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1550-1569 Ephémérides historiques de la Rochelle revisitées

jeudi 16 avril 2020, par Pierre, 523 visites.

Les Éphémérides historiques de La Rochelle, publiées par J-B Jourdan en 1861, sont une véritable mine d’informations sur l’histoire de cette ville. Cet ouvrage essentiel est composé de 847 notices sur les événements du riche passé de cette ville. Pour chacune de ces notices, les sources d’archives sont mentionnées, et l’auteur compare les sources, leurs éventuelles contradictions.
Un ouvrage qui est aussi déconcertant pour le lecteur, puisque les événements y sont classés du 1er janvier au 31 décembre, toutes années confondues, ce qui rend impossible d’y retrouver la chronologie sous-jacente.
Nous avons "revisité" cet ouvrage en reclassant les 847 notices dans leur ordre chronologique du 21 mars 1089 au 12 novembre 1858.
Réalisée en période de confinement, propice aux travaux au long cours, cette nouvelle présentation facilitera, nous le pensons, les recherches des amateurs de l’histoire de cette ville au riche passé.
Nous avons conservé l’intégralité du contenu des 847 notices, avec leurs notes de bas de page. Pour faciliter la lecture, ces notes suivent immédiatement le texte principal de chaque notice

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ÉPHÉMÉRIDES ROCHELAISES.
Tout le monde sait que ce fut par un édit de Charles IX , donné à Roussillon, en Dauphiné, le 9 août 1564, que le premier jour de l’année fut fixé pour l’avenir au 1er janvier. Antérieurement dans l’Aquitaine , dont faisait partie la Rochelle, l’année commençait le 25 mars, contrairement à l’ancienne coutume de France, qui fixait le premier de l’an au jour de Pâques. Toutefois, l’année municipale rochelaise continua de s’ouvrir le jeudi après la Quasimodo, jour de l’installation du Maire, dont l’élection avait lieu chaque année le dimanche de la Quasimodo.


1550
1550 07 17. - Dans la rue de notre ville, qui eu a conservé le nom, existait anciennement l’Evescaull, qu’on appelait aussi maisons épiscopales , où descendait l’Evêque de Saintes, quand il venait à la Rochelle ; et siégeait le tribunal ecclésiastique de la Rochelle, nommé l’offlcialité. Ce tribunal, dont la compétence, restreinte d’abord aux clercs, s’était singulièrement étendue (1), était présidé par l’otficial, grand-vicaire de l’Evêque, et qui avait porté jadis le titre d’archidiacre d’Aunis. Les fonctions du ministère public y étaient exercées par un autre ecclésiastique, appelé procureur ou promoteur de l’Officialité. Le 17 juillet 1550, celui-ci exposait devant l’official que, contrairement aux canons ecclésiastiques, les curés de l’archiprêtré de la Rochelle se permettaient de fiancer et marier des personnes étrangères à la ville et qu’ils ne connaissaient pas, et qu’il résultait de ces mariages clandestins que bien souvent - se trouvoient plusieurs hommes ayans deux femmes et plusieurs femmes ayans deux maritz, au scandale et détriment des saintz sacremens de l’Eglise et de la religion. Il requérait en conséquence qu’il fut rendu une ordonnance pour mettre un terme à de pareils abus. Fesant droit à sa requête, l’official fit défense à tous ecclésiastiques « de ne procéder ès fiançailles, épousailles et autres actions nuptiales d’aucuns personnages, que paravant ils ne sachent dont ils sont, et s’ils sont leurs paroissiens, appelés premièrement les père et mère et autres parens et amis des fiancés et mariés. » Le lendemain, la cour de l’officialité, composé de l’official, de quatre prêtres et de deux procureurs ès cour d’église, eut précisément à juger une affaire de bigamie. Sa sentence fut peu sévère : la femme bigame fut condamnée à faire amende honorable, à rester pendant quatre heures attachée à un poteau, dressé devant la porte des maisons épiscopales, avec un écriteau sur la poitrine portant ces mots : la femme à deux maris ; et en outre à tenir prison close, en pénitence à pain et eau de tristesse et douleur, par l’espace de six mois, et à une amende de cinquante livres, applicable ès œuvres piteuses. Son complice en fut quitte pour l’amende honorable, l’exposition avec un écriteau, attaché au bras, sur lequel était écrit : pour avoir sciemment espousé la femme d’autrui, et une légère amende. (Reg. de la cour ecclésiastiq)

(1) V. ma VII Lettre Rochelaise.


1550 11 04. — Aux termes d’un édit de François 1er, du 25 mars 1543, les épiceries et drogueries ne pouvaient être introduites en France que par trois villes : Rouen, quand elles venaient par l’Océan, Marseille, lorsqu’elles arrivaient par la Méditerranée , et Lyon, quand elles étaient importées par la voie de terre. Par une ordonnance du 4 novembre 1550 , Henri II déclara qu’à l’avenir elles pourraient être en outre admises dans le royaume par les ports de la Rochelle, de Nantes et de Bayonne ; disposition qui contribua beaucoup à accroître l’importance du commerce rochelais. (Delaltrière.)
1552 05 10. — Le gouvernement d’Henri II, voulant contrebalancer par des preuves d’orthodoxie l’effet de sa querelle avec le Pape et de son alliance avec les Musulmans et aussi de celle qu’il méditait avec les hérétiques d’Allemagne, avait redoublé ses rigueurs contre les calvinistes de France, et attribué aux juges présidiaux, qu’il venait d’instituer, la connaissance du crime d’hérésie, quand il y aurait scandale public et transgression des ordonnances. Leprésidial de la Rochelle inaugura son établissement par les plus barbares exécutions pour cause de religion. Le 10 mai 1552, il rendit contre les nommés Mathias Couraud, dit Gaston des Champs, Pierre Constantin, dit Castut, et Lucas Manseau, un jugement par lequel, déclarant les deux premiers « suffisamment atteints et convaincus d’estre séditieux, chismatiques et perturbateurs de la religion chrestienne et du repos publicq, ayant souvent dit et proféré plusieurs propositions en publicq et icelles disputées contre les saincts sacrements de pénitence et confession, contre l’honneur de la très sacrée et glorieuse vierge Marie, des saincts et sainctes , contre l’authorité et dignité de nostre mère saincte Eglise et de ses ministres ; outre led. Couraud, d’avoir dogmatisé et fait lecture, entre le commun populaire, contre tout ce que dessus, et persévéré en nostre présence, esd. erreurs d’hérésie ; et led. Manseau, d’avoir pareillement souvent, et oys et en publicq, parlé desdaigneusement et irrévérentement de lad. très sacrée et glorieuse vierge Marie, saincts et sainctes, contre les constitutions ecclésiastiques et solemnisations des festes commandées par nostre d. mère saincte Eglise et contre le libéral arbitre. » il les condamna tous trois « à faire amande honorable, en chemise, teste et pieds nudz , la corde au col, tenant chascun d’eux un flambeau de cire ardant du poidz d’une livre, et led. Manseau un fagot de bois sur le dos ; le tout sur un chaffaud, qui pour cet effect sera droissé devant la grande et principale porte de Notre-Dame de Cougnes, jusques auquel chaffaud lesd. Couraud et Constantin seront traînez despuis les prisons du Roy sur une clie (claie), en chemise, et piedz et teste nudz, la corde au col ; et led. Manseau les suivra à pied, aussy en chemise, la corde au col et un fagot sur le dos. Sur lequel chaffaud ils demeureront de genouil pendant et durant une grand’messe, qui sera célébrée en lad. églize ; laquelle dicte, lesd. Couraud, Constantin et Manseau requerront, à haulte voix par leur bouche, pardon à Dieu, à la benoiste et sacrée vierge Marie, saincts et sainctes, au Roy et à justice, des propositions erronnées, hérétiques et blasphesmes par eux proférées et maintenues respectivement contre l’honneur de Dieu, ses saincts sacrements, les saincts et sainctes et contre les constitutions de l’Eglise, confessans par ce moyen avoir perturbé le repos publicq des fidèles ; et exortant révérend Père en Dieu, M. l’évesque de Xaintes, d’assigner les processions générales du clergé de ceste ville pour assister à lad. grand’messe et faire faire une prédication selon l’exigence du cas. Et après lad. amande honorable faicte, condamne led. Gouraud à avoir la langue coupée. et ce fait, estre tous trois ramenez en la place du chasteau pour led. Couraud estre bruslé tout vif en un grand feu, qui pour ce sera faict en lad. place, et led. Constantin estre estranglé et ce fait, bruslê en un autre feu en lad. place ; et led. Manseau assister esd. deux exécutions. sur une autre chaffaud, et lad. exécution faicte, estre fustigé de verges par l’exécuteur de la justice autour des deux feux, jusques à grande confusion de sang, et banny à perpétuité de ceste ville et gouvernement. » Le président qui avait prononcé cette horrible sentence, Claude d’Angliers, seigneur de la Sausaie, fut si frappé de l’héroïque résignation avec laquelle les patients endurèrent ces affreux raffinements de cruauté, qu’il embrassa lui-même le calvinisme ; et « les cendres des martyrs, dit le ministre Vincent, fut la semence d’un grand peuple qui, peu d’années après, s’y rangea à la religion. » (H. Martin. — Isambert. — Regist. du présidial. — Ph. Vincent.)
1554 07 27. — Malgré le rétablissement du corps de ville et de la mairie annuelle (V. 11 juillet), le pouvoir municipal était loin d’avoir recouvré son ancienne autorité. La création du présidial avait notablement restreint l’étendue de la juridiction du corps de ville, et bien qu’il eut hérité des attributions judiciaires du sénéchal ou gouverneur, celui-ci n’en avait pas moins été maintenu1 avec des fonctions mililaires, qui étaient contraires au privilèges de la Rochelle. Le baron d’Estissac, qui s’intitulait lieutenant pour le Roy en la ville et gouvernement de la Rochelle, pays d’Aunis et Saintonge, fort peu partisan des libertés et franchises communales, avait, au mois de mai précédent, montré le cas qu’il fesait des nobles de cloche, en outrageant de la manière la plus grave l’échevin André Morisson , qui se porloit tousjours à la liberte des habitants , et en tirant même l’épée sur lui, prêt à le tuer si un autre échevin ne l’en eut empêché. Morisson avait pu s’enfuir, mais un laquais du baron l’avait atteint et lui avait donné trois ou quatre coups de dague. Le 17 juillet, eut lieu une scène plus déplorable encore : un commandant de troupe, nommé de la Brodière, et quelques gentilshommes poitevins, se promenant, le soir, sur la place du château, attaquent sans sujet les frères Chasteigners, jeunes enfants de ville et des anciennes maisons du corps (de ville) et des Maires, et leur font jeter des pierres par leurs laquais. Les Chasteigners ayant exprimé avec vivacité leur mécontentement, les gentilshommes fondent sur eux avec leurs épées, bien que les premiers n’en eussent point, coupent les jarrets au plus jeune, l’achèvent ensuite, et blessent si grièvement le second qu’il mourut le soir même. Robert Guy, seigneur de la Bataille, d’une ancienne famille municipale, ayant voulu, quoique sans armes , défendre ses amis, la Brodière lui passe son épée au travers du corps et le tue. Le baron d’Estissac s’étant refusé à poursuivre ce triple assassinat, les bourgeois, deux ou trois jours après, se saisirent de la Brodière et de quelques-uns de ses compagnons, qui furent enfermés dans la tour de la Chaîne. On feignit alors de vouloir faire leur procès ; le Roi envoya même, à cet effet, l’évêque de Sisteron, et après lui, le lieutenant-général du Poitou ; mais en définitive, après quelques procédures, le crime resta impuni : ce qui offensa fort les habitant, qui de là en après prirent en haine le baron d’Estissac. (A. Barbot.)
1554 07 28. — Adoption par le corps de ville d’un nouveau règlement, réformant celui de 1507 sur l’exercice du métier de potier d’étain à la Rochelle. Outre les dispositions communes aux autres corporations, telles que la nécessité, avant d’être reçu maître, de faire preuve de capacité par un chef-d’œuvre ; l’obligation pour tous les maîtres de prêter serment entre les mains de chaque nouveau Maire, dans la huitaine de son installation ; l’élection annuelle de deux maîtres-regardes, chargés de s’assurer de la bonne qualité et confection des ouvrages mis en vente et de rechercher et dénoncer au procureur de la ville les abus et les fraudes, pour qu’il en poursuive la répression ; l’avantage fait à la veuve de pouvoir continuer l’exercice de la profession de son mari défunt, en s’adjoignant un compagnon du métier, jugé suffisant par les maîtres-regardes, le règlement exigeait encore des potiers d’étain qu’ils marquassent de leurs noms ou des premières lettres de leurs noms tous les ouvrages confectionnés par eux, et remissent au Maire l’empreinte de leur marque sur une plaque de cuivre qui était conservée à l’échevinage. Ils étaient tenus de n’employer que l’étain préalablement essayé par les maîtres-regardes, qui devaient, après vérification , marquer les saumons d’une fleur de lys. Enfin , par une dérogations aux règles ordinaires, le titre de bourgeois n’était pas exigé pour exercer le métier de potier d’étain, il suffisait d’être juré : ce qui prouve que ces deux expressions n’avaient pas la même valeur, comme on le croit généralement. (Statuts et réglements.)
1556 01 12. — La Cour, contrairement à l’engagement pris par Charles V (1), qu’il ne serait jamais rétabli à la Rochelle aucun château ni forteresse, avait résolu d’y faire construire une citadelle, sous prétexte de faire de la Rochelle un puissant boulevard contre les tentatives des Anglais. Elle devait embrasser presque tout le quartier du Perot (de Saint-Jean) , depuis la plateforme de la Verdière jusqu’au port, en y comprenant les tours de la Chaîne et de la Lanterne. L’église de Saint-Jean et les bâtiments des chevaliers de Malte, le vaste couvent des Carmes et son église, si vénérée des marins, furent condamnés à être démolis. Le gouverneur d’Estissac, qui nourrissait de mauvaises dispositions contre les Rochelais , mit une perfide diligence à activer les travaux , pendant que ceux - ci ne cessaient de faire des démarches pour faire renoncer la Cour à sa résolution. Ce jour-là, ils envoyèrent au Roi des députés, qui réussirent à mettre dans leurs intérêts plusieurs grands du royaume et finirent par faire abandonner ce projet de citadelle, plus menaçant pour leurs libertés que pour les ennemis de la France. (A. Barbot, man. de la Bibliothèque, n° 2,130).

