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1781 - Cellefrouin, Rouillac, Genac, St Cybardeaux (16) - Bizutages et fêtes patronales interdits par le Parlement de Paris

lundi 9 avril 2007, par Pierre, 2252 visites.

4 MAI 1781. — ARRÊT DU PARLEMENT SUR DIVERSES BACHELLERIES

Le Parlement de Paris interdit les "bachelleries", jeux de bacheliers, ancêtres des bizutages, les fête patronales et leurs danses "baladoires" dans les paroisses de Cellefrouin, Rouillac, Saint-Cybardeaux, et Genac.
Et pourtant, une pratique consistant à réunir un tribunal fictif pour désigner une sorte de bouc émissaire accusé de pratiques fantaisistes comme noyer les lièvres dans un tamis, faire brûler les poissons dans la rivière, etc. semble aujourd’hui bien anodine. Mais l’ordre moral veille, et l’humour et la fête sont mis à l’amende ...

Source : document cité dans Bulletins et Mémoires de la Société Archéologique et Historique de la Charente - Année 1908-1909

 Arrest de la cour de Parlement

 : qui fait défenses à toutes personnes, de quelqu’état et condition qu’elles puissent être, de s’assembler ni de s’attrouper, sous quelque prétexte que ce puisse être, le jour de Pâques, dans la paroisse de Rouillac, le jour de la Pentecôte dans la paroisse de Cellefrouin, et le jour de Noël et les deux fêtes suivantes dans la paroisse de Genac et dans la paroisse de Saint-Cybardeau, pour jeter aucunes personnes dans l’eau, soit pour jouer à la boulle, soit pour battre du tambour et danser, soit pour exiger aucunes sommes des personnes qu’ils peuvent rencontrer ;

Fait pareillement défenses, tant aux habitants des dites paroisses de Rouillac, de Cellefroin, de Genac et de Saint-Cybardeau, qu’aux habitans des autres paroisses situées dans l’étendue de la justice du duché de la Rochefoucault, de s’assembler les dimanches et fêtes dans les paroisses pour y danser ou boire dans les cabarets ;

Faits défenses à tous marchands d’étaler et de vendre dans les paroisses aucunes marchandises les jours de dimanches et de fêtes ; aux aubergistes et cabaretiers, de donner à boire les jours de dimanches et de fêtes pendant le tems du service divin, ni en tout tems après huit heures du soir en hiver, et après dix heures du soir en été :
Le tout sous les peines portées par ledit arrêt.

 Extrait des registres du Parlement, du quatre mai mil sept cent quatre-vingt-un :

Vu par la Cour la requête présentée par le Procureur général du Roi, contenant qu’il a eu avis que chaque année il se tient, le jour de la Pentecôte, une assemblée au bourg de Cellefroin, situé dans l’étendue de la justice du duché de la Rochefoucault, qu’on appelle Bacherie qu’on peut regarder comme une fête baladoire [1] ; que les habitans assemblés, rangés autour d’une table qui est placée à cet effet au bout de la halle, en prennent un d’entr’eux qu’ils nomment Baron ; qu’on rend contre lui un espèce de jugement, par lequel il est condamné à être jetté dans la rivière, comme accusé d’avoir porté de l’eau avec un crible dans une plaine, pour y faire noyer les lièvres, et d’avoir fait brûler le poisson dans la rivière ; que l’homme appelé Baron est ensuite jetté dans la rivière ; qu’on lui donne trois livres ; qu’il présente ensuite des bouquets à tous les spectateurs, qui lui donnent de l’argent ; que quand ce qu’ils lui donnent n’est pas suffisant, ou s’ils refusent de lui en donner, il prend ceux qu’il peut joindre, et les jette dans l’eau ; qu’en cas de résistance, les habitans qu’on nomme Bacheliers, viennent à son secours, et frappent sur tous ceux qu’ils rencontrent sans distinction.

Que dans la paroisse de Genac, il se tient une assemblée le jour de Noël et les deux fêtes suivantes ; que ceux qui se sont mariés clans le courant de l’année, jettent une boule au sortir de la messe et de vêpres devant la porte de l’Église ; que les jeunes gens armés de bâtons frappent la boule, et se la renvoyent de l’un à l’autre ; que si un nouveau marié ne jette pas la boule, on le saisit ; qu’on crie à l’eau, où il est jette, à moins qu’il ne crie au vin, auquel cas on le mène au cabaret, où il est forcé de payer du vin ; que ceux qui sont spectateurs, doivent avoir une houssine [2] ou un bâton, sans quoi ils seroient saisis et traités comme les nouveaux mariés.

