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1683 - Factum contre les Prétendus Réformés de la Tremblade
jeudi 6 décembre 2018, par , 129 visites.
Factum : Récit de l’une des parties, destiné aux juges, exposant sommairement les faits d’un procès. Il s’agit ici d’argumentaires en faveur de la partie catholique (Diocèse de Saintes), contre les Protestants.
Le dé-tricotage de l’Edit de Nantes, pendant les règnes de Louis XIII et de Louis XIV, se fait de différentes manières :
par l’usage de la justice Royale, ce qui nous donne des dossiers d’argumentaires (factums) pour aider le clergé du diocèse de Saintes à lutter contre les protestants ;
par l’usage de la force : dragonnades, mises au couvent, envoi aux galères, etc.
L’intérêt de ces "Factums" est la description de la situation locale du protestantisme pendant les règnes de Henri IV, Louis XIII et Louis XIV, avec les noms et les rôles des acteurs locaux, lorsque cela est utile à l’argumentaire..
Source : Factums pour le syndic du clergé du diocèse de Saintes contre les prétendus réformés de Saintonge, sur le sujet des temples et des exercices publics de leur religion qu’ils ont établis dans le diocèse de Saintes, par contravention aux édits. - 1683 - BNF Gallica
Voir ici une page de synthèse sur les 41 factums en cours de publication sur ce site. On y trouve la liste des lieux concernés par un Factum, et les références réglementaires sur lesquelles s’appuie le rédacteur, Monseigneur de Châteauneuf.
LA TREMBLADE
FACTUM
Pour le Syndic du Clergé de Saintes, demandeur.
Contre les Prétendus Reformez de la Tremblade, défendeurs.
Avert est une Isle de la coste de Saintonge, située proche Marennes : c’est pour cela qu’on comprend ce lieu où est située cette Isle, avec tous les autres endroits qui sont autour de Marennes, & qui n’en sont pas éloignez de plus de deux lieuës, sous le nom commun des Isles de Marennes, dont il est fait mention dans les articles secrets de l’Edit de 1577. art. 6. & dans les articles particuliers de l’Edit de Nantes art. 8.
Dans cette lsle d’Arvert il n’y a qu’une Paroisse, à sçavoir celle d’Arvert, & qu’un Curé : mais il y a plusieurs quartiers, ou plusieurs lieux dans l’étendue de cette Paroisse, dont l’un est appelle La Tremblade.
Quoy-qu’il n’y ait qu’une Paroisse & qu’un Curé, il y a neanmoins deux exercices publics de la R. P. R. deux Temples, & deux Ministres ; l’un à Arvert, & l’autre à la Tremblade : le Temple de la Tremblade n’est éloigné de celuy d’Arvert que d’un quart de lieue.
Le Syndic du Clergé de Saintes demande que l’exercice de ïa R. P. R. soit interdit à la Tremblade, & le Temple que les défendeurs y ont basti vers l’année 1610. depuis l’Edit de Nantes, & contre la teneur d’iceluy, soit démoli jusques aux fondemens.
Les moyens sur lesquels le Syndic fonde la justice de sa demande, sont constans.
1. Les Edits ne souffrent point deux exercices & deux Temples, non seulement dans une mesme Paroisse, mais mesme dans une mesme ville. Par Arrest du Parlement de Bordeaux du 26. Février 1645. rapporté au 6. tome des Memoires du Clergé p. 422. le second Temple de Bergerac fut condamné à estre démoli. Sera (dit l’Arrest) demoli le second Temple basti dans le fauxbourg de la Magdelene de la ville de Bergerac, dans laquelle les Habitans de la R. P. R. de ladite ville en ont un autre. Par Arrest du Conseil d’Etat du Roy du 29. Octobre 1664. rapporté par Bernard p. 462. il fut ordonne que le Temple neuf qu’on avoir basti dans la ville de Montauban, seroit demoli ; & fut seulement accordé permission aux P. R. de Montauban de faire accroistre & agrandir leur Temple vieux pour leur commodité. Par Arrest du mesme Conseil d’Etat du Roy du 28. Novembre de la mesme année 1664. rapporté par Bernard p. 484 il fut encore ordonné que le petit Temple de la ville de Nismes seroit démoli ; permis aux P. R. d’accroistre leur ancien Temple, si bon leur semble. Par Arrest du mesme Conseil d’Etat du Roy du 18. Novembre 1670. rapporté au 6. tome des Memoires du Clergé p. 782. il fut ordonné que le second Temple de la ville de Montpelier que les P. R. avoient construit, seroit démoli ; permis à eux de faire croistre & agrandir leur Temple vieux.
