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La Sylve (forêt) d’Argenson entre Santons et Pictons, histoire d’une disparition

jeudi 2 août 2007, par Pierre, 16349 visites.

En 1875, dans une brillante démonstration, devant ses collègues de la Société de statistiques, sciences, lettres et arts du département des Deux-Sèvres, Henri Beauchet-Filleau fait revivre la forêt - aujourd’hui presque disparue - qui servait de frontière entre les Santons et les Pictons, avant la conquête romaine : la forêt d’Argenson.

Recherches sur l’étendue des forêts formant les marches communes
entre les Santons et le Pictons avant la conquête romaine

par H. Beauchet-Filleau, correspondant du ministère de l’Instruction publique, officier de l’Université, membre de la Société de Statistique des Deux-Sèvres, etc.

Source : Bulletin de la Société de statistiques, sciences, lettres et arts du département des Deux-Sèvres - T II - Années 1874-75 - Niort 1876

D’autres pages de la grande toile signalées par des visiteurs, sur le sujet des forêts disparues en Saintonge, Aunis et Angoumois :
- Le site (Spip) de la Société mycologique du massif d’Argenson avec 4 articles de Denis Chapacou (la référence sur l’histoire d’Aulnay et de sa région).
- Le site d’André Balout avec le texte de l’article de L. F. Alfred Maury cité ici par H. Beauchet-Filleau.

Merci pour ces contributions qui enrichissent le sujet.

La carte dont nous disposons est de qualité médiocre. Un rafistolage de fortune a été tenté...
Si vous pouvez nous procurer une version de meilleure qualité, nous vous en remercions cordialement.
  Sommaire  

Ces recherches ont été admises à l’honneur de la lecture à la séance du 2 avril 1875, de la réunion annuelle des Sociétés savantes à la Sorbonne ; c’est ce qui donne le sens du dernier alinéa de la page 423. (y aller et voir la note de bas de page associée à cet alinéa)

M. A. Maury, dans son ouvrage intitulé Les forêts de la Gaule et de l’ancienne France, ne dit qu’un mot en passant [1] de celle qui était placée sur les confins des Pictones et des Santones, et acceptant les noms modernes de forêts de Benon, de Chizé, d’Aulnay, de Tusson [2] sous lesquels elles sont aujourd’hui connues, il fait autant de parties distinctes de ce que nous croyons n’avoir été qu’une seule et même tenue, espèce de terrain neutre, immense océan d’arbres et de verdure que d’un commun accord les deux peuplades, selon l’usage des Celtes et des Germains, avaient laissé croître pour servir de marches et de limites à leurs territoires.

Afin de justifier l’opinion que nous venons d’émettre, nous utiliserons tout d’abord, par une étude attentive, les précieux enseignements que nous apportent les noms de lieux et les lieux-dits, puis nous relèverons dans les chartes qu’il nous a été donné de consulter, les différentes désignations sous lesquelles l’existence de certaines parties de cette forêt nous est révélée ; et l’on verra que ces noms ont entre eux un tel air de famille, que l’on nous passe l’expression, qu’ils ne peuvent désigner en somme que les diverses parties d’un tout.

 §I

Par les chemins de la sylve d’Argenson, en forêt de Chizé
Photo : P. Collenot - 08/2007

Une charte de 1189, citée par M. Maury [3], indique comme appartenant à la forêt de Benon, le canton compris entre le chemin de Mauzé à Cramahé et celui de la Leigne à Benon, — canton aujourd’hui complètement défriché.

On retrouve des traces de cette forêt bien plus au nord, dans les lieux dits la Touche, le Bois-Diable, com. de Saint-Cyr-du-Doret, la petite, la haute, la basse Garenne et Toucheronde, commune de Marans, etc., etc. ; mais elle ne devait dépasser que de bien peu ces points extrêmes, car au-delà sont les marais de la Sèvre et du Mignon qui, à une époque relativement bien plus moderne que celle qui nous occupe, étaient recouverts par les eaux de l’Océan [4] ; le nom de la Grève, porté par un village de la commune de Saint-Martin-de-Villeneuve, aujourd’hui assis sur le bord du Grand Marais, est caractéristique.

A partir de ce point, et pour ne parler que de bois d’une certaine étendue, nous trouvons encore aujourd’hui, en allant vers l’est :
Le bois de Ferrières, la forêt et le bois de Benon, les bois de Poléon et de Surgères (Charente-Inférieure), la forêt de la Foye-Montjault (Deux-Sèvres), les bois de Dœuil (Charente-Inférieure), les forêts d’Etampes et de Chizé, et les bois d’Availles-sur-Chîzé (Deux-Sèvres), ceux de la Villedieu (Charente-Inférieure) et d’Ensigné (Deux-Sèvres), les forêts d’Aulnay et de Chef-Boutonne qui chevauchent sur les deux départements, les bois de Courvent, de la Brassière, de Fiollet, de la Foye, la forêt de Couture, dite aujourd’hui la petite forêt (Deux-Sèvres), et enfin la forêt de Tusson.

En suivant des yeux sur les cartes les points de repère que nous venons d’indiquer, nous avons tracé ce que nous croyons être à peu près la ligne médiane de la forêt dont nous pensons retrouver les limites au sud, dans un rayon formé par les communes de Saint-Jean-de-Liversay, Nuaillé, Le Gué d’Alleré, Saint-Christophe, Aigrefeuiile, Thon, Landray, Saint-Germain-de-Marancenne, Vandré, Chervette, Puyrolland, Ligneuil, Courant, Migré, Vergné, les bois d’Essouvert, les communes de Loulay, La Jarriè-Audouin, Saint-Pierre-de-l’lsle, Nuaillé, Paillé, Cherbonnières, Néré, Fontaine-Chalandray, le Breuillaud, Ranville, Verdille, Oradour, etc.

Quand au nord nous avons tout lieu de croire qu’elle se terminait aux marais formés parles cours d’eau de la Courance et de la Guirande, aux points extrêmes des communes de Fors, Saint-Romans-des-Champs, Brûlain, Vernoux, et enfin au cours de la Boutonne jusqu’à sa source [5], redescendant ensuite au midi avec le ruisseau de l’Osme jusque vers Saint-Fraigne ou Aigre.

