, et d’accorder la liberté de faire quelques actes que ce soit sur papier libre, pourvu qu’ils fussent revêtus du contrôle, nécessité absolue pour la sûreté du public ?

- Art. 7. La grande distance qu’il y a de Ruffec, où elle plaide en première instance, par appel à Angoulême, et en dernier ressort à Paris, fait plaindre la susdite paroisse de ce qu’on n’a pas cherché à éviter et les grands frais qu’ils font faire, et les voyages de longue baleine, et la longueur du temps [tellement] qu’un chef de maison soit absent de chez lui, pour quelquefois malgré ses démarches répétées, soit auprès de son avocat, de son rapporteur ou de ses juges, il soit forcé de s’en retourner sans avoir pu obtenir un jugement. Le suisse n’a pas été bien payé ; les épices du rapporteur n’ont pas été assez fortes ; il faut que mon misérable s’en retourne labourer ses choux, pour faire de l’argent, pour mieux satisfaire les agents de sa ruine, et pour lors il est bien reçu, il est recommandé, et, malgré le meilleur droit, il perd son procès. Que s’il n’eût pas bien payé, il eut perdu dix ans plus tard et eût fait dix voyages de plus. Que l’on simplifie les droits, que l’on rapproche les justices, et que l’on accorde à la province de se faire juger en dernier ressort pour la somme qu’il plaira assigner devant des juges ordinaires.

Art. 8. Elle réclame contre rétablissement de certains huissiers-priseurs pour assister aux différentes ventes qui se font en justice, disant qu’elle est déjà assez malheureuse d’avoir à combattre contre cette multitude d’agents barbares, sans qu’il en soit préposé d’autres plus avides et à qui, par leur plus grandes qualités, on accorde de plus forts honoraires. Elle se plaint de plus de ce que, pour aller d’un endroit distant d’un autre de demi-lieue, ils mettent ordinairement sur leur assignation distant de deux lieues et transports exprès, lorsqu’ils vont dans un village ou paroisse assigner plusieurs particuliers.

Art. 9. Lors de l’établissement des francs-fiefs, ils n’existèrent chez les bourgeois, que parce que ne faisant pas la guerre, et que la Noblesse la faisant, et cela à ses dépens, était souvent forcée de vendre ou aliéner quelques-uns de ses droits. Aujourd’hui, payée des services qu’elle rend à l’État, enrichie aux dépens du royaume, et possédant toutes les charges d’honneur pour prix de ses exploits, il paraît juste que le Tiers état ayant subi la rigueur d’une loi qui depuis bien des temps eût pu être disputée, il est juste, dis-je, qu’il soit entièrement déchargé de ce droit onéreux et contraire aux constitutions de la monarchie.

Art. 10. Elle se plaint de cette partie de la Noblesse, fière et altière, qui n’est créée que d’aujourd’hui, cherche à l’appui de ses exploits mémorables qui n’existèrent jamais, et a cherché à se soustraire à l’imposition qui, suivant l’intention et de notre Monarque et de ses prédécesseurs, eût dû affecter toute la classe des hommes. S’ils firent, dit-elle, la guerre dans un temps, où ils n’eurent pour toute rétribution que leur exemption, qu’alors ils en aient joui, à la bonne heure ! Mais aujourd’hui, où le Tiers état, seul soutien le plus solide du trône (malgré son opinion), s’offre de signaler (preuves dont ils n’ont pas besoin, si l’on consulte l’histoire) et demande qu’on le mette à même de convaincre à n’en pouvoir douter de la pureté de ses sentiments, de son attachement inviolable pour sa patrie et de son obéissance pour son Roi, ceux de cette partie de la Noblesse qui ont le moindre soupçon sur son compte (d’ailleurs ils se flattent assez pour ne pas croire que personne ne le soupçonne), qu’ils en jouissent, cela n’est pas juste. De plus, qu’on accorde les emplois au mérite et, que pour y parvenir, on donne au concours toutes les places à discuter entre la Noblesse et le Tiers, et qu’ils soient cotisés également les uns et les autres ; tel est le vœu de la Nation.

