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1447 - Les moines de l’aumônerie Saint-Gilles de Surgères réintégrés dans leurs droits sur la forêt de Benon

lundi 16 avril 2012, par Pierre, 726 visites.

Le droit d’usage du bois de la forêt de Benon est contesté aux moines de l’aumônerie de Saint-Gilles de Surgères par Pierre Chanion, administrateur du château de Benon. Les moines ont grand besoin de bois pour chauffer et entretenir les pauvres qui affluent dans leur aumônerie. Dans le procès présenté ici, ils défendent leur droits et obtiennent gain de cause.

Cette intense exploitation de la forêt contribuera à sa lente disparition. Voir : La Sylve (forêt) d’Argenson entre Santons et Pictons, histoire d’une disparition

Source : Histoire politique, civile et religieuse de la Saintonge et de l’Aunis - T3 - Daniel Massiou - Saintes - 1846 - Google livres

Louis d’Amboise, vicomte de Thouars, seigneur de l’île de Ré, de Marans et de Benon, était rentré en grâce auprès de Charles VII qui, par des lettres données à Tours au mois de septembre 1438, avait annulé l’arrêt de confiscation rendu contre lui par le parlement de Poitiers , et l’avait rétabli dans la possession de ses domaines. Le vicomte de Thouars avait anciennement promis de marier Françoise, sa fille aînée, à Pierre, second fils du duc de Bretagne. Long-temps entravée par les persécutions que Louis d’Amboise avait essuyées de la part de Georges de la Trimouille, cette union fut enfin scellée en 1441. Françoise de Thouars reçut en dot le comté de Benon avec quatre mille livres de rente sur l’île de Ré. Le connétable de Richemont, qui avait négocié le mariage , institua, à cette occasion, pour son héritier, Pierre de Bretagne, son neveu, et lui donna même, de son vivant, la terre de Chatelaillon, en Aunis, et quelques autres seigneuries [1].

Par ce mariage Antoine de Clermont, héritier du vieux chambellan Jacques de Surgères, était devenu vassal de Pierre de Bretagne pour sa terre de Manderoux , l’une des mouvances du comté de Benon. Ce gentilhomme, par un acte d’aveu tel que le vassal était tenu d’en faire à chaque mutation de seigneur, reconnut, au mois de février 1447, qu’il tenait son hébergement et sa forteresse de Manderoux, sise en la paroisse de Forges, à foi et hommage lige de très-noble et très-puissant seigneur Pierre de Bretagne, comte de Benon, à cause de madame sa femme et au devoir d’un barbotin d’or quérable chaque année au jour de Saint-Michel

Je Antoine de Clermont, seigneur de Surgiéres, tiens et advouhe tenir, à un barbotin d’or quérable du debvoir annuel au jour Saint-Michel, de très-noble et très-puissant seigneur, monseigneur Pierre, fils du duc de Bretaigne, seigneur de Guingand, château et comté de Benon, à cause de madame sa femme, mon hebergement et forteresce de Manderoux, situé en la paroisse de Forges, etc. Donné au mois de février l’an 1447.

(Mss. archiv. du château de Benon.)

Antoine de Clermont en fut quitte pour remplir, envers son nouveau suzerain , le devoir de vassalité : mais le passage du comté de Benon dans de nouvelles mains faillit devenir funeste aux chanoines aumôniers de Saint-Gilles de Surgères. Pierre de Bretagne avait, en 1443, commis à la garde de son château de Benon un chevalier appelé Pierre Chanion. Ce capitaine s’avisa d’interdire aux chanoines de l’aumônerie de Surgères l’exercice des droits d’usage qu’ils avaient dans la forêt de Benon. Les chanoines ajournèrent devant le parlement de Paris le comte de Benon en la personne de Pierre Chanion, son lieutenant.

Carolus, etc. Notum facimus quod, constituas in nostra parlamenti curia dilectis nostris canonicis et capitulo ecclesiae haelemosinariae S. Aegidii de Surgeriis et prioratu ipsius ecclesiae, contentioso existente in casu excessuum et attemptorum actoribus, et a Petro Chanion, pro capitaneo castri comitatus de Benone se gerante, appellantibus, procuratore nostro generali, respectu eorumdem excessuum et attemptorum, cum eis adjuncto ex una parte, et dicto Petro Chanion defensore et appellato ac carissimo nepote nostro, Petro de Britannia, dicti comitatus de Benone comite, intimato ex parte altera, etc.