L’étude des lieux-dits corroborée par l’existence encore actuelle de nombreux bouquets de bois formant comme une ; série de chaînons se rattachant entre eux, va nous servir, à défaut de toute autre preuve, pour fixer ces limites.

Ainsi, dans le département de la Charente-Inférieure, nous reconnaissons des traces de son existence dans la Fayée, commune de Saint-Pierre-d’Amilly ; les bois de Ferrières, Chanteloup, la Grange du Bois, commune de Ferrières ; le bourg de Saint-Georges-du-Bois, celui de Saint-Saturnin-des-Bois avec ; les deux localités de la Coudre et du Court-Buisson, situées, même commune ; les Chaumes, com. de Pairé ; le Breuil, commune de Vouhé ; les bois de Surgères, les Grandes et les Petites Chaumes, commune de Surgères ; les Chagnées et le Pinier, commune de Vandré ; le bourg du Breuil-la-Réorthe, et les villages ou hameaux des Grand et Petit Breuil, du Breuillet, de la Chagnée et de la Crignolée, sis dans la commune ; les bois de Dœuil et les villages de la Chaume, de la Coudre et de la Crignolée, commune de Dœuil ; de Boisse, commune de Marsay ; de la Faye-d’Epannes, commune de Saint-Félix ; Boisseuil, commune de Saint-Marc ; le bourg de Saint-Martin-de-la-Coudre ; le Désert, commune de Villenouvelle ; le Pinier, commune de Saint-Séverin ; le Grand-Breuil, commune de la Jarrie-Audouin ; la Sauzée, la Touche, commune de Dampierre-sur-Boutonne ; le Buisson, Chantemerle, commune de Saint-Georges-de-Longue-Pierre ; la Fragnée, , Oulmes, commune de Nuaillé ; le Breuil, commune de Cherbonnières ; Chante-Oiseau, commune de Saint-Mandé ; La Foye, commune de Vinax ; Chantemerlière, commune de Contré ; les Touches, commune de Romazières ; Boisblanç, Boismerlet, Boisrond, l’Epinoux, la Féole, la Fragnée, commune de Néré ; Bois-Benest, le Breuil-de-Chives, les Coux, commune de Chives ; un peu plus au sud, les bois de Fontaine, commune du même nom, et ceux de Matha, commune de Gibourne ; puis entrant dans le département de la Charente, le Bouchet, commune de Lupsault ; la Brousse, les Garennes, commune de Barbezières ; le Petit-Bois, commune de Ranville, le Breuil, commune de Verdilles ; le Coudret, commune d’Oradour, etc.

Et au nord en suivant la même direction, nous trouvons, commune de Day-Rançon, le village du Breuil, les bois du grand et petit Breuil, et plusieurs autres boqueteaux ; commune du Bourdet, le bois des Chagnées de l’Isle ; commune d’Amure, les bois d’Amure et de la Chagnée ; commune de Sinsais, le grand Bois ; commune de Bessines, les villages du Breuil, des Chagnées et de Chanteloup ; dans celle d’Usseau, le. bois de la Chagnée des Forges ; le bois de la Roche-Esnard, commune du même nom ; ceux d’Epannes et de la Chapelle-Ferrée, commune d’Epannes ; la forêt de la Foye-Montjault, et les villages de la Foye et de Treuil-Bois, commune de la Foye-Montjault ; le bourg du Cormenier ; le hameau et la ferme des Essarts, communes de Marigny et de Saint-Symphorien ; les fermes de Sard et du petit Sard (Essart), les bois. de la Coudrée, de la Broute, des Grandes-Gîtes, de Fougery. et quatre autres boquetaux qui rejoignent ceux des communes de Granzay et d’Aiffres, arrosées par la Gourance et la Guirande.

Le village des Fougères, commune de la Charrière ; celui du Breuilhac et le bois de Priaires, commune du même nom ; le bois dès Chagnées de Beaulieu, commune de Thorigny-sur-le-Mignon ; les fermes des Chagnasses et des Fragnasses, communes de Prissé-le-Grand, et de Prissé-le-Petit ; le village de la Grande-Brousse, commune de Saint-Romans-des-Champs ; la ferme de la Chagnée, le hameau de l’Ormeau, le château de la Mothe-du-Bois, et deux bouquets de bois, commune de Brûlain [6] ; le village de la Fragnée, commune d’Availles-sur-Chizé ; les bois d’Availles dits de Buffageasse par les cartes de Cassini et du dépôt de la guerre ; les bois dits des Chagnées de Parsay, commune de Villiers-sur-Chizé ; la ferme de Gratteloup, les château, ferme et moulin de Sart (Essart), et le bois du Breuil, commune de Secondigné en remontant vers les marais formés par la Boutonne ; puis entre le cours de cette rivière et la forêt d’Aulnay, les bois d’Ensigné, ceux de,la commune de Juillé, le bois et le village de-la Brousse, et le bois de la Chauvière, commune d’Asnières ; le village du May, le moulin de l’Epine, commune de Cherigné ; les fermes de Chanteloube et de la Grange-du-Bois, commune de Luché (dont le nom dérive peut-être de Lucus bois sacré), le village de la Chaume, commune de Fontenelles, celui de Couturette (cultura, défrichement), commune de Saint-Martin-d’Entraigues ; la fermé de la Toucherolle, le bois des-Villiers, commune de la Bataille ; la ferme et le bouquet de bois de la Chagnée, et le Bois-Aulpin [7], ferme, commune de Chef-Boutonne ; les petits bois et les bois de la Caille, commune d’Aubigné et de Loubigné ; la ferme et le Bois-Trapeau commune d’Ardilleux ; les bois Dragers ou de Ragées, et ceux aujourd’hui défrichés des communes de Hanc et de Bouin qui devaient se relier par le Breuil-Coëffault, à la partie de notre département, si boisée encore aujourd’hui, qui forme presqu’en entier le canton de Sauzé-Vaussais. Dans la commune de Loubillé, le village de Bois-Naudouin, le moulin de Çhaumeau, plus les quelques bois y existant encore, qui devaient descendre jusqu’aux marais formés par le ruisseau de l’Osme, et dont on voit encore quelques débris à Potonnier et au pont des Garennes, et se rattachent par les bois de la Mort-Limousin et de Fio|et, à ceux de la commune de Coutures ; la plaine où s’élève le bourg de Villemain, qui n’est évidemment que le produit d’un défrichement où là culture de la vigne s’est presque partout substituée aux bois, dont on trouve encore quelques traces et dont le nom du village de Chagnollet (diminutif de chagne, chêne) indique l’essence dominante ; les villages de Bois-Clément et des Froux (terres incultes en patois Poitevin), commune de Coutures-d’Argenson, et le nom même de cette commune [8]