- Art. 11. Elle se plaint que, vexée des impositions injustement réparties, comme je l’ai dit plus haut, elle se plaint, dis-je, qu’indépendamment de cette vexation, elle soit exposée à payer annuellement au prieur et seigneur de la paroisse la somme de 4,200 livres, prix de la ferme ; de ce que la petite quantité de terrain assignée pour parfaire cette somme, soit en dimes, agriers, cens et rentes, paye au moins trois quarts de boisseau de blé par boisselée, dont moite froment et moitié méture blanche ; de ce que le susdit prieur voulant éviter à son fermier, au détriment de la paroisse, d’être chargé en plein au rôle, ne fait sa ferme apparente que de 3,000 livres, et que par une contre-lettre, il soit dit qu’il lui payera annuellement 1,200 livres. Indépendamment de cette noirceur, il est encore comptable à la paroisse du peu de commisération qu’il a eu pour les pauvres l’année 1785. Cette même année, le respectable et zélé pasteur s’adressa à l’intendant et au sieur prieur pour le soulagement de sa paroisse. Après différentes lettres, il obtint enfin de l’un de ces deux êtres barbares 17 boisseaux de seigle pour sa paroisse composée de 215 feux. En 1788, et la présente année, à l’époque des grands froids, le zèle du curé a redoublé, mais inutilement, et ni l’un ni l’autre de ces deux cœurs de rocher n’ont rien accordé, pas même un soupir pour ceux qui sont morts de faim et de froid. L’on ne vit jamais bénéfices sans charges. Celui en question n’en a aucune, est de 4,200 livres et de 600 livres de pot-de-vin, et est mangé hors de la paroisse et par quelqu’un absent depuis bien des années. En outre, la liberté de se rédimer des grosses charges dues au prieuré, qui mettent tous les tenanciers, pour ainsi dire, hors d’état de payer les impôts ; qu’en étant libérés, ils seront plus en état de satisfaire aux besoins de l’État ; et que le principal de ces mêmes redevances fut déposé au Trésor royal, à la charge de payer 4 p. 100 au titulaire du bénéfice ; ces sommes principales peuvent faciliter à payer les dettes de l’Etat, dont le peuple ne souffrira pas.

 II — Sujets de demandes.

- Art. Ier. Demandons d’abord que, pour obvier à l’inégalité et aux abus qui se commettent, tant dans l’imposition que dans sa perception, demandons que toute espèce d’impôts pécuniaires soient abolis et annulés à jamais ; qu’il n’y en ait qu’une seule et unique espèce répartie le plus également que faire se pourra sur toutes les têtes du royaume.

- Art. 2. Demandons l’entière suppression des intendants et des commissaires départis, ou pour le prélais (sic) ou pour la vérification des rôles, attendu qu’ils ne tournent qu’a notre ruine et à notre détriment, en cherchant à vexer le misérable par la quantité d’impôts exorbitants et la paroisse en général par les grandes routes qu’ils percent pour aller d’un bourg à un autre.

- Art. 3. Demandons que le genre d’impôts que nous payons actuellement en argent nous soit ôté et remplacé par un impôt quelconque pris en nature sur toute la surface de la terre en général, dans le royaume de France. L’on verra qu’alors personne ne se plaindra, si ce n’est peut-être du trop haut taux auquel il aura été fixé, mais nous nous en rapportons là-dessus à la sagacité des États généraux.

- Art. 4. Demandons que l’adjudication de la ferme ou bail soit accordée à une personne de la paroisse, solvable et cautionnée par elle, afin que les engrais de cette même ferme servent au moins à bonifier les terres dont ils sortent ; vu que la susdite paroisse est distante de près de deux lieues des prairies, dénuée absolument des ressources de l’eau et que son terrain est fort ingrat et de peu de rapport ; que le fermier ou régisseur soit chargé de faire parvenir dans les coffres du Roi directement le prix de sa ferme, régie ou autre gestion ; que, pour la tranquillité publique et la sûreté de la conduite de ce même argent dans les coffres du Roi, les brigades de maréchaussée soient augmentées et rapprochées, de manière à ce que la conduite de cette même somme puisse se faire à Versailles, par quelque voiture que ce soit, escortée pour sa sûreté de quatre cavaliers, et que le lieu de leur résidence et les alentours ne soutirent pas de leur absence.