(1) V. 22 janvier 1373


1557 07 04. — Les Rochelais avaient, depuis les temps les plus reculés, joui du droit de port d’armes ; mais la rigueur des édits et des ordonnances leur ayant fait craindre de voir méconnaître leurs antiques privilèges, ils en sollicitèrent la confirmation du roi Henri II, en lui exposant que la Rochelle étant une ville frontière, subjecte aux descentes et incursions des ennemys, et dont les habitants et ceux de la banlieue avaient seuls la garde, ils étaient tenus d’avoir continuellement les armes au poing, pour la seltreté et deffense de la ville et du pays, et obligés plus que tous autres de s’exercer continuellement au tir de l’arquebuse. Déférant à leur demande, le Roi, par lettres patentes du 4 juillet (1) , octroya aux Maire , eschevins , pairs, bourgeois , manans et habitants de ladit. ville et banliefve le droit de tenir en leurs maisons arquebuzes et aultres bastons de feu, (2) les porter et en tirer dedans ladite ville et banliefve, tant par jeu , esbat, passetemps et exercices, qu’au gibier et volatille, au-dedans d’icelle banliefve et costes de la mer…. Comme on le voit, ce n’était pas seulement le droit de porter des armes, mais encore le droit de chasse , dont les nobles et seigneurs étaient alors si jaloux, qui étaient reconnus aux bourgeois Rochelais et à tous les habitants de la banlieue. (Delaurière.)

(1) Delaurière donne à ces lettres patentes la date du 14, mais l’inventaire des privilèges celle du 4.

(2) On appelait bastons de feu ou simplement bastons les armes montées sur un fût de bois, tels que mousquets, arquebuses ou fusils. Arcère et Massiou ont donc commis un contre-sens, lorsqu’en parlant du désarmement des Rochelais ordonné par François Ier, en 1542, ils ont dit que les habitants furent obligés de porter dans la tour de la Chaîne toutes leurs armes, et jusqu’aux bâtons.


1558 02 06. — Le lendemain de l’arrivée à la Rochelle du roi et de la reine de Navarre, le corps de ville « allant saluer Leurs Majestés, leur porta le présent de la ville. C’estoit pour lelroy un petit navire d’or, très-bien travaillé, valant 2,000 livres, et pour la reine un miroir très-riche : ce qui fust reçu très-agréablement. » (Ms. int. recherches curieuses.) Pendant les treize jours qu’ils passèrent à la Rochelle, leur aumônier, nommé David, prêcha le premier, dans la chaire de Saint-Barthélemy, les dogmes de la religion réformée , ce qui fait dire à Amos Barbot, que « ce fust pour la première fois que le flambeau de l’Evangile fust allumé en ceste ville publiquement.)) Mais l’effet de ces prédications fut peut-être moins grand sur la foule que celui d’une pièce allégorique qui fut jouée par l’ordre du roi de Navarre et qui était une amère parodie de la religion catholique, en même temps qu’un chaleureux panégyrique de la religion calviniste. (Ph. Vincent. — V. Arcère, T. 1 p. 333).
1558 02 05. — Arrivée à la Rochelle d’Antoine de Bourbon, roi de Navarre et gouverneur de la Rochelle, de Jeanne d’Albret, sa femme, et d’Henri, prince de Béarn, leur fils, alors âgé de quatre ans. Le maire et le corps de ville allèrent au-devant j’eux avec toutes les milices bourgeoises, dont les officiers étaient habillés aux couleurs du roi (incarnat et violet). A la porte de Cougnes, le roi et la reine descendirent de leur litière pour prêter l’un et l’autre le serment d’usage (V. 1er février) ; puis, au bruit de toute l’artillerie de la place et d’enthousiastes acclamations, ils continuèrent leur route à pied , sous un dais de drap d’or, porté par huit membres du corps de ville, vêtus de velours et de satin incarnat. Mais la foule réunie sur leur passage était si grande qu’ils furent obligés pour s’en dégager de remonter en litière. Alors le peuple se rua sur le dais qu’il déchira en mille pièces, chacun en voulant avoir un morceau. Ils trouvèrent toutes les rues décorées de tapisseries et la plupart sablées jusqu’à la grande maison de Fouchier, en la rue des Maîtresses, qui leur avait été préparée pour logement. La reine Jeanne y donna un bal, nous apprend Barbot, aux dames et à la jeunesse rochelaises. « Pendant qu’elle alloit en danse elle-même, ajoute-t-il, elle tomba en pâmoison, dont elle se recognust grosse pour son premier sentiment, qui fust d’une fille, Catherine, sœur unique du roy Henri IV, mariée au duc de Bar. » (1) (Bruneau. — A. Barbot.)

(1) Les manuscrits de Bruneau et de Baudoin fixent précisément au 5 février l’arrivée .des souverains de Navarre à la Rochelle ; A. Barbot prétend qu’ils n’y arrivèrent que dans la première semaine de carême : tous sont d’accord toutefois sur l’année 1558. Or, les historiens et les biographes s’accordent à faire naître Catherine de Navarre à Paris s le 7 ou le 9 février de cette même année 1558. Trompés sans doute par l’ancien style 1 ils n’auront pas pris garde que l’ancien mois de février 1558 se trouvait dans l’année nouvelle 1559 et ont vieilli Catherine d’une année. Mais sa mère ne s’en serait pas moins abusée dans ses prévisions de grossesse.