(Mss. archiv. des PP. Minimes de Surgères).

Par l’organe du procureur général du roi il fut exposé, pour le chapitre de Saint-Gilles de Surgères, que cette aumônerie avait été fondée par la duchesse Aliénor d’Aquitaine et par le duc Guillaume, son père , comte du Poitou : que depuis , et en vertu de la charte de fondation , deux grandes messes étaient célébrées chaque jour dans l’église de Saint-Gilles, avec matines, vêpres et autres heures canoniales, vigiles des morts et tout ce qui constituait le service ordinaire des églises cathédrales ou collégiales : qu’en outre, tous les pauvres ou infirmes qui se présentaient à l’aumônerie y étaient reçus, chauffés et nourris conformément à la même charte de fondation.

Pro parte dictorum actorum propositum fuit quod dicta ecclesia et haelemosinaria S. Aegidii per Alienorem reginam et ducissam Aquitaniae ac patrem suum, vocatum Guillermum, comitem Pictavorum ac Xantonensium ac dominam castri et comitatus de Benone, fundata extiterit, in ipsaque haelemosinaria per quemlibet diem de ejus fundatione doas magnae missae matulinae, vesperae omnesque horae canoniales et vigiliae mortuorum cum omni alio servitio in una ecclesia cathedrali vel collegiata fieri solito celebrabantur et decantabantur, necnon pauperes qui in dicta haelemosinaria affluebant in ea, ex praedicta ipsius fundatione, recipiebantur, et calefaciebantur et alimentabantur.

(Mss. Archiv. des PP. Minimes de Surgères.)

L’avocat du roi ajouta que, pour subvenir aux frais du service divin, à la nourriture des pauvres et aux autres charges qui leur étaient imposées, l’église et l’aumônerie de Surgères avaient été dotées, par plusieurs princes et seigneurs, et notamment par leurs fondateurs Guillaume et Aliénor, de plusieurs domaines et hameaux avec leurs dépendances, sur lesquels les religieux de Saint-Gilles avaient droit de juridiction, et de nombre de privilèges, franchises, libertés, noblesse et prérogatives seigneuriales.

Pro dictis servitio divino, subjectione et alimentatione et aliis oneribus, quae ad factum pradictae haelemosinariae necessaria erant, supportandis, ipsa haelemosinaria pluribus magnis domaniis, haereditariis et villagiis cum suis pertinentiis, in quibus pradicti actores jurisdictionem habebant, ac juribus, privilegiis, etc., quae eidem ecclesiae et actoribus, per plures principes et domines xantonenses et antedicti comitatus de Beneone, et praesertim per supradictos Guillermum et Alienorem concessa extiterant, dotata fuerat.

(Mss. archiv. des PP. Minimes de Surgères.)

qu’entre autres droits à eux légués, ils avaient celui de faire pacager leurs bestiaux dans la forêt du comté de Benon, d’y prendre et ramasser, faire prendre et faire ramasser tout le bois nécessaire tant pour le chauffage des pauvres et l’usage journalier de l’aumônerie, que pour les constructions et réparations de l’église, du monastère et des bâtimens qui en dépendaient, droit dont ils avaient joui, dans tous les temps, sans empêchement ni contradiction aucune.

Quod dicti actores, inter caetera jura ad eos pertinentia, jus habebant in forestà dicti comitatus de Benone perpetuo explectandi et in ea sua animalia pasci faciendi, nec non lignum seu nemus, tam pro dictorum actorum et pauperum calefactione, quam pro dictae haelemosinariae ac locorum ab et dependentium aedificatione, capiendi, colligendi, ac de hujus modi juribus, absque aliquibus impedimento et contradictione, semper usi et gavisi fuerant.

(Ibid.)

Il rappela qu’à l’époque où les officiers royaux étaient venus tenir les grandes assises à la Rochelle, ils avaient fait publier que tous ceux qui prétendaient avoir droit d’usage dans la forêt du comté de Benon, qui alors était incorporé au domaine royal, eussent à produire leurs titres de privilège : que le prieur et le frère aumônier de Saint-Gilles s’étant présentés à la Rochelle devant les délégués du roi, et leur ayant montré les chartes qui constataient leur droit, les officiers, après avoir ouï le procureur en la sénéchaussée de Saintonge ou son substitut, avaient congédié le prieur et l’aumônier avec plein pouvoir d’user de leur privilège : qu’ils en avaient usé, en effet, sans aucun trouble tant que le comté de Benon était demeuré sous la main du roi, comme depuis qu’il avait passé dans celles du vicomte de Thouars.