- Art. 5. Demandons la translation des bureaux des traites de l’intérieur sur les frontières, assurant à Sa Majesté et l’aisance de ses sujets et la splendeur de son royaume, qui se trouvera bien allégé d’avoir rompu cette barrière qui s’opposait depuis si longtemps à sa tranquillité et aux débouchés de ses bestiaux et différentes denrées ; qu’elle verra fleurir le commerce, et ses habitants à même de payer plus facilement ses impôts. Que les droits d’aides, dons gratuits et autres indépendants soient absolument annulés ; que le vin, eau-de-vie, cercles, planches, bois d’ouvrage puissent avoir un libre cours par tout le royaume et se transporter d’une extrémité à l’autre une fois y entrés, sans que personne s’y puisse opposer.

- Art. 6. Demandons que la justice soit simplifiée, qu’il soit accordé aux juges dont nous ressortons le droit de juger en dernier ressort jusque à cent livres, pour obvier aux frais que nous sommes forcés de faire par les différents appels et voyages d’allée et de venue ; que le nombre des juges y séant[s] soit augmenté, afin qu’un en puisse remplacer un autre en cas d’absence ou de maladie ; que ces mêmes places ne soient accordées qu’au mérite et au concours ; que les notaires royaux soient maintenus dans les privilèges qui sont accordés parleurs provisions de notaires, tabellions et gardes-notes ; que leurs minutes soient inséparables d’avec la charge ; que les notaires d’Angoulême ne soient plus autorisés à les enlever, ce qui cause une dépense outrée à tout le peuple, qui pourrait avoir besoin des actes qu’eux, leurs pères ou aïeux ont passés ; qu’étant sur les lieux, elle peut leur coûter un écu ; étant obligés d’aller à dix lieues de leur domicile, pour réclamer cette même expédition, ils sont obligés de faire une absence de cinq à six jours, de vivre à l’auberge et de payer de très gros droits pour leur expédition, ce qui leur cause un tort considérable par la perte de leur temps et la dépense qu’ils sont obligés de faire ; autoriser également les notaires à réclamer les minutes qui leur ont été enlevées de leurs prédécesseurs, lesquelles, comme on a dit, seront inséparables d’avec la charge ; que si les enfants ou héritiers du notaire décédé résignent la charge, seront obligés de livrer à l’acquéreur toutes les minutes, desquelles il sera fait inventaire, dont copie sera déposée au greffe du lieu ; l’acquéreur de la charge, ainsi que ses héritiers, seront tenus responsables desdites minutes.

- Art. 7. Demandons, que toutes les personnes du Tiers possédant fiefs soient déchargées des droits de francs-fiefs ; qu’il répugne de payer à un misérable père de famille qui n’a qu’un morceau de fief à partager entre cinq à six enfants, forcé parce qu’il n’est pas gentilhomme par la cloche ou depuis deux jours, forcé, dis-je, de payer le tiers en sus de son revenu tous les vingt ans, et chacun de ses enfants à chaque mutation, après sa mort ; trop heureux encore, si l’on n’exigeait d’eux que ce qui est légitimement dû soit disant par les ordonnances ; mais vexé par le préposé au bureau ou par le contrôleur, toujours avides de faire de nouvelles recherches, il paye, mais non pas tout, parce qu’il faut absolument qu’il reste une queue, pour multiplier les frais et augmenter les revenus de ces gens avides. Il en est de même des droits de contrôle, parchemin, papier timbré, des expéditions d’actes en forme, des droits des huissiers ou royaux ou seigneuriaux.