Enfin, en poursuivant notre revue dans le département de la Charente, nous relevons : le Breuil-Tizon, commune de Païzay-Naudouin ; Boisbaudran, le Breuil-Seguin, commune de Saint-Fraigne, et nous voici parvenus à la forêt de Tusson, autre point extrême de notre course de 86 kilomètres à vol d’oiseau, laissant à nos confrères de la Charente le soin de poursuivre cette étude sur leur territoire.

 § II

Si ce que nous venons d’énoncer ne paraît reposer que sur des données peu assurées par la nature des preuves que nous venons de présenter, le relevé des documents écrits que nous allons passer en revue, démontrera que notre marche qui pouvait paraître au début en partie hypothétique, n’en était pas moins sûre.

Nous trouvons la forêt de Benon désignée :
- 1° Vers 1036, sous le nom de Sylva de Ariezhun, dans une donation que Guillaume VI, duc d’Aquitaine et comte de Poitou, et sa femme Eustachie, font à l’abbaye de Saint-Maixent afin d’obtenir la délivrance de ce prince alors prisonnier de Geoffroy-Martel, comte d’Anjou [9].
- 2° Sous celui de Sylva Ariacum, dans un traité passé vers l’an 1100, entre les moines de Montierneuf et quelques-uns de leurs serfs, au sujet de biens exploités par ces derniers et appartenant à ce monastère et au prieuré de Bouet [10] qui en dépendait [11], Et pour justifier que c’est bien de la forêt de Benon qu’il s’agit dans cette charte, nous indiquerons des lettres-patentes données au mois d’août 1308, par lesquelles Philippe-le-Bel concède à ce monastère pour son prieuré de Bouet, le droit de prendre dans la forêt de Benon tout le bois qui leur était nécessaire [12].
- 3° Sous celui de Arriazum Sylva, dans une charte-notice du don que Guillaume X, duc d’Aquitaine et comte de Poitou, fit en 1135-1136, à saint Bernard, abbé de Clairvaux, de quelques parties de cette forêt pour y élever l’abbaye de la Grâce-Dieu [13].

La position occupée par ce monastère, près des restes subsistant encore de la forêt de Benon, nous dispense de citer à titre de justification, un diplôme donné en 1146 en sa faveur, par le roi Louis VII, comte de Poitou, du chef d’Aliénor son épouse [14].
- 4° Sous celui de nemus de Argentonio, dans un diplôme de la reine Aliénor, duchesse d’Aquitaine, daté par D. Fonteneau de vers 1170 ; par lequel elle donne en pure aumône aux religieux et religieuses du prieuré Sancti Bibiani de Argentonio (O. de Fontevrault), tout droit pour prendre dans la forêt de Argentonio le bois nécessaire pour le chauffage et les autres besoins du prieuré et membres en dépendant [15].
- 5° Nous la trouvons encore désignée sous ce même nom de nemus de Argentonio, dans un diplôme de 1179, émané de Richard, duc d’Aquitaine et comte de Poitou, qui met sous sa sauvegarde l’Aumônerie de Surgères et confirme les franchises, droits et dépendances qui lui avaient été concédés par Guillaume IX, duc d’Aquitaine et comte de Poitou, son fondateur [16] :
- 6° Nous la voyons également indiquée sous le nom d’Argenchum Sylva dans un diplôme du 7 mars 1187, donné par Othon, duc d’Aquitaine et comte de Poitou, en faveur de l’abbaye de la Grâce-Dieu [17], et sous le même nom dans des lettres de Richard Cœur-de-Lion, du 8 mai 1189, en faveur de ce même monastère [18].

Puis, tout au moins jusqu’en 1362, sous le nom de forêt de Argentonio, d’Argenton, dans divers actes relatifs aux droits d’usage que possédaient dans la forêt de Benon, l’abbaye de la Grâce-Dieu et l’Aumônerie de Saint-Gilles de Surgères [19].

En 1233, la paroisse de Saint-Saturnin-du-Bois, qui dut être fondée, comme son nom l’indique du reste, au milieu de la forêt, se trouve sous la désignation de Ecclesia Sancti Saturnini de Argechum [20]), et le prieuré de Saint-Bibien que nous avons relaté plus haut et dont la situation dut être la même à son origine, est dénommé dans un acte du 3 mars 1542-1543, Prieuré de Saint-Bibien d’Argenson-les-Benon [21]. Double indication qui justifie suffisamment que les mots : Ariezhum, Arriacum, Arriazum, Argenchum, Argechon, Argentonium, ne sont que des variantes qui toutes sont venues se fondre dans çette leçon Argentonium, Argentan, Argenson.

En nous reportant au nord, dans le département des Deux-Sèvres, nous voyons une étendue assez considérable de bois (330 hectares environ), qui n’est évidemment qu’un fragment détaché de la forêt primitive, c’est la forêt dite aujourd’hui de la Foye-Montjault dont le nom significatif indique que le hêtre y était l’essence dominante [22].

On la trouve relatée sous le nom de Sylva Argenconium, dans une charte de 1107, par laquelle Guillaume X, duc d’aquitaine, et comte de Poitou, confirme à l’abbaye de Montierneuf le droit d’usage qu’elle avait dans cette forêt [23] et ces droits, ce monastère les possédait encore à la révolution.

