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1834 - Gay-Lussac à Jonzac (17) : étude d’un orage de grêle

jeudi 17 janvier 2008, par Pierre, 1895 visites.

Description minutieuse d’un phénomène météorologique par un des grands scientifiques du moment.
entendez-vous souffler l’orage, disait-on ...

Source : Annales de chimie et de physique - Joseph-Louis Gay-Lussac – Paris - 1836

Les deux autres chutes de grêle que j’ai encore à mentionner ont eu lieu toutes les deux le même jour le 15 septembre 1834 et dans l’arrondissement de Jonzac, département de la Charente-Inférieure.

La matinée avait été belle le vent soufflait du nord. Vers trois heures du soir, le vent devint orageux ; quelques nuages se montraient vers le sud. Ces nuages inspiraient peu de craintes en raison de leur apparence et de la direction du vent, mais, vers quatre heures, l’un d’eux situé au dessous des autres prit une teinte plus foncée et il en partit quelques coups de tonnerre, qui furent suivis d’un bourdonnement semblable au bruit du tonnerre éloigné et parfaitement imité par le bruit d’une cuve de vendange en fermentation auprès de laquelle je me trouvais. En quelques minutes, un vent violent et tourbillonnant venant du sud remplaça subitement le vent du nord. Une grosse pluie tomba avec force et fut immédiatement suivie d’une grêle que le vent rendait plus terrible. Elle cassait non seulement les vitres, mais encore les tuiles des toits. Cette grêle n’a duré que quelques minutes et a été suivie d’une pluie abondante, également de peu de durée.

Les grêlons, de forme allongée en général, avaient la grosseur d’une belle noix. Ils ressemblaient d’ailleurs en tout à ceux observés à Toulouse. Le tonnerre a grondé pendant tout le temps de leur chute. Vers quatre heures et demie, le vent et la pluie avaient entièrement cessé : le ciel était devenu serein.

A six heures du soir, un nouveau nuage d’abord peu considérable, et se fondant insensiblement avec le ciel parut vers le sud. Sa couleur était peu foncée ; il s’élevait très lentement vers le zénith, et paraissait en même temps s’agrandir dans tous les sens. Sa couleur devenait plus foncée. Vers six heures et un quart, le bruit précurseur de la grêle commença à se faire entendre très distinctement, mais il me semblait reconnaître clairement que le bruit partait de la surface de la terre, et non du nuage voisin du zénith. J’ai même pensé pendant quelque temps que ce bruit pouvait être dû à une trombe, tant ce nuage y paraissait étranger. Ce bruit augmentait et changeait un peu de caractère à mesure que le nuage s’approchait. On ne sentait pas le plus léger souffle de vent à la surface de la terre ; la lenteur de la marche du nuage prouve que le vent était aussi très faible dans les régions supérieures de l’atmosphère.

Enfin, vers six heures quarante minutes, j’entendis tomber la grêle à l’extrémité la plus éloignée d’une vigne d’une assez grande étendue. Plus de cinq minutes s’écoulèrent avant que cette grêle n’atteignît l’autre extrémité près de laquelle je me trouvais. Aucun tourbillon ne précéda l’arrivée de la grêle. Dès que j’entendis le bruit de sa chute, je cessai d’entendre le bruit sourd qui la précédait. Elle tombait perpendiculairement avec une grande vitesse. Les grêlons volaient en éclats en frappant sur les pierres. Le tonnerre et les éclairs se succédaient continuellement, mais avec moins de violence que dans la chute précédente.

La grosseur de ces grêlons semblables aux précédens, et par suite à ceux observés à Toulouse, était à peu près celle de ces derniers. Cette chute de grêle cessa au bout de quelques minutes ; pas une seule goutte d’eau ne s’y mêla dans le lieu où je l’observai.

On pouvait sortir sans danger par une extrémité de la maison dans laquelle j’étais réfugié, tandis que la grêle tombait encore sur l’autre extrémité. Je l’entendis continuer sa marche à travers les bois et les vignes du voisinage ; puis le bruit qui avait précédé son arrivée continua à se faire entendre pendant environ une heure. Il était distinct du tonnerre presque continuel qui émanait du nuage.

Il me fut facile d’examiner approximativement la vitesse de ce nuage par le temps qui s’écoulait entre les éclairs et le tonnerre à mesure de l’éloignement, il lui fallut environ trois quarts d’heure pour franchir les sept à huit mille mètres qui me séparaient de Jonzac.

Cette grêle a occupé une étendue de trois quarts de lieue en largeur. Elle avait commencé du côté de Montendre et elle a dépassé Jonzac. Elle doit par conséquent avoir porté ses ravages sur une étendue de quatre à cinq lieues en longueur. Dans ce trajet elle a été alternativement dépourvue et mêlée de pluie. Sur les limites de sa chute dans le sens de sa largeur la pluie a été abondante.

Après la première chute de grêle de cette malheureuse journée, qui a vu détruire des récoltes entières encore sur pied, l’atmosphère paraissait froide, après la seconde chute l’air était plus chaud et on sentait de temps en temps des bouffées d’air d’une chaleur suffocante.

La récolte de vin, celle de maïs, les foins, les fruits des arbres ont été écrasés. La terre était criblée des trous formés par les grêlons Plusieurs oiseaux ont été trouvés morts le lendemain.

Le bruit sourd, qui accompagnait ce nuage orageux, a été entendu à près de deux lieues. J’avais d’abord pensé que ce bruit pouvait entièrement être attribué à la chute et non aux mouvemens des grêlons dans le nuage, comme pourraient le faire croire les observations que j’ai rapportées plus haut ; mais des personnes situées au dessous du nuage, près de son point de départ, et lorsqu’il n’y avait pas encore eu de chute de grêle, m’ont affirmé avoir déjà entendu cette espèce de bourdonnement. Au reste j’ai entendu dans la journée du 30 septembre ce même bruit d’un nuage orageux chargé de grêle, et cependant il porta ses ravages à plusieurs lieues du point que j’occupais. On comparait généralement ce bruit au souffle du vent violent : entendez-vous souffler l’orage, disait-on. Il est certain cependant qu’avec un peu d’attention on distinguait assez bien dans ce bruit confus une série de bruits partiels.

Je me suis dispensé d’entrer dans de nouveaux détails sur les grêlons de ces deux dernières chutes de grêle, parce qu’ils ne m’ont fourni aucune particularité digne de remarque qui n’eût été déjà signalée en parlant des grêlons de Toulouse.

Messages

  • Bonjour,

    Cet article n’est pas de Gay-Lussac, mais de Thomas de Boisgiraud (1793-1879), physicien, professeur à l’université de Toulouse et par ailleurs membre de la Société des archives historiques de la Saintonge et de l’Aunis.
    L’article proposé ici, fort intéressant pour un historien des sciences, est un extrait d’un mémoire de M. Boisgiraud dans les Ann. Ch. et Phys., t. 62, 1836, p. 91-105.
    Cordialement

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