Mais il y a plus ; la construction d’un second Temple dans la Paroisse d’Arvert, qui est celuy de la Tremblade, est une contravention manifeste aux articles particuliers de l’Edit de Nantes, Le Roy par le sixieme des articles secrets de son Edit de 1577. accorda un lieu d’exercice aux Prétendus Reformez, pour toutes les Isles de Marennes : outre ce lieu, il leur en accorda encore un autre par l’article 8. des particuliers de l’Edit de Nantes, dont voici les termes : Outre les deux lieux accordez, pour l’exercice de ladite Religion par les articles particuliers de l’an 1577. és Isles de Marennes & d’Oleron, leur en seront donnez, deux autres à la commodité desdïts Habitans, sçavoir un pour toutes les Isles de Marennes , & un autre pour l’Isle d’Oleron. Il est évident que l’intention du Roy a esté que les Pretendus Reformez n’eussent que deux exercices dans toutes les Isles de Marennes : ils en ont un pour le bourg de Marennes ; ils en ont un autre à Arvert. Celuy de la Tremblade qu’ils ont basti longtemps après l’Edit, est de surcroist ; & par consequent il doit estre demoli aussi-bien que beaucoup d’autres qu’ils ont bastis encore dans des lieux qui sont proche de Marennes, & qui sont compris sous le nom des Isles de Marennes.
2. Le Syndic du Clergé de Saintes prouve clairement, que les defendeurs ne donnent aucune preuve d’exercice établi & publiquement fait és années portées par l’Edit : & par consequent ( par une raison generale) le Temple qu’ils ont construit long-temps depuis l’Edit de Nantes, & contre la teneur d’iceluy, doit estre demoli.
Quant à l’année 1577. il n’en est pas dit un seul mot dans tous les titres qu’ils ont produits.
Pour les années 96. & 97. jusques à la fin d’Aoust requises par l’Edit de Nantes, les defendeurs ne produisent rien qui puisse prouver un exercice établi & publiquement fait à la Tremblade en ces deux années ; au contraire ce qu’ils allèguent, montre positivement qu’ils n’avoient pas cet exercice.
Il n’est jamais parlé dans leurs titres, ni de Presche, ni de Cene, ni d’Assemblée pour chant de Pseaumes faite en aucun jour de ces deux années, ni mesme de Consistoire établi alors : il est parlé seulement sous la cote L. de trois baptesmes faits en 96. à la Tremblade au lieu de la Chapellanie, & jamais d’aucun en particulier fait en 97. avant la fin d’Aoust ; & de huit mariages faits ésdites années, sous la cote N.
Mais outre que ces baptesmes & ces mariages ne sont pas des preuves d’exercice établi & fait publiquement, ayant toujours esté permis aux Prétendus Reformez de les faire dans les maisons des particuliers, & és lieux où il n’y a point d’exercice de leur Religion, il n’est pas dit que ces baptesmes ayent esté faits, ni avant, ni après un Presche, ni en Assemblée publique, ni dans un Temple. Bien loin de cela, ce qui est dit des trois baptesmes, à sçavoir qu’ils ont esté administrez à la Tremblade, au lieu de la Chapellanie, fait voir qu’en 96 il n’y avoit aucun lieu destiné pour les exercices publics de la R. P. R. ni par consequent d’exercice alors établi : parce que là où l’exercice est établi, les P. R. ne donnent jamais, au lieu où ils s’assemblent, d’autre nom que celuy de Temple ; de sorte que ces baptesmes font voir seulement que n’y ayant point d’exercice établi à la Tremblade, le Ministre d’Arvert alla dans le quartier de son Eglise Prétendue Reformée, & y donna à quelques enfans, qu’on n’avoit pu porter à Arvert, le baptesme dans la maison appellée la Chapellanie ; parce qu’autre fois elle avoit esté donnée pour la fondation de quelque Chapelle.
Ces baptesmes ont esté administrez par le sieur de la Corbiniere, comme il est dit dans cette pièce produite sous cote L. & il est certain que ledit de la Corbiniere estoit pour lors Ministre de l’Eglise d’Arvert. Ce fait est constant par les pièces que ceux d’Arvert ont produites. Par la dernière qu’ils ont remise sous cote B. le sieur de la Corbiniere en 94. est qualifié Ministre de la Parole de Dieu en l’Eglise d’Arvert. Par la pénultième pièce remise sous la mesme cote B. en 94. & 97. ledit de la Corbiniere est encore qualifié Ministre d’Arvert, & baptize en cette qualité les enfans d’Arvert. De sorte qu’il est évident que les baptesmes qui ont esté faits à la Tremblade en 96. ont esté faits par le Ministre de l’Eglise d’Arvert, qui alloit quelque fois rendre service à ceux de la Tremblade, ce bourg estant un quartier & un membre de son Eglise d’Arvert. Ce qui fait voir visiblement qu’en 96. il n’y avoit point d’exercice public établi à la Tremblade, ni de Ministre residant.
