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1723 - La maison des Jésuites de Marennes (Charente-Maritime)

vendredi 9 novembre 2012, par Pierre, 512 visites.

En 1723, Jean-Jacques Amelot de Chaillou, intendant de la Généralité de la Rochelle, lance une enquête sur les établissements religieux et hospitaliers de la Généralité, dans le but d’établir une "statistique". Le questionnaire envoyé par courrier comprend 6 questions :
- historique de la fondation
- nom de l’établissement
- ordre de rattachement
- effectifs
- revenus
- charges

Nous avons dépouillé pour vous les réponses à cette enquête. Voir l’introduction de cette rubrique

Source : Archives Départementales 17 - H87 - Transcription : Pierre Collenot.

Ce document a été contrôlé par les services de l’intendant, et ils y ont fait des annotations. Elles sont indiquées en caractères rouges. Il fournit des indications intéressantes sur les conséquences des désordres monétaires qui sévissent en France à cette époque.

Estat de la maison des Jesuittes de Marennes

La residence des Jesuittes de Marennes fut etablie en 1633 par lettres patantes du Roy Louis 13e, qui leur permit de recevoir à cet effet tant en biens d’Eglise qu’en tous autres qui leur seroient accordez par la liberalité des fideles jusqu’à la concurrance de 6000# de revenu annuel.

La premiere fondation fut etablie sur un legat de cinquante livres de marais salans donnez par testament pour l’entretien de trois religieux seulement, sçavoir deux prestres et un frere lay : cette donation fut contestée par les heritiers de la fondatrice ; [Observations : la fondation fut faite en 1634 par Empvienne ? de la Pree ? Dame de fief Laurand ] et apres bien des frais de justice, les Jesuittes furent obligez par accommodement d’abandonner auxd. heritiers la plus grande partie desd marais. De sorte que ne pouvant plus subsister à Marennes sur le peu de fond qui leur restoit, ils etoient sur le point de se retirer, lorsque Mgr Jacques Raoul evesque de Saintes jugea à propos en 1635 de suppleer à la fondation qui leur avoit eté enlevée par l’union d’un petit prieuré scitué en l’Isle d’Oleron. Depuis ce temps là cette partie des marais de la fondation qui etoient demeurez aux Jesuittes se trouvent scituez sur le Havre de Brouage se sont entierement perdus, on n’y fait plus de sel et la plus part ne servent qu’à pacager le bestail.

La maison des Jesuittes de Marennes n’a reçeu depuis ce temps là de la charité des fideles que de legers secours, comme il paroistra cy apres, par le detail des petits fonds qu’elle possede.

En 1683 le feu Roy voulant pourvoir à l’instruction des nouveaux catholiques, et à la conversion des Religionnaires, ordonna aus Jesuittes d’entretenir à Marennes dix missionnaires à cet effet, qui travaillent tant aud lieu de Marennes que dans les autres paroisses circonvoisines, moyennant une pension annuelle de 3000#. C’est ce que les Jesuittes ont toujours executé jusqu’à present.

Mais cette pension, par la difficulté des temps, a presque toujours été mal payée, c’est à dire en papiers d’ordonnance, billets d’Etat et des monnoyes qu’il a souvent fallu negocier à plus de moitié perte. Il arriva mesme en 1711 que ne pouvant plus tirer d’autre parti de quelques arrerages de pension qui furent payez en papier à la concurrence de 4800#, on fut obligé de les placer sur l’Hotel de Ville de Paris, et d’emprunter cependant pour vivre et pour suppleer auxd. arrerages de pension, mais par les retranchemens qui ont été fait depuis sur les capitaux et les rentes de l’Hotel de Ville, cette petite somme a été reduitte à celle des 3700# qui nous ont été remboursées en billets de banque dont on n’a pu faire aucun usage, et qui ont peri entre nos mains, ainsy qu’on peut voir par la declaration qui en fut faitte lorsque les billets furent portez au visa. [ils employerent une partie de ces billets à aquiter quelques dettes qu’ils avoient contractées avant l’année 1720 ]

A ce remboursement en a succedé un autre de quatre années d’arrerages de la pension royale, pour lesquels on nous delivra douze billets de banque de mille livres chacun, qui parvinrent jusqu’à nous le 6e de septembre 1720, et qui furent proscrits, comme on sçait, le 1er d’octobre suivant. Tout le mois s’ecoula sans qu’on pust mesme en couper qu’un seul en petits billets, encor n’y eut il pas moyen de s’en deffaire, si bien que tout a été porté au visa, et les billets deposez suivant les declarations du Roy pour la valeur de 15830# pour lesquels on nous a remis un certificat de liquidation de 10553# dont on ne sçait pas encor si le procureur de notre province à Paris aura pu tirer quelque chose, soit en les negociant, soit en les plaçant sur les tailles à deux pour cent suivant les declarations du Roy.