1558 11 17. — « Par les différens moyens qu’il plût à la sagesse divine d’employer, écrivait le ministre Ph. Vincent, l’église s’accrût ici à tel point que, pour la conduire , il fut arresté entre ceux qui la composoient d’establir un ordre. Ainsy le dimanche, 17 novembre 1558, ils choisirent huit personnages, dont ils formèrent le consistoire ; à scavoir, outre le pasteur (qui paroît par la suite avoir esté le sieur Farget), quatre anciens, deux diacres, un greffier ou scribe, pour recueillir les actes, et un receveur, pour tenir compte des deniers reçus ou mis. C’est le premier établissement de ceste compagnie , qu’il fallut grossir dès le 4 décembre suivant, adjoutant quatre anciens aux autres desjà nommés ; ce qui est une marque que l’église se multiplioit. Leur charge estoit de choisir le lieu des assemblées, qu’ils changeoient à chaque fois de peur d’estre descouverts, et en faire avertir les particuliers, recueillir les aumosnes et les distribuer aux nécessiteux, travailler aux réconciliations et apaiser les desbats qui pourroient naistre entre les membres de l’église, faire des remonstrances et censures à ceux qui tomboient en faute et se rendoient dignes de repréhensions. Bref, nostre discipline n’estant pas encore dressée , le modèle s’est reconnu dans leur pratique (1). » L’année suivante, le consistoire commença à tenir un registre régulier des baptêmes. (Ph. Vincent.) (2)

(1) Ce fut seulement le 26 mai 1559 que se réunit, à Paris , le premier synode national des éqlises réformées de France.

(2) Les registres de l’état-civil des proteslans, conservés au greffe du tribunal-civil de la Rochelle, ne remontent qu’à l’année 1561.


1559 05 14. — Lettres patentes d’Henri II, contirmatives d’une précédente ordonnance du corps de ville , qui avait établi que nul ne pourrait être pair ni échevin , par résignation du titulaire, s’il n’était né et domicilié à la Rochelle. (Aug. Gallant.) Ce qui prouve que l’un des graves abus dont les bourgeois demandaient la réformation en 1613 (V. 11 janv.) était déjà bien ancien.
1559 12 14. — « Le 14 décembre, fust publié à la Rochelle , de par le Roy, l’édict par luy faict de ne s’assembler par ceulx de la religion réformée ainsy qu’ils fesoient de nuict en plusieurs villes de ce royaulme , soubs peine du rasement des maisons, où se fesoient lesd. assemblées, et celuy, faict au mois de novembre suivant, portant les mesmes dépenses soubs lesmesmes peines et supplice de la mort , avec promesse au dénonciateur de cent escuz de récompense. Laquelle publication se faisoit principalement en ceste ville pour ce que en telles assemblées, quoique de nuict et avec peine et crainte, plusieurs des apparens de la ville s’y trouvoient, embrassans la réformation de la religion , qui y prenoit son cours. » ( A. Barb.) — V.17 nov.
1560
1560 07 19. — Il y a juste trois siècles, à pareil jour, que le corps de ville passait, avec maître Rodolphe de Guillemelle , un traité, par lequel il conférait à celui-ci, pour trois ans, l’estat de principal régent et de super-intendant des éscholles publicques de ceste ville, pour instruire et enseigner en bonnes mœurs et littérature les enfans. de jeunesse de ceste ville et tous autres qui pourroient venir de dehors ; en s’engageant à lui payer une allocation annuelle de 300 liv., pour l’entretien de trois régens.(1) Me de Guillemelle, de son côté, prenait rengagement de se procurer trois régens, gens doctes et de bonnes mœurs et conversation, capables et suffisans, expérimentés en la rhétorique, dialectique et filosofie, versés dans les langues grecque et latine, dans la poësie et l’art oratoire. Avant d’entrer en fonctions, ces régens devaient être expérimentez et examinez publiquement à l’eschevinage, en présence de M. le Maire et aultres des eschevins, conseillers et pers, qui vouldroyent y assister. Si après avoir été reçus, ils étaient trouvez mal vivans , vicieulx et scandaleux, ou ne fesans leur debvoir selon leur charge, le corps de ville pouvait les renvoyer, et le principal s’engageait à les remplacer. Me de Guillemelle promettait de bien et deuhement enseigner et faire enseigner et instruire tant pentionnaires que martinetz (2) en bonnes mœurs, lettres et science, selon la capacité des enfans, el en mesme forme et manière que l’on a accoustumé faire ès colléges fâmeux, comme ès colléges de Paris. Les martinez devaient payer de pension six sols tournois par quartiers, dont la commune était responsable. Les magistrats municipaux s’engageaient enfin à empescher que nuls pédagogues ne prebtres, ne tinssent escolles publiques. (Traité original, conservé à la biblioth. sous le n° 2126). -V. 6 fév. et 14 mai.

(1) « Lesquels régens led. de Guillemelle est tenu payer, stipendier et nourrir à ses despens, sans que les Maires, eschevins, conseillers et pers soient tenuz aulcune chose leur bailler et payer. »

(2) M. Cheruel, dans son dictionnaire historique, dit qu’on donnait ce nom, dans l’ancienne Université, aux écoliers qui allaient de collèqe en collège, et que du Boulay appelle ‘vagi scholares’ (écoliers errants). Il n’est pas pris ici dans cette acception, et siqnifie évidemment des externes. La fixation du prix de pension des pensionnaires était sans doute abandonnée au principal.


1561 04 06. — « A l’advènement de Charles IX (décembre 1560), ceux de la religion (réformée) commencèrent un peu à respirer à la Rochelle , on commença à s’assembler avec moins de crainte (1) et depuis le 6 avril 1561, les actes du consistoire (qui auparavant étaient écrits en chiffres) sont mieux fournis et couchés avec plus de liberté ; la matricule des pasteurs et des anciens y est décrite tout du long. Les pasteurs estoient Fayet et de l’Isle. (V. 8 mars.) Dès la St-Jean, on commença à prescher publiquement la réformation dans la salle Saint-Michel. » (Ph. Vincent.) - V. 9 mars, note.

(1) « Veu que les feux estoient allumés partout, ils ne s’assembloient que la nuit et en des maisons qui avoient plusieurs issues. Le maistre de la maison faisoit le guet en dehors, pour avertir l’assemblée en cas qu’on les découvrit. » (Ph. Vincent.) Nul n’était admis dans ces réunions , nous apprend le même ministre , qu’avec les plus grandes précautions et après information sur le degré de confiance qu’il pouvait inspirer, et les femmes mariées , dont le mari n’était pas de la religion réformée, en étaient absolument exclues.


1562 05 31. — Déjà depuis deux mois avait commencé, au nom de la religion d’un Dieu de paix, la plus horrible guerre civile des temps modernes. Condé, le chef et conducteur des protestants , et le maréchal de Saint-André , l’un des triumvirs catholiques, avaient chacun de leur-côté cherché à gagner les Rochelais à leur parti ; mais la réforme avait fait trop de progrès à la Rochelle, pour que la voix du fanatique catholique put y être écoutée et les protestants Rochelais, trop nombreux pour avoir à redouter les sanglants excès dont leurs co-religionnaires avaient été victimes dans plusieurs villes, n’avaient pas eu assez de confiance dans le succès de la prise d’armes de Condé et de Coligny, pour se ranger ouvertement sous leur drapeau. Ils s’étaient bornés à leur envoyer des subsides, en se maintenant dans une sorte de neutralité apparente. Ils n’échappèrent pas cependant à cette fureur iconoclaste qui, se répandant presque en même temps dans toutes les cités où dominait le protestantisme, voua à la destruction et à la profanation les plus riches ornements des églises, les plus beaux chefs-d’œuvre de sculpture et de peinture, les tombeaux les plus respectables et les plus vénérés (1). Le 31 mai (2) avait été le jour fixé pour une communion générale, qui devait avoir lieu, avec la plus grande pompe, sous une vaste tente dressée sur la grande place du Foin (3). Un grand nombre d’hommes armés avaient été chargés de garder les avenues de la place, pendant qu’une troupe de cavaliers parcouraient les rues , pour empêcher que les catholiques n’essayassent de troubler cette solemnité religieuse. Sept ou huit mille personnes participèrent à la cène, et parmi elles le gouverneur Jarnac lui-même (4). Après les hommes de pied, « la cavalerie, prenant la peine seulement de mettre pied à terre, s’approcha de la salle des nouveaux pasteurs et l’espée au costé, les esperons aux talons, la cuirasse sur le dos, reçurent le pain de la cène avec des applaudissements extraordinaires comme à d’autres Josuez. Ces soldats de la nouvelle église assemblèrent, après leur cène , tous les forbannis d’ailleurs, qui estoient réfugiez en la ville, tous les esprits perdus, libertins et mutins, pour en faire la troupe fidelle des destructeurs et voleurs des églises. Entre eux ils élizent un de leurs prophètes, appelé la Vallée, inconnu que par ses malices et mutineries diaboliques. Ce meschant aussitôt qu’il est capitaine mène ses gens droit aux églises et attaque premièrement Jésus-Christ dans ses tabernacles ; ils les renversent par terre et foulent son corps sous les pieds, brisent ses images, bruslent ses meubles, pillent ses maisons. » « Et coupèrent aussy un sépulchre, fait en mémoire de la sépulture de J.-C., duquel un marchand Espaignol voulust bailler 4,000 escus et ne luy fust oneques baillé, mais mis en pièces. » N’était-ce pas plutôt la magnifique plaque de cuivre ciselé, qui couvrait le tombeau des fondateurs de la riche chapelle des sires de la Gravelle , dans l’église des religieux Dominicains ? (L’entrée de la R. P. R. à la Roch.- Am. Barbot. — Ph. Vincent. — Bruneau. — Chron. de Langon -000 La Popelinière. — Arcère.)

(1) Cette sorte de frénésie avait commence, au mois d avril précédent, à Orléans et avait bientôt gagné Rouen, Lyon, Caen , Bourges , Tours , Poitiers, &. Elle était telle que, Condé ayant mis en joue un homme qui travaillait à jeter bas une image bien liant montée „ en le menaçant de faire feu s’il ne s’arrêtait : « Monsieur, lui cria cet homme , ayez patience que j’abatte cette idole, vous me tuerez après. » (H. Martin.)

(2) Cette date est celle donnée par nos annalistes ; la chronique de Langon attribue à ces déplorables scènes de dévastation celle du 7 juin.

(3) Arcère confond à tort la place du Foin avec celle de la Bourserie ; celle-ci, agrandie depuis, est devenue la place Barentin, tandis que la première qu’on appelait aussi de la Citadelle, se trouvait à l’extrémité de la rue Verdière, vers la rue Saint-Jean. (A. Barbot.)

(4) Non seulement Jamac, le président du présidial, d’Ailiers , le maire, J. Pineau, mais encore beaucoup de ceux du corps de ville et lIt plus grande et saine partie des habitants dit A. Barbot, faisoient profession de la religion réformée.