Demandons que les uns soient modérés, les autres supprimés ; qu’il soit libre de faire les actes de peu de conséquence sur papier timbré et qu’ils aient la même force ;

Que les droits de ces exploiteurs, par tout le royaume, soient modérés et taxés par les juges, sous lesquels ils exercent ;

Que les traitants ne puissent actionner personne pour le contrôle des testaments dont ils n’entendent pas se servir, et qu’ils ne puissent non plus forcer les notaires d’établir sur leur répertoire les testaments qu’ils reçoivent, que lorsqu’ils sont contrôlés ; que les traitants ne soient pas en droit de visiter ce répertoire, les testaments étant des actes secrets et qui ne doivent être communiqués à personne.

- Art. 8. Demandons que les gros bénéficiers rentes et dîmes sur telle ou telle paroisse, n’ayant pas de charge y attachée, soient astreints à manger leurs revenus chez eux et dans la paroisse qui supporte et paye les charges ; que, s’ils s’en trouvaient absents, dans un temps de calamité pour le pauvre, on les astreignît à en répandre au moins la moitié pour son soulagement et de ne pas faire la sourde oreille aux réclamations des pasteurs qui souvent ne sont pas à même par la modicité de leur revenu de sufïire à tout. D’ailleurs, ces mêmes bénéfices ne furent accordés que pour les prières et les charités, et on a le droit de les faire passer d’une tête sur une autre. J’en connais quelques-uns dans ce genre, mais je renvoie pour la preuve du fait à l’article de plainte que j’en ai formé [et qui] assure la sincérité de l’avance (sic).

- Art. 9. Demandons que cette partie de la Noblesse, de toutes les classes, tant des hauts rangs que occupant les emplois différents, soit cotisée au rôle des impositions comme nous, et supporte les charges de l’État, puisque ce n’est qu’à ses dépens qu’elle vit, et est récompensée le plus souvent d’actions héroïques qu’elle ne fît jamais, et que nous ne sommes plus aux siècles où elle combattait pour l’honneur et faisait la guerre à ses dépens. L’intérêt et l’honneur touchent de trop près les hommes, pour qu’ils ne demandent pas qu’il leur soit permis de concourir avec cette partie de la Noblesse, fîère de ses privilèges, pour obtenir, comme eux, ces places d’honneur, s’y signaler et s’attirer par là l’honneur et l’estime de la patrie. C’est à ce but heureux pour eux qu’ils demandent à Sa Majesté de leur permettre d’atteindre, persuadés qu’ils sont d’avance que, si le seul mérite est récompensé, ils n’auront pas plus à craindre de succomber que des jeunes enorgueillis de leur naissance qui prétendent à tort être les seuls soutiens du trône et seuls capables de répandre du sang pour la patrie ; pauvre patrie ! que si tu n’avais eu de soutien que cette classe d’hommes, qu’il y a longtemps que tu n’existerais plus ! .Mais, je t’entends me crier : les auteurs fourmillent de traits de bravoure passés dans telles et telles batailles ; visitez les mers ! Ces mêmes auteurs, ce seront eux qui vous convaincront à n’en pouvoir douter et du mérite des uns et de la fausse jactance des autres.

- Art. 10. Nous demandons que l’impôt soit réparti également sur toutes les classes des hommes en général ; que ni la partialité ni l’animosité des imposés ou imposants n’y entrent pour rien.

Nous demandons enfin que toute la province d’Angoumois soit seule érigée en pays d’États, sans être réunie avec quelque espèce de province que ce soit.

Tels sont les vœux de la susdite paroisse, qui, à l’appui de ses avances, va apporter ses motifs de remontrances.

