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1726 - Les bois et forêts d’Angoumois, par Jean Gervais, lieutenant criminel à Angoulême

samedi 2 août 2008, par Pierre, 1941 visites.

Source : Mémoire sur l’Angoumois par Jean Gervais lieutenant-criminel au présidial d’Angoulême, publié pour la première fois d’après le manuscrit de la bibliothèque impériale
par G. Babinet de Rencogne, archiviste de la Charente - 1864

Bois de haute futaie en Angoumois
Photo : P. Collenot - 2006

Bois et Forêts

L’Angoumois étoit autrefois fort couvert de bois. Il fut dans la suite défriché, et presque entierement mis en culture. Il y avoit encore, dans les derniers temps, plusieurs bois de futaie, mais ils ont été quasi tous épuisés depuis l’établissement du port de Rochefort, et pour en tirer le merrain, dont la quantité des vignes nouvellement plantées a causé de si grandes consommations qu’il ne reste plus que des bois de chauffage aux particuliers ; et l’on peut dire qu’il n’y a que le seigneur de la Rochefoucauld qui en ait d’une autre qualité et de beaux, dans les parcs de ses châteaux.

La forêt de Boixe, qui lui appartient en partie à cause de sa terre de Montignac, est d’une assez grande étendue ; mais, si on en distrait le bois appelé des Moines, dépendant de l’abbaye de Saint-Amant, qui se coupe journellement, tant par les exploits d’un grand nombre d’usagers qu’autrement, le reste, qui est assis sur un terrain sec et pierreux, se trouve ne produire que des arbres d’une médiocre grosseur, dont on ne peut pas faire grand usage pour la construction des vaisseaux, ni pour les charpentes de quelque importance, et encore moins pour les bois merrains. La dureté et les nœuds de celui qui y croît, et sa qualité arre [1], le rendent impropre à fendre, en sorte qu’il n’est ordinairement employé qu’à des rais et autres ouvrages d’un service commun, où sa fermeté le rend utile, quoique le long temps nécessaire pour le mettre en œuvre et les peines extraordinaires des ouvriers qui le travaillent en diminuent le prix.

Le Roi a des bois dans la Maîtrise particuliere d’Angoumois ; mais on peut dire qu’il n’y a que la Braconne qui puisse mériter le nom de forêt. Elle a plus de dix mille arpents d’étendue, et le bois qui y croît est presque tout chêne et de bonne qualité. Il ne s’y trouve néanmoins que fort peu de bois d’ouvrage, soit à cause de la maigreur du terroir, qui n’a pu y produire de beaux arbres, soit par le peu d’attention qu’on a eu autrefois à y élever des futaies. Il n’y paroît aucun arbre de la premiere tige, et les plus anciens rejets ne sont que de quarante années. Les usagers de cette forêt sont réduits à un très-petit nombre depuis la réformation du sieur de Froidour, en 1674. Les fermiers du Domaine s’étoient mis en une possession de sous affermer les paissons et glandées de cette forêt à quantité de particuliers, qui les sous-affermoient ensuite à une infinité d’autres, ce qui donnoit lieu à quantité d’abus, même dans les rejets. Cette faculté leur fut interdite, il y a environ quinze ans, par un arrêt du Conseil, qui fut rendu à la poursuite des officiers des eaux et forêts.

Le bois de la forêt de Braconne est principalement employé en charbon, à quoi il est très-propre. Il est particulierement destiné à l’usage de la forge de Rancogne, qui est à portée pour l’enlever ; et lorsque les travaux y sont plus grands et que les coupes ordinaires n’y suffisent pas, on en accorde d’extraordinaires pour y suppléer.

Il ne seroit pas aisé d’en tirer un produit plus utile, à cause que l’éloignement de plus de quatre lieues de pays de la Charente, et la distance infinie de toute autre riviere navigable ou flottable, nécessiteroient à se servir de charrois pour un transport de bois de simple chauffage, ce qui causeroit des frais qui en excéderoient la valeur.

La forêt de Bois-Blanc, plus près d’Angoulesme, n’est que d’une très-petite étendue et ne produit aussi que des bois à brûler.

Celles de Malestrade, près de Châteauneuf, de Chardin et de Marange, situées sur les confins de la partie d’Angoumois qui avoisine la Xaintonge, ne sont proprement que des bosquets ; mais leur produit en est à proportion plus utile au Roi que celui de la Braconne, à cause qu’elles sont environnées de pays découvert et de vignobles, où il se fait de très-grandes consommations de bois, tant pour le service public que pour les chaudieres à eaux-de-vie, ce qui en fait rechercher et enchérir les coupes.

