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1787 - Rapport au Roi sur les routes d’Angoumois, par l’Intendant du Limousin

jeudi 22 décembre 2011, par Pierre, 1060 visites.

Ce rapport décrit l’essentiel du réseau routier d’Angoumois à la veille de la Révolution. Il apporte des informations sur les motifs stratégiques et économiques de création des routes, sur leur financement, et sur les relations avec les Intendants des provinces voisines.

Source : Bulletins et mémoires de la Société archéologique et historique de la Charente - 1939 - BNF Gallica


État des Grandes Routes et Communications au mois de décembre 1787

- « N° 1. — 42 pieds de. largeur ; De Paris en Espagne par Orléans, Poitiers, Ruffec, Mansle et Angoulême.

« Cette route est la première par son importance. Elle est une des plus grandes traversées du Royaume. Elle mène à Bordeaux, ville d’un commerce majeur. Elle passe par Angoulême, Poitiers, Tours et Orléans ; mais elle n’est que d’un petit intérêt pour le Limousin et l’Angoumois parce qu’elle traverse une partie dont les débouchés ne sont pas intéressants. »

- « N° 5. — 36 pieds de largeur. De Lyon à La Rochelle par Clermont, Limoges, Angoulême, Hiersac et Cognac.

« Cette route est intéressante. Elle établit des relations entre Lyon et La Rochelle par Limoges, Angoulême, Saintes et Rochefort. Elle facilite la circulation entre le Bourbonnais et la Marche, le Haut-Limousin, l’Angoumois, la Saintonge et l’Aunis. Elle serait bien plus utile sans la barrière que mettent entre l’Angoumois et le Limousin les droits d’aides qui interceptent le commerce des vins et eaux-de-vie ; le commerce des sels par la Charente jusqu’à Angoulême et depuis cette ville jusqu’à destination est un objet fort intéressant. »

- « N° 6. — 36 pieds de largeur. Du Languedoc à Nantes par Figeac, Beaulieu, Tulle, Uzerche, Limoges, Saint-Junien, le Pont-Sigoulant [1], Ruffec, Chef-Boutonne et Niort.

« Cette route est peu-être une des plus importantes du royaume et en même temps de la province. Elle joint la Méditerranée à l’Océan. Elle forme entre ces deux mers la communication la plus courte et la plus directe. Elle traverse tout le Languedoc, le Rouergue, le Bas-Limousin, une partie de l’Angoumois, le Poitou et la Bretagne. Le commerce des deux mers se fera un jour par le secours de la navigation, excepté pendant la guerre, mais les négociants qui voudront aller de Marseille à Nantes, à Lorient et autres ports de la Bretagne et de la Basse-Normandie suivront cette route.

Elle traverse le Limousin dans sa plus grande largeur et établira une circulation intérieure des objets de subsistance entre le Rouergue, le Haut et le Bas Limousin et le Poitou. »

Notons que le rapport dit bien « établira ». Par conséquent, la route n’est qu’en projet. Qu’en a-t-il été exécuté ? Tout, sauf la portion Pont-Sigoulant-Ruffec. Elle a pourtant été amorcée et à la largeur prévue à partir des « Quatre-Vents », entre le Pont-Sigoulant et les Tuilières, aboutissant au Petit-Madieu. Elle n’a pas été continuée. En effet, le Guide du Voyageur en France de 1834 ne nous donne aucune route aboutissant à Ruffec par l’Est.

- « N° 13. — 30 pieds de largeur. Route d’Angoulème à Périgueux par La Rochebeaucourt, Mareuil [2] et Brantôme.

« Cette route est une communication fort intéressante entre le Périgord, l’Angoumois, la Saintonge et l’Aunis et, d’un autre côté, avec le Poitou. Elle facilitera la communication de tous les objets de commerce et de subsistance dont elle aura l’abondance. »

- « N° 16. — 34 pieds de largeur. Route d’étape de Limoges à La Rochelle par Saint-Junien, Chabanais, Chasseneuil, le Pont-d’Agris, Vars, Beauvais-sur-Matha, Saint-Jean-d’Angély et Surgères.