1562 10 20. — D’humble et opprimé qu’il était d’abord à la Rochelle, le parti huguenot y était devenu le plus fort , et par suite tyrannique à son tour. Le Maire, le président du présidial, le gouverneur Jarnac lui-même , les plus puissans et plus apparents de la ville, et la grande majorité des habitans étaient protestans. Les salles de Saint-Michel et de Gargouillaud ne suffisant plus à leurs exercices religieux , Jarnac les avait autorisés à se servir des églises des catholiques. Protégés d’ailleurs par leurs privilèges et par leurs murailles, les Rochelais n’avaient donc aucun intérêt à se jeter dans les luttes sanguinaires, qui désolaient plusieurs parties de la France. Désireux de garder la neutralité, ils avaient refusé de fournir de l’artillerie au duc de Montpensier contre les protestans de Guienne, el ils avaient fermé leurs portes au duc de La Rochefaucault, quand il s’était présenté , avec cinq ou six cents chevaux, pour les entraîner dans le parti du prince de Condé. Le duc de Montpensier réussit cependant à tromper par une ruse leur défiance ordinaire : il feignit un très grand désir de visiter leur ville, promit de n’y entrer qu’avec sa maison et quelques seigneurs, et dès qu’il eut leur assentiment, il dirigea vers la Rochelle , par des chemins détournés, des pelotons détachés de gens d’armes, et à peine y fut-il entré, le 20 octobre (1), avec une faible suite, qu’arrivèrent après lui de petits détachemens, qui favorisèrent bientôt l’arrivée de nouvelles troupes. La Rochelle s’était donné un maître, celui que Charles IX qualifiait lui-même de boucher et de brutal. Dès qu’il se vit en état de faire la loi, il destitua le Maire, en fesant défense d’élire à l’avenir aucun Maire protestant, ni même aucun membre du corps de ville ; il commanda aux ministres de sortir de la ville , dans les vingt-quatre heures , sous peine être pendus et étranglés ; il proscrivit, sous peine de mort, l’exercice de la religion nouvelle et réprouvée, tant en public qu’en particulier (2) ; il ordonna que les fêtes de l’église romaine fussent célébrées comme auparavant, ensemble les jours de jeusne, comme le caresme, qualre-temps et vigîsles des festes, pendant lesquels il ne sera usé d’aucune chair, ny aux vendredy el samedy. sur peine aux contrevenons d’estre pendus et étranglés ; il exigea , des habitans, des sommes considérables pour l’entretien de ses troupes, qui, dans les environs surtout , commirent toutes sortes d’excès , pilleries , larcins, violement de femmes et filles , bruslemenl de maisons, etc. ; enfin, après un séjour de vingt jours, il quitta la ville, en confiant la garde des tours du port et de la Lanterne à Richelieu , moine défroqué , grand oncle du cardinal. Ce fut peu de mois après qu’eût lieu la tentative du capitaine Chesnet. ( V. 8 février.) — (Chronique de Langon. — A. Barbot. — D’aubigné.— Coutureau.)

(1) Cette date est celle donnée par la chronique de Langon. Arcère a emprunté à A. Barbot, celle du 26.

(2) « Durant cet orage , dit lPh. vmcent, on s’assembloit au soir , en cachette et le plus secrètement qu’il étoit possible ; ce qui dura iusqu’au dernier d’avril. »


1562 12 27. — Nous avons dit par quel artifice le duc de Montpensier était parvenu à s’emparer de la Rochelle, et comment il en avait laissé la garde, en partant, au capitaine Richelieu (V. 20 octobre.) Cet ancien moine, plus grand guerrier que religieux, était bien digne de remplacer son maître : « Il se montroit, avec ses soldats, insatiable à l’argent, dit Amos Barbot, et, pour en avoir, commettoit toutes sortes de violences et insolences, murmurant continuellement que si on ne luy en donnoit point, il en prendroit sur les habitans où il en trouveroit, et bien qu’on luy en eust donné, il fist un complost en ceste ville et l’isle de Ré, par lequel il fist qu’au mois de Décembre, le capitaine Bibette, estant en Ré le chef des papistes, par son mouvement tist sonner le tocsin, et ayant assemblé quelques milliers de personnes, pillèrent et desrobèrent les maisons de plusieurs de la religion , dont aulcuns furent tués avec cruaulté et leurs corps abandonnés par un longtemps sans sépulture. Auquel mesme jour , led. Richelieu et ses soldats, se mettant en armes en ceste ville pour essayer d’en faire aultant, se saisissent du havre, pour estre assistés en nécessité ; mais ils se trouvèrent les plus foibles, et fust leur esmotion appaisée par le prest, que led. seigneur fist faire à ses capitaines, par le corps de ville, de la somme de 1200 liv., que l’on ne s’attendoit point devoir estre payée. De laquelle somme ledit sieur et ses soldats ne s’estant rassasiés, huit jours après, ils reprirent leurs crieries. de nombreuses querelles eurent lieu entre les habitans et les soldats. deux des premiers furent tués le 27 décembre. la ville fust bientost en armes et les cantons saisis. le sieur de Richelieu y pensa perdre la vie. on le contraignist enfin à se retirer, luy et ses troupes, au mois de février suivant. » (A. Barb., t. 2, p. 103 et suivantes.)
1563 02 08. — Entreprise du capitaine Chesnet, pour entraîner la Rochelle dans le parti du prince de Condé. — Quoique, l’année précédente, les protestants Rochelais (qui déjà, selon A. Barbot, formaient près des trois quarts des habitants), eussent non moins que leurs frères frémi d’indignation à la nouvelle du massacre de Vassy, ils avaient résisté aux puissantes sollicitations de Condé, pour se joindre à la levée de boucliers, dont le prince et l’amiral de Coligny avaient donné le signal. Ils avaient même fermé leurs portes au comte de Larochefoucault, l’un des plus zélés lieutenants du parti, quand il s’était présenté pour entrer à la Rochelle. Plus heureux, le fanatique catholique, duc de Montpensier, avait réussi à s’y introduire par ruse et à y faire entrer de nombreux soldats, avec lesquels il s’était rendu maître de la ville, où il avait établi un régime de persécution et de terreur. Après son départ, un fougueux partisan de Condé, le capitaine Chesnet, crut le moment favorable pour déterminer les Rochelais à secouer ce joug odieux. Entré mystérieusement dans la ville avec quelques soldats et s’étant concerté avec les conjurés, dans une maison située devant l’église Saint-Jean, il monte à cheval, le 8 février (1), parcourt les rues, l’épée à la main, en criant : Vive l’Evangile ! et bientôt les plus zélés huguenots, au nombre de cinq ou six cents, viennent se ranger autour de lui. Le corps de ville était en ce moment réuni à l’échevinage, sous la présidence de Guillaume Pineau, l’un des coélus, qui, par suite de la maladie de son frère Jean (le premier maire protestant de la Rochelle), remplissait les fonctions du chef de la commune. A la vue de cette foule armée, conduite par un chef aussi audacieux qu’intrépide, l’assemblée se dissipe saisie d’effroi et Pineau’court se cacher dans une étable voisine de l’Hôtel-de-Ville (2). Cependant, Chesnet perd un temps précieux à chercher inutilement les clés des portes de la ville , pour y introduire un détachement de cavalerie qui s’avançait. L’ardeur de la multitude se refroidit de ces retards. Le président Claude d’Angliers en profite pour rallier les catholiques. Ils vont retirer Guillaume Pineau de sa cachette, et celui-ci, rachetant un moment de faiblesse par une noble énergie , se met à leur tête, après avoir revêtu la casaque blanche des conjurés et en criant comme eux : Vive l’Evangile , les poursuit à outrance, s’empare des principaux chefs et réussit à rétablir l’ordre dans la ville , qui, pendant cinq heures, avait été au pouvoir des révoltés. Sept des principaux meneurs furent pendus ; les autres, au nombre desquels était le capitaine Chesnet, ne durent leur salut qu’à la paix, qui fut bientôt signée entre la cour et les protestants. Le roi récompensa par une charge de maître de son hôtel la fermeté un peu tardive du magistrat Pineau. (La Popelin. — A.Barbot. — Ph. Vincent.)

(1) Cette date est celle donnée par Am. Barhot et adoptée par Arcère et Massiou ; mais La Popelinière fixe ces évènements au 18 février.

(2) Cette étable était au coin de la venelle Borgle ; ainsi appelait-on la petite impasse, aujourd’hui fermée d’une barrière, près de la rue de la Grille. (A. Barbot.)


1563 05 20. — Dès qu’à la faveur des édits le culte réformé put être exercé publiquement à la Rochelle et un consistoire régulièrement établi, celui-ci s’arrogea un pouvoir, une sorte de juridiction disciplinaire , qui ne bornait pas à des censures et réprimandes au prêche, à la privation de la Cène, à des amendes honorables, mais qui allait jusqu’à condamner les coupables à des amendes considérables et même à l’exil ; source d’assez fréquents conflits avec le présidial. Ph. Vincent cite à ce sujet certaine mascarade bizarre, qui excita les rigueurs de ce tribunal des mœurs. « Le 20 mai 1563, dit-il, quelques-uns firent une insolence publique, solemnisant une manière de feste de Bacchus, au moyen de ce qu’ils portèrent par les rues une table couverte de pain et de viandes, sur laquelle l’un d’eux estoit monté , qui beuvoit aux passants ; le tout accompagné de grands cris. Ils furent cités au consistoire, vingt-deux en nombre, où une partie d’eux aïant comparu se soumit à la discipline ; mais les autres furent réfractaires et récusèrent toute ceste compagnie en corps ; ce qui donna lieu d’appeler divers pasteurs voisins. » et il ajoute : « j’en trouve qui furent repris au sujet de l’excès du vin, d’autres pour blasphèmes, d’autres pour paillardise (1), un à cause de mauvais traitements à sa femme. Quelqu’un des notables marchands ayant fait transporter des bleds, cet an là, qui fust temps de cherté, il fut condamné à faire connoissance publique et obligé de donner aux pauvres le gain qu’il pouvoit avoir fait. » Merlin cite un des anciens du consistoire qui fut déposé de sa charge et forcé de faire recognoissance publique pour avoir, à Laleu, fait un tour de danse avec les autres qui dansoient.