Les petits fonds que possede cette maison sont
- 1° un petit prieuré scitué dans l’Isle d’Oleron apellé le prieuré de St Barthelemy [1] d’environ 400# de ferme [ ce prieuré est affermé 413# par an ]
- 2° quelques livres de marais salans dont le revenu qui est tres casuel peut aller bon an mal an à 500# [ils ont 30 livres de marais salans dont le revenu va à 600# par an ]
- 3° quelques morceaux de vignes roturieres dont on peut tirer dans les années ordinaires une vintaine de barriques d’assez mauvais vin presque tout blanc et qu’on ne peut guere estimer tous frais faits au dela de 200#
- 4° quelques marais gats et non salans dont on tire environ 100# de ferme
- 5° un petit fief scitué aupres de St Just actuellement affermé 90#

Tout ce petit revenu monte environ à 1300# [Le calcul n’est que de 1290 ]

Sur quoy il faut payer les charges suivantes :
- 1° au clergé pour decimes ordinaires et extraordinaires, don gratuit, subvention, dixiemes &c environ 60# [dans l’estat fourny en 1720 ils portoient 150# ]
- 2° pour les services d’une chapelle annexée au prieuré d’Oleron, 20#
- 3° pour un cierge paschal et pour le service des quatres festes annuelles à l’église de St Pierre d’Oleron, 20# [ils ne portoient dans l’estat de 1720 cet article qu’à 20# ]
- 4° pour les frais d’un repas qu’on est indispensablement obligé d’y donner à la feste du patron titulaire dud. Prieuré, 20#
- 5° pour la depense des missionnaires dont plusieurs n’etant point deffrayéz par Mrs les curez dans les paroisses de leur mission, sont obligez de loger et de se nourrir aux despens de la maison environ 150#
- 6° pour les rentes feodales de notre maison à Madame l’Abesse de Saintes, 20#
- 7° pour quelques autres rentes seigneuriales attachées à nos domaines cy dessus, et pour l’entretien desd domaines et de nos batimens, environ 200# [cet article n’y estoit porté qu’à 150# dans l’estat de 1720 ]
- 8° pour l’entretien de l’eglise, les luminaires et les ornemens environ 300# [ cet article estoit obmis dans l’estat de 1720 ]
- 9° pour les frais communs de la province suivant la taxe de notre maison, 40# [ idem obmis en 1720 ]
- 10° pour les gages du médecin et chirurgien de la maison, 20# pour chacun, les remedes peuvent aller bon an mal an à pareille somme. [ idem obmis en 1720, neanmoins on croit cette depense necessaire ]

Toutes ces charges qui, sans y comprendre les casuelles, se montent à la somme de plus de 800#, etant deduittes sur celles de 1300# a quoy monte le revenu cy dessus, il est clair qu’il ne resteroit pas de quoy entretenir les deux personnes du pur revenu de la maison.

Mais les principales charges sont les debtes considerables qu’on a été obligé de contracter pendant longues années, esperant toujours de les pouvoir acquitter par les payemens des arrerages de la pension royale. Ces debtes bien calculées se montent à la somme de 11600 et quelques livres dont environ 4000 sont debtes criantes, on a du repit pour les autres moyennant le payement des interests.

Il nous est deu actuellement deux années d’arrerages de la pension royale qui pourroient nous ayder à vivre, à reparer nostre maison qui est en tres grand besoin, et à payer quelques debtes des plus pressantes.

Ce detail est plus que suffisant pour faire connoistre l’etat de cette pauvre maison. On pourra sçavoir par ailleurs quels sont les travaux des missionnaires, les benedixions que Dieu a donné à leur zele, et les progres qu’a fait en ce pays cy la Religion depuis leur etablissement et par consequent l’importance qu’il y a de conserver une mission qui est aujourdhuy plus necessaire que jamais pour entretenir la piété parmy tant de nouveaux catholiques, et pour travailler à la conversion de tant d’autres qui ne sont point encor rentrez dans le sein de l’Eglise.

A Marennes, le 5 nov. 1723

Huon, de la Compagnie de Jésus


[1On voit un prieuré appelé St Barthelemy des Landes dans le pouillé du diocèse de Saintes de 1648. Un lieu-dit « Les Landes » existe dans la commune de Saint-Georges d’Oléron. On ne peut déduire de ces éléments aucune certitude quant à la localisation de ce prieuré oublié.

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