« Indépendamment des débouchés que procurera cette communication à une partie de l’Angoumois, il en résulte déjà une marche plus courte pour les troupes qui passent du Limousin dans l’Aunis. L’étape est déjà établie sur cette route. »

La nécessité de régler la longueur des étapes a pu faire dévier la route vers le Nord par Beauvais-sur-Matha, mais le tracé de la route s’est établi direct par Rouillac et Matha.

- « N° 17. -— 30 pieds de largeur. Route d’Angoulême à Limoges par Pranzac, Montbron, Ecuras, Saint-Mathieu, Gorre, Séreilhac et Aixe. » -

Cette route n’est pas portée sur le Guide de 1834. Mais elle a été suivie par les diligences jusqu’à l’ouverture des chemins de fer.

- « N° 18. — 24 pieds de largeur. Route de la Marche à Angoulême par le Dorat, Confolens, le Pont-Sigoulant et La Rochefoucauld.

« Cette route est très intéressance pour le commerce de l’intérieur. C’est par cette communication que les vins de l’Angoumois et les sels se portent en Marche et qu’on rapporte en retour le bois mérain. D’ailleurs Confolens est un point intéressant, un entrepôt nécessaire au commerce ; l’activité et l’industrie des habitants doivent faire espérer qu il s’étendra beaucoup davantage dans ce canton, à mesure que les communications se multiplieront. »

La route ne s’est pas faite telle qu’elle était projetée. Elle est passée par Bellac et Saint-Claud. En 1834, elle n’allait encore que de Chasseneuil à Saint-Claud.

- « N° 19. — 24 pieds de largeur. Seconde route du Poitou à Limoges par Confolens, Saint-Maurice-des-Lions, Chabrac, Etagnac et Saint-Junien. »

« Cette route, très courte dans ce point, joindra tout le Limousin par la route d’Angoulême et y portera les grains du Poitou dont Confolens est un des entrepôts. »

Confolens était en Poitou.

Cette route était faite en 1834.

- « N° 26. — 24 pieds de largeur. Route de Mansle à Périgueux par le Pont d’Agris La Rochefoucault, Montbron et Nontron. »

« Cette route est une des grandes communications du Poitou avec le Périgord par l’Angoumois. Il y a déjà une route ( le N° 15) qui paraît avoir le même objet, mais elle communique dans des parties bien différentes et plus intérieures de ces provinces. »

La route directe de Montbron à Nontron n’a jamais été faite.

- « N° 27. — 30 pieds de largeur. Route d’Angoulême à Libourne par La Rochebeaucourt, Ribérac, St-Aulaye et Coutras. »

« Partie en chaussée d’empierrement, partie en gravier, cette route fort courte en Angoumois, facilite le commerce des grains qui abondent dans cette partie, et la communication avec Coutras, lieu d’entrepôt de ce commerce entre le Périgord et l’Angoumois. »

Cette route existait en 1834.

- « N° 28. — 24 pieds de largeur. Route des forges de Ruelle aux Mines du Périgord. Embranchement de la route de Lyon à La Rochelle n° 5. »

« Cette route est uniquement pour le service du Roi et de la Marine pour le transport des mines du Périgord à la forge de Ruelle où se fait la fonte des canons, pour la Marine et d’où on les transporte à Angoulême et ensuite à Rochefort par la Charente. Cette route n’est placée dans l’ordre des routes pressées que parce qu’elle sera exécutée plutôt au moyen des fonds que le Ministre de la Marine fait pour le payement de moitié du prix du travail. »

On voit que cette énumération n’a trait qu’aux routes « pressées » c’est-à-dire d’un intérêt urgent. Quant au tracé de cette route n° 28, il n’est pas donné.

- « N° 29. — 24 pieds de largeur. Route d’Angoulème à Saint-Aulaye par Roullet, Blanzac, Montmoreau et Aubeterre. »

« Cette route est absolument intérieure et communique l’Angoumois avec le Périgord pour la circulation des objets de subsistance. »

Cette route n’a jamais été exécutée, du moins telle qu’elle est projetée.

- « N° 32. — 24 pieds de largeur. Route d’Angoulême au Port de Bassau.