(1) Il aurait pu citer Henri IV lui-même qui, n’étant encore que prince de Béarn , fut obligé plusieurs fois de faire confession publique qu’il n’avait pas toujours exécuté le IXe commandement de Dieu. ( V. ma XVIIIe Lettre Rochelaise,)


1563 07 08. — Lettres patentes par lesquelles Charles IX, prenant en considération l’incommodité et le danger qu’il y avait pour les protestants de l’île de Ré à transporter leurs enfants à la Rochelle pour y être baptisés, ordonne que les habitants de Saint-Martin soient pourvus d’un local convenable pour y faire les exercices de leur religion. En conséquence, une ordonnance du lieutenant-général de la Rochelle, datée du 20 septembre suivant, désigna la maison de Henry de la Davière, pour être affectée à cet objet. (Factum judic. De 1671).
1563 12 15. — Le peu d’assiduité des membres du corps de ville aux conseils de la commune (1) fesant que trop souvent ils n’étaient pas assez nombreux pour voter régulièrement sur les affaires soumises à leurs délibérations, Charles IX est obligé d’accorder des lettres patentes portant, qu’après convocation des pairs au son de la cloche, les membres présents , quelque soit leur nombre, pourront valablement délibérer et prendre telles décisions qu’il appartiendra. (A. Barbot. — Invent. des privilèges.)

(1) Le corps de ville se réunissait régulièrement le samedi de chaque quinzaine, et en outre toutes les fois que le Maire le juqeait nécessaire. Un vieux réglement de 1363 portait « que tous ceulx des cent pairs qui déffaudroyent au conseil en l’eschevinage , dedans le sain (cloche) sonnant, payeroient chascun et par chascun déflault 10 sols tournois , convertis au proffict de la ville , s’ils n’ont exome ou excusation raisonnable. » (Etablissem. du corps de ville.)


1564 03 14. — Vérification et enregistrement des lettres patentes de Henri II, par lesquelles l’hôpital de Saint-Jacques. - fondé par Henry de Nochoue (V. 8 janvier) et qui avait été démoli par suite du projet de construction d’une citadelle , (V 12 janvier) est annexé avec tous ses biens et revenus à l’hôpital Saint-Barthelemy. (Arch. de l’hôp. St-Barth.).
1565 05 12. — Depuis qu’en 1561 les protestants Rochelais avaient pu exercer publiquement leur religion (V. 6 avril), ils avaient dû, selon les alternatives favorables ou contraires de la mobile politique de l’astucieuse Catherine de Médicis, transporter leur chaire de la salle Saint-Michel dans les églises de Saint-Barthélémy et de Saint-Sauveur, puis de ces églises, dont ils avaient partagé l’usage avec les catholiques (1), dans la prée de Maubec (2), quand l’édit de janvier 1562 leur avait interdit l’exercice de leur culte dans l’enceinte des villes. Ils n’avaient pas tardé à rentrer dans la salle Saint-Michel et, leur nombre augmentant chaque jour, ils avaient transformé en temple une grande salle de la maison de réchevin Gargouillaud et obtenu de nouveau de la faveur du gouverneur de Jarnac, qui avait embrassé la religion réformée, la jouissance des églises de Saint-Barthelémy et de Saint-Sauveur. Chassés une seconde fois de l’enceinte des murs, ils retournèrent aux salles de St-Michel et Gargouillaud, où fut célébrée la cène le dimanche, 12 mai 1565. Mais ils y revinrent cette fois le cœur ulcéré, plein d’irritation , et les quatre ministres Richer, Magnen, de Nort et de la Vallée, contribuèrent encore à exalter les esprits par la violence de leurs déclamations, faisant le plus affreux tableau des cruels traitements exercés partout contre leurs coreligionnaires, montrant la faveur toujours croissante du nouvel ordre des jésuites, institué pour leur ruine, présentant le voyage du Roi à Bayonne et son entrevue avec sa sœur, la Reine d’Espagne , comme n’ayant d’autre but que de se concerter pour l’extirpation en France de la religion protestante et la consécration des funestes décrets du fameux concile de Trente. Excité par ces prédications, le peuple déjà profondément blessé par l’interdiction de chanter les psaumes en dehors des temples, par l’obligation de contribuer à l’entretien des édifices religieux des catholiques , de- chômer les nombreuses fêtes de l’église romaine, de tendre les maisons sur le passage desprocessions, &., se répandait ouvertementen proposséditieux et en violentes invectives contre le Roi, la Reine et le conseil : tout semblait annoncer une sédition prochaine. Informés de cet état de choses, Charles IX et Catherine de Médicis résolurent de changer leur itinéraire et de passer par la Rochelle, pour tâcher d’étouffer ces germes de soulèvement. (A. Barbot. - Ph. Vincent. — Baudouin.) — V. 14 septembre.

(1) Par accord fait entre les prestres et les pasteurs, lorsque les uns sortoient les autres y entroient. Ce que de Bèze remarque avoir esté pratiqué, lors en la plus part de la Xaintonge, avec grande paix et sans qu’ils se médissent ni méfissent les uns aux autres. Icy notamment ils furent en si bonne union que le consistoire ayant fait prier au mois d’octobre les prestres de Saint-Saulveur de haster leurs services et de commencer un peu devant le jour, veu que les jours1 estôient courts, ceux-ci y consentirent à la condition qu’on leur paierait la chandelle et le luminaire. (Ph. Vincent.)

(2) Elle était située en dehors des murailles et du grand fossé qui, partant du canal Maubec , au pied de la tour de MoureIlles, passaient derrière les rues Saint-Michel et des Merciers , fesaient un coude vers le carrefour des Trois-Fuseaux et allaient rejoindre la tour de l’Echelle Chauvin , à l’extrémité de la petite rue de ce nom. (V. le plan de la Rochelle, qui accompagne l’ouvrage de Cauriana.)


1565 05 14. — Date de l’acquisition faite par la commune d’une grande portion du couvent des Cordeliers, pour y établir un collège , en remplacement du bâtiment des grandes écoles. (V. 6 février.) Dès 1561 , les moines et religieux « commençant, dit A. Barbot, à estre pris en haine et tournés en dérision avoient, partie par desplaisir, partie par crainte , abandonné leurs couvents. » Charles IX avait, en conséquence, au mois de février 1562, autorisé le corps de ville à établir un collége en l’ung des cinq couvens de la ville à présent délaissez par les religieux, et lui avait abandonné, pour la construction et entretenement d’iceluy, du principal et des régens, les biens des confrairies de lad. ville el pays circonvoisins. Le couvent des Cordeliers avait paru le plus convenable aux magistrats de la commune ; mais ces religieux, pour entraver leurs projets, s’étaient empressés d’aliéner « la portion la plus propre à bastir led. Collége. » Le Roi fut obligé, par de nouvelles lettres-patentes, du mois de février 1564, de casser et annuler les contrats passés avec différents particuliers. La commune acquit alors, au prix de 110 livres de rente perpétuelle, la dépence, le grand réfectoire, la barberye (1), plusieurs maisons, vendues à diverses personnes, et une partie du jardin. Dès la même année, le nouveau collége fut en état de recevoir les élèves, et les-cours commencèrent vers l’époque de Noël. Quand, peu d’années après, la reine de Navarre, le prince de Condé et l’amiral Coligny vinrent se fixer à la Rochelle, ils prirent cet établissement sous leur protection spéciale, y fondèrent des chaires de haut enseignement et appelèrent dans cette ville les plus doctes entre ceux de la religion réformée (2) pour créer un séminaire de piété et une pépinière pour l’entretien du saint ministère de lad. Religion. Aussi sur le frontispice de la principale porte d’entrée, qui subsiste encore dans la rue du Collège, fit-on sculpter leurs armoiries à côté de celles du Roi, de la ville et du maire Blandin. (A. Barbot. — Bruneau. — Baudouin, &.)

(1) On désignait sans doute sous ce nom le lieu où les moines se fesaient faire la barbe et leur tonsure.

(2) « Pour la profession hébraïque, François Berault, tiré d’Orléans ; Gringius (que de Thou appelle Nicolas de Grouchi ), pour la profession grecque , et M. Pierre Lefebure, Auvergnat, pour la langue latine ; les trois aussi rares et doctes personnages en toutes langues qui se pouvoient trouver en France. Led. Gringius estant mort trois ou quatre jours après son arrivée lad. Royne fit venir Pierre Martinius, Navarrois , nourri sous Ramus, grand philosophe et des plus versés en la langue grecque ; tesmoignage très évident de la piété et vertu de ceste princesse et encore de l’affection qu’elle portoit à la Rochelle , y arrestant à ses gages de si grands hommes, pour y former une pépinière à la gloire de Dieu et au maintien et salut de son église. » (Barbot.)