Que dans la paroisse de Saint-Cybardeau, les nouveaux mariés sont obligés de se rendre dans un pré, et d’y porter une boule qu’ils jettent devant ceux qui sont assemblés ; que ceux qui veulent renvoyer la boule et jouer, ont un morceau de bois double ; que ceux qui ne veulent pas jouer, sont obligés d’avoir une houssine à la main, sans quoi ils seroient saisis par ceux qui jouent et obligés de leur payer du vin, et, en cas de refus, jettés dans l’eau.

Que dans la paroisse de Rouillac, on présente, le jour de Pâques, à la sortie de la messe, une corne à celui des habitans qui est le dernier marié, lequel la remet et la rend aux jeunes avec de l’argent pour boire ; que les jeunes gens se la renvoient des uns aux autres, battent du tambour, et dansent le reste de la journée et une partie de la nuit.

Que dans la plupart des autres paroisses situées dans l’étendue de la justice du duché de la Rochefoucauld il y a des assemblées qu’on appelle Frairie qui se tiennent les jours de dimanches ou de fêtes du Patron, où les marchands se rendent, étalent et vendent des marchandises ; qu’on y danse et qu’on se rend ensuite dans les cabarets pour y boire ;

et que de ces différentes assemblées, il en résulte beaucoup d’excès et de désordres ; enfin que les cabaretiers et aubergistes donnent à boire les jours de dimanches et fêtes pendant le tems du service divin, et en tout tems pendant la nuit ; et, comme les fêtes baladoires et autres semblables ont été supprimées par arrêt des grands jours, du 14 décembre 1665, et par un autre arrêt de la Cour du 3 septembre 1667, avec défenses à toutes personnes d’en faire aucunes, et qu’il est important de renouveller les dispositions de ces arrêts, pour prévenir et empêcher les abus qui résultent de pareilles assemblées :

À ces causes requéroit le Procureur général du Roi, qu’il plût à la Cour ordonner que les arrêts des 14 décembre 1665 et 3 septembre 1667 seront exécutés ; en conséquence, faire défenses à toutes personnes, de quelqu’état, qualité et condition qu’elles puissent être, de s’assembler ni de s’attrouper, sous quelque prétexte que ce puisse être, le jour de Pâques dans la paroisse de Rouillac, le jour de la Pentecôte dans la paroisse de Cellefroin, et le jour de Noël et les deux fêtes suivantes dans la paroisse de Genac et dans la paroisse de Saint-Cybardeau, pour jetter aucunes personnes dans l’eau, soit pour jouer à la boule, soit pour battre du tambour et danser, soit pour exiger aucunes sommes des personnes qu’ils peuvent rencontrer ; faire pareillement défenses, tant aux habitans des dites paroisses situées dans l’étendue de la justice du duché de la Rochefoucault, de s’assembler les dimanches et fêtes dans les paroisses pour y danser ou boire dans les cabarets, à peine de cinquante livres d’amende contre chaque contrevenant, même d’être poursuivis extraordinairement, si le cas y échet ; ordonner que les pères et mères, à l’égard de leurs enfans, et les maîtres et maîtresses, à l’égard de leurs domestiques, seront et demeureront responsables de l’amende ; faire défenses, sous les mêmes peines, à tous marchands, d’étaler et de vendre dans les paroisses aucunes marchandises les jours de dimanches et fêtes, aux aubergistes et cabaretiers de donner à boire les jours de dimanches et fêtes, pendant le temps du service divin, ni en tout temps après huit heures du soir en hiver, et après dix heures du soir en été, sous peine de vingt livres d’amende contre les cabaretiers et aubergistes, de cinq livres d’amende contre chacun de ceux qui seront trouvés à boire chez eux, du double en cas de récidive, même d’être poursuivis extraordinairement suivant l’exigence des cas ; enjoindre aux officiers de la justice du duché de la Rochefoucault, de tenir la main à l’exécution de l’arrêt qui interviendra ; et, en cas de contravention, de procéder contre les contrevenans par les voies de droit, ainsi qu’il appartiendra ; enjoindre pareillement aux officiers et cavaliers de maréchaussée de prêter main-forte, si besoin est, pour l’exécution dudit arrêt, lequel sera lu et publié, chaque année, à la requête du Procureur général de la justice du duché de la Rochefoucault, à l’issue des messes paroissiales, à la porte des églises situées dans l’étendue de la dite justice, imprimé et affiché par-tout où besoin sera, notamment dans les bourgs et paroisses situés dans l’étendue de la justice du duché de la Rochefoucault ; la dite requête signée du Procureur général du Roi.