Il est presque inutile de parler ici d’un bois en coupe que le Roi possede près d’Angoulesme, de l’étendue de cinq cents arpents, sous le nom de Garenne, puisque une partie consiste en quartiers assignés, l’un à M. l’évêque d’Angoulesme et l’autre à Mme l’abbesse de Saint-Ozonne ; le surplus, en coupes réglées, étant consommé pour le chauffage des habitants de la ville.

Le grand besoin qu’on a de bois dans l’Angoumois, soit pour le logement et brûlement des vins qui s’y récoltent, soit pour les forges ou pour les autres usages, et pour ce qu’on en fournit à la Xaintonge et au port de Rochefort, qui en tire continuellement de toute qualité, a fait penser souvent aux moyens de l’y multiplier, ou du moins de l’y conserver ou rétablir. Il seroit à désirer que l’article. [2] de l’ordonnance de 1669, qui prescrit la réserve des baliveaux, y fût plus exactement observé.

L’arrêt du Conseil du 18 août 1722, qui défend le transport des bois dans les pays étrangers, n’arrête pas la sortie de ceux qui descendent en Xaintonge et à Rochefort.

L’établissement des pépinieres n’a presque pas encore eu lieu, et l’effet n’en peut être que si incertain, si lent et si reculé, qu’on ne doit s’en proposer un grand avantage.

L’article 6 de l’arrêt du 3 mai 1720, qui ordonne des plantations d’arbres sur les chemins, semble n’avoir pas été rendu pour cette province, où l’inégalité du pays montueux, la qualité du terroir, qui y est communément pierreux, et les autres obstacles de la nature, joints à la négligence habituelle des habitants, en rendent l’exécution comme impossible. Aussi le Roi n’y a-t-il point fait exécuter les dispositions ordonnées pour les chemins parles 2e et 3e art. du même arrêt. D’un autre côté, quelque utilité que promettent les plantements ou ensemencements des bois, les particuliers ne s’y donnent point à cette culture. L’attente de son produit est trop éloignée, les besoins du secours des revenus sont trop pressants, et l’objet des productions annuelles de la terre, soit en grains, en vins ou autres fruits d’une prompte utilité, a quelque chose de plus intéressant. Le goût moderne des peuples, en général, s’éloigne à cet égard de celui de nos peres, dont l’attentive prévoyance portoit davantage leurs soins et leurs vues sur l’avenir.

Le principal bois qui réussit en Angoumois est le chêne, qu’on ne transplante point, et qui doit être semé mais son germe est si lent que personne ne s’avise plus de le faire venir.

L’ormeau y est rare, à cause de la sécheresse du climat. Les bords de la Charente y nourrissent des peupliers d’une assez belle hauteur ; mais le prix excessif et la rareté des planches de sapin, qu’on a cessé de tirer de Hollande depuis l’augmentation des especes, sont cause qu’on les a épuisés. On n’y connoît presque point d’autres bois d’ouvrage et de charpenterie ; et, à l’égard des arbres fruitiers, il s’y en éleve peu, le terroir sec et pierreux et la chaleur du climat y résistant. Quelques particuliers, curieux des jardinages, y ont seulement le soin de les peupler de greffes d’Orléans.

Le pays étoit au passé assez couvert de noyers, qui y croissoient de belles tiges et y étoient d’une grande utilité pour le peuple ; mais l’hiver de 1709 les fit tous périr. L’attente de les voir reproduire ne peut être qu’un objet pour nos neveux, et il paroît difficile d’en réparer la perte par une égale quantité, depuis que les bestiaux, répandus dans les campagnes en plus grand nombre qu’ils ne l’étoient sans doute autrefois, en détruisent l’élévation.


[1Terme de la langue vulgaire generalement usité dans l’Angoumois, la Saintonge et le Poitou. Un morceau de bois est arre s’il ne peut se ployer légèrement sans se rompre, ou bien si, étant nouvellement scié, il s’écaille ou se fend irregutièrenicnt sous l’influence du grand air. On dit aussi d’une personne qu’elle a la peau les mains arres, lorsqu’elle les a rugueuses, rudes au toucher.

[2Les dispositions de l’ordonnance de 1669, relatives à la réserve des baliveaux tant dans les bois du Domaine que dans ceux des ecclésiastiques et des particuliers, se trouvent consignées aux articles 11 du tit. 15, 3 du tit. 24, 3 du titre 25 et 1 du titre 26.

Voici les termes de ce dernier article, qui résume à peu près les prescriptions de tous les autres « Enjoignons à tous nos sujets, sans exception ny différence, de régler la coupe de leurs bois taillis au moins à dix années, avec réserve de seize baliveaux en chaque arpent ; et seront tenus d’en réserver aussi dix ès ventes ordinaires de fustaye, pour en disposer néanmoins à leur profit, après l’âge de quarante ans pour les taillis et de six vingts ans pour la fustaye. »

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