1565 09 14. — Les sentiments de mécontentement manifestés par les Rochelais, et qui avaient inquiété la cour (V. 12 mai), ne les avaient pas empêchés de préparer au Roi et à sa mère une magnifique réception. Le brillant et nombreux cortège de la veille était revenu au monastère de Saint-Jean-dehors pour saluer de nouveau leurs Majestés et les accompagner dans leur entrée. Après que les milices bourgeoises eurent défilé devant la cour, placée sur des gradins élevés vis-à-vis le portail de l’église du couvent et décorés de riches tentures, on se dirigea vers la porte de Cougnes, dont la façade était ornée des armoiries du Roi, de la Reine-mère, de la ville et du gouverneur Jarnac. Le connétable de Montmorency demanda l’explication du cordon de soie, qui en barrait l’entrée et, sans respect pour un antique usage dont les Rochelais s’étaient toujours montrés fort jaloux , il tira son épée avec colère et lit voler en l’air la fragile barrière. Le Maire n’en arrêta pas moins par la bride le cheval du Roi, au moment où il se disposait à franchir la porte, en suppliant le prince de jurer auparavant, comme ses prédécesseurs, de respecter les libertés et franchises de la Rochelle ; mais Charles se contenta de lui répondre : « Soyez fidèles et loyaux sujets et je vous serai bon Roi » ; et poussant son cheval en avant, il passa outre. Six échevins, en robes courtes de damas noir, avec pourpoint de satin blanc, tenaient au-dessus de sa tête un dais de velours violet, rehaussé de broderies d’or. Toutes les rues, que devait traverser le cortège , étaient sablées et jonchées de verdure , et les maisons tendues de tapisseries. Au premier carrefour de la rue Notre-Dame, s’élevait un arc de triomphe , sur lequel étaient représentés les douze travaux d’Hercule , avec des devises en l’honneur du Roi ; au carrefour de l’Evescault, sur la petite place du Pilori, aux cantons des Changes et des Petits-Bancs, étaient dressés des théâtres, décorés de riches tapisseries, d’écussons, d’armoiries, d’emblèmes et de tableaux allégoriques, avec des inscriptions latines ou des vers les plus adulateurs. Des troupes d’en fans , des meilleurs maisons de la ville, vêtus aux couleurs dit Roi et tenant en leurs mains des branches de lauriers, fesaient, montés sur trois de ces théâtres, retentir l’air de leurs vivats et des cris joyeux de Noël, à l’approche du cortège royal. Mais le quatrième, construit sur le puits de la fontaine de la Caille (1), devait impressionner plus vivement les dix-sept ans du jeune monarque. Au milieu d’un bosquet de verdure et de fleurs , douze jeunes filles , les plus belles qu’on eut pu trouver dans la ville , vêtues de légères robes blanches, les cheveux tombant en boucles sur leurs épaules nues, avec un croissant sur la tête, représentaient Diane et ses compagnes. Le Roy les contempla et regarda avec affection par un longtemps et remercia gracieusement Marie Blandin, la fille du Maire de 1560 , qui , sous les traits de Diane, lui débita ces vers ridiculement ampoulés : « Soyez heureux, Charles , et jouissant De l’heur (bonheur) des Rois qui ont dompté le monde, Si qu’en vous soyt accomply le croissant, Estant vainqueur de la machine ronde, » Sur la façade de l’Hôtel-de-Ville, on voyait, au milieu de nombreuses armoiries, un grand tableau représentant la ville de la Rochelle, que semblaient prendre sous leur protection deux monarques, l’un vieux, ayant robe longue semée de fleurs de lys, la couronne sur la teste, l’espée au côté, faict à la semblance de Charles V, sous lequel la Rochelle fut prinse sur les Anglois. l’autre jeune, ressemblant au Roi régnant. Le cortège prit la direction de l’église Saint-Berthomé, où le Roy fist dire vespres et conduisit ensuite le prince au logis de l’enquesteur Gilles Bretinault, seigneur de Faye et de la Brochardière, échevin ; laquelle maison estoit autrefois celle des Mérichons, seigneurs d’Huré. ( V. 1er janvier. ) Sur la façade, était peint un char, traîné par quatre chevaux blancs, que conduisaient la Victoire, la Paix, la Justice et la Prudence, distinguées par. leurs divers attributs, et au milieu, assis sur un trophé d’armes, le Roi, avec un soleil au-dessus de sa tête, dans les rayons duquel on lisait ces mots : Sicut Phœbus auricomis radiis aeris vallum penetrat, ità clara Caroli regis fama per lotum volitat orbem. Quand le Roi fut entré dans l’appartement qui lui était destiné, les magistrats, de la commune lui offrirent un bassin d’argent, au milieu duquel s’élevait un rocher battu parles flots, aussi en argent, avec deux statuettes représentant Charles IX, le tout surmonté d’un cœur d’or semé de fleurs de lis. Une inscription en vers, qui ne font pas honneur à l’esprit poétique de nos pères, expliquait que ce précieux ouvrage d’orfèvrerie était l’emblème de l’affection des Rochelais pour le Roi. Adulation mensongère , que les faits ne devaient pas tarder à démentir. ( Chron. de Langon. — A. Barb.)

(1) Les fontaines n’avaient point encore de pompes : elles consistaient seulement en un bassin enfoncé en terre , auquel on descendait par des escaliers. (V. 15 Septembre.)


1565 09 15. — « Fut le Roy, et la Royne sa mère, à la messe en l’église Saint-Berthomé, où la messe fut dicte au grand aultier, et la Royne fist dire la messe au costé droict, à un autre aultier, estant tout deux à genoux , comme je vis » écrivait un vieux chroniqueur , qui se trouvait à la Rochelle pendant le séjour de Charles IX. Tant qu’il y demeura , nous apprend A. Barbot, « il ne se fist aucun presche, ni chant de psaumes public, ni haultement dans la maison , ni exercice quelconque de la religion réformée, chascun appréhendant d’en estre en peine. » Ce même jour, ajoute la chronique de Langon , le Roy fist dresser en la ville, devant le chasteau (1), une potence appelée estrapade, ayant de longueur, hors de terre, cinquante six pieds, où il fust mis deux prisonniers. » Là ne devaient pas se borner les tristes souvenirs laissés à la Rochelle par Catherine de Médicis et son fils. (V. 17 sept.)

(1) Le château n’existait plus depuis longtemps (V. 22 janvier 1375), il n’en restait que quelques tours qui servaient de prison et divers bâtiments dans lesquels était établi le logement du geôlier. (V. 22 févr.)


1565 09 17. — La brillante réception faite à Charles IX et à Catherine de Médicis, les riches cadeaux, les assurances plus ou moins sincères d’attachement et de fidélité ne purent apaiser le courroux du Roi, ou plutôt de sa mère contre les Rochelais. Le 17 septembre , avant de quitter leur ville, d’où ils partirent le lendemain, excités par le gouverneur Jarnac, ils cassèrent le corps de ville, qu’ils réduisirent, comme jadis François Ier, à 24 échevins (V. 27 mars) ; ils destituèrent tous les officiers de la ville ; confièrent à Jarnac la garde des tours de la Chaîne, de Saint-Nicolas et de la Lanterne, ainsi que de toute l’artillerie et des munitions de guerre, et exilèrent en différents lieux le lieutenant général Jean Pierres , le ministre La Vallée et six des plus notables citoyens. Jarnac avait bien essayé d’amener le Roi à reprendre le projet d’Henri II, de construire une citadelle pour brider l’esprit d’indépendance des Rochelais ; mais craignant sans doute qu’une pareille mesure n’exaspérât le parti protestant, le connétable combattit et fit échouer ce projet. C’était trop ou trop peu. De telles mesures de rigueur ne pouvaient que blesser profondément le patriotisme et l’orgueil des Rochelais, sans leur enlever la force et l’espoir de s’en venger, dès que l’occasion se présenterait. Six mois ne s’étaient pas écoulés que, sentant le besoin sans doute de ménager les protestans, Charles IX, sous l’inspiration de Catherine, rétablissait le corps de ville dans son ancienne forme, lui rendait la garde des tours et de son artillerie , et rappelait les exilés, à l’exception du ministre La Vallée. (Bruneau. — A. Barbot. )
1566 02 07. — Enregistrement des lettres patentes de Charles IX, du mois de novembre précédent, qui établissaient à la Rochelle un tribunal consulaire, auquel de nouvelles lettres, du 8 mai 1566, conférèrent les mêmes droits et pouvoirs qu’à celui de Paris, créé trois ans auparavant. Cette nouvelle juridiction, dont le corps de ville avait combattu l’établissement, se composait d’un juge, remplissant les fonotions de président, et de deux consuls, tous trois élus par cinquante notables commer- çants. Leurs fonctions ne duraient qu’une année, et ils ne pouvaient être réélus l’année suivante. « Il leur fut donné, dit Amos Barbot, pour tenir leurs séances, une place qui fait partie du couvent des Augustins, » dans la rue de ce nom. (Lettres pat. — A. Barb.)
1567 04 24. — « Le 24 apvril, visgile de la Mairie nouvelle, qui se debvoit faire le lendemain ; sur ce que le temple de Saint-Barthelémy, dans lequel, et au chœur d’iceluy, le Maire avoit accoustusmé de s’eslire, avoit esté du tout destruit et desmoly, le corps de ville arresta de faire ladite eslection dans la grande salle de l’eschevinage. » (A. Barbot). — V. 10 février et 15 avril.
1568 01 08. — François Pontard, élevé dès l’âge de 27 ans à la dignité de maire (1), non moins fougueux calviniste qu’ardent partisan du prince de Condé, chef des protestants, profile de son autorité pour lever l’étendard de la révolte et faire prononcer la Rochelle en faveur du prince. Dès six heures du matin , il parcourt les rues de la ville à cheval, accompagné du ministre de Nort et du lieutenant génénllui-même, Jean Pierre ; appelle le peuple aux armes ; fait désarmer les papistes, emprisonner les prêtres et ceux des bourgeois qu’il sait contraires à ses projets, et laisse la populace se ruer dans les églises, dont elle a bientôt déchiré les images , brisé les statues, détruit, brûlé ou enlevé ce qu’elles contenaient de plus précieux. Peu à près, le prince de Condé, averti par Pontard, dépêchait à la Rochelle son lieutenant de St-llermine, pour régulariser le mouvement insurrectionnel. (Am. Barbot.) 1641. — M. de Villemontée , intendant des provinces de Poitou, Angoumois, Saintonge et Aunis , procède à l’inauguration solennelle de la cour souveraine des salins, établie à la Rochelle par un édit de 1639, et dont il avait été nommé premier président. Revêtue de la même autorité que la cour des aides, cette nouvelle cour de justice devait avoir dans ses attributions non-seulement la juridiction souveraine et l’administration de tout ce qui concernait les marais-salans des Sables-d’Olonne, de Montaigu, de Brouage, de la Charente, de la Seudre, du gouvernement de la Rochelle et des îles voisines ; mais encore la juridiction et la police administrative du gouvernement de la Rochelle. Elle se composait de trois présidents et dix-huit conseillers, d’un procureur général, deux avocats généraux et de deux substituts. Cet établissement souleva tant de difficultés , de réclamations et de protestations de toutes sortes de la part de plusieurs parlements, sièges présidiaux, amirautés, tribunaux consulaires, archevêques, évêques et hauts justiciers, qu’au mois de septembre 1043, le roi crut devoir casser, par un nouvel édit, la Cour des Salins de la Rochelle, qui ne dura guère plus de deux ans. (Colin, etc.).

(1) « Jusques alors il n’en avoit esté pourveu en si bas âge »(A. Barbot).