« Ce chemin est exécuté. Il l’a été sur les fonds de charité et sur ceux fournis par le comte d’Artois qui a contribué du tiers. L’objet de ce chemin est le transport des bois de la Petite Garenne et leur embarquement au Port de Bassau. Il a encore l’avantage de faire communiquer Angoulême avec plusieurs paroisses au-delà de Bassau. Comme il est bien exécuté et qu’il est utile, il sera mis à l’entretien. »

- « N° 34. — Route d’Angoulême à Vars et Montignac-Charente par Balzac et le Pont-Sureau. 24 pieds de largeur. »

« Cette route est très utile pour le passage des troupes et fort sollicitée pour la communication de l’Angoumois avec la Saintonge. »

Route d’intérêt local. Le Pont-Sureau est le pont sur l’Argence à son embouchure dans la Charente.

- « N° 37. — 24 pieds de largeur. Route d’Angoulème à La Rochelle par Saint-Cybardeaux, Beauvais-sur-Matha, St-Jean-d’Angély et Surgères. »

« Cette route est une des communications les plus courtes de l’Angoumois à La Rochelle. Elle est commandée par la partie faite en Aunis et Saintonge. Elle est trop courte en Angoumois pour se refuser à l’exécuter quoiqu’il y en ait déjà une qui sera plus fréquentée par Cognac et Saintes. »

Pour comprendre l’observation de l’Intendance, il faut se rappeler que la limite de l’Angoumois était à Sonneville, un peu après Rouillac La route projetée ira rejoindre la Route N° 16 entre Vars et Saint-Cybardeaux.

Cette route est portée sur la carte de 1834,

- « N° 40. — 24 pieds de largeur. Ancienne route de poste de Paris à Bordeaux par Poitiers, Ruffec, Villefagnan et Aigre. »

« Cette route est un supplément de facilité pour le commerce. On aurait pu se dispenser de la faire attendu qu’il n’y en a qu’une très petite partie sur la Généralité de Limoges et que la nouvelle route de Paris à Bordeaux aurait été suffisante pour ce canton. Mais M. l’Intendant de La Rochelle ayant fait faire la partie qui lui incombait, M. l’Intendant de Limoges n’a pas pu se refuser a faire exécuter la partie dépendante de son département. »

Pour comprendre cette phrase du rapport, il faut se rappeler les limites des généralités.

L’ancienne route, donnée par Estienne, passait à Chaunay, Sauzé, et quittait à Montjean la Généralité de Poitiers pour entrer dans celle de Limoges. Elle y restait jusqu’à Ebréon où elle empiétait pendant 2 kilomètres sur l’enclave poitevine de Tusson. En quittant cette enclave elle entrait à Aigre en Saintonge et elle n’y restait que pendant 8 kilomètres pour entrer dans
l’enclave poitevine de Gourville, longue de 6 kilomètres.

A partir de Saint-Cybardeaux, la route était sur l’élection de Cognac, dépendant de la Généralité de La Rochelle et elle y restait jusqu’à Pont-à-Brac De Pont-à-Brac à Reignac on était en Saintonge, mais de Reignac à Montlieu.on traversait le Petit Angoumois, Généralité de Limoges.

Par conséquent cette Généralité n’était traversée par la route qu’en deux endroits, de Montjean à Ebréon, 20 kilomètres, et de Reignac à Montlieu, 16 kilomètres. On comprend que l’Intendant de Limoges ne put pas refuser ce travail à son collègue de La Rochelle.

Mais le tracé de cette Route 40 nous montre autre chose.

Contrairement à ce que dit le rapport, l’ancienne route ne passait pas par Ruffec, mais elle suivait le tracé Chaunay, Sauzé, Montjean .Villefagnan. Pourquoi n’est-il plus question de la partie Montjean-Villefagnan et pourquoi est-elle remplacée par le trajet Ruffec-Villefagnan, dans ce rapport de la Généralité de Limoges ?

C’est que les Intendants de Limoges et de Poitiers trouvent inutile de refaire la route entre Chaunay et Villefagnan, très proche et parallèle a la route Chaunay-Ruffec. Il fallait refaire 24 kilomètres de routes, alors qu’il y a seulement 7 kilomètres de Ruffec à Villefagnan.