Dicebant insuper quod dudùm eo quod officiarii nostri villas nostrae Rupellœ in praedicto comitatu de Benone, cujus dominium ad nos tunc applicatum existebat, magnas assisias tenuerant, et in eis omnes illi qui jus usagii in dicta foresta habere praetendebant, sua privilegia monstrarent et exhiberent eis publice proclamare fecerant, prior jamdictae ecclesiae et haelemosinarius erga dictos officiarios nostros in dicta villa nostra Rupellae se transportaverant ac eis sua dicta privilegia ostenderant : quibus visis iidem officiarii nostri, vocato procuratore nostro in provincia nostra xantonensi vel ejus substituto, dictis actoribus plenariam liberationem de dicto eorum usagio fecerant, medio cujus liberationis iidem actores depraedicto suo usagio pacifice et quiete gavisi fuerant.

(Mss archiv, des PP. Minimes de Surgères)

Le magistrat termina en disant que le vicomte de Thouars ayant donné le comté de Benon à sa fille en la mariant à Pierre de Bretagne, celui-ci , après avoir pris possession de sa nouvelle seigneurie, y avait institué des officiers chargés de rendre la justice à ses vassaux : que ces justiciers ayant, peu de temps après, tenu leurs assises au chef-lieu du comté, avaient fait mander près d’eux les religieux de Surgères, ainsi que tous ceux qui, comme eux, exerçaient des droits d’usage dans la forêt de Benon, et leur avaient fait défense d’user davantage de ces droits, jusqu’à ce qu’ils eussent justifié, devant la cour, des lettres, titres et autres actes qui leur en conféraient la jouissance.

Praterea dicebant quod sex anni vel circa erant quod dictus carissimus consanguineus noster vicecomes de Thoarcio in flliae suae ac antedicti carissimi nepotis nostri Petri de Britannia matrimonio contrahendo, praedictum suum comitatum eidem carissimo nepoti nostro tradiderat, qui, hoc titulo, officiarios suos, pro ejusdem comitatus justiciae exercitio, ordinaverat, et quod, paulo post, iidem officiarii magnas assisias in dicto comitatu tenuerunt, et in ipsis praefatis actoribus ac omnibus aliis qui usagium in praedicta foresta habere pratendebant, ne ipsi amplius in ejus modi foresta explectarent, donec curiam ejusdem comitatus de suis titulis informassent, etiam inhiberi fecerant.

(Mss. archiv. des PP. Minimes de Surgères.)

qu’alors les moines de Saint-Gilles ayant mis leurs titres de privilège sous les yeux du juge et du châtelain de Benon, ces officiers, après en avoir pris lecture, avaient pleinement confirmé, par leur sentence, le droit de l’aumônerie, laquelle avait dès lors continué d’en jouir paisiblement jusqu’en l’année 1443 : qu’à cette époque la garde du château de Benon ayant été confiée à Pierre Chanion, ce capitaine et ses lieutenans n’avaient cessé de troubler les religieux de Saint-Gilles dans l’exercice de leur droit et avaient même fini par leur en interdire absolument l’usage.

Iidem actores dictos suos titulos et privilegia erga judicem et castellanum dicti comitatus de Benone transmiserant, quodque judex et castellanus, visis titulis et privilegiis, dictis actoribus praedictum suum usagium per suam sententiam plenarie liberaverat : licet exinde ipsi actores de eorum usagio usque ad annum 1443 vel circà gavisi fuissent, nihilominus praefatus Petrus Chanion ac caeteri supradicti comitatus de Benone officiarii eosdem actores in pradicto suo usagio impedire conati fuerant, etc. , etc. Datum Parisiis in parlamento 5 die septembris anno 1447.

(Mss. archiv. des PP. Minimes de Surgères.)

Après avoir ainsi exposé leurs griefs par l’organe de l’avocat du roi, les chanoines de Surgères mirent sous les yeux de la cour les titres constitutifs de leurs privilèges. Leur plainte était trop légitime pour n’être pas accueillie. Ils furent pleinement réintégrés, par arrêt du 5 septembre 1447, dans l’exercice du droit qu’ils revendiquaient.


[1Les frères de Sainte-Marthe. Hist. généalog. de la Maison de France, tom. II. p. 499.

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