1568 02 02. — Après avoir pillé les églises et détruit tous les ornements extérieurs du culte (V. 9 juillet), les protestants avaient transformé les églises en temples, se servant des cloches pour leurs exercices religieux ; mais le 2 février, dit Chambeau, ils descendirent celles-ci des clochers et les brisèrent : dans la prévision sans doute qu’ils auraient bientôt besoin de canons pour défendre la Rochelle contre les troupes du terrible Montluc. (Vincent. — Bruneau.)
1568 02 10. — Saint-Hermine (1) informé par le maire Pontard , son parent, du soulèvement de la Rochelle en faveur du prince de Condé, s’y rendit en toute hâte et, le 10 février, les habitants jurèrent solennellement entre ses mains une inviolable fidélité à la cause de la réforme. Le voisinage des troupes du terrible Montluc donnant lieu de craindre un siège, tous les citoyens, sans distinction de condition, d’âge, ni de sexe ; se mirent aussitôt à travailler avec une incroyable ardeur pour mettre la ville en complet état de défense. Par malheur les matériaux manquant pour les fortifications, on ne recula pas devant la démolition à jamais regrettable de ces magnifiques églises, qui faisaient l’orgueil de nos pères. Toutes furent impitoyablement abattues. On ne conserva que les clochers de Saint-Barthélemy, de Saint-Sauveur, de Notre-Dame et du couvent de Sainte-Catherine (2), comme ouvrages de défense et pouvant servir à placer du canon. On rasa de même au dehors tout ce qui pouvait servir aux approches de la place : la superbe tour de la seigneurie de Faye et le beau monastère de Saint-Jean-dehors, qui décoraient si bien l’entrée de la porte de Cougnes, et même les faubourgs de Saint-Eloy et de Lafons. Saint-Hermine et Pontard ne se contentèrent pas d’imposer aux habitants les plus lourdes contributions, pour subvenir aux nécessités de la guerre, et de vendre, au profit de la cause, les biens des ecclésiastiques et des catholiques, qui, ne s’y croyant pas en sûreté , abandonnaient la ville, ils eurent encore l’affreuse cruauté de faire égorger treize prêtres ou relig-ieux (2) enfermés dans la tour de la Lanterne et qui furent ensuite précipités dans la mer. Delà le nom de tour des Prêtres donné longtemps à cette tour. C’était malheureusement, il faut bien le dire , une horrible réponse aux sanguinaires cruautés des Montpensier et des Montluc ! (Chron. de Langon. - La Popelin. - A. Barbot.)

(1) Ce St-Hermine était de la famille de l’ancien préfet de la Vendée. (de la Fonîenelle Vaudoré, Chrono Fonten.)

(2) Située dans la rue des Trois-Cailloux. (V. ma XVe lettre Rochelaise.)


1568 03 24. — Ainsi que l’avaient prévu les Rochelais (V. 10 février), Charles IX avait en effet donné l’ordre à Montluc d’assiéger la Rochelle, mais sans lui procurer les troupes, l’argent, ni l’artillerie nécessaires ; si bien que, dans ses commentaires, l’illustre et rude capitaine s’exprime ainsi : « Il sembloit que c’estoit plus tost une moquerie et une farce qu’autrement, et qu’on me vouloit envoyer devant la Rochelle pour me faire prendre et y recevoir un affront. » Toutefois, pour brider la Huguenote, il chargea ses lieutenants de s’emparer des places d’alentour. Marennes, Arvert et l’île d’Oleron tombèrent successivement entre leurs mains, pendant que le comte de Lude s’efforçait d’enlever Marans aux protestants. Il ne restait plus aux royalistes qu’à prendre l’île de Ré pour être maîtres de tout le littoral de l’Aunis. Le fils de Montluc fut chargé d’y opérer une descente ; mais pendant sept jours entiers, le capitaine Yvon l’empêcha d’aborder. Feignant alors d’abandonner l’entreprise, il fit le tour de l’île, et, le jour de la vigile de la Notre-Dame de Mars, il prit terre du côté d’Ars, sur un banc de rochers regardé comme innaccessible, d’où les catholiques transportèrent ses soldats sur leurs épaules. Il fondit aussitôt sur les protestants qui, attaqués à l’improviste, se retirèrent à Saint-Martin , dont l’église était si bien fortifiée qu’on l’appelait le grand fort. Néanmoins les troupes d’élite du capitaine catholique enlevèrent la sainte Citadelle, et, digne fils de son père , il fit passer au fil de l’épée tous ceux qui s’y trouvaient. Le reste des protestants de l’île se jeta épouvanté dans des barques, et vint chercher un refuge à la Rochelle. (Chron. de Langon. - Comm. de Montluc. — La Popelin. — de Thou.)
1568 04 01. - La destruction de la plupart des églises de l’Aunis ou du gouvernement de la Rochelle , ne tarda pas à suivre la démolition de celles de notre ville. (V. 10 février.) « Les 1er et 2 avril, dit Chambault, l’église de la Jarrie fut mise par terre, et quand ce vint à la Toussaint, les huguenots de la Jarrie se mirent à prendre les pierres. Et en ladite année, furent pris les joyaux des églises de ce gouvernement par ceux de la Rochelle , là où ils en pouvoient trouver, lesquels sortoient hors de la ville tout en armes, comme s’ils eussent voulu s’en aller en bataille. celuy qui déroboit le plus estoit le plus gentil compagnon , et là où il se trouvoit des presbtres, ils les mettaient à mort aussy facilement comme ils tuoient les poulets et les chapons. » (Chambault. — A. Barbot.)
1568 04 20. — Quoique la paix eut été conclue dès le 23 mars entre le Roi et le prince de Condé, Saint-Hermine et Pontard, qui comprenaient qu’elle allait mettre un terme à leur tyrannie et à leurs spoliations (V. 10 février), en retardèrent la publication jusqu’au vingt avril. Le lendemain, le corps de ville écrivait à Charles IX : ,¡ Comme si nous estions quelques ennemys, à qui nos voisins dussent faire la guerre, nous sommes encore circuits et environnés de grand nombre de gens de pied et de cheval, entrés de longtemps en ce gouvernement et païs d’Aunix , tant par terre que par mer, sous la conduite des seigneurs de Montluc, du Lude, de Jarnac, de Pons et autres conjurés à la ruyne et destruction de ceste pauvre ville, qu’ils tiennent de si près serrée que nul n’en approche qu’il ne soit pillé, volé et piraté, soit de vos subjects ou estrangers, auxquels est tollu le libre traficq accoustumé en ceste ville, et que nous nous asseurons estre bien loin de vostre intention, qui nous contrainct de supplier très humblement V. M., Sire, qu’il vous plaise de vos benignes grâces nous faire jouir du commung bien de vostre édict dernier de pacification, etc. » Cette paix ne devait être qu’une trêve , et les hostilités recommencèrent six mois après. (A. Barbot, — Addit. aux mém. de Castelnau. )
1568 05 19. — Après la paix de Longjumeau (V. 20 avril), les Rochelais consentirent à recevoir le baron de Jarnac, leur gouverneur, qui arriva le 49 mai. Mais il ne les trouva pas pour cela mieux disposés à se soumettre aux ordres ou aux exigences de la cour. Son premier soin avait été d’éloigner de la ville Saint-Hermine et Pontard ; quand il s’agit d’élire un nouveau Maire en remplacement de ce dernier, Jarnac, voyant que ceux qui avaient le plus de chances d’obtenir les suffrages étaient précisément les hommes les plus hostiles au pouvoir, fit défense au corps de ville de s’assembler pour procéder à l’élection , avant qu’il eût reçu des instructions de la cour - : le corps de ville passa outre, et le Roi, pour éviter peut-être un soulèvement, crut prudent, malgré l’opposition du gouverneur, de confirmer l’élection de Jean Salbert. Charles IX avait demandé que Yves du Lyon, seigneur du Grand-Fief, dont il connaissait le dévouement, fut continué dans ses fonctions de capitaine de la tour de la Chaîne ; mais il lui fut répondu que les statuts de la commune exigeaient que tous les capitaines des tours fussent changés chaque année, et un autre fut mis à la place du protégé royal. Charles voulut, sous forme d’emprunt, imposer une forte taxe sur la ville : on lui dépêcha aussitôt des députés pour lui exposer que la Rochelle était en vertu de ses privilèges exempte de tailles et que l’état de ses finances ne lui permettait pas de faire des avances. Enfin, le Roi, la Reine-mère et Monsieur se réunirent pour enjoindre aux magistrats Rochelais de recevoir les compagnies de gens d’armes de Jarnac et d’avoir à cesser tous travaux aux fortifications de la Rochelle , sous peine de voir casser tous les priviléges de la ville et anéantir son commerce s’ils n’obéissaient pas à ces ordres : ils répondirent que la Rochelle était mieux gardée par ses habitants, sujets fidèles de Sa Majesté, que par des soldats étrangers et mercenaires, et ils continuèrent de fortifier leurs remparts et de fondre des canons avec les cloches enlevées aux paroisses. Jarnac voyant la cour céder sur tous les points, humilié de n’avoir qu’ùn vain titre sans autorité , prit le parti de se retirer. (Soulier. - La Popelinière.- Chron. de Langon. — A. Barbot. — Mém. de Castelnau.)
1568 06 13. — Retour à la Rochelle de Dominique de Gourgues, gentilhomme protéstant de Gascogne, parti l’année précédente avec trois navires, qu’il avait équipés à ses frais, pour aller venger, à la Floride, l’indigne perfidie eL les horribles cruautés dont avaient usé les Espagnols envers la petite colonie que, sous l’impulsion de Coligny, Jean Ribaud et Laudonnière avaient fondée sur ces côtes. Favorisé par les sauvages, qui aimaient les Français et détestaient les Espagnols, de Gourgues avait opéré son débarquement pendant la nuit, surpris les forteresses bâties par Melendez et passé au fil de l’épée tous ceux qu’il y avait trouvés. Puis, comme réponse à l’inscription que ce général avait fait placer au-dessus du gibet du malheureux Ribaud et de ses compagnons : Pendus, non comme Français, mais comme hérétiques, il avait fait accrocher les vaincus à des arbres, avec cette autre inscription : Pendus, non comme Espagnols, mais comme assassins. Enfin, après avoir ruiné les forts, qu’il ne pouvait garder , il était revenu à la Rochelle, où il fut reçu avec tous les honneurs dûs à son patriotisme et à son courage. (De Thou. — Arch. curieuses ap. H. Martin.)
1568 09 11. — Après le départ de Jarnac de la Rochelle ( V. 19 mai), le Roi, vers la fin de juillet, avait donné ordre au maréchal de la Vieilleville de se rendre en cette ville « avec plein pouvoir de régler les affaires de la ville, de rétablir les officiers du Roy dans leurs emplois, de confier la garde de la tour, où on attache la chaisne qui ferme le port, à celui que Sa Majesté avoit nommé pour cet emploi, et d’y mettre une garnison capable de maintenir l’autorité du Roy. » Les Rochelais répondirent à Carlois, son secrétaire, dont il s’était fait précéder pour sonder leurs dispositions, que leurs privilèges les exemptant de gouverneur et de garnison , ils ne pouvaient recevoir ni le maréchal ni ses troupes. Négociations, caresses, menaces, rien ne put les faire céder. Pendant ce temps-là, le prince de Condé et l’amiral Coligny, informés que le projet de la Reine-mère était de les faire arrêter , et que les plus grands dangers menaçaient le parti protestant, résolurent de se retirer à la Rochelle et d’assigner aux réformés un rendez-vous général en cette ville. Le comte de La Rochefoucault y arriva bientôt et conclut avec les Rochelais, au nom du prince, un traité par lequel ils reconnaissaient Condé comme chef et protecteur de la cause de toutes les Eglises réformées du royaume , prenaient l’engagement de lui ouvrir leurs portes, mais à la double condition que leurs privilèges seraient inviolablement respectés et que l’exercice de la religion réformée serait seule autorisée dans la ville et la banlieue. Le 11 septembre, le Maire, le corps de ville et les bourgeois, assemblés à l’échevinage, jurèrent solennellement de rendre au prince toute obéissance et service et de n’épargner pour une si juste et sainte cause, où il va de la gloire de Dieu, ni leurs biens ni leur vie. (La Popelinière. — de Thou. — A. Barbot.)
1568 09 18 (1). — Peu de jours après le traité conclu, en son nom, avec les Rochelais , par le comte de Larochefoucault (V. 14 septembre) , le prince de Condé, qui avait échappé presque miraculeusement à la poursuite de ses ennemis , arrive à la Rochelle avec sa femme enceinte (2) et ses quatre enfans, dont trois en très bas âge. Il était accompagné de l’amiral Coligny, qui venait de perdre son admirable femme , et qui avait de même avec lui ses quatre enfans, et Anne de Salm, femme de son frère d’Andelot , grosse aussi (3), et mère d’un fils de deux ans. Les Rochelais et plusieurs des principaux ministres de la religion réformée, qui déjà s’étaient rendus en cette ville, les accueillirent avec une extrême joie. Tous les habitans, gentilshommes et soldats, ayant été assemblés sur la place du Château, le prince de Condé leur adressa la plus pathétique allocution sur les intrigues de la Cour et ses perfides projets contre les réformés, et sur la nécessité de prendre les armes pour la défense commune. Il déclara qu’il comptait sur le concours des Rochelais pour accomplir la sainte mission à laquelle il était appelé ; qu’il était trop heureux dans sa détresse , proscrit et sans asile quand sa place était auprès du trône, d’avoir trouvé parmi eux un refuge assuré ; qu’il leur confiait sa femme et ses enfants, les plus chers el précieux joyaux qu’il eut en ce monde, pendant qu’il irait combattre ceux qui avaient juré la destruction de leur religion ; et qu’il n’accepterait ni paix, ni trêve, jusqu’à ce qu’il eut obtenu toutes les garanties propres à assurer aux réformés l’exercice d’une pleine et entière liberté de conscience. Il fut plusieurs fois interrompu par les cris enthousiastes de l’assemblée, et fit couler des larmes de tous les yeux. Aussitôt gentilshommes , bourgeois, capitaines et soldats jurèrent solennellement de donner leur vie, s’il le fallait, pour la cause commune. Presque en même temps, arriva Jeanne d’Albret, cette reine à l’esprit mâle et au grand cœur, avec son fils, le prince de Béarn, et sa fille Marguerite, et accompagnée d’un corps considérable de cavalerie et de gens de pied. D’Andelot et le brave La Noue la suivirent de près. Enfin, de tous les coins de la France , on vit accourir à la Rochelle ceux du Poitou, de Périgord, de Cahors, de Normandie et de Bretagne, et tous les principaux seigneurs du parti réformé. (De Thou. — La Popelin. — Davila. - A. Barb. — Bruneau. — Mèzeray. — H. Martin, etc.)