Et sous le nom de Sylva de Ariacon, dans un jugement rendu, vers 1135, au profit de l’abbaye de Montierneuf, par des délégués du Saint-Siège, au sujet du prieuré de la Foye-Montjault et des droits qui en dépendaient [24].

Nous n’avons nul besoin de faire ressortir les rapports si étroits existant entre ces deux noms et ceux que nous avons vus appliqués à la forêt de Benon.

En descendant vers l’est, nous .trouvons la forêt de Chizé. Besly dans ses preuves de l’histoire des comtes de Poitou [25], relate en ces : termes, .sous la date de 1069, et d’après une vieille chronique manuscrite, la fondation de l’abbaye de Saint-Séverin (Charente-Inférieure), placée aujourd’hui à une petite distance de la forêt..... Monasterium Sancti Severini canonicorum in nemore Argenti [26]. De ce texte, on doit, croyons-nous, conclure que le lieu où fut fondé ce monastère était placé dans l’intérieur de la forêt et non sur ses bords.

Quoiqu’il en soit, nous nous retrouvons avec une locution connue dans une charte de vers l’an 1128, par laquelle Guillaume X, duc d’Aquitaine, huitième comte de Poitou, donne à l’abbaye de là Trinité, de Poitiers, un bois désigné sous le nom de Ariathonium nemus ; et défend de troubler les religieuses dans la possession de leur terre de Secondigné [27] ;. Ce bois de Ariathonium ne peut être qu’une partie de la forêt de Chizé, aujourd’hui défrichée, en remontant au nord vers Secondjgné et suivant les bords de la Boutonne.

Et enfin, à une époque bien plus rapprochée de nous, nous trouvons la mention suivante dans l’Etat du Domaine royal en Poitou, dressé en 1550 : « Le four de la Sigougne et four de Busserolles avec l’uzage en la fourrest de Chizé ou Dargenzon, tenu du chastel de Chizé, à foy et hommage à une espée blanche du prix de 15 solz paiable a mutation de homme.- Tient Samuel Collas, escuier, sr de Vou. »

Si maintenant nous reportant plus à l’est encore, à l’extrémité du département des Deux-Sèvres, au point où il se soude, pour ainsi dire, à ceux de la Charente-Inférieure et de la Charente, nous retrouvons appliqués aux bois qui couvraient toute cette partie de notre contrée, les mêmes noms sous lesquels nous venons de voir désignées les forêts de Benon, de la Foye-Montjault et de Chizé.

Boson, vicomte de Châtellerault, Guy et Adhémar de la Rochefoucault donnent à l’abbaye de Saint-Florent de Saumur, quelque peu antérieurement à l’année 1070 ; Boscum de Argacho et Ecclesiam Sancti Georgii cum decima totius parochiae [28].

Dans une charte-notice, datée de 1059 à 1070, nous trouvons ces mots Willelmus de Sylva quam Argentiurn vocant, volens fieri monachus dedit Deo et Sancto Florentio de terra de Podio-Oriol et de Bulseria et torchis que de ipsa terra sunt tres partes, etc. [29].

Nous n’avons pu jusqu’à présent recouvrer sur la forêt d’Aulnay qui reliait la forêt de Chizé aux bois dont nous venons de nous occuper en dernier lieu, aucun titre assez ancien pour y retrouver les noms sous lesquels elle était connue aux mêmes époques ; mais nous nous rallions volontiers à l’hypothèse émise par M. Marchegay, qui dit à propos de cette Sylva Argentiurn : « forêt près de Coutures-d’Argenson, dont faisait probablement partie celle qu’on appelle aujourd’hui forêt d’Aulnay ». Cette phrase, émanée d’un homme aussi autorisé, et bien qu’émise sous le bénéfice d’un léger doute, est précieuse pour nous, et nous sommes persuadé que si M. Marchegay eût connu les documents que nous venons d’utiliser, la conviction eût remplacé dans son esprit toute incertitude [30], la ressemblance entre les mots Argenti et Ariathoniimi nemiis d’une part, Argacho et Argenlium de l’autre, et quelques-uns de ceux que nous avons relevés précédemment, est évidente. Du reste, pour que d’un seul coup d’œil on puisse embrasser toutes ces variantes, nous avons dressé les deux tableaux suivants :

1er tableau.— Noms sous lesquels les bois et forêts formant la marche des Santons et des Pictons sont désignés dans les chartes.

Forêt de Benon. 1036. Sylva de Ariezhum

V. 1110. Sylva de Ariacum.

1135-36. Sylva de Arriazum.

V. 1170. Nemus de Argentonio

1233. Ecclesia S. Saturnini d’Argechon.

XIV° s. Forêt d’Argenton et d’Argenson.

1542-43. Prieuré de S. Bibien d’Argençon-lez-Benon.

Forêt de Chizé. 1069. Nemus Argenti.

V. 1128. Ariathonum nemus.

1550. Forêt de Chizé ou Dargenzon.

Forêt de la Foye-Monjault. 1107. Sylva Argenconium.

V. 1135. Sylva de Ariacon seu Arjacon.

Bois de Couture [31]. Ante 1070. Boscum de Argacho.

de 1059 à 1070. Sylva quae Argentium vocant.

2° tableau, par ordre chronologique.