Qu’a-t-il été exécuté de ce projet ? La carte de Cassini établie définitivement sous l’Empire nous montra que contrairement au projet, la route avait été refaite entre Montjean et Malvieille, point de croisement avec la route Angoulême-Cognac. Elle reprenait ensuite à partir de Pont-à-Brac En 1834 la route est terminée entre Montjean et Sauzé où elle trouve la route Çivray-Niort par les Maisons Blanches et Melle. Cette route les Maisons Blanches-Sauzé, Malvieille sera la route de Poitiers à Cognac.

- « N° 41. — 24 pieds de largeur. Route de Poitiers à Mansles par Civray et Verteuil. »

« Cette route est absolument parallèle et fort rapprochée de la nouvelle route de Poste de Paris à Bordeaux, conséquemment, elle n’aurait dû être exécutée que des dernières. Mais dans un temps de disette Mme la duchesse d’Enville ayant offert de contribuer à la construction de cette route pour une somme égale à celle que donnerait le Roi, on a cru devoir fournir ce moyen de subsistance aux pauvres habitants du canton, et c’est ce motif, qui a déterminé l’exécution du travail plutôt qu’une utilité générale. Ce sera d’ailleurs une communication intérieure qui favorisera d’autant le débouché des denrées. »

Malgré ce que dit ce rapport, il ne semble pas que cette route ait été exécutée. Le tirage de la carte de Cassini contemporain de la Révolution donne un chemin de Gençay à Poitiers. Entre Gençay et Civray il n’y a qu’une petite amorce de 2 à 3 kilomètres partant de Civray vers le Nord. Rien n’est marqué de Civray à Verteuil. Le tirage fait sous l’Empire donne la route jusqu’à Sommières. D’ailleurs, deux ans après l’établissement du rapport, la Duchesse d’Anville vendait sa terre de Verteuil pour émigrer, et ses subsides sont partis avec elle.

- « N° 47. — 24 pieds de largeur. Route de Blanzac à Châteauneuf. »

Le rapport ne donne pas de note explicative.

- « N° 48. — 24 pieds de largeur. Route de Barbezieux à La Rochebeaucourt par Blanzac et La Vallette. »

Sans note explicative.

Barbezieux était en Saintonge et la route devait traverser l’enclave saintongeaise de Charmant. Nous voyons une fois de plus le bon accord existant entre les Intendances de Limoges et de La Rochelle.

- « N° 49. — 24 pieds de largeur. Route d’Angoulême à La Valette et Saint-Sèvérin.

« Si l’on parvient jamais à exécuter les routes ci-dessus (47 à 49), il restera encore à faire les communications de bourg à bourg, de clocher à clocher, de village à village, ce qui démontre qu’il faudra plus de cent ans pour perfectionner toutes les routes du Limousin. »

L’estimation de l’auteur du rapport pour le temps nécessaire à l’exécution des travaux de voirie s’est trouvée à peu près exacte malgré la puissance des moyens que le XIXe siècle a eu à sa disposition.

- « N° 53. — 18 pieds de largeur. Embranchement de Suris sur la route de Limoges à Angoulême, au-dessus de Chabanais.

La carte jointe au rapport montre qu’on aurait utilisé l’amorce faite au-dessus de Chabanais pour le premier tracé devant passer devant la Chètardie, et on aurait continué droit sur Suris par l’ancienne Voie Romaine de la Table Théodosienne.

Tel est le rapport fait au Roi par l’Intendant du Limousin au mois de décembre 1787.

Ce rapport et les notes qui l’accompagnent nous montrent l’immense travail qui avait été préparé par les Intendants pour assurer la prospérité de la France. Le tracé des routes est toujours motivé par des besoins commerciaux et en particulier pour favoriser la circulation des grains qui doivent pouvoir aller des contrées les plus fertiles vers les pays plus pauvres. La note qui accompagne la Route N° 5 montre les inconvénients des barrières douanières intérieures.

L’œuvre de voirie du XIXe siècle n’a été que la mise en exécution du programme tracé par l’Intendant du Limousin, à peine modifié par les circonstances locales.

L. DE LA BASTIDE.


[1le Pont-Sigoulant, commune de La Péruse (16)

[2Mareuil, dépt. Dordogne

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