Oui le rapport de Me Léonard de Sahuguet d’Espagnac, conseiller : Tout considéré.

La Cour ordonne que les arrêts des 14 décembre 1665, et 3 septembre 1667, seront exécutés ; en conséquence, fait défenses à toutes personnes de quelqu’état et condition qu’elles puissent être, de s’assembler ni de s’attrouper, sous quelque prétexte que ce puisse être, le jour de Pâques dans la paroisse de Rouillac, le jour de la Pentecôte dans la paroisse de Cellefroin, et le jour de Noël et les deux fêtes suivantes dans la paroisse de Genac, et dans la paroisse de Saint-Cybardeau, pour jetter aucunes personnes dans l’eau, soit pour jouer à la boule, soit pour battre du tambour et danser, soit pour exiger aucunes sommes des personnes qu’ils peuvent rencontrer ; fait pareillement défenses, tant aux habitans desdites paroisses de Rouillac, de Cellefroin, de Genac et de Saint-Cybardeau, qu’aux habitans des autres paroisses, situées dans l’étendue de la justice du duché de la Rochefoucault, de s’assembler les dimanches et fêtes dans les paroisses, pour y danser ou boire dans les cabarets, à peine de cinquante livres d’amende contre chaque contrevenant, même d’être poursuivis extraordinairement si le cas y échet ; ordonne que les pères et mères à l’égard de leurs enfants, et les maîtres et maîtresses à l’égard de leurs domestiques, seront et demeureront responsables de l’amende ; fait défenses, sous les mêmes peines, à tous marchands, d’étaler et de vendre dans les paroisses aucunes marchandises les jours de dimanches et de fêtes ; aux aubergistes et cabaretiers, de donner à boire les jours de dimanches et de fêtes, pendant le temps du service divin, ni en tout temps après huit heures du soir en hiver, et après dix heures du soir en été, sous peine de vingt livres d’amende contre les cabaratiers et aubergistes, de cinq livres d’amende contre chacun de ceux qui seront trouvés à boire chez eux, du double en cas de récidive, même d’être poursuivis extraordinairement suivant l’exigence des cas ; enjoint aux officiers de la justice du Duché de la Rochefoucault de tenir la main à l’exécution du présent arrêt, et, en cas de contravention, de procéder contre les contrevenans par les voies de droit, ainsi qu’il appartiendra ; enjoint pareillement aux officiers et cavaliers de maréchaussée de prêter main-forte, si besoin est, pour l’exécution du présent arrêt, qui sera lu et publié, chaque année, à la requête du Procureur fiscal de la justice du Duché de la Rochefoucault, à l’issue des, messes paroissiales, à la porte des églises situées dans l’étendue de ladite justice, imprimé et affiché par-tout où besoin sera, notamment dans les bourgs et paroisses situés dans l’étendue de la justice du duché de la Rochefoucault.

Fait en Parlement, le quatre mai mil sept cent quatre-vingt-un. Collationné Lutton.

Signé : DUFRANC.

A Paris, chez P.-G. Simon, imprimeur du Parlement, rue Mignon-Saint-André-des-Arts, 1781.


[1Encyclopédie : BALADOIRE, adj. danse baladoire, il se décline : ce sont les danses contre lesquelles les saints canons, les peres de l’Eglise & la discipline ecclésiastique se sont élevés avec tant de force : les Payens mêmes réprouvoient ces danses licencieuses. Les danseurs & les danseuses les exécutoient avec les pas & les gestes les plus indécens. Elles étoient en usage les premiers jours de l’an & le premier jour de mai. Voy. DANSE.
Le pape Zacharie en 744 fit un décret pour les abolir, ainsi que toutes les danses qui se faisoient sous prétexte de la danse sacrée.
Il y a plusieurs ordonnances de nos rois qui les défendent, comme tendantes à la corruption totale des moeurs. Recueil d’édits, ordonnances & déclarations des rois de France. (B)

[2Encyclopédie : HOUSSINE, s. f. (Maneg.) petite branche longue & menue de houx, qui sert à mener un cheval, ou à battre des meubles pour en faire sortir la poussiere.

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