1036. Sylva de Ariezhum. Forêt de Benon.
1059-1070. Sylva quae Argentium vocant. Forêt d’Aulnay ?
1069 Nemus Argenti. Forêt de Chizé.
Ante 1070. Boscum de Argacho. Bois de Coutures.
1107. Sylva Argenconium. Forêt de la Foye-Monjault,
V. 1110. Sylva de Ariacum. Forêt de Benon
V. 1128. Ariathonium nemus Forêt de Chizé
V. 1135. Sylva de Ariacon. Forêt de la Fove-Monjault
1135-36. Sylva de Arriazum. Forêt de Benon
V.1170. Nemus de Argentonis  » »
1179.  » »  » »
1187. Sylva de Argenchum.  » »
1189. Sylva de Ariansum.  » »
1221. Prior de Brolio de Arjençon.  » »
1233. Eccl. S. Saturnini de Argechon. S. Saturnin du Bois
1542-43. Prieuré de S : Bibien d’Argenson-lez-Benon. (?)
1550. Forêt de Chizé ou Dargenzon.
XIXe siècle. Coutures d’Argenson

N’est-ce pas un fait bien remarquable que de voir des localités placées au sein de ces bois et à leurs deux extrémités les plus opposées retenir ce nom d’Argenson comme un souvenir ? N’est-ce pas dire que c’était bien la même forêt au milieu de laquelle furent fondés, à l’ouest, l’église de S. Saturnin de Argechon, le Prieuré de S. Bibien d’Argenson, et le bourg de Coutures d’Argenson à l’est. Nous avons du reste relevé assez de jalons intermédiaires pour que, croyons-nous, le doute soit encore possible.

 § III.

Parvenus au terme de notre course, résumons en peu de mots le but que nous voulions atteindre et les conséquences que l’on peut tirer de notre travail.

Les Santons et les Pictons, fidèles, aux usages des autres peuples de la Gaule et de la Germanie, ont dû laisser, croître sur leurs frontières, pour délimiter leurs possessions, l’immense étendue de bois que nous venons de parcourir, et dont nous avons essayé de tracer les contours [32].

Cette vaste forêt ne pouvait être qu’une espèce de terrain neutre sur lequel ni l’une ni l’autre des tribus riveraines ne pouvait se prévaloir d’un droit de possession exclusif, chacune d’elles défrichant et cultivant à son gré les seules parties avec lesquelles elle se trouvait en contact immédiat.

Après la conquête romaine les choses se modifièrent, les limites des cités furent tracées d’une manière plus rigoureuse, et ce ne dut être qu’à cette époque, croyons-nous, que le territoire des Pictons, franchissant la ligne des bois qui forme encore aujourd’hui les bois d’Availles et les forêts d’Aulnay et de Chef-Boutonne, se vit attribuer les terrains occupés maintenant par les communes d’Aulnay, de Blanzay-sur-Boutonne, de Chïves, de Contré, de Dampierre-sur-Boutonne, des Éducts, des Gours, de Lupsault, de Romazières, de S.-Mandé alias St-Brice, de S.-Georges-de-Longepierre, de S.-Séverin, de Saleignes, de Salles-lez-Aulnay, de la Villedieu d’Aulnay, de Villiers-Coutures et de Vinax, dans les départements de la Charente-Inférieure et de la Charente ; tandis que, plus à l’ouest, la forêt de Chizé lui servait toujours de frontière [33].

Nous avons naguères traité cette question devant vous à un autre point de vue [34] et nous sommes arrivé aux mêmes conclusions, bien que nous appuyant sur des preuves d’un genre différent, dans un Opuscule auquel on a bien voulu accorder quelque intérêt géographique ; à vous, Messieurs, de décider si celui que nous venons d’avoir l’honneur de soumettre aujourd’hui à votre haute appréciation peut aller de pair avec son devancier.

 Appendice

Pour compléter notre travail, nous croyons qu’il n’est pas sans intérêt de rechercher quelles essences de bois peuplaient la forêt dont nous venons de parcourir l’immense étendue, et quelles furent les principales causes des défrichements qui la morcelèrent. C’est à quoi nous allons consacrer ces deux derniers paragraphes,

 §IV

Nous voyons, par la Réformation des forêts du Poitou [35], qu’au XVIIe siècle la forêt de Chizé était plantée « moitié en chesne et moitié en fayans ou hêtres, airables, charmes, agers, aliziers, cerisiers, pommiers, cornoliers, ormes, coudres, espines, aubépines, suzeaux, etc. ; » et celle d’Aulnay en « chesnes, fayans, charmes, espines, aubépines, pommiers, cornoliers, cormiers, coudriers,.etc. »

Dans le chapitre consacré aux bois et forêts, par M. le baron Dupin, dans sa remarquable statistique du département des Deux-Sèvres, qui date des premières années du siècle [36], nous lisons que les forêts d’Aulnay et de Chizé se composent des essences chêne et hêtre, que celles de la Foye-Montjault, de Chef-Boutonne et les bois d’Availles d’essence chêne seulement.

En étudiant les noms que portent encore aujourd’hui quelques bois et un certain nombre de villages, fermes ou hameaux dans des plaines qui sont maintenant et de temps immémorial complètement défrichées, on retrouve sans peine des traces toujours vivantes de l’existence de plusieurs de ces essences.

Nous ne reprendrons pas ici la longue nomenclature des noms de lieux ou de bois que nous avons déroulée au § 2, nous nous contenterons de constater d’après elle qu’en s’en rapportant à la fréquence des répétitions du nom d’une essence sur certain point, on doit en conclure que l’espèce de cet arbre y était prédominante.

Ainsi, on doit supposer que ce devait être le chêne à l’ouest du cours de la Boutonne, en y voyant les mots chagnée et chagnasse quatorze fois répétés, tandis qu’on ne les trouve que deux fois et une fois chagnolet à l’est de cette rivière.

Quant au hêtre, on le voit suivre la ligne entière de la forêt et presque toujours sur la lisière du sud, sous les noms de la faye, la foye, la. féolle, la fiolle, la fayolle et fiollet neuf fois répétés.

Le cormier ne se trouve représenté que par le bourg du Cormenier et le hameau de la Cormière, commune de Belleville.

Le cornouiller, deux fois et seulement dans le département de la Charente-Inférieure.

L’aubépine, deux fois, à l’ouest par L’Aubépine, commune d’Amure, et au milieu par le May, commune de Chérigné.

L’épine noire, dans le moulin de L’Epine, commune de Chérigné, et L’Epinou, commune de Véré, l’un et l’autre au milieu de la forêt, mais le premier au nord et le second au midi.

Le houx est rappelé par le village des Coux [37] de la commune de Chives.