 III. — Sujets de remontrances.

Art. 1er. La susdite paroisse a l’honneur de représenter fort humblement à l’auguste assemblée que son vœu unanime et son zèle commun la portent à demander à cor et à cri la suppression de toute espèce d’impôts quelconques en argent et l’établissement d’un impôt territorial pour suppléer à tous les subsides pécuniaires de toutes espèces quelconques. C’est au cœur généreux de son Roi, à la sagacité de ses ministres et aux lumières des États généraux à qui elle laisse le droit d’en fixer le taux et la perception ; elle demande toujours que cet impôt territorial soit pris en nature dans quelque partie de son terroir, que ce soit bois, prés, vignes, et terres labourables, etc., et que les jardins déjà exempts des recherches des leveurs de droits curiaux et seigneuriaux soient estimés à la rigueur comme terrains de la première qualité et du plus grand rapport. Si, d’un consentement unanime, elle demande ce genre de percevoir, elle donne pour raisons les moyens suivants :

Toutes les fois que nous serons taxés et imposés en argent, l’intention du Roi sera frustrée ; l’ambition et la zizanie se mettront de la partie ; la faveur fera de son côté, de manière que quiconque n’aura rien payera beaucoup, ainsi de suite.

En nous imposant de la sorte, vous ferez, Sire, et le bonheur de vos sujets et le soulagement de vos peuples et rendrez à votre royaume un nouveau lustre et le ferez briller à jamais des rayons étincelants de votre justice et de votre bonté. Votre peuple n’aura plus à craindre la poursuite des intendants, des commissaires départis pour la perception de vos droits, des collecteurs et des huissiers, tous vexateurs et oppresseurs au misérable. Le pauvre ne possédant rien au soleil ne payera rien ; le colon, homme si utile à votre Etat, ayant la clef du grenier qui contient le fruit de ses travaux, se réjouira et chantera à jamais les louanges d’un Roi juste et bon de l’avoir mis à l’abri des occursions que faisaient sur elle ces vautours affamés d’argent et de vices.

- Art. 2. Que si les cris d’allégresse que pousseront ces malheureux, dégagés de cette foule de gens sapant jusques aux fondements leur aisance et leur liberté, parvenaient jusques aux oreilles de notre Monarque, de quelle satisfaction intérieure ne jouirait-il pas de les voir tous s’empresser à lui témoigner leur ressentiment pour l’avantage qu’il leur procure en les privant à jamais de cette foule de directeurs, employés dans tous les genres et les différents bureaux, préposés pour la perception de ses droits, dans laquelle ils commettent des abus sans fin, tous rejaillissant sur le misérable, qui, vexé par leur barbarie, ne peut enfin plus supporter un fardeau trop onéreux et trop pesant pour ses faibles moyens !

- Art. 3. Nous n’avons rien de plus à cœur à désirer que cette stabilité immuable que l’on veut établir dans le royaume, dans les finances et dans les différents corps le composant. Ce sera d’après cette ferme résolution prise que nous aurons à jouir des douces prérogatives que nous accorde notre Roi en nous soustrayant, nous misérables, obsédés depuis des temps bien reculés, à la surcharge des impôts, à la vexation des gens préposés pour leur perception, à la barbarie de ces gens ambitieux et jaloux de notre bonheur, à l’opposition formelle que met cette Noblesse à ce que nous passions pour leurs égaux, à l’antipathie presque née avant nous qui subsiste entre ces deux Ordres, à la persécution des huissiers-priseurs royaux et seigneuriaux, à la surveillance de ces argus prêts à faire mettre la main au collet d’un honnête homme pour le recouvrement d’un droit trop injustement perçu, en nous fournissant les moyens sûrs de subvenir à notre calamité future et pourvoir à la sûreté de nos individus personnels, en multipliant les êtres nécessaires à cet emploi et supprimant le nombre de ceux inutiles et contraires à ces mêmes avantages.

Ce sera alors que le peuple animé du zèle le plus patriotique, de l’amour le plus pur et le plus parfait pour son Roi, chantera à jamais ses louanges immortelles, préconisera les sentiments de son ministre surveillant, et publiera partout par ses acclamations la justice, l’équité, la bonté et la pitié de l’un et de l’autre.

97 signatures (dont celle de Jacques Desplants, docteur-médecin), comme au procès-verbal.

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