(1) Cette date qui m’a paru la plus vraisemblable , est celle donnée par de Thou et Mézeray. Bruneau donne celle du 6 septembre ; Vincent celle du 9 ; La Popelinière, qu’a suivi Arcère, celle du 19 ; mais ce dernier se trompe certainement, en fesant arriver à la Rochelle la Reine de Navarre avant le prince de Condé.

(2) Arcère a commis aussi une erreur en disant que la femme de Condé était Eléonore de Roye. Celle-ci était morte , et le prince avait épousé en secondes noces la sœur du duc de Longueville. (Le président Hainault. — H. Martin.)

(3) V. 16 février.


1568 10 26. — Violent tremblement de terre , accompagné de terribles coups de tonnerre, d’une grêle affreuse et de météores effrayans ; ce qui fut interprêté, dit La Popelinière , comme le présage de grands maux.
1569 01 17. — La Rochelle était devenue la capitale de la Réforme, en même temps que la principale place d’armes des princes confédérés. Jeanne d’Albret, le prince de Navarre, son fils, et le prince de Condé, résolus à la guerre, y avaient amassé une quantité considérable d’armes et de munitions ; avaient armé une flotte, levé de nombreux subsides et augmenté les fortifications de la ville ; enfin, intéressant Elisabeth à la cause de la Réforme, ils avaient conclu avec elle un traité d’alliance, auquel les Rochelais accédèrent solennellement le 17 janvier. Mais on calomnia leur patriotisme en ajoutant qu’aux termes de ce traité, la ville de la Rochelle devait être le prix des services qu’Elisabeth rendrait au parti : le privilège dont ils étaient le plus jaloux était précisément celui qui consacrait que jamais la Rochelle ne pourrait être détachée de la couronne de France. (Mém. de Castelnau. — Arcana Sœc).
1569 01 29. — Le grand Conseil des confédérés protestants , tenu à Niort, et auquel assistaient le Maire de la Rochelle et six membres du Corps de ville, qui y avaient accompagné Jeanne d’Albret, décrète que tous les biens ecclésiastiques , existant dans les provinces occupées par les protestants, seront vendus au profit de la cause, et, pour inspirer confiance aux acquéreurs , la reine de Navarre et son fils, Condé et les principaux seigneurs du parti, prennent l’engagement d’affecter à leur garantie tous leurs biens personnels. ( Arcère. — H. Martin).
1569 03 25. — La perte de la bataille de Jarnac , où furent tués plus de 6,000 protestants ( au nombre desquels le prince de Condé, qui fut assassiné par Montesquiou), avait jeté la consternation dans le parti des réformés. Comme il importait aux confédérés d’avoir dans le Maire de la Rochelle un auxiliaire intelligent et dévoué, car de la possession de cette place forte dépendait désormais le sort des églises protestantes, le prince de Navarre, sachant que les fonctions de Jean Salbcrt, sieur de Villiers et de Romagné , étaient près d’expirer, écrivit, le 25 Mars, au corps de ville pour l’exhorter, attendu la gravité des conjonctures, à déroger en cette circonstance aux statuts municipaux et à réélire le Maire en exercice. Déférant à ses désirs dans l’intérêt de la cause, le corps de ville comprit Salbert au nombre des trois co-élus, et celui-ci fut continué dans ses fonctions pour l’année municipale 1569-70. (Chronique de Langon. — A. Barbot).
1569 05 27. — Mort, à Saintes, de François de Coligny, seigneur d’Andelot, colonel de l’infanterie française , frère de l’amiral et l’un des plus beaux caractères du parti réformé , dont il fut longtemps la tête la plus intelligente et le bras le plus héroïque. Peu de jours après, son corps, après avoir été embaumé , fut tranporté à la Rochelle, au milieu de l’affliction générale. La reine de Navarre voulut suivre le convoi, et accompagna les restes de celui dont elle comprenait la perte immense, jusqu’à la tour de la Chaîne , où ils restèrent jusqu’en 1579, époque à laquelle son tils aîné, le comte de Laval, les fit transporter à la Roche-Bernard (1). (A. Barbot. — La Popelinière.) — V. 16 février.

(1) Ménard, dans son Histoire des évêques de Nismes, prétend que ce fut dans cette dernière ville et non à la Rochelle que furent portées les cendres de d’Andelot. Il raconte même une indigne profanation commise sur son tombeau par les religieuses de Notre-Dame-du-refuge de Nîmes ; mais cette opinion ne me paraît pas soutenable non seulement en présence des détails fournis par des témoignages contemporains, mais alors surtout que sa femme , ses deux enfants et toute la famille de son frère étaient réfugiés à la Rochelle , bien plus voisine que Nîmes d’ailleurs du lieu de sa mort.


1569 12 06 FÊTE DE SAINT-NICOLAS, PATRON DES TONDEURS DE DRAP. Nul doute qu’il n’existât anciennement dans notre ville des fabriques de drap et de serge : n’en aurions-nous pas d’autres preuves, les deux corporations des cardeurs et des tondeurs de drap l’établiraient suffisamment. L’autel de la confrèrie de ces derniers était dans l’église des Jacobins. Leurs statuts ne nous ont pas été conservés ; on trouve seulement mentionnées sur le registre de la Mairie, des années 1569 et suivantes , des élections de maitres-regardes du métier et des prestations de serment de maîtres-tondeurs , entre les mains du Maire. D’un réglement de 1596 il résulte qu’à cette époque, la Rochelle recevait d’Angleterre une grande quantité de draperies de diverses sortes, telles que draps larges, carises, platins, petits lis, réduits, bizouastres, frises, frisons, revesches, et que souvent on venait les faire teindre à la Rochelle pour les transporter ensuite à l’étranger. (Regist. de la Maire. — Statuts et réglem. - Acte de Macaing.)
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