Le noisetier, cinq fois sous la dénomination de la Coudre, le Coudré, le Coudret et les Coudrées.

La présence du frêne se trouve rappelée par la ou les Fragnées que nous avons relevé huit fois.

Celle de l’orme, trois fois seulement, par l’Ormeau, Oulmes et les Hommes.

Le saule, dit sauze en patois, deux fois dans la sauzée, la fougère se trouve encore dans les fougères, et enfin dans le pinier, deux fois répété dans le département de la Charente-Inférieure, on retrouve l’existence du pin à l’état sauvage ; dans une contrée où cet arbre n’existe que par des semis faits récemment.

 §V.

Les causes auxquelles on peut attribuer les nombreux et vastes défrichements qui ont amené successivement le morcellement de cette immense étendue de bois, sont, croyons-nous, au nombre de trois principales :

- 1° Les travaux de l’agriculture et surtout la culture de la vigne ;
- 2° L’établissement des Romains et l’ouverture de leurs voies ;
- 3° Le grand nombre d’établissements religieux qui existaient dans son sein ou sur ses lisières.

I.

En dehors des motifs communs à toute la Gaule, qui firent que l’homme a mesuré qu’il faisait quelques pas vers la civilisation, préférait l’agriculture à la chasse, qui était dans le principe son unique occupation et presque sa seule ressource pour satisfaire à ses principaux besoins ; nous devons ajouter pour la partie habitée par les Santons, la culture de la vigne qui dut, pensons-nous, devenir promptement une des principales occupations de ses habitants.

Les Gaulois aimaient avec passion les boissons fortes et enivrantes, et la vigne importée dans la Gaule par les Marseillais dut s’y répandre promptement et surtout parmi un peuple dont le sol était si admirablement préparé pour son acclimatation et sa culture.

Pline, il est vrai tout en parlant des vins de son temps, et relatant ceux que l’on récoltait dans le midi de la Gaule, chez les Bituriges et chez les Arvernes ne cite point ceux de la Santonie, est-ce à dire pour cela que la culture de la vigne y était encore inconnue, nous ne le pensons pas. En effet, en lisant les chartes des Xe, XIIe, XIIIe siècles, etc, on constate dès lors l’existence de vignobles nombreux et étendus et on ne peut se refuser à croire que bien avant la conquête cet arbuste n’y fut cultivé sur une large échelle.

Il.

Les Romains s’établirent en grand nombre, dans la contrée qui nous occupe, citons pour la partie méridionale : Bernay, Saint-Martin de la Coudre, Loulay, la Chapelle-Bâton, les Educts, etc., pour la partie septentrionale : Périgné,. Brioux, Javarzay, Bouin, Loubillé, Potonnier (même commune), et bien d’autres, que nous négligeons pour ne pas allonger cette aride nomenclature. Puis, pour mettre en rapport direct et facile les principales, villes, ils tracèrent les magnifiques voies qui portent leurs noms. Plusieurs traversaient la forêt frontière, nous allons les passer rapidement en revue.

- 1° Voie de Saintes à Nantes.

Pour ne pas allonger démesurément cet appendice nous ne la prendrons, ainsi que celles qui vont suivre, qu’à la limite de la forêt.

Partant de Malevault [38], nous la voyons courant au nord pour ainsi dire en ligne droite passer : à la Chaussée, commune de Saint-Félix ; à la petite Chaussée, commune de Marsay, à Usseau [39], d’où elle se dirigeait par le bois de la Chapelle-Ferrée, sur la chaussée d’Epannes, dite le pont de Cese (pons Caesaris ?) d’où elle rejoignait Coulon puis Benet, etc.

- 2° Voie de Saintes à Poitiers :

L’assiette de cette voie, du moins dans la partie qui nous intéresse, a été presque toujours empruntée par là route nationale de Saintes à Poitiers.

M. Rondier, notre regrettable confrère, dans le travail qu’il a consacré à la reconnaissance de cette voie, constate l’existence d’un chemin ancien dont il n’hésite pas à attribuer la construction aux Gaulois.

- 3° Voie d’Aulnay à Limoges :

Cette voie qui probablement, dans l’origine, était celle de Saintes à Limoges, qui à Aulnay se détachait de la voie de Saintes à Poitiers, se dirigeait à l’est par les Educts où l’on trouve des débris Romains ; là elle se bifurquait, une des branches marchait sur Limoges, par Villiers-Coutures, les Gours, Saint-Fraigne, Charmé (mansio Sermicomagus, etc.) ; l’autre, allant par Charroux se relier aux voies qui mettaient en communication Lemuno et Avaricum, suivait une ligne indiquée par Romazières, Coutures-d’Argenson, Longré, Brettes, Villefagnan et Ruffec.

M. l’abbé Lacurie, dont nous avons déjà cité le nom avec éloge, a reconnu le prolongement de cette voie dans la direction de l’Océan et vers Angoulins, ce prolongement dont nous ne connaissons pas la direction précise, devait, pensons-nous, suivre une ligne passant par Dampierre, Saint-Félix, Surgères, la Croix-Chapeaux, etc. [40].

Un seul coup d’œil jeté sur la carte qui accompagne ce travail, fera voir quels larges défrichements ont été la conséquence de la percée de ces routes.

III.

Enfin, pour terminer, nous citerons les établissements monastiques qui se pressaient en si grand nombre, tant sur les bords qu’au sein même de la forêt, dont ils furent les plus ardents destructeurs, c’était l’Abbaye de la Grâce-Dieu, fondée par saint Bernard, avec le concours de Guillaume X, duc d’Aquitaine, celle de Saint-Séverin dont nous avons relaté déjà la date de la fondation in Nemore Argenti ; ce qui dénote qu’à cette époque ce-terrain si découvert aujourd’hui, était entièrement couvert de bois. Rappelons en passant que de la charte de fondation de l’abbaye de Montierneuf, dont nous avons donné un long extrait (n° 3, p.6), il ressort que toute la contrée environnant la Foye-Montjault n’était à cette époque qu’une vaste forêt, et en suivant sur la carte, on voit encore les prieurés de : Saint Georges-de-Rex, d’Amuré, de Mauzé-sur-le-Mignon, de Frontenay, de la Foye-Montjault, de Gript, de Granzay, de Fors, de Marigny, de Juillé, le domaine des Fosses, appartenant aux religieuses de Sainte-Croix de Poitiers, celui de Secondigné à l’abbaye de la Trinité de la même ville, l’hôpital de Chizé, les prieurés d’Availles et de Villiers-sur-Chizé, la Commanderie d’Ensigné (Ordre de Malte), les prieurés d’Aubigné, de Loubillé, de Coutures, de Saint-Fraigne, etc.