Ce fait est constant, non seulement pour l’année 96. mais aussi pour l’année 97. & les pièces produites par les défendeurs & par ceux d’Arvert en font foy. Les défendeurs ont remis sous cote B. un extrait de plusieurs quittances. Ces quittances sont signées par le nommé Bernard Ministre. Il y en a une datée du 16. Octobre 96. par laquelle il reconnoist avoir receu la somme de vingt-huit livres dix neuf sols pour le quartier de la Tremblade. Il y en a une autre datée du 11. Octobre 1597. par laquelle le mesme Ministre reconnoist avoir receu la somme d’onze livres dix-huit sols pour le quartier de la Tremblade. II paroist par ces quittances que le lieu de la Tremblade en 96. & 97. estoit un quartier & comme une annexe de l’Eglise d’Arvert. Le Ministre d’Arvert qui se nommoit Bernard, sieur de la Corbiniere, comme le reconnoissent ceux d’Arvert dans l’inventaire de leurs productions, rendoit donc service en 96. & 97. à ceux de la Tremblade, comme à des personnes qui demeuroient dans un quartier, dans un lieu dépendant de son Eglise. Si l’on doutoit que ce Ministre nommé Bernard, sieur de la Corbiniere, fust Ministre d’Arvert és années 96. & 97. outre les preuves qui en ont déjà esté données, le Syndic en fournit encore de manifestes. Par les neuf & dixiéme pièces que ceux d’Arvert ont remises sous cote G. le sieur Bernard est qualifié Minïstre de la Parole de Dieu en l’Eglise d‘Arvert en 97. Et par la dernière pièce que ceux d’Arvert ont remise sous cote E. ce Ministre donne des quittances à ceux d’Arvert en qualité de leur Ministre és années 96, & 97.
De mesme les huit mariages que les défendeurs disent avoir esté faits au lieu de la Tremblade és années 96. & 97. ayant esté celebrez par Bernard, sieur de la Corbiniere, comme il est dit positivement dans la piece que les defendeurs ont remise sous cote N. & ce Ministre estant un Ministre de l’Eglise d’Arvert ; les Pretendus Reformez de la Tremblade ne peuvent rien conclure de ce fait, sinon qu’és années 96. & 97 ils estoient membres de l’Eglise d’Arvert, & qu’en cette qualité le Ministre de cette Eglise venoit souvent chez eux leur rendre quelque service, administrer des baptesmes, & faire des mariages.
Il est donc constant que les défendeurs ne donnent aucune preuve d’un exercice établi & publiquement fait au lieu de la Tremblade és années 96. & 97, requises par l’Edit de Nantes, Non seulement ils ne donnent aucune preuve de cet exercice ; mais on voit clairement par les pièces qu’ils ont remises, & par celles que ceux d’Arvert ont produites, qu’ésdites années la Tremblade estoit un membre, un quartier, une annexe de l’Eglise d’Arvert, servie par le Ministre de ladite Eglise d’Arvert.
Les defendeurs ont commencé de construire un Temple au bourg de la Tremblade vers l’année 1610. il n’estoit pas mesme encore tout-à fait achevé en l’année 1614. comme il paroist par la première piece qu’ils ont remise sous cote I. & ils ont construit ce Temple de leur autorité propre, sans obtenir aucune permission des Commissaires députez par Sa Majesté ; ce qui est une contravention manifeste aux Edits & aux Déclarations du Roy, Et parce qu’en 1614. le Lieutenant General de Saintes ne leur a point reproché qu’ils avoient construit leur Temple de leur autorité propre & sans aucune permission de Sa Majesté ; ils croyent estre en droit de défendre cette entreprise, comme ils font dans l’inventaire des productions de leurs pieces. Mais il est impossible d’imposer à des Juges aussi éclairez que sont Nosseigneurs du Conseil,
Enfin le Temple du lieu de la Tremblade est bâti si proche de l’Eglise où le Curé d’Arvert tient un Vicaire pour servir les Catholiques de la Tremblade, qu’il est impossible de faire le Service divin dans cette Eglise, pendant que les P. R. sont dans leur Temple à chanter leurs Pseaumes. Ce fait est notoire ; & Monsieur Colbert du Terron, Commissaire Catholique, en fait mention dans la Sentence qu’il a renduë.
Pour ces raisons, le Syndic espere de la justice de Sa Majesté & de celle de Nosseigneurs de son Conseil, que l’exercice public de la R. P. R. sera interdit à la Tremblade, & le Temple où il se fait, condamné à estre démoli par les défendeurs.
Mr le Marquis DE CHASTEAU-NEUF, Rapporteur.