Et sur la lisière septentrionale : les prieurés de Bouhet, de Saint-Bibien, de Surgères et les couvents qui s’y trouvaient, le prieuré de Dampierre-sur-Boutonne, les couvents d’Aulnay, les prieurés d’Oulmes, de Romazières, de Saleignes, de Sephons, etc., etc., formant, pour ainsi dire, une ligne non interrompue de travailleurs acharnés au défrichement de la forêt, afin de léguer à leurs successeurs, pour unique récompense de leurs sueurs et de leurs travaux, — un pays riche et fertile, la civilisation et la vie

Une réflexion en terminant.
A la page 348, M. Maury dit : « La partie du Poitou qui répond au sud du département des Deux-Sèvres, a pareillement subi de larges défrichements, qui ont partagé en lambeaux l’ancienne marche arborescente des Pictaves et des Santons ; lambeaux qui ont donné naissance à la forêt de l’Hermitain, à celle de Chef-Boutonne, aux bois de Melle, Celles et Saint-Léger. »

En ce qui concerne la forêt de Chef-Boutonne qui touche à la forêt d’Aulnay, M. Maury est dans le vrai, pour les bois de Celles peut-être, nous en avons dit quelques mots précédemment ; mais pour les bois de Melle et de Saint-Léger, mais pour la forêt de l’Hermitain surtout, nous ne pouvons accepter la manière de voir du savant académicien, et nous y reconnaissons les faibles restes de cette vaste forêt de Saura au milieu de laquelle saint Maixent bâtit sa cellule, origine de la ville qui porte son nom.

Henri BEAUCHET-FILLEAU


[1Pages 348 et 372.

[2L’examen des cartes donnerait à penser que la forêt de Tusson se reliait elle-même à celles de Saint-Amand-de-Boixe, de Braconne et de Bois-Blanc, et qu’à l’est, comme au nord pour les Pictones, les Santones étaient séparés de leurs voisins, les Lemovices et les Petrocarii, par une large ceinture de bois dont ces forêts ne seraient que les débris,

[3Page 372. Lieu cité.

[4L’existence de ce vaste golfe qui, partant de Talmond (Vendée), remontait jusqu’à Maillezais tout au moins, pour venir aboutir à Esnandes (Charente-Inférieure), a été reconnue et démontrée par M. l’abbé Lacurie, de Saintes.

[5Voir sur ce point notre opuscule intitulé : Etude sur un point de géographie gauloise. Mémoires lus à la Sorbonne.— Archéologie. — Volume de 1868.

[6On pourrait croire que les bois de Celles (communes de Celles, de Beaussais et de Saint-Martin-les-Melle) ne sont qu’un rameau détaché de la forêt dont nous nous occupons. Les noms de Teil (Tilleul), de la Touche, de la Gresolle, (le Groseiller en patois Poitevin), de Chaumeau, des Hommes (des Ormes) de la Forêt, de Boisrenoux, du Genêt, du Luc (Lucus bois sacré) du Bouchot et du Petit-Bois que portent des fermes et des villages des communes de Périgné, de Montigné, de Sainte-Blandine, de Verrines et de Saint-Martin-les-Melle et les assez nombreux bouquets de bois qui se trouvent sur ces communes peuvent peut-être apporter quelques preuves a l’appui de cette opinion.

[7Nous orthographions ainsi ce nom de lieu, bien qu’on l’écrive maintenant le Bois-au-Pin, parce que, d’actes du XVIIe siècle, il résulte qu’il doit son nom à une famille Aulpin qui le possédait à cette époque

[8Comme on le verra plus loin, les bois où fut fondé le village de Coutures portait en 1070 le nom d’Argacho, d’où le mot Argenson ajouté en forme d’adjectif à celui de cette localité, ce qui signifie, nous l’avons dit autre part, défrichement dans la forêt d’Argenson.

[9Mss. de D. Fonteneau, t. xv, p 333.

[10L’abbaye de Montierneuf, de Poitiers possédait dès son origine le prieuré de Bouet (Charente-Inférieure), et celui de la Foye-Montjault (Deux-Sèvres), dont nous parlerons plus loin. Voici ce que nous lisons dans la charte de sa fondation (du 28 janvier 1077), par Guillaume VIII, duc d’Aquitaine, comte de Poitou :
Dono in territorio Santonensi …. revestituram de Faia et de Ussello, et revestituram de Cormer et terram et sylvam a via quae transit per Carretam usque ad viam quae transit per Ussel totum ab integro quod ad me pertinebat et medietatem pedagii de Ussel. Similiter dono et concedo revestituram de Boeth cum quaesitis et acquirendis et vineis ejusdem villae contiguis Besly, comtes de Poitou, p. 467.

[11Mss. de D. Fonteneau, t. XIX, p. 105.

[12Mss. de D. Fonteneau, t. XXVII bis, p. 761.

[13Mss. de D. Fonteneau, t. IX, p. 19. A l’époque à laquelle les Bénédictins rédigeaient le Gallia christiana. la partie de la forêt de Benon qui environnait l’abbaye et qui était déjà complètement défrichée lorsque Cassini traçait sa carte, portait le nom de Bois-L’abbè sans doute parce qu’elle dépendait de la mense abbatiale de ce monastère. Gal. christ., t. II, col. 1397 E, Inst., col. 387 F. N. Le Gallia christiana écrit Ariansum et Arianzum.

[14Mss. de D. Fonteneau, t. IX, p. 23.

[15Mss. de D. Fonteneau, t. I, p. 269.

[16Mss. de D. Fonteneau, t. XXV. p. 827.

[17Mss. de D. Fonteneau, t. IX, p. 33.

[18Gallia christiana, t.II. Inst., col, 388-B.

[19D. Fonteneau, dans l’énoncé de deux chartes relatives à l’Aumônerie de Saint-Gilles de Surgères (mai 1269 et 12 août 1362 (t. 27 ter, p. 597 et 601), traduit Sylva de Argentonio, par forêt de Chizé. Nous avons inutilement cherché le nom de cet établissement charitable dans les procès-verbaux de la réformation des forêts du Poitou, par MM. Colbert et Barentin ; c’est bien plutôt de la partie de l’ancienne forêt de Benon, aujourd’hui connue sous le nom de Bois de Surgères, qu’il doit être question dans ces titres ; mais ceci pourrait faire croire qu’à l’époque où D. Fonteneau écrivait, lui d’ordinaire si exact, la forêt de Chizé était également et encore désignée sous le nom de Forêt d’Argenton, et de là son erreur, mais ce serait aussi une nouvelle preuve apportée à l’appui de notre thèse.

[20Mss. de D. Fonteneau, t. XIX. p. 395.

[21Mss, de D. Fonteneau, t, XXIII.p. 581.

[22Ce nom de Montjault, traduction libre du mot Monachalis, Faya Monachalis lui venait de ce qu’elle fut donnée aux moines de l’abbave de Montierneuf, lors, de sa fondation. Nous avons transcrit plus haut un extrait de cette charte, dont nous ne rappellerons que ce passage : Dono…. terram et sylvam a via quae transit per Carretam, usque ad viam quae transit per Ussel, ce qui indique en partie l’étendue de cette forêt au XIe siècle.

[23Mss. de D. Fonteneau, t. XXVII bis, p. 759.

[24Le Gallia christiana qui relate cette pièce, t. II. Inst., col. 355 H, écrit Sylva quae vocatur Arjacon et met en marge Argenson.

[25Page 447

[26Cette désignation, Nemus Argenti, n’est-elle point, une faute d’impression, comme il en existe un si grand nombre dans le travail de Besly, qui ne fut publié qu’après sa mort par des éditeurs négligents qui ne se donnèrent pas la peine de réviser les textes.

[27Mss de D. Fonteneau : t, XXVIII, p. 71.

[28Chartes de Saint-Florent, éditées dans le 2e volume des Archives historiques du Poitou, p. 102. Cette église de Saint-Georges fut celle du prieuré, celle de la paroisse était et est encore sous le vocable de saint Nicolas. On retrouve un peu plus loin mention du bourg actuel de Coutures,.. prope villam tamen que postea ibi edificata est et Culture appellata

[29Id., id. p. 106.

[30Nous avons relevé dans le Gallia Christiana (t. 2, col. 1268. B.), la mention suivante : « Hulricus (Abbas Monasterii-Novi Pictavensis) composuit anno 1221, cum priore de Brolio de Arjencon, super decima de Jarreia ». Où est situé ce prieuré du Breuil d’Argençon, nous l’avons inutilement cherché sur les cartes de Cassini et du Dépôt de la guerre. Nous le croyons en Saintonge ou en Aunis. Mais quelle que soit du reste sa position, ce passage prouve qu’à l’époque de la rédaction du Gallia Christiana ce nom d’Argenson était encore usité dans la contrée pour désigner soit la forêt de Benon, soit celles qui n’en sont que le débris ou la continuation vers l’est.

[31Et probablement d’après M. Marchegay, forêt d’Aulnay,

[32De S.-Jean de Liversay à S. Fraigne il y a ; à vol d’oiseau ; 86 kilomètres, et la moyenne de la largeur de la forêt dont nous venons de : donner les deux points extrêmes, en négligeant la forêt de Tusson, est de 25 kilomètres, ce qui représente une superficie de 223.600 hectares carrés.

[33Ce sont les limites du diocèse de Poitiers avant le Concordat, et nous n’ayons pas besoin de rappeler ici que l’on est aujourd’hui d’accord pour retrouver l’étendue des cités de l’époque romaine dans celle des anciens diocèses.

[34Dans notre Etude sur un point de géographie gauloise. Voir Mémoires lus à la Sorbonne en l’année 1867 (Archéologie). Volume paru en 1868.

[35La Réformation générale des forêts et bois de Sa Majesté de la province de Poictou, par Messieurs Colbert et Barentin, conseillers du Roy en tous ses conseils, Maîtres des Requestes ordinaires de son Hostel, Commissaires départis pour l’exécution de ses Ordres dans la Généralité de Poictiers et pour ladite Réformation.
A Poictiers, de l’Imprimerie de Jean Fleuriau, Imprimeur et Libraire ordinaire du Roi, de la Ville et Université. M. DC. LXVII (in-f°).

[36Mémoire Statistique du département des Deux-Sèvres, adressé au Ministre de l’Intérieur, d’après ses instructions, par le citoyen Dupin, Préfet de ce département.
Publié par ordre du Gouvernement.
A Paris, de l’Imprimerie de la République (in-f°).

[37Du mot patois Coussat, houx.

[38Commune de Saint-Martin de la Coudre.

[39Cette voie était encore fréquentée au XI° siècle ; On voit en effet dans la charte de fondation de l’abbaye de Montierneuf, que Guillaume VIII limite la donation qu’il fait à ce monastère à via quae transit per Carretam (la Charrière) usque ad viam quae transit per Ussel. (Voir plus haut f° 6, note 3).
Quant à cette voie passant, par la Charrière, elle n’a pas encore été étudiée, mais nous pensons qu’elle devait, partant d’Angoulins, point important sur l’Océan à l’époque romaine, se diriger sur Melle, et mettre ainsi Poitiers qui en avait une sur cette ville en communication directe avec les côtes

[40En raison de cette incertitude nous ne l’avons pas tracée